é par Tlie. DES VESPEUTILIONS. 21 9° V. Javanais, V. A la tête des Noctuloïdes, les oreilles échancrées et les oreil- lons en couteau. Toutes les parties supérieures du corps d'un brun uniforme; les parties inférieures blanchâtres. Les poils n'ont ces couleurs qu'à leur pointe ; ils sont noirs dans le reste de leur longueur. Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queue i pouce 7 lignes. De la queue i i Envergure 7 C'est M. Busseuil, chirurgien de la corvette la Thétis, com- mandée par M. de Bougainville fils , qui a rapporté cette espèce de Java. 10° V. DE GOROMANDEL. A la tête des Noctuloïdes, les oreilles échancrées, les oreillons en couteau. Les parties supérieures du corps sont d'un brun gris jaunâtre, et les parties inférieures blanchâtres. Les poils sont noirs dans les trois quarts de leur longueur, et d'un blond jau- nâtre à leur extrémité. Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queue i pouce 4 lignes. De la queue i i Envergure 6 6 Leschenault a rapporté cette espèce de Pondichéri. ESSAI Pour servir à la détermination de quelques animaux sculptés (i) dans l'ancienne Grèce, et introduits dans un monument histo~ rique enfoui durant les désastres du troisième siècle (2). PAR M. GEOFFROY SAINT-HILAIRE. Représentant de l'Académie royale des sciences dans la com- mission dite de l'expédition scientifique de Morée, et à ce titre appelé à prendre connoissance de quelques débris d'un bas-relief découvert en i83o, et récemment transportés à Paris, je croyois n'intervenir que pour répondre à cet appel : roais entraîné par le sentiment du naturaliste, je me suis trouvé engagé dans d'au- tres soins. Ces débris proviennent du temple fameux consacré à Jupiter et bâti à Olympie, dans la vallée et sur les bords de l'Alphée. On est redevable de leur découverte aux artistes envoyés en Morée, et en particulier à M. Blouet, chef de la section des architectes. Olympie et ses nombreux édifices avoient entièrement dis- paru, mais les écrits de Pausanias portèrent sur leurs traces; et sur une indication qui ne pouvoit être un renseignement utile que pour le zèle et le savoir, M. Blouet se crut sur lem— (i)Par Alcamêne, Téléve et le rival de Phidias. (2) Ce Mémoire a été lu à l'Académie royale des sciences ,1e 1 4 février 1 83 1 , peu de jours après l'arrivée à Paris des parties retrouvées du monument. 24 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION placement d'Olympie, et fit fouiller parmi les alluvions de l'Al- phée. C'est là qu'on découvrit une partie du fronton du temple de Jupiter Olympien, principalement l'un des bas-reliefs décrits par Pausanias, et dont cet auteur célèbre le mérite, en le re- commandant comme dû au ciseau de l'un des grands sculp- teurs de l'époque, Alcamène, l'élève le plus distingué de Phi- dias. Dans ce bas-relief, Minerve honore la force , la valeur et les bienfaits d'Hercule. Une partie des animaux dont le héros a purgé le sol de la Grèce orne cette scène d'ovation. SECTION PREMIÈRE. Observations préliminaires. Qu'étoient ces animaux, quels doivent-ils nous paroître? A l'idée toute naturelle, dans ma position sur-tout, d'essayer d'en donner une détermination, on opposa des règles, certains usages consacrés comme autant de principes par les érudits : il est même pour ce cas un mot, parerga, qui désigne tous les acces- soires de la sculpture antiqvie, et qui sert à exprimer l'espèce de dédain qu'on témoigne pour les accompagnements caricaturés d'un sujet principal. Cependant opposer des généralités, dont il faut d'abord qu'on suppose la prétendue infaillibilité, sans faire la part des cas imprévus, et définitivement les recommander pour détourner d'un projet d'études, cela me parut irréfléchi, et je passai outre. Je reviens aux impressions que je reçus devant les fragments du bas-relief, qui furent d'abord déposés au ministère de l'inté- rieur. Qu'étoient les animaux représentés au temps de Phidias et DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 25 d'Alcamène, ce lion de Némée, cette hydre de Lerne , le tau- reau de Crète, le sanglier d'Erymanthe, etc.? Dans quelle me- sure la nature animale d'alors avoit-elle été consultée? H y a plusieurs races ou espèces de lions, de sangliers, de taureaux, de grands serpents. Jusqu'à présent le sentiment populaire s'é- toit contenté des idées un peu vagues exprimées par ces noms génériques, et l'on n'y avoit attaché aucune importance. Pour- quoi, si de grandes révélations ou de piquantes observations dévoient dépendre d'études plus réfléchies et plus conscien- cieuses de ces vieux matériaux de la fable ou de l'histoire, re- noncer à s'y livrer? Pourquoi le sentiment zoologique, devenu de nos jours plus profond et plus puissant, ne seroit-il pas de nouveau employé à chercher, à démêler ce qu'il peut y avoir de vrai, ou simplement d'emprunté à l'imitation delà nature, dans ces conceptions pittoresques, dans les produits les plus maniérés de l'art? Car, si ce ne sont pas des portraits réels, toujours est-il certain que l'artiste n'a pu marcher contre son but, c'est-à-dire assigner des formes pour qu'elles fussent méconnues. Une autre objection à prévenir est celle-ci : « L'histoire natu- relle ne sauroit raisonnablement intervenir dans des questions de pure mythologie, et faire partie d'une discussion s'appliquant à la configuration de signes symboliques , si les douze travaux d'Hercule ne rappellent que des sujets fabuleux.» Selon l'opinion de la plupart des archéologues, qu'ont entre avitres exprimée Court de Gébelin et Dupuis , les faits attribués à Hercule ne reproduisent , sous une autre forme , que les allégories des douze signes du zodiaque , ne sont qu'une traduction en style grec des scènes et motifs figurant et exprimant allégoriquement l'ancienn e et universelle cosmogonie. Or , l'invention du zodiaque devint Jtnnales du Muséum, t. I", 3* série. 4 20 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION le fond d'une théogonie indienne plusieurs siècles avant le déve- loppement de la vie sociale en Europe. Et comment alors, dans le bas-relief découvert à Olympie , qui ne seroit qu'une trans- formation de cette ancienne composition , trouver des éléments pour une zoologie grecque ? Des esprits généralisateurs vont très vite dans des suppositions qui embrassent tous les âges historiques. Mais défions-nous de ces penseurs, nés avec des cerveaux ardents, pour lesquels pro- duire est un besoin irrésistible, que l'inspiration saisit avant de posséder les faits , bien qu'elle les entraîne au-delà quelquefois avec bonheur au pi^ofit de l'humanité. Et, en effet, c'est pour moi une question encore entière, si les Grecs, entrant dans les voies de la civilisation , ont connu et adopté les fables indiennes ; ou si, partis du même point de barbarie que les sociétés dans l'Inde, ils ont eu à traverser les mêmes obstacles, à épi'ouver les mêmes vicissitudes, à ressentir les mêmes joies de victoires sem- blables, et à inventer également pour leur compte les mêmes manifestations de leurs sentiments (i). (i) Le développement de ce sujet devoit faire le second chapitre du pré- sent écrit: car cette question se lie à une autre assez différente que j'étudie, et dont je compte donner les résultats à la fin de mes travaux sur les osse- ments fossiles du calcaire oolitliique de la Basse-Normandie. Il n'y a d'animaux possibles qu'en raison de l'essence et selon la nature des éléments ambians qui s'organisent en eux. A chaque cycle géologique, ces éléments sont plus ou moins modifiés , et alors ce sont tout autant de formes animales, qui varient dans une même raison. Or, l'homme, qui après tant d'autres animaux, est à son tour intervenu dans le courant de ces change- ments, offroit certes un sujet intéressant d'études, sous ces deux rapports, 1° de son apparition comme constituant une espèce bipède et à tête volumi- DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 27 Dans les appréciations de ce genre, i'on ne sauroit apporter trop de réflexion , admettre trop de distinctions. N'oublions pas les deux nécessités qui poussent l'homme vers sa destination dé- finitive, qui aussi en restreignent les allures aventureuses; c'est-â-dire n'omettons dans nos spéculations l'intervention ni des choses du dedans, ni de celles du dehors. Expliquons cette pensée contractée et par conséquent obscure. Les choses intérieures sont celles qui se manifestent dans l'homme, comme étant absolument engendrées par ses faits de propre nature; ce sont les incitations de toutes les parties de son organisation: et les choses extérieures sont tout ce qui l'affecte par des perceptions causées au-dehors, ou toutes les excitations de son monde ambiant, lesquelles l'astreignent et le livrent, en instrument docile, à la cohésion de ce qui le touche mécanique- ment. Que 1 homme n'obéisse qu'à une seule de ces impulsions , celle du travail intérieur de ses parties organiques, il n'est sus- ceptible dans l'oi'dre des temps que des mêmes actes. D'une nature dans ce cas immuable , il est par cette position, ou devient vis-à-vis de lui-même, une même cause engendrant nécessaire- ment le même effet. Mais n'est-ce pas ce qui se nxontre unique- ment et ce qui se trouve entièrement réalisé à la première neuse et sphéroïdale; et 2° d'une aptitude indéfinie dans le perfectionnement matériel de son être, sur-tout en commençant et cultivant la vie sociale. C'est à de telles recherches que, dans un second article, je voulois appli- quer les déterminations acquises dans le présent Mémoire; mais, arrêté tout d'abord comme je l'ai été, je me réfugie dans le silence. Ce second chapitre devolt contenir un essai d'explication du sens caché sous les formes symbo- liques de l'Hercule grec, une explication, comme la peut concevoir et donner un naturaliste. 28 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION époque de la vie sociale? Au sortir.de la barbarie, il est plutôt excité par les susceptibilités de son instinct que guidé par les lumières d'une raison intelligente; faculté adventive, mais non actuellement advenue. Ce qui appartient à sa nature intime est dans ce moment en pleine puissance d'agir et détermine toutes ses allures, non que l'homme n'ait à se débattre dans son monde ambiant, qu'il ne doive (et certes plus vivement encore) res- sentir tout le poids accablant des parties environnantes, et qu'il ne soit dominé par tant de corpuscules qui pénètrent en lui; se rendant au cerveau par les organes des sens, alimentant la flamme de ses poumons et changeant tovisles rapports chimique^ des ingesta dans ses voies digestives. Mais toutes ces causes d'influence pour l'homme dans l'en- fance de la civilisation sont une constante sans différence ap- préciable, sur laquelle, à la rigueur, la différence des climats pourroit avoir action ; c'est-à-dire sont une constante qui se manifeste comme des parties concentrées, amenées à l'unité d es- sence et par conséquent incapables de variations partielles, quand au contraire les modifications organiques, qui dépendent de l'âge, du jeu plus ou moins libre des organes et d'une multitude de petites circonstances provocatrices , agissent de leur chef avec autorité, et ainsi distinctement. Les hommes, dans les premiers pas de la carrière sociale , n'ont point encore assez de lumières pour réagir contre les forces de la nature, pour diriger le cours des eaux, pour assainir les lieux fangeux, enfin pour réformer en partie leur monde ambiant. Engagés dans les mêmes travaux sur divers points de la terre, ils y pensent de même, s'y répètent de même, mais ne se copient pas. Chaque peuplade se trouve célébrer ses succès par de mêmes chants triomphaux : car il n'y DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 29 a d'histoire soigneusement recueillie et écrite que parmi les nations qui ont vieilli dans la civilisation. C'est ce que ne comprennent point quelques esprits généra- lisateurs, qui, au contraire, apercevant des rapports entre les tendances et les moyens des premiers actes de la vie sociale, ne manquent point dans ce cas d'attribuer l'invention de l'ordre établi au peuple le plus ancien, et ne voient plus que dès effets de réminiscences chez les générations suivantes. Voilà par quelles séries d'idées a passé mon esprit pour, conce- voir comment chaque peuple, placé à d'assez grandes distances comme lieu et comme époque, aura de la même manière com- mencé la vie sociale et se sera de même, ou à-peu-près de même, félicité de ses succès. Mais quant aux douze travaux d'Hercule, je m'appuie sur des preuves plus spéciales et plus directes \ c'est que le caractère et les expressions des faits attribués à ce héros sont uniquement et exclusivement grecs. Chaque nom d'allégorie a son principe dans des raisons de localités : c'est à des Grecs , et en se servant des noms de leurs villes, vallées et montagnes, qu'on parle. Ceci est manifeste dans cette nomenclature : taureau de Gnosse ou de Crète, lion deNémée , sanglier d'Erymantke ou de Calydon, hydre de Lerne , etc. Tout est là d'invention grecque , c'est de l'histoire et de la géographie entièrement helléniques (i). J'avais besoin pour moi et mes lecteurs de ces éclaircissements : (1) Ces réflexions dévoient préparer la discussion d'un second chapitre. Celui-ci ne peut paroître dans le présent ouvrage; et j'aurois peut-être mieux fait aussi de supprimer tout ce paragraphe, où je ne me dissimule pas qu'on ne puisse justement trouvera blâmer le caractère d'un hors- d'oeuvre., 3o ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION au moyen de ces explications , je puis effectivement avancer dans la composition de cet écrit, agir avec une pleine aisance dans les déterminations que je vais essayer de donner. Dans le bas- relief d'Olympie, formant une page, qui n'est pas seulement re- commandable par son antiquité de vingt-deux siècles, mais qui l'est en outre comme émané du grand siècle de la sculpture et comme étant le sujet original d'un commentaire fait par Pausa- nias, nous ne trouvons d'instruction et de souvenirs que pour trois animaux de l'ancienne Grèce. Une partie seulement des sujets exprimant les douze travaux d'Hercule nous est parvenue : 1 hy- dre de Lerne, ou du moins une tête de serpent qu'on en a supposée la repi'ésentation , étoit au nombre des objets retrouvés, mais ce morceau n'a point été rapporté : c'est une perte regrettable. SECTION DEUXIÈME. Considérations zoologiques. Je passe à la description des trois animaux, de celle du moins de leur forme , telle qu'elle nous est présentement transmise par l'art de la sculpture, comme il fut au temps de Phidias. I. Le taureau, objet du sixième travail d'Hercule. Ce taureau est représenté de grandeur naturelle et de profil, la tête étant tournée povir être vue de face; le héros dans une attitude où il déploie sa force athlétique est légèrement incliné, son dos cou- vrant les flancs de l'animal . Il se le soumet, en paroissant l'accabler, non seulement de son propre poids, mais de plus par de vio- lents efforts. Ainsi l'on aperçoit du taureau, par-derrière, sa DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 3l croupe et sa queue artistement jetée, et, par-devant, sa tête; le cou est gros , la corne est pres([ue droite , latérale et fort courte : le masque manque , le marbre étant frustre en cet endroit par suite de brisure; cependant l'emplacement de la face est suffi- samment circonscrit pour qu'on puisse juger de ses proportions et y reconnoître sur-tout un front large et sans hauteur. D'après cet ensemble, et les formes de la queue légèrement floconneuse à l'extrémité, mais en se fondant spécialement sur les caractères plus précis de la tête, je crois reconnoître le taureau sauvage, qui fut autrefois si abondant en Europe, le Bos Uvus, l'aui'ochs, dont il est si souvent question dans les Commentaires de César, qui n'existe plus présentement dans les forêts de la Germanie et que l'action progressive de la civilisation dans les lieux où il est encore souffert, tels que les contrées désertes de la Pologne , de la Russie et de la Turquie , doit prochainement anéantir. Ce n'est qu'à cette espèce que l'on peut attribuer les passages ci-après de Pausanias. « Le taureau de Péonie est de toutes les bêtes féroces la plus difficile à prendre en vie (i) : c'est un animal qui a de grands poils sur le corps, particulièrement sous la gorge et sur l'estomac (2). r, Au temps de Pausanias , l'aurochs auroit donc été déjà refoulé vers l'entrée de la Macédoine , dans des gorges où la rivière de l'Axius prend sa source ; cependant un caractère dans le marbre d'Olympie fourniroit une autorité contraire à cette détermination, c'est le trop de longueur de la queue. Alca- mène, composant d'après ses souvenirs, ne se sera point piqué (i) Lib. X, cap. i3. (2) Lib. IX, cap. 21. 32 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION d'exactitude à cet égard , afin de donner un mouvement plus heureux à cette partie de son bas-relief. II. Le lion , objet du premier travail d'Hercule. Il y a trois sujets qui se rapportent à cette espèce , dans le bas-relief d'O- lympie : i° un lion terrassé, couché et foulé par l'un des pieds du héros; et 2° deux têtes plus fortes que nature, servant d'orne- ment, et qui furent comprises dans l'entablement du fronton : l'une des têtes est vue de face et l'autre de profil. Hercule, dont Hérodote place la naissance cent ans avant îa guerre de Troie, c'est-à-dire i382 ans avant l'ère chrétienne, est réputé avoir combattu et tué pour son premier travail un lion dans la forêt de Némée. Or, cette forêt avoit reçu son nom de son voisinage d'une ville de l'Argolide , située au pied du mont Apésas : en admettant ces données historiques , il y avoit à cette époque très reculée des lions dans le Péloponèse : mais huit cents ans plus tard , il ne s'en trouvoit plus que vers la frontière nord de la Grèce , où ces redoutables animaux avoient jusque-là ré- sisté. Il est avéré qu'il n'en existe plus présentement sur aucun point de l'Europe. C'est par Hérodote que cette particularité , touchant les lieux occupés par les lions au temps de la guerre de Xercès, nous est parvenue (i): il s'en trouvoit un grand nombre dans les pays ren- fermés entre l'Achéloiis et le Nessus , c'est-à-dire dans une partie de la Thrace etde la Macédoine. Xercès, traversant la Péonie, eut une partie des chameaux de ses bagages attaquée et détruite par des lions descendus des montagnes pendant la nuit. Aristote ra- (1) Hist., lib. VII, cap. 120 et 126. DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 33 conte les mêmes faits, qu'il a, suivant moi, copiés et empruntés au père de l'histoire ; il en a fait de même dans bien d'autres pas- sages de ses livres. Le Péloponèse et plus loin les pays de l'Europe situés au nord de la Grèce , avoient-ils leur lion propre, ou n'étoit-ce que le lion de l'Atlas , dont l'augmentation de la population auroit peu à peu détruit la race ? Il n'y a pas long-temps qu'on eût répondu à cette question, en citant la croyance commune qu'il n'y a qu'un lion, \efelis leo des auteurs. Alors même c'eût été contre le sentiment d'Aristote, qui avoit déjà posé en fait (i) qu'il y a des lions d'es- pèces différentes, l'un plus court, à crinière crépue, et d'un caractère plus timide, et l'autre qui est plus coui'ageux, ayant le corps sensiblement plus long, et qui porte une plus belle et plus longue crinière. On doit aujourd'hui d'autant plus d'atten- tion à ce passage, que nous connoissons plusieurs races ou es- pèces distinctes, savoir : 1° Le lion du mont Atlas: un corps très long, et sa crinière magnifique qui lui garnit la tête, qui entoure le cou , et qui s'étend sans intervalle sur l'épaule, le cai^actérisent j c'est le deuxième des lions d'Aristote. 2° Le lion du Sénégal, plus foible, à crinière moins prolon- gée; son épaule n'est ornée que d'un épi de poils. 3° Le lion de Bagdad, tout-à-fait ou à-peu-près sans crinière ; Olivier en parle dans son Voyage en Syrie (2): celui-ci n'a ni le courage ni la taille , ni la beauté des lions africains. 4° Les lions noirs de l'Lide, cités par Élien (3). (i)Hist.,lib. IX,cap. 44. (2) Voy. dans l'Empire ottoman, II, page 426. (3) De Animal, nat., lib. XVII, cap. 26. Annales du Muséum, 1. 1", 3° série. 5 34 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION 5° Enfin, les lions du Cap, que notre ménagerie nous montre avec une queue sensiblement plus courte. C'est sous la préoccupation de l'existence de ces diverses races, que nous allons décrire les échantillons du bas-relief d'Olympie. Premièrement. Du lion entier et terrassé. Il est couché dans une attitude scénique : on le juge irrité de ne pouvoir se soustraire à l'ascendant de son vainqueur; les lèvres sont en retrait, contractées, fortement renflées et à bords sinueux. Le mufle est sillonné, pour rendre l'expression de quel- ques petites excavations cutanées, que l'on a figurées en ligne et d'où sortent les barbillons; les dents canines sont apparentes; la forme des autres est restée non étudiée; les oreilles sont à conque large et plissée; et la crinière est disposée en flocons égaux, qu'on juge arrangés à dessein et pour produire une sorte de chevelure. Au total, l'animal, qui est remarquablement petit, tire sa principale expression de sa tête fort courte. Il est manifeste, d'après ces traits, que c'est à la première des deux espèces d'Aristote que se rapportent les formes du lion scidpté par Alcamène. Mais à laquelle des deux, n" 2 et n° 3? Tout me porte à croire que c'est à la race qui existe encore dans le voisinage de la Syrie. Autrefois il y avoit aussi des lions dans la Syrie elle-même et en Egypte, pays où l'on n'en trouve plus. La Cilicie, l'Arménie et le pays des Parthes en étoient pleins, dit Oppien ; si l'on en voit encore aujourd'hui, ils y sont au moins très rares. Deuxièmement. Sur la tête vue de face. L'artiste a voulu y introduire un caractère de force et de majesté; les lèvres ne sont que dans une demi-contraction; le nez est large et court, plus sensiblement que dans le lion du DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 35 mont Atlas. Les oreilles paroissent plus plissées, moins ouvertes et plus basses que chez les lions actuellement vivants. La cri- nière très singulièrement compassée se trouve si bien distribuée en flocons sinueux et symétriques qu'on croit y reconnoître moins l'intention d'une copie exacte, que le faire d'un calcul, que le sentiment de l'artiste. Troisièmement. Sur la tête figurée de profil. C'est le même travail que dans le cas précédent; il est évident que l'artiste s'est assujetti à l'idéal adopté par lui pour ce sujet, à une composition d'intentions poétiques; mais de plus cette tête m'a fourni une observation intéressante, un fait du moins qui m'a laissé dans une grande incertitude. Six dents bien rangées et d'une forme non équivoque remplissent tout un côté de la mâchoire supérieure. Le même relief apparoît aussi à la mâ- choire d'en bas, mais sous un aspect à cacher une partie des dents, ou à ne les présenter que réduites ou sacrifiées. Les six dents supérieures se reconnoissent sans difficulté, comme faites d'après les six larges dents mâchelières du cheval. Or, ce sont quatre molaires de moitié plus petites, échancrées et à bords profondément sillonnés, qui forment l'arrière-partie de l'arcade dentaire des lions, et à la mâchoire inférieure, trois seulement. Dans ce cas, est-ce ignorance, est-ce calcul, que ces arrange- ments dentaires transportés du cheval et attribués au lion? Il n'est de choix à faire ici qu'entre ces deux partis, inattention ou bizarrerie. Renfermé dans cette position, il me répugne moins d'admettre l'erreur volontaire, qui auroit pris ses motifs dans l'esprit du siècle de Phidias, dans des combinaisons mythologi- ques. Et en effet, ce qui révolte avec tant de liaison notre parti pris d'une fidélité servi le, nos idées reçues d'assujettissement à la 36 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION vérité locale, à une imitation correcte des sujets à représenter, se changeoit pour les Grecs en des principes qui les portoient vers des combinaisons dont ils faisoient des vérités de conven- tion, plutôt qu'à la représentation du vrai lui-même. Je m'explique à cet égard : et en effet, si ce n'est pas tout sim- plement sur une grossière méprise, Alcamène n'auroit suivi que la mode de son temps, en prenant, avec toute licence, en dehors de son sujet de quoi ajouter à l'effet pittoresque, et en sacrifiant la réalité, pour y substituer plus de passion et de poésie. C'étoit des idées que l'on se proposoit alors de traduire avec de la sculp- ture, et non des formes réelles qu'il falloit rendre exactement. Or, le profil d'une mâchoire pleine de dents grandes et robustes pouvoit paroître d'un effet plus menaçant, du moins annoncer bien autrement de la force que les trois ou quatre dents petites, aiguës et découpées du lion, lesquelles, copiées servilement, n'eussent amené sous le ciseau qu'une nature amaigrie. C'étoit autrefois, pour les arts en peinture et en sculpture, comme pour les sciences en physiologie et en médecine ; on né- gligeoit le matériel des choses pour s'en tenir à leur manifesta- tion extérieure : et ce ne fut point par choix, mais par nécessité de position. L'organisation des corps vivants, pour être appré- ciée, réclame l'observation de données si nombreuses, qu'il a bien fallu s'en référer à la lente investigation des siècles. Mais en attendant que la construction de Vadmirable machine eût fourni à toutes les informations désirables, et que la science pût devenir à son égard rationnelle , ses actions , ses mouve- ments, ses relations, sa vitalité, ses combinaisons, ses intus- susceptions, sa capacité pour l'intelligence, et généralement sa manière d'être à l'égard de toutes les parties de son monde am- DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 3'] biant, formoient un ensemble de scènes variées qu'il devenoit plus facile et plus expéditif detudier sur leurs manifestations apparentes. Ainsi, la médecine s'en tint à être hippocra tique ; la physiologie fut traitée par des philosophes , et la poésie s'in- troduisit dans les arts d'imitation. On ne s'inquiéta point de ce qu'étoit chacun de nos organes, pour rester entièrement à la préoccupation de ce que tous ensemble produisoient d'actions au-dehors; c'étoit laisser de côté la construction des animaux pour l'expression de leurs habitudes. Rien n'étoit possible alors au-delà de ce champ d'observations; mais alors, favorisées par cette spécialité d'études, les connoissances de ce genre gagn oient en profondeur; et plus réfléchies que de nos jours, elles ten- doient à introduire le sentiment de ce haut savoir dans toutes les compositions des arts. Est-ce dans ces idées dominantes, qu'au grand siècle de l'art, Alcamène auroit puisé l'inspiration de renchérir sur le gi^andiose de son sujet au moyen d'heureuses infidélités, et décidément, par un mélange calculé de plusieurs traits , chacun donnant sa naïve expression, d'essayer de placer sous l'oeil quelques idées compliquées et d'arriver ainsi à faire un tableau parlant? III. Le sanglier. Le bas-relief d'Olympie n'eut pour y com- prendre une scène de sanglier qu'à produire un groin de cet ani- mal, ou du moins c'est tout ce qui en nous reste dans un morceau présentement isolé. Effectivement, c'étoit assez pour placer dans la composition générale un souvenir du sanglier d'Érymanthe, ou autrement de l'action qui est réputée le troisième travail d'Hercule. C'étoit aussi tout ce que le naturaliste en pouvoit dé- sirer connoître pour la détermination de l'espèce. Cependant 38 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION quel étoit ce sanglier d'Erymanthe, également nommé sanglier deCalydon? Erymantlie étoit le nom d'une montagne d'Arcadie, et Galydon celui d'une forêt située plus au nord et de l'autre côté du golfe de Lépante. Hercule fut renommé pour avoir, ici forcé et pris vivant, et là, tué un énorme sanglier. Le groin, exécuté en marbre, que nous avons sous les yeux, donne très bien les conditions principales et caractéristiques du genre, la saillie du disque nasal et les défenses qui excèdent et qui contournent la lèvre en la dirigeant vers le haut. Cependant ces défenses sont grêles, rondes, assez longues pour atteindre la hauteur du museau, symétriquement arquées , bien ajustées, l'antérieure étant au-dessous de l'autre , et toutes deux enfin paroissant tout-à-fait appliquées sur le derme. 11 y a sans doute dans cette conformation de quoi satisfaire à la reconnoissance du genre sanglier, Alcamène ne s'étant proposé rien déplus; car ce qui a pu contenter cet artiste selon les idées de son temps, nous paroît passer à des effets d'indifférence pour l'exactitude. D'au- tres mœurs nous ont fait aujourd'hui les hommes de la précision. Nous voulons laisser aux faits tous les enseignements de leurs conditions matérielles, quand on ne vouloit retirer d'eux autre- fois que la manifestation de leur essence poétique. Ce point de fait reconnu, à quoi bon, dira-t-on, une déter- mination scientifique du sanglier du Péloponèse d'après un marbre qui n'en seroit qu'une copie infidèle? La remarque est juste, et je ne lui oppose que ces deux foibles réponses: i° l'in- exactitude de ce modèle n'est que présumée, et 2° que ne doit-on pas attendre du savoir actuel en histoire naturelle, pour com- prendre d'anciennes études faites instinctivement d'après les animaux? DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. Sq On compte plusieurs espèces de sanglier. Laquelle d'entre elles aura valu à Hercule l'honneur d'un nouveau triomphe? Le modèle nous laisse dans l'incertitude. Si nous l'avions reçu d'un statuaire moderne, nous pencherions à y trouver le type d'une espèce inconnue; mais, avertis, comme nous le sommes, des habitudes du faire antique, nous choisirons entre les animaux de notre actuelle zoologie. J'exclus d'abord, même sans autre justification que les indi- cations suivantes, i° les sangliers d'Amérique à défenses qui se croisent et se prolongent droites à la manière des dents canines des lions; 2° le sanglier des îles de l'Archipel indien, ou le baby- roussa, à défenses très longues, menues, grêles et contournées en spirale; 3° le sanglier de Madagascar ou le sanglier à masque, qui porte une excroissance mamillaire derrière ses défenses. Restent les deux espèces sus scrofa et sus œthiopicus. Le sanglier vulgaire, scrofa, existe dans tout l'ancien conti- nent. Long -temps nous l'avons cru exclusivement propre à l'Europe, dont en^ffet il habite les terres marécageuses et boi- sées; mais je l'ai moi-même rencontré en Egy]lFte, d'où il se sera répandu dans les terres adjacentes; ce que nie Aristote à tort, et pour avoir copié une erreur échappée à Hérodote. Ce san- glier vit aussi dans les Indes; c'est ce que nous savons par un crâne provenant de Jaffno et déposé à notre collection des squelettes par le docteur Reynaud, chirurgien et professeur à l'hôpital de Toulon. L'autre espèce, œthiopicus, que fort anciennement Adanson avoit vue au Cap-Vert, ainsi que l'attestent plusieurs fragments qu'il en avoit déposés au Cabinet du roi, fut pour la première fois, en 1777, publiée par Pallas. Pour exprimer toute sa sur- 4o ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION prise et ses vives impressions, à la vue des formes extraordi- naires de cette curieuse espèce, Pallas lui fit, au commence- ment de son article, une application du pi^overbe romain : Africa ferat monstris. Aspect horrible, naturel furieux, caractère opi- niâtre et indocile; animal né pour la fange, créé pour nuire, et n'étant pas même après sa mort une venaison passable; que de motifs pour en faire proscrire la race! Et par conséquent, si cet affreux animal désoloit la Grèce, au temps des campagnes d'Her- cule, nul doute que ce n'ait été cet énorme sanglier que le demi- dieu aura poursuivi sur le mont Erymanthe, atteint et vaincu dans les forêts de Calydon. Mais le sus (éthiopiens existoit-»il alors en Grèce? Il y a quel- ques années et avant les voyages de M. Ruppel dans le Kordo- fan et dans l'Abyssinie, on auroit pu alléguer des impossibilités, tenant à des distances géographiques. Ces raisons ne subsistent plus avijourd'hui; le voyageur Ruppel a rencontré ce même sanglier au-delà des Cataractes sur les bords du Nil et dans l'A- frique centi^ale ; or, il est là avec le lion de petite taille. Pour- quoi les mêmes événements n'auroient-ils pas pareillement dé- cidé de leur sort? Comme le lion de l'Attique, l'énorme sanglier de l'Ethiopie aura bien pu dans la péninsule grecque peu à peu céder le terrain aux sociétés humaines, c'est-à-dire succomber sous les efforts du nombre accru et de l'industrie des hommes. Ainsi nous pouvons hésiter dans notre détermination de l'espèce d'Erymanthe entre le sanglier vulgaire et le sanglier aux quatre cornes d'Élien; car c'est ainsi que cet ancien auteur nomme les énormes défenses du sanglier d'Afrique. Duquel de ces deux sangliers l'échantillon du temple grec s'approche-t-il le plus? Par le volume, la moindre longueur, et en général par les pro- DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 4l portions des défenses, c'est du sanglier vulgaire; et c'est de l'autre au contraire par plus de courbui'e et par plus de rondeur de ses dents. La défense supérieure diffère de l'inférieure chez le sanglier africain tellement par le volume que, pour cette seule considération, il faut abandonner l'idée d'attribuer le groin sculpté par Alcamène à celui du sanglier quadricorne d'Élien. Toutefois j'ai parlé tout-à-l'heure d'un rapport : leurs tiges sont de même arrondies , quand , pour ressembler à ce qui est dans l'autre espèce, il eût fallu les trouver comprimées et légèrement triangulaires: au surplus, les formes des défenses de l'échantillon se rencontrent mieux avec celles de notre sanglier dans vine extrême vieillesse, parceque l'âge augmente les effets de l'usure, ce qui diminue les côtes ou saillies latérales, et qu'en prenant plus de longueur, les défenses se refoulent moins latéralement, mais se rangent un peu plus l'une au-devant de l'autre. Après cet examen comparatif, nous restons persuadés que ce sont les formes du sanglier vulgaire qu'Alcamène a eu l'inten- tion de reproduire dans son bas-relief; d'où il faut alors con- clure que, trois cent cinquante ans avant l'ère chrétienne , c'étoit notre sanglier européen, sus scrofa, qui se trouvoit en Grèce; conclusion qui toutefois n'exclut pas qvie l'autre espèce, plus digne du courage d'Hercule, ne se trouvât point aussi dans le mêmes contrées dix siècles auparavant. Si la destruction de cette espèce a pu en effet mériter au demi- dieu les hommages et la reconnoissance de la Grèce, cela reste et demeurera un problème dont il n'y a point à espérer la solution . Je n'ajouterai rien de plus à ces remarques concernant les Annales du Muséum, 1. 1", 3' série. 6 /|;2 ESSAI POUR spavm a la détermination, etc. animaux représentés dans le bas-relief du temple de Jupiter Olympien. Les longs développements dans lesquels je viens d'entrer m'ont paru commandés par l'obscurité de cette thèse , en même temps que par l'intérêt du sujet. Et en effet c'est une page de l'histoire ancienne qui étoit perdue, et qui vient d'être retrouvée dans ce monument d'une date authentique; page très remarquable sans doute, puisque nous pouvons, en i83i, y aller rechercher la pensée d'une raison supérieure exprimée, à une époque aussi reculée, y venir admirer l'œuvre d'un artiste du grand siècle de la sculpture. Cette page, j'ai dû m'y attacher, la discuter même, non à titre d'antiquaire et d'érudit que je ne suis point, mais comme m'en faisoient un devoir et ma position et le genre de mes études. Les révélations qu'elle porte à mon esprit avoient été plus loin , puisqu'elles m'avoient entraîné dans d'autres explications, celles d'un second article. Je ne sais si je le publierai un jour; mais ce ne pourra être dans le présent ouvrage. SUR LE POISSON APPELE MAGHiERA. PAR M. LE B" GUVIER. La petite tribu des poissons à museau en forme d'épée ou de broche comprenoit depuis long-temps deux genres connus des naturalistes; lesXiphias, qui n'ont point de ventrales, dont le bec est déprimé et tranchant, et dont la queue a, de chaque côté, une carène saillante; et les Voiliers ou Histiophores qui ont des ventrales longues et minces, un bec grêle, arrondi, une très haute dorsale , et deux crêtes saillantes de chaque côté de la queue. A ces deux genres, M. Rafinesque (Garatteri, p. 54, pi. I, f. i) en a ajouté un troisième, celui des Tétraptures , à bec grêle et peu alongé, à dorsale basse, à ventrales minces, et dont la queue a, comme celle des Voiliers, deux crêtes de chaque côté. On en trouve, dans l'Histoire des Poissons de M. de Lacépéde (tome IV, p. 688 et 689, et pi. XIII, f. 3), un quatrième nommé Makaira ou plutôt Machœra, qui ressemble au Voilier par son museau grêle et rond, par sa haute dorsale, et par les crêtes des côtés de sa queue, mais qui manque de ventrales comme le Xiphias. Cependant cet article de M. de Lacépéde, rédigé sur un dessin grossièrement fait par quelque pêcheur, d'après un individu pris auprès de La Rochelle en 1802, n'avoit pas toute l'authenticité désirable. Je crus donc devoir écrire en cette ville pour savoir s'il n'y subsistoit pas quelques restes de cet indi- 44 SUR LE POISSON APPELÉ MACH.ERA. vidu, et je reçus de M. d'Orbigny la figure du museau d'un autre pris à l'île de Ré en 1772, auquel Lafaye avoit déjà donné le nom de Machœra; mais ce museau est si long et si mince, qu'il ne paroissoit nullement correspondre à celui de la figure du Machœra de M. de Lacépède. Il annoncoit toutefois une espèce inconnue de poisson à épée, et quelques museaux plus ou moins semblables conservés au Muséum fournissoient des indications analogues. J'ai donc recommandé la recherche des animaux entiers à l'intérêt des voyageurs, dans le huitième vo- lume de notre grande Histoire des Poissons, p. 807. Déjà M. Lamarre Piquot nous a appris qu'il existe dans la mer des Indes un Voilier, connu aux Séchelles sous le nom d'Em- pereur, dont le museau est beaucoup plus mince que celui du Voilier commun, puisque sa largeur est vingt-cinq fois dans sa longueur, tandis que dans le Voilier commun elle n'y est que quinze fois; ce Voilier, comme le commun, a des ventrales longues et grêles. M. Ricord, médecin établi à Saint-Domingue, vient d'adresser au Muséum d'Histoire naturelle deux individus d'une espèce qui répond au Machaera par ses caractères génériques, puis- qu'elle n'a pas de ventrales, et que sa queue a deux crêtes de chaque côté, mais qu'il est presque impossible de regarder comme identique avec celle de M. de Lacépède, tant elle diffère, par ses proportions , de ce qu'annonce la figure publiée par ce naturaliste. Dans tous les cas, la description que nous allons en donner compléteroit et rectifieroit celle que M. de Lacépède n'a pu faire que d'après un dessin presque informe. Ses proportions sont alongées; sa nageoire haute; son mu- seau très grêle. {Voyez pi. 3. ) SUR LE POISSON APPELÉ MACHERA. 45 Sa longueur, prise depuis la pointe de l'épée j usqu a la ligne ver- ticale qui joint les deux pointes de sa caudale, comprend douze fois sa hauteur prise à la base des pectorales, et sa largeur au même endroit est des deux tiers de sa hauteur. Le corps diminue presque uniformément jusqu'à la base de la caudale, où il n'y a guère plus du quart de la première hauteur, et où la largeur est encore de moitié moindre. La longueur de la tête, prise de la pointe du bec au bord postérieur de l'opercule, est trois fois et un tiers dans la longueur totale. Le museau , mesuré de sa pointe à la commissure des mâchoires , prend les trois quarts de la lon- gueur de la tête. La mâchoire inférieure, mesurée depuis cette commissure jusqu'à sa pointe, a sa longueur deux fois et demie dans celle de la mâchoire supérieure, mesurée de la même ma- nière. L'épée est un peu déprimée j ses deux bords sont arrondis; elle diminue régulièrement jusqu'à sa pointe. Tout ce qui est au-dessus delà mâchoire inférieure a la forme d'un demi-cône, et les coupes transverses en seroient à-peu-près demi-circulaires. Si l'on prend sa largeur à l'endroit qui est au-dessus de la pointe de la mâchoire inférieure, elle est comprise seize fois depuis sa propre pointe jusqu'à cet endroit-là, vingt-cinq fois jusqu'à l'oeil, et vingt- huit fois jusqvi'à la commissure des mâchoires. La ressemblance de ce museau avec celui de l'Empereur des Séchelles est si grande, que si nous ne connoissions pas les ven- trales de ce dernier, nous n'aurions pas hésité à regarder les deux poissons comme de même espèce. Les bords et le dessous du bec supérieur, et le dessus de la mâchoire inférieure, sont hérissés d'âpretés, ou de petites dents serrées, plus nombreuses et bien moins fortes que celles qui for- ment l'âpreté du Voilier ordinaire. 46 SUR LE POISSON APPELÉ MACHjERA. L'œil est latéral sur la dernière partie de la fente de la bouche, de façon que son bord postérieur est verticalement au-des-* sus de la commissure. Il est à-pen-près à moitié de la hau- teur de la mâchoire supérieure à cet endroit; son diamètre est du huitième de la longueur, prise de la pointe de la mâ- choire inférieure au bord postérieur de l'opercule, et il est à trois de ses diamètres de ce même bord, et à un peu moins de deux diamètres de l'oeil de l'autre côté. Sa sclérotique est os- seuse et de deux pièces comme celle du Xiphias. La narine est à un demi-diamètre en avant de l'oeil, un peu plus haut que son milieu; elle a deux trous très rapprochés sépa- rés par une petite languette, et dont l'antérieur est de moitié plus petit. Entre les yeux le dessus de la tête est un peu moins convexe que plus en avant. Le bord montant du préopercule est à moitié distance de l'oeil à l'ouïe fort entier, formant avec le bord inférieur une courbe presque en portion de cercle. Le bord commun de l'opercule et du subopercule est aussi à-peu-près en arc de cercle, mais de moindre courbure. Le subopercule prend à-peu-près deux cin- quièmes de la hauteur. La membrane branchiotsège paroît fendue jusque sous l'œil; elle a sept rayons, dont le supérieur est large et plat. La pectorale, en forme de lame de faux étroite et pointue, et d'un peu plus du huitième de la longueur totale, est attachée très bas, et vis-à-vis l'interopercule; elle a dix-sept ou dix-huit rayons, dont le dix-huitième n'a pas plus du douzième de la longueur du premier qui est très fort. Je n'ai pu apercevoir aucuns vestiges de ventrales. SUR LE POISSON APPELÉ MACHERA. 4? La première dorsale commence à l'aplomb de la fente des ouïes, et règne jusque sur le quart postérieur; elle a d'abord cinq rayons que l'on peut appeler épineux, dans la rigueur du terme; ils sont robustes, leur surface est grenvie. Le cin- quième, qui est le plus long, a un tiers de plus en hauteur que le corps; le quatrième a moitié moins; le troisième, trois quarts moins; le deuxième n'a que le neuvième de la hauteur du cinquième; et le premier de tous, le quart de celle du se- cond. Les rayons suivants sont aussi des rayons épineux, en ce sens qu'ils n'ont point d'articulations, mais ils sont flexibles; et les neuf ou dix antérieurs, c'est-à-dire depuis le sixième jusqu'au quatorzième ou au quinzième, sont divisés à leur som- met en plusieurs filets. Ceux qui suivent se terminent en pointe simple. Le nombre total, y compris les cinq dont nous avons parlé d'abord, est de quarante -cinq. Les sixième et septième sont de la hauteur du cinquième; à compter du huitième ils s'alongent jusqu'au quatorzième et au quinzième qui sont les plus longs, et presque doubles du cinquième; ensuite ils dimi- nuent assez rapidement pour que le trente-troisième n'ait déjà plus que le huitième de la hauteur du quinzième, et que les derniers soient presque cachés dans la peau. Dans nos indivi- dus la deuxième nageoire dorsale est vraiment séparée de la pre- mière par un intervalle nu; mais je ne sais pas si, comme dans le Xiphias de nos mers, c'est un effet de l'âge. Cette deuxième dorsale est du vingt-cinquième ou du vingt-sixième de la lon- gueur totale. Sa distance à la caudale est du double de sa lon- gueur. Ses rayons, au nombre au moins de sept, articulés et branchus, n'ont pas moitié de cette même longueur en hauteur, excepté le dernier qui s'alonge un peu en pointe. Ils sont 48 SUR LE POISSON APPELÉ MACHERA. précédés d'un petit épineux caché dans le bord antérieur. Il y a aussi une première et une seconde anale. La première commence sous le trente-cinquième rayon de la première dorsale, à-peu-près aux trois cinquièmes du poisson. Elle est courte, trian;ra Jetifera N.^rudej- dw ^iLi-éitm - m. tPeÛitpar /?Sv«v . Graoè par S^lee SUR LE POISSON APPELÉ MACHERA. 49 ligne latérale , deux crêtes horizontales et longitudinales semi- elliptiques, à bord tranchant. Dans son état desséché le corps paroît d'un brun un peu teint de bleuâtre vers le dos. La doisale est d'un brvin bleuâtre, et entre chacun de ses rayons est une série de petites taches noires et rondes ou ovales. Un de nos individus est long de sept pieds; l'autre de huit. La comparaison que novis avons faite du museau de ce poisson de Saint-Domingue, avec celui du Machaera, échoué à l'île de Ré en 1772, et conservé au Musée de La Rochelle, nous porte à croire qu'il est de la même espèce, laquelle se trouveroit ainsi du petit nombre de celles qui traversent quelquefois l'Atlantique. Nous pensons aussi que c'est à cette espèce qu'appartient le museau indiqué dans notre huitième volume, page 3o8, sous le nom de Gracili-rostris. Quant à \ Empereur des Séchelles, indiqué dans le même volume, page Sog , nous ne l'en aurions guère cru différent, si nous ne savions pas qu'il a des ventrales ; mais l'es- pèce dont nous avons indiqué le museau, sous le nom àAncipiti rostris, s'en distingue aisément par la dépression de son arme, et l'aplatissement de son crâne avant et entre les yeux. Annales du Muséum, t. I", 3' série. DESCRIPTIONS DE PLUSIEURS ESPÈCES NOUVELLES DE POISSONS DU GENRE APOGON. PAR A. VALENCIENNES. Depuis la nouvelle impulsion donnée à l'ichtyologie , les Apo- gons forment, dans la grande famille des Percoïdes à deux dorsales, un genre assez nombreux. M. Guvier a montré (i) comment l'Histoire naturelle de l'Apogon commun (^Apogon Rex mullorum. Cuv. Val. ) se trouvoit embrouillée par les ichtyolo- gistes, nos prédécesseurs. Dégagée de ces erreurs, l'histoire de ce petit poisson de la Méditerranée est devenue, sous la plume de ce grand naturaliste, pleine d'intérêt. Trois autres espèces de ce genre étoient déjà mentionnées dans différents ouvrages; mais elles étoient rapportées à des genres dont elles n'ont pas les caractères assignés par les naturalistes. Ainsi JohnW^hite(2)et Thunberg(3)rapportoient les leurs au genre des Mulles, avec lesquelles ces poissons ont en effet quel- ques ressemblances. Commerson avoit plusieurs fois observé une autre espèce dans ses différentes relâches pendant ses navigations (i)Cuv. Val. Hist. nat. des Poissons, tom. IJ, pag. i43. (2) Mullus fasciatus. John White. New. South. Walles, p. 268, fig. i. (3) Mullus fasciatus. Thunberg. Lettre manuscrite à M. de Lacépède. 52 DESCRIPTIONS DE PLUSIEURS ESPÈCES sur la mer des Indes; et M. de Lacépéde établit sur les descrip- tions et sur les figures laissées par ce naturaliste voyageur des genres particuliers , ou les classa dans des genres comprenant des animaux si différents, qu'il a fallu toute la sagacité de M. Guvier, et la possession des matériaux de M. de Lacépéde pour en recon- noître l'identité, et retrouver leurs affinités naturelles (i). Le premier travail de la grande Histoire naturelle des Poissons que M. Cuvier m'a appelé à publier avec lui, augmentoit de beau- coup le nombre des Apogons, et portoit à seize espèces la mono- graphie de ce genre. J'en ai fait connoître bientôt après trois nouvelles dans le supplément du troisième volume de notre ou- vrage (2). Deux autres furent ensuite décrites dans le supplé- ment au sixième (3) , et une dans le supplément au septième volume (4). Nos correspondances suivies nous en ont procuré plusieurs autres depuis ces publications. M. Desjardins en a envoyé de nouveaux de l'Ile-de-France. Les naturalistes, compagnons de M. d'Urville pendant son voyage autour du monde, en ont en- core rapporté plusieurs espèces distinctes entre elles , et diffé- rentes de toutes celles publiées précédemment; elles viennent, à l'exception d'une seule, des mers de l'Inde, où se trouvent toutes celles connues jusqu'à ce jour. Une a été pêchée sur les (i)Cuv. Val. loc. cit., pag. i55,etpag. 161. (2) Apogon roseipinnis. Cuv. Val. Poiss., tom. III, supplément p. 490. Apogon zeylonicus. Eor. ibid., p. 491- Apogon thermalis. — Eor. ibid., p. 492. (3) Apogon maculosus. — Eor. tom. VI, supplément pag. 493- Apogon vinosus. — Eor. ibid., pag. 494- (4) Apogon auritus. — Eor. tom. VII, supplément p. 443- NOUVELLES DE POISSONS. 53 côtes de l'Ascension. Nous avons déjà fait observer que l'Apogon commun s'avance dans l'Atlantique jvisqu'aux Canaries (i). Les naturalistes connoissent donc deux Apogons vivant dans le vaste bassin de l'Océan Atlantique; mais nous n'en avons encore reçu aucune espèce des côtes d'Amérique. La première des espèces nouvelles qui fait le sujet de ce Mé- moii'e a été prise sur les côtes de la Nouvelle-Guinée. Elle ressemble à l'Apogon aux nageoires noires. (^Âpogon nigripinnis. Cuv. Val. Hist. nat. Poiss. tom. II, pag. i52.) Je la nomme: Apogon de la Nouvelle-Guinée. [Apogon novœ Guineœ. Nob. PI. 4,fig. I.) Ce poisson a, comme l'Apogon commun, le corps médiocre- ment comprimé, ventru dans sa partie moyenne, mais propor- tionnellement encore plus court. L'intervalle qui sépare les yeux est plus étroit, la caudale est courte, et coupée carrément. Les nombres des rayons des nageoires sont: D.7_i-A| — GiQ. — P. 12.— V^. ' 9 ^ 5 La couleur du dos est rougeâtre, et parsemée de petits traits noirâtres irrégulièrement distribués j celle des côtés et du ventre est argentée; la première dorsale est bordée de noirâtre, et la seconde teintée de gris a la base blanche ; le lobe inférieur de la caudale est gris noirâtre, bordé en dessous d'un trait blanc à reflets nacrés; les autres nageoires sont blanches. On ne voit aucune trace de bandes verticales ou longitudinales, ni de ta- che noire sur la queue près de la caudale. Sur le haut du bord (r) Cuv. Val. Hist. nat. des Poiss., tom. VI, supplément p. 493. / / 54 DESCRIPTIONS DE PLUSIEURS ESPÈCES membraneux de l'opercule il y a du noirâtre. Cette description est faite sur un individu long de trois pouces. L'ApoGON des MoluQUES. [Apogon Moluccensis. Nob.) -\ ■ Une seconde espèce, prise à Amboine par les mêmes natura- listes, comparée avec la précédente, offre les différences sui- vantes. Le corps est un peu plus alongé, le chanfrein est sillonné par des stries longitudinales qui n'existent pas sur le crâne de l'es- pèce précédente: l'anale est moins haute, et la caudale échancrée. Les nombres des rayons sont : D.y A^jCtc. 9 o La couleur est uniformément rougeâtre, sans points et sans aucun vestige de taches ou d'anneaux près de la caudale. Les lèvres ont du noirâtre, ainsi que la pointe de la première na- geoire du dos. La seconde dorsale est un peu grisâtre, et la caudale toute blanche. L'individu qu.e je viens de décrire est long de trois pouces. ,,, , vL Apogon de Guam. {Apogon Guamensis. Nob.) Uiife' autre espèce voisine de la précédente est originaire de l'île Guam. Elle en diffère par le museau qui est plus court. L'intervalle entre les yeux plus large et plus bombé, lui donne une physio- nomie particulière. Le dos est plus arqué, la première dorsale plus basse, l'anale est plus haute, la caudale n'a qu'une simple échanerure. Les nombres des rayons des nageoires sont: D.7---Ag,etc. NOUVELLES DE POISSONS. 55 La couleur paroît avoir été plus uniformément rougeâtre, avec des reflets argentés moins prononcés sur le ventre. Les na- geoires sont grises-verdâtres, assez foncées. Les individus que MM. Quoy et Gaimard ont rapportés sont longs de trois pouces. L'Apogon DE LA Nouvelle-Hollande. {Apogon Novœ Hollandiœ. Nob. PI. 45^8- 2.) Les côtes de la Nouvelle-Hollande nourrissent avec l' Apogon à quatre rubans [Apogoïi quadrifasciatus. Cuv. Val. loc. cit., pag. i53) une autre espèce dont les mêmes naturalistes n'ont rapporté que des individus à peine longs de deux pouces. Elle est remarquable par son corps raccourci, élevé, et son dos très arqué. Les rayons épineux de la première dorsale sont très forts et assez hauts. La seconde dorsale et l'anale sont courtes. Les nombres des rayons des nageoires sont comme à l'ordinaire : Le corps est couvert d'écaillés âpres, et assez fortes. Il y a du noirâtre aux ventrales, et sur le bord de la dorsale. Le reste du corps paroît avoir été rougeâtre, un peu argenté sous le ventre. Il n'y a point de traces de taches ou de lignes. L'Apogon varié. [Apogon variegatus. Nob.) Nous avons encore trouvé un Apogon voisin des précédents parmi les poissons que M. Desjardins recueille sur les côtes de l'Ile-de-France, Celui-ci a le corps plus ovale qu'aucun autre à cause de sa 56 DESCRIPTIONS DE PLUSIEURS ESPÈCES hauteur entre la seconde dorsale et l'anale. La ligne latérale est tracée en haut près du dos. Les épines de la première dorsale sont fortes, mais courtes; la caudale est arrondie. Les nombres des rayons des nageoires ne diffèrent pas de ceux que nous comptons sur les espèces précédentes : TA I » 2 D.7-^-Ag,etc. Mais les couleurs offrent des différences notables ; celle du corps est rougeâtre, variée de taches nuageuses plus ou moins effacées. Les nageoires sont olivâtres et couvertes de petits points bruns. Les ventrales ont du noirâtre. La collection du Muséum a reçu plusieurs individus qui n'ont tous à peine que deux pouces. L'ApoGON AXILLAIRE. (Apogon axillaris. Nob. PI. 4,%. 3.) Enfin nous trouvons encore une fort jolie espèce parmi les collections des compagnons de M. le capitaine d'Urville. Elle a le corps alongé , la première dorsale assez élevée , ce qui lui donne un peu la tournui^e d'une ambasse, avec lesquelles cependant on ne peut la placer, parcequ'elle n'a point de dente- lures au sous-orbitaire , ni de double carène au bord inférieur du préopercule. La caudale est un peu fourchue. Les nombres sont: D.6 A-, etc. 9 7 Le corps est rougeâtre, sablé de très petits points noirâtres; la tête est rembrunie. Une tache très noire occupe la base de NOUVELLES DE POISSONS. S'] la pectorale , se contovirne un peu en dessus et en dessous der- rière la nageoire, dans les angles de l'aisselle, dont le centre est blanc semé de points noirs. A l'extrémité de cette nageoire il y a une tache pâle et grisâtre. Ce nouvel Apogon n'a que deux pouces et demi de longueur. Il vient de l'île de l'Ascension ; c'est la seconde espèce connue de l'Atlantique. Ces cinq espèces ont la forme courte et élargie de l'Apogon de la Méditei^ranée, et l'anale soutenue par un petit nombre de rayons. Elles doivent donc être placées auprès d'elle. Nous trouvons parmi les collections faites à la Nouvelle- Guinée, à Guam, l'une des Mariannes, et à l'île Vanicolo, par MM. Quoy et Gaimai'd, deux espèces qui ressemblent par leur corps alongé, et par la disposition de leurs couleurs distri- buées par raies longitudinales, à celle que nous avons nom- mée Apogon à neuf rubans. [Apogon novemfasciatus. Cuv. Val. loc. cit., p. 154.) Les desci^iptions que je vais en donner sont donc comparatives avec celle de cette espèce, et je prie le lec- teur de ce Mémoire de recourir à cet endroit de notre Ichtyo- logie. Apogon bridé. {Apogon Frœnatus. Nob. Pi. 4, fig. 4-) L'espèce prise à la Nouvelle-Guinée, et à l'île Guam, a le corps alongé et la tête un peu déprimée. Les deux bords du préopercule sont très fortement dentelés; les dentelures forment à l'angle du limbe des espèces de petites pointes. Les nombres de ses rayons sont : D.7 At;, etc. 9 ^ 4nnales du Muséum, 1. 1", 3° série. S 58 DESCRIPTIONS DE PLUSIEURS ESPÈCES Mais ses couleurs sont différentes de celle de l'Apogon à neuf rubans. Le corps, qui paroît avoir été rougeâtre, porte un seul ruban noirâtre sur le milieu des côtés. Il avance sur la tête jusqu'à l'oeil, et reparoît au-devant de l'orbite, de ma- nière à se joindre avec le ruban du côté opposé, et à ceindre l'extrémité antérieure du museau, comme le feroit une bride. Il y a sur la queue une tache noire arrondie, à l'extrémité du ruban latéral; la première dorsale a le bord supérieur noirâtre; un trait brunâtre colore la base de la seconde nageoire du dos, et y forme sur le dernier rayon une tache plus foncée. L'anale offre une pareille ligne noirâtre, mais qui n'est pas terminée par une tache. La caudale est fourchue, et bordée de noir supé- rieurement et inférieurement. Cet Apogon a près de quatre pouces de longueur. ApoGON a trait latéral. [Apogon lateralis. Nob. ) Une autre petite espèce que les mêmes naturalistes ont prise à Vanicolo, pendant le même voyage, ressemble à celle que je viens de décrire. Elle a le corps un peu plus haut, le dos plus bossu, le museau plus court, moins aplati, la caudale à peine échancrée. Les nageoires ont les mêmes nombres de rayons. Un trait noir fin va de l'épaule au milieu de la queue, mais il ne s'avance svir aucune partie de la tête ; l'extrémité s'élargit en une petite tache ronde; la membrane qui réunit les rayons de l'anale porte sur la base une série de petits points brunâtres. Ces petits poissons ne dépassent pas deux pouces. Nous avons eu fréquemment l'occasion d'observer que dans NOUVELLES DE POISSONS. 69 un genre naturel de poissons les nombres des rayons qui sou- tiennent les membranes de leurs nageoires sont les mêmes; la grande quantité d'espèces que nous avons décrites nous a con- vaincus de cette règle qui cependant n'est pas sans exceptions. Les nombres des rayons épineux et ceux des rayons mous ex- primés l'un au-dessous de l'autre donnent en quelque sorte des formules qui aident le zoologiste à rechercher dans quelle fa- mille et dans quel genre on doit trouver les espèces voisines de celle que l'on veut déterminer. Presque tous les Acantho- ptérygiens ont une épine et cinq rayons branchus aux ventrales. L'anale a généralement trois épines. Le nombre de ses rayons mous est plus variable. Cependant une famille de Percoïdes vient tout-à-coup déroger à ce nombre que l'on compte sur plus de mille espèces. Mais ces Acanthoptérygiens à plus de sept rayons aux ventrales, constituent une famille très naturelle de poissons, comprenant les Holocentres, comme nous les entendons aujour- d'hui, et les genres voisins (i). Le nombre des épines de leur anale surpasse toujours le nombre trois ; celui de leurs rayons branchiostèges est aussi plus grand. La famille des Blennoïdes montre une exception inverse, et se compose de poissons qui n'ont que deux ou trois rayons aux ventrales. Les rayons des au- tres nageoires ne se montrent pas aussi constants dans un si grand nombre d'espèces , mais on trouve dans les Percoïdes et les Sparoïdes que le nombre des épines de la dorsale égale à-peu- près celui des rayons mous; que dans les Sciénoïdes, le nombre de ceux-ci surpasse celui des épineux; et que dans les La- broïdes, les épines sont souvent en nombre plus considéi'able. (i) Cuv. Val. Hist. nat. Poiss., tom. III, p. iSg. 6o DESCRIPTIONS DE PLUSIEURS ESPÈCES, ETC. Mais nous observons encore, en outre de ces variations ex- ceptionnelles dans de grandes familles, des espèces qui se ratta- chent par l'ensemble de leurs caractères à un genre très naturel , et qui ont des nombres de rayons tout différents de ceux de leurs congénères. Le genre des Apogons nous fournit un exemple de ces excep- tions dans la constance du nombre des rayons. Sur vingt-huit espèces que nous y réunissons aujourd'hui, quatre seulement ont plus de huit à neuf rayons mous à leur anale. Trois sont déjà décrites dans notre Ichtyologie (i). J'ai trouvé celle que je vais ajouter à ce genre parmi les pois- sons recueillis à Vanicolo par MM. Quoy et Gaimard. ApOGON argenté. {Apogon argenteus. Nob.) La forme du corps de cet Apogon tient beaucoup de celle de notre petit poisson de la Méditerranée. Les couleurs mêmes s'en rapprochent encore davantage; mais le nombre des rayons de l'anale s'en éloigne, et le place près de l'Apogon bardé [Apogon lineolatus. Guv. Val.) dont les couleurs sont fort différentes. D.6 A—-, etc. 9 '4 La couleur de celui qui fait le sujet de cet article paroît avoir été rougeâtre sur le dos, et argentée, brillante au-dessous de la ligne latérale. H y a une tache noire près de la caudale qui est fourchue, et bordée de noirâtre. On ne voit aucune trace de lignes verticales ni de traits bleuâtres près des yeux. L'individu que nous décrivons est long de deux pouces et demi. (i) Apogon lineolatus. Cuv. Val. Hist. nat. Poiss., tom. II, pag. i6o. Apogon macropterus, ibid. Apogon zeylonicus. — Eor. ibid. tom. III, supplément pag. 491- N.^nalex fîit 2fiixénni ■ Apoqonj: M- 1. Dessine par^l. Valencieiifies Grniif par F.J'lêc- YUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉÏDES A QUATRE PNEUMOBRANCHIES OU QUADRIPULMONAIRES, SUIVIES D UNE Notice de quelques espèces de Mygales inédites et de l'habitation de celle qu'on nomme Nidulans. PAR M. LATREILLE, Professeur-administrateur au Muséum d'Histoire natureUe, de l'Académie royale des sciences, etc., etc. Lu à l'Académie royale ties sciences, le 4 octobre i83o. A l'aspect des animaux qui sont l'objet de ce Mémoire, bien des personnes reculeroient d'effroi; car il ne s'agit rien moins que de ces Araignées dont la plupart des espèces exotiques, telles quel'a- viculaire de Linné, sont d'une dimension extraordinaire, géné- ralement très velues, noires ou d'un brun foncé, et qui forment maintenant le genre Mygale. Dans la seconde édition du Nou- veau Dictionnaire d'Histoire naturelle, j'ai traité, avec étendue, de ces Aranéides, et j'ai décrit toutes les espèces que j'avois eu oc- casion d'étudier. J'ai, depuis, fait connoître, dans un Mémoire, réuni à ceux du Muséum d'Histoire naturelle , les habitudes de la Mygale aviculaire. MM. Léon Dufour et Walckenaer ont, postérieurement , publié leurs observations sur des espèces européennes. Notre confrère M. Savigny a décrit et figuré, avec cette scrupuleuse exactitude, dont il a donné tant de preuves, 62 VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. une espèce qu'il avoit trouvée en Egypte. Enfin , tout récem- ment, M. Victor Audouin a fixé votre attention par la lecture d'un Mémoire sur la construction du nid de l'une de ces Mygales de l'Europe, qui composent la division des Araignées mineuses d'Oli- vier. Brown, dans son Histoire naturelle de la Jamaïqvie , pu- bliée antérieurement aux observations de l'abbé Sauvages sur l'une de ces espèces, la Mygale maçonne, avoit figuré un nid analogue, celui de l'Araignée nidulans de Linné, ou de la Mygale recluse de M. Walckenaer, propre à cette île. Aucun naturaliste, à ce que je sache, n'avoit parlé depuis, ex visu, de ce nid. Un heureux hasard vient de m'en procurer un que j'ai l'honneur de mettre sous vos yeux; j'en dois la possession à M. Royer, secrétaire en chef du bureau de l'administration du Muséum d'Histoire naturelle, qui l'avoit reçu d'un Anglais, de ses amis, et qui s'est empressé de me l'offrir, pensant, avec raison, qu'il me seroit agréable. J'aurois bien désiré qu'il eût été accompagné de l'animal qui l'avoit construit; car il est aisé d'ima- giner que, vu l'époque où on l'avoit décrit, on ne doit en avoir qu'une idée très imparfaite : mais, heureusement encore, j'avois vu cette Aranéide dans la collection de la Société linnéenne de Londres, et je l'avois décrite d'une manière détaillée. L'histoire de cette espèce, la connoissance de quelques autres inédites, et quelques vues générales et préliminaires sur ce genre et ceux qui l'avoisinent, seront l'objet de ce Mémoire. J'avois remarqué, le premier ,^ie l'un des caractères distinc- tifs des Ai'aignées mineuses étoit d'avoir à l'extrémité supé- rieure du premier article de ces organes de leur bouche appelés communément mandibules , mais qui sont pour moi des cheli- cères , ou auti'ement antennes-pinces , et pour M. Savigny, des VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. 63 forcipules, une rangée de dents cornées, formant une sorte de râteau. Dans le tableau des Aranéides de M. Walckenaer, ces espèces forment la troisième famille du genre Mygale, les Digiti- grades mineuses. Leurs habitudes m'ont paru tellement différer de celles des autres Mygales , que j'ai cru devoir isoler ces espèces dans un genre propre, celui de Gténize, et j'ai vu , depuis, par la publication de l'explication des planches d'entomologie du grand ouvrage sur l'Egypte , que M. Savigny avoit eu la même pensée , en établissant le genre Némésie. Il a pour type l'espèce mentionnée plus haut, et qu'il nomme Némésie celli- cole , cellicola. Sa description et les figures qui l'accompa- gnent conviennent si bien à la Mygale maçonne du midi de la France et d'Espagne, que ces Aranéides me paroissent spécifi- quement identiques. M. Walckenaer avoit négligé , dans les ca- ractères des divisions qu'il a établies dans cette famille , la con- sidération du nombre et de la disposition des filières. J'en ai fait usage et j'ai reconnu que sa division des Aranéides théraplioses n'en offroit que quatre. Les deux internes sont même si petites dans la Mygale maçonne, que l'on croiroit, au premier coup d'oeil et sans le secours de la loupe, qu'il n'y en a que deux. Les deux antérieures ou les plus grandes sont aussi proportionelle- ment beaucoup plus fortes que dans les autres espèces, presque coniques, et leur troisième et dernier article rentre dans le pré- cédent. Son disque, formant une sorte d'ombilic, m'a paru hé- rissé de petites papilles ou mamelons qui seroient autant de petites filières , suivant les observations de Lyonet : car il faut , d'après lui , distinguer deux sortes d'appendices soyeux , ceux qui se terminent de la sorte, et ceux dont le sonimet du der- nier article est criblé d'une infinité de petits trous, d'où sortent m 64 VUES GÉJNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. immédiatement les fils de soie. Relativement aux espèces qui ont été le sujet de ses observations ( les tégénaires ) et pourvues toutes de six de ces appendices, ceux d'entre eux qui ne pré- sentent point ces caractères ne peuvent être considérés comme des filières. Tel est aussi le sentiment de M. Tréviranus. Mais, si avec M. Wa]ckenaer,on refuse encore la même qualification aux deux appendices les plus longs des Mygales , je ne vois pas trop, du moins par rapport à la Mygale maçonne, ce qui constituera ici les filières , puisque les deux autres appendices , de forme cylin- drique, naissant de la base interne du bourrelet ou pédicule des deux précédents, étant d'une petitesse extrême, ne paroissent nullement propres à remplir cette fonction. Ce dernier carac- tère distigue parfaitement cette espèce de la Mygale pionnière de M. Walckeiïaer, que l'on trouve en Corse et en Toscane. M. Léon Dufour, qui s'est particulièrement occupé des Ara- néides d'Espagne, ne l'y a jamais observée, et l'on auroit dû, d'après cela, présumer que la Mygale cardeuse qui habite, ainsi que la Mygale maçonne, cette contrée et les départements mé- ridionaux et maritimes de la France, étoit le mâle de l'espèce précédente. C'est toujours sous des pierres, et jamais dans ces cellules tubuleuses et fermées antérieurement par un opercule à charnière et mobile, que se construisent les Mygales mi- neuses , qu'il a trouvé ces individus mâles. Il soupçonne de là qu'ils ne se pratiquent point d'habitation semblable. Ils sont cependant pourvus des mêmes organes; mais, sans rien décider à cet égard, il paroîtroit qu'à certaines époques, ils disparoissent ou sont errants. Sur un grand nombre d'individus qui m'ont été envoyés de Montpellier par un jeune entomologiste , très zélé, M. Dumas, et qui les avoit sans doute surpris dans leurs VUES GENERALES SUR LES AKANÉIDES. 65 habitations, il n'y avoit point un seul mâle. Ainsi, la Mygale cardeuse est une espèce à réformer. M. Léon Dufour , qui en parle immédiatement après avoir décrit la Mygale de Sauvages, dit que des motifs lui font penser que la Mygale cardeuse en est le mâle. Mais l'on peut pressentir, par la comparaison qu'il fait ensuite de cette Aranéide et de laMygale maçonne, que c'est une inadvertance occasionée par la dénomination spécifique de Sauvages ; car l'espèce désignée ainsi n'est point celle dont ce dernier a donné l'histoire. C'est peut-être ce qui a trompé M. Walckenaer, qui, dans sa Faune française , considère encore comme une espèce propre la Mygale cardeuse. En divisant les Aranéides en deux sections, les quadripulmo- naires et les bipulmonaires, M. Léon Dufour a assis sur des bases immuables la série naturelle des genres dont se compose cette grande famille. Le genre Dysdère, qui appartient à la pre- Dfiière section, se lie évidemment avec ceux de Ségestrie, de Clubione, de Drasse, etc. On ne peut plus passer, comme dans la méthode de M. Walckenaer, des Théraphoses aux Araignées- loups ou Lycoses et autres coupes génériques analogues. L'ana- tomie a ainsi confirmé ma distribution de ces animaux. La forme des organes sexuels masculins, ou présumés tels suivant l'opinion générale, mais qui ne sont qu'excitateurs dans celle de MM. Tréviranus.et Straus, vient à l'appui. En effet, dans les Dysdères et les Ségestries, ces organes, de même que ceux des Théraphoses, c'est-à-dire des Mygales et autres genres analogues, sont toujours extérieurs, très simples, sous la forme d'un ovoïde terminé en une pointe aiguë , offrant l'apparence d'un aiguillon , et fléchis en dessous ou pendants. Dans les Mygales et les Gté- nizes, ils paroissent tei^miner le dernier article des palpes qui Annales du Muséum, t. l", 3' série. 9 66 VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. est alors fort court, et sous la figure d'un bouton. Dans les genres suivants, il est plus alongé et va en se rétrécissant. M. Walcke- naer remarque, avec raison que, quoique le nombre des espèces de Mygales soit très petit, cependant , à cause de l'uniformité de leurs couleurs et du défaut d'observations suffisantes, elles ne sont pas faciles à distinguer entre elles. Des caractères tirés des diffé- rences sexuelles et de celles delà longueur des pattes, dont on n'a pas généralisé l'application , diminueront ces obstacles. Ainsi, l'on pourra distribuer ces espèces en celles dont les mâles ont à l'ex- trémité inférieure des jambes de la première paire de pattes , un ergot très fort, en forme de crochet, et celles où il manque dans les mêmes individus. Si l'on compare les proportions de ces organes, l'on trouvera qu'ils varient tant pour la longueur que pour l'épaisseur. Dans quelques espèces , comme l'aviculaire et la Mygale de Barthélemi, dont je parlerai plus bas, ils sont sensi- blement plus courts; la longueur du premier article des tarses est tout au plus double de celle du suivant et dernier. Celui-ci a la forme d'une palette presque carrée, arrondie ou obtuse au bout; ainsi que l'autre, il est garni en dessous d'une brosse très serrée, plane, composant une sorte de sole ou de semelle, et cachant les onglets du bout, à la suite d'une fente ou d'un sillon. Le dernier article des palpes des femelles en offre une pareille. Ces Mygales rentrent dans la première famille, celle des Plantigrades, de M. Walckenaer, mais qu'il a trop étendue. Dans les autres Mygales, les tarses sont proportionnellement plus longs, plus grêles, et linéaires ou cylindriques. Leur dernier article est beaucoup plus long que large, et trois à quatre fois plus court que le précédent, du moins aux deux tarses posté- rieurs; la brosse inférieure est moins fournie, et les onglets sont VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. 67 apparents. Mais je dois prévenir que le caractère dérivant de la comparaison des proportions relatives des pattes ne s'applique qu'aux individus du même sexe, ces organes étant généralement plus longs dans les mâles que dans les femelles. Si l'on ouvre la classe des Arachnides par celles qui ont le plus grand nombrede pneumobranchies, c'est-à-dire de branchies aé- riennes ou faisant l'office de poumons, les Scorpions seront en tête : ils s'unissent manifestement avec les Thélyphones, et de ceux-ci on passe naturellement aux Phrynes et aux Mygales de M. Walckenaer. Viendront ensuite d'autres Aranéides quadri- pulmonaires, bien distinctes des précédentes, par un change- ment qui s'est opéré dans le mode d'articulation des palpes. Là ces organes sont composés de six articles, dont le premier ou le radical m axilli forme; ici, ils paroissent n'en avoir que cinq, parceque le second est inséré au côté extérieur du précédent et que celui-ci prend alors la forme d'une mâchoire : c'est ce qui est propre aux genres Atype etEriodon. A ces Aranéides succéderont les quadripulmonaires à six filières, comme les Filistates et les Dys- dères. Il n'y a que six yeux dans ce dernier genre; et tel est aussi le caractère des Ségestries, qui, au nombre des pneumobranchies près, etn'étantplusquede deux, se rapprochent infiniment de ces Dysdères. Cette connexion est tellement rigoureuse, que si l'on placoit en tête les Aranéides, il faudroit terminer cette famille par les Thélyphones, et la commencer par les Araignées sau- teusesdes auteurs et autres espèces vagabondes, ce qui seroit peu naturel. M. Léon Dufour a pensé que les Scorpions dévoient former le premier genre de la classe des Arachnides, et cette rec- tification dans la méthode nous paroît, d'après ces considéra- tions, bien fondée. Ce genre , ainsi que celui ^Aranea de Linné, 68 VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. nous fournit un nouvel exemple de ces passages brusques que nous observons si souvent parmi les êtres organisés. Ces ani- maux sont pourvus de glandes qui sécrètent une liqueur ve- nimeuse, et suivant la comparaison ingénieuse de M. Duméril, la nature reproduit dans cette classe et pour les mêmes motifs , cette distinction qu'elle a établie dans l'ordre des Ophidiens, classe des reptiles, en animaux venimeux et en animaux sans venin. Mais par un singulier contraste, ici elle a placé l'arme meurtrière qui distille cetteliqueur empoisonnée aux deux extré- mités opposées du corps; là, comme dans les Aranéides, en devant ou dans les chélicères; ici, comme dans les Scorpions, à l'extrémité d'une queue noduleuse. Aucun des genres contigus aux précédents ne présente de tels caractères. Nous pourrions encore citer, quant à une certaine similitude avec les Ara- néides, les Scolopendres; mais ici elle a encore changé de plan; car les dards venimeux qu'elle leur a donnés, sont constitués par des sortes de pieds ou crochets buccaux. Nos colons des Antilles désignent, par la dénomination d'^- raignées-crabes, les grandes Mygales qui habitent cet Archipel. Un vocabvdaire , qui accompagnoit des objets d'histoire naturelle, envoyés par feu Leschenault de La tour, et re- cueillis sur la côte de Malabar, nous a appris que dans la langue du pays, les crustacés y sont appelés collectivement nhamdou; et, fait digne d'attention, c'est qu'au témoignage de Pison, les Brésiliens désignent généralement les Araignées d'une manière à-peu-près homonyme, nhamdou ou nhamdhiu; seulement ils distinguent les Mygales par l'épithéte de giiaçu, qui veut dire grand. Toutefois les crustacés y portent un nom différent, celui de guàia. VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. 69 De ces observations générales sur les Mygales, je passerai à la Notice, que j'ai annoncée, de quelques espèces nouvelles. L'un des caractères distinctifs de la Mygale aviculaire est d'avoir les poils qui bordent intérieurement les mâchoires, ceux qui sont à la base des crochets des mandibules, et les brosses des pieds, ainsi que celle des palpes, dans les femelles, d'une couleur rougeâtre. Le corps est d'ailleurs plus hérissé de poils que celui des autres espèces. Je ferai observer, en passant, que le beau travail myologique de M. Straus, communiqué à l'Aca- démie, n'a point pour objet cette espèce, ainsi qu'il l'a annoncé, mais la Mygale de Le Blond , la plus grande espèce connue , propre à la Guiane françoise, et bien distincte par la forme de l'organe copulateur du mâle, qui au lieu de se prolonger brus- quement en une pointe aiguë et arquée, se termine par une dépression, et offre l'apparence d'une espèce de cuiller ou de cure-oreille. La Mygale de BarthÉLEMI (Bartholomœi), première espèce nouvelle, et dont je ne connois que la femelle, a les plus grands rapports avec l'aviculaire; mais elle s'en éloigne par la coupe du céphalothorax qui est plus carrée, ou plus largement tronquée en devant, et par l'absence de cette tache ferrugineuse que l'on observe à l'extrémité des pieds dans la précédente 5 cette extré- mité ou la palette est d'ailleurs moins large. Le corps est d'un noir très foncé, avec des poils d'un brun ferrugineux sur le des- sus de l'abdomen et le contour du céphalothorax ; les yeux lisses sont luisants, rougeâti'es, et semblables, quant à leur grandeur, et leurs situations respectives, à ceux de l'aviculaire^ les pattes ont des raies longitudinales plus claires. La taille est d'ailleurs à-peu-près la même. JO VUES GENERALES SUR LES ARANEIDES. J'ai dédié cette espèce à celui qui m'en a fait hommage , M. Bartlîélemi, l'un des secrétaires de la mairie de Marseille. Elle avoit été prise vivante, à bord d'un vaisseau, venant de l'Amérique méridionale; et, après avoir vécu plusieurs mois, elle n'a pu résister aux froids rigoureux du dernier hiver. Nul doute que, si des capitaines de vaisseau vouloient accueillir de tels passagers, on ne pût transporter en France ces animaux vi- vants ; cela nous procureroit le moyen d'en faire une anatomie complète. Pison rapporte, à l'occasion de son Nhamdu Guaçu, ou grande Araignée en langue brésilienne, et qui est une Mygale très voisine de la précédente, que cet animal supporte, sans preiïdre de nourriture, de très longues abstinences, ainsi qu'il en a fait lui-même l'épreuve. Des individus qu'il avoit renfermés dans des boîtes y vécurent quelques mois, sans attaquer les mouches qui partageoient leur captivité, et dont ces animaux sont très avides. Le même fait a eu lieu dans l'envoi de l'une de ces Mygales vivantes, fait à notre confrère, M. le baron de Humboldt. La caisse , lui servant de cage, et qu'il avoit eu l'amitié de me donner sans l'avoir ouverte, étoit pleine de mou- ches mortes; mais la Mygale n'y étoit plus, les douaniers l'ayant probablement laissée s'échapper, dans leur visite des objets de transport. Dans le voisinage de ces deux espèces, ou dans la division des Mygales, proprement dites, ou sans râteau aux chélicères, et dont le dernier article des tarses est en forme de palette, doit être placée la Mygale que j'ai nommée atra, et qui se trouve au cap de Bonne-Espérance ; elle est un peu moins grande que les précédentes, toute noire ou noirâtre. Le tubercule oculifère m'a paru être un peu plus élevé et plus arrondi; les yeux, ou VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES, 7 I du moins leur iris, est jaunâtre; les deux jambes antérieures du mâle sont armées d'un fort ergot. Toutes les autres espèces de Mygales, mentionnées par les auteurs, appartiennent à la division de celles dont les tarses se terminent par un article notablement plus long que large, ou cylindrique, et ne foi^mant point de palette. De ce nombre est une espèce du Brésil, qui m'a été donnée par M. Gaury, et que je nommerai VEINÉE (^Venosa). Elle se distingue de toutes les autres par cinq lignes d'un rougeâtre obscur, étroites, arquées en avant, et dont les quatre premières interrompues dans leur milieu , qui traversent le dessus de l'abdomen ; la coui^bure des deux postérieures est plus prononcée ; tout le corps est d'un noir mat, avec les pattes longues, et le dernier article des tarses courbe; les onglets sont à nu et sans dentelures sensibles; les cuisses et les jambes offrent quelques raies longitudinales gla- bres; les brosses sont d'une couleur moins foncée que le corps ou d'un noirâtre cendré; les quatre yeux postérieurs, les deux latéraux antérieurs, et l'iris des deux du milieu ou des plus grands sont rougeâtres. Les deux filières extérieures sont très saillantes avec leurs trois articles presque de longueur égale. Cette espèce est un peu plus grande , plus svelte et moins velue que les Mygales précédentes. Je ne connois point le mâle; mais je présume, d'après les rapports de cette espèce avec celles que j'ai nommées spinicrus et cancerides, que leurs jambes antérieures sont armées de ce crochet robuste, ou de cet ergot, dont j'ai parlé plus haut. Je comprendrai avec les espèces à tarses alongés, et dont les poils , ou ceux au moins des quatre postérieurs, plus rares et plus écartés ne forment point de brosse : i" La Mygale cal- 7?. VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. péienne de M. Walckenaer, et la Mygale valencienne de M. Léon Dufour, qui appartiennent à la seconde famille, celle des Digitigrades inermes, du premier. 2° MesCténizes, ou ses Digitigrades mineuses, et dont une, apportée de Sicile, par M. Lefèvre, la Cténize sicilienne, pourroit former un nouveau genre , en ce que les yeux, qudique disposés de la même manière, ne sont point portés sur d'élévation commune, distincte^ et en ce que les mâles, seuls individus que j'aie vus, n'ont point de forte épine aux deux jambes antérieures-, celle qui représente l'éperon ou l'ergort est de la grandeur des autres. J'ajouterai que les deux yeux intermédiaires de la ligne antérieure sont moins rejetés en arrière, ou presque de niveau avec les deux latéraux de cette ligne et de la même grandeur, tandis que dans les Cténizes, ceux-ci sont distinctement plus grands et sensiblement plus antérieurs. Toutes ces Aranéides ont généralement les jambes et le premier article des tarses munis de piquants. Les deux onglets supérieurs du bout des pattes sont découverts , et plus ovi moins dentelés en dessous. Cténize sicilienne ( Cteniza sicula). Elle est de la grandeur de la Cténize maçonne, entièrement d'un brun foncé. L'organe co- pulateur du mâle, dilaté et ventru à sa base antérieure, se ter- mine en une pointe droite et simple. Les deux plus grandes filières sont médiocrement saillantes, cylindrico-coniques, avec le premier article plus grand et le dernier plus court. Les dents du râteau sont petites, et, autant qvxe j'ai pu compter, au nombre de six à sept. Les Mygales calpéienne , valencienne et celle de Le Blond, n'offrant point, dans aucun sexe, de crochet aux jambes anté- rieures, pourroient aussi former un genre propre. Il est très VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. 78 apparent dans les mâles des Mygales aviculaire et crabe, de même, comme je l'ai dit, dans ceux de la Mygale très noire, atra, et de la Gténize maçonne; les individus du même sexe des autres espèces me sont inconnus. Avec les Cténizes, enfin , doit être rangée celle dont je mets sous vos yeux le nid, la Mygale recluse de M. Walckenaer, ou XJranea nidulans de Linné, décrite et figurée par Brovv^n, dans son Histoire civile et naturelle de la Jamaïque ( t. II, p. 4^0, pi. 44? fig- 3), sous le nom générique de tarantula. Il repré^ sente le tube soyeux qui revêt l'intérieur de son habitation; mais, à en juger d'après les deux échantillons de ce nid que j'ai reçus , sous une forme trop cylindrique et avec deux sortes d'opercules, tandis qu'il n'eu existe qu'un dans les miens. Je n'ai vu que la femelle de cette espèce, et que j'ai décrite d'après un individu de la collection de la Société linnéenne. Son corps est long d'un bon pouce, d'un noir brun très luisant, avec la poitrine et le dessus des pattes postérieures d'un brun plus clair, et l'abdomen, son premier anneau et les stigmates exceptés^ d'tiïi noirâtre mat-, ces dernières parties sont jau- nâtres. Les jambes et les tarses sont chargés latéralement de petits grains; le second article des avant-dernières jambes offre en dessous une sorte d'échancrure lisse, ce qui le fait pa- roître presque réniforme ; les deux crochets ordinaires de l'extrémité des tarses sont arqués et simples, ou sans dente- lures apparentes. Les filières sont courtes, et les deux plus grandes épaisses , convergentes , coniques et tronquées au bout. Les yeux, dont les deux latéraux antérieurs plus grands, sont jaunâtres. Le côté interne de la première pièce des çheli- cères est un peu élevé et hérissé de poils et de petites aspérités. jinnaks du Muséum, t. I", 3° série. 10 '7.4 VUES GÉNÉKALKS SUR LES ARASÈIDES. Lés dents du râteau sont petites et nombreuses; j'en ai compté sept à huit à l'extrémité interne. Cette espèce se rapproche de la Mygale pionnière de M. Walckenaer; mais le céphalothorax est plus ovale et assez brusquement rétréci vers l'extrémité potérieure. Son nid est long d'environ neuf pouces, en forme d'entonnoir ou de cône renversé à sa partie antérieure, et prend un peu avant le milieu de sa longueur une figure cylindrique. Tel que je l'ai reçu, il est composé d'une terre ferrugineuse qui lui donne de la solidité, et fait paroître sa surface inégale et raboteuse; mais vu à l'intérieur, il est parfaitement lisse et tapissé de soie: à prendre du point où il se rétrécit pour devenir cylindrique, la cavité est un peu oblique, et offre un bourrelet ou cordon. L'opercule est bien moins épais que celui des Gténizes, plat, et formé de divers feuillets appliqués les uns sur les autres, comme ceux d'une écaille d'huître. Sa surface inférieure est re- vêtue, ainsi que l'intérieur du nid, d'une couche de soie. L'entrée a un pouce de diamètre. Selon Brovt^n, l'animal s'établit dans les lieux pierreux., et sa piqûre cause une douleur très vive, qui dure plusieurs heures, et qui est encore accompagnée quel- quefois de fièvre et de délire. On en arrête les effets en provo- quant les sueurs au moyen de sudorifiques et dé liqueurs spiri- tueuses. Badier, au rapport d'Olivier, a souvent rencontré cette espèce dans les sols argileux, et en pente douce, de l'île de la Guadeloupe. Retirée de son nid, elle ne donne, ainsi que la Cténize maçonne, aucun signe de vie, et contracte, probable- ment dès-lors, comme elle, ses pattes. J'ai dit, au commencement de ce Mémoire, que le genre Dys- dère tenninoit la série des Aranéides quadripulmonaires, et se VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. 7 5 liolt naturellement avec celui de Ségestrie qui commence ainsi la série des Aranéides bipulmonaires. Je remarquerai , à l'occa- sion de ce dernier genre, que les espèces que M. Risso, dans son Histoire naturelle de l'Europe méridionale, y rapporte, sont de véritables Epéires ou Araignées tendeuses et bien connues. APPENDICE. Parmi les objets d'histoire naturelle, recueillis à Madagascar par M. Goudot, et dont il a enrichi le Muséum, s'est trouvée une espèce inédite de Mygale, dont je n'avois pas eu connois- sance, lorsque j'ai rédigé le Mémoire précédent. Je conserverai à cette Aranéide la dénomination de LONGITARSE, Longitarsis, qui lui a été donnée par M. Audouin. Dans une note jointe à l'animal, il est dit qu'elle fait son habitation sous les troncs pourris des forêts, situées près de la rivière Troulouine. Le nom spécifique annonce déjà que cette Mygale doit être rangée dans ma seconde division ; la longueur des deux pattes postérieures est en effet presque double ( 22 lignes ) de celle du corps( i3 lignes), mesuré depuis l'origine du crochet des ché- licères jusqu'au bout de l'abdomen. Il est entièrement brun, garni de poils peu alongés et sans épines ou piquants aux pattes; ceux du dessous des tarses ou des deux derniers articles de ces pattes forment, ainsi que dans les premières espèces, une brosse courte, serrée et continue, à l'extrémité de laquelle on voit aussi la petite, qui accompagne les onglets. Le groupe oculaire ne diffère point ou très peu de celui des autres Mygales. On ne pourroit, d'après ces seuls caractères communs avix deux sexes, distinguer cette espèce de quelques autres de la même division; 'jG VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. mais heureusement l'individu unique, apporté par M. Goudot, étant un mâle, il nous a été facile de le comparer avec ceux des autres Mygales analogues, et de bien établir son signalement. D'une part, les organes copulateurs se rapprochent de ceux de la Mygale aviculaire; mais, à partir du renflement sphé- roïdal de leur base, ils se contournent fortement en manière de tire-bourre, sont d'abord comprimés et striés longitudi- nalement, et se terminent en une pointe aciculaire, longue et un peu arquée ^ l'article des palpes qui les précède, ou lavant- dernier, est très velu en dessous. D'autre part, la saillie de l'extrémité inférieure des jambes de la première paire des pattes, propre à la plupart des individus du même sexe, finit tout autrement. L'épine terminale ou l'ergot est remplacée par un appendice replié sur le côté postérieur de la saillie, en forme de dent, imitant un râteau, à raison d'une série d'une douzaine environ de petites pointes cornées que présente sa tranche in- férieure. De longs poils et un fin duvet plus intérieur enve- loppent cet appendice. Les filières extérievires sont alongées et saillantes. CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES DE LA TRIBU DES DENTICRURES, FAMILLE DES BRACHÉLYTRES. PAR M. LATREILLE, Professeur-administrateur au Muséum d'Histoire naturelle, de rAcadémie des sciences, etc. Aux quatre sections principales ou tribus qui, dans la pre- mière édition de l'ouvrage sur le Régne animal de M. Cuvier, partagent cette famille, désignée primitivement par lui sous la dénomination de Rrachélytres, et postérieurement sous celle de Microptères, par M. Gravenhorst, dont le travail a servi de base à ceux qu'on a publiés depuis sur le même sujet, j'ai ajouté, dans la seconde édition de l'ouvrage précité, une autre tribu, celle des Denticrures, mot dont l'étymologie, famées dentées, indique son principal caractère; elle est un démembrement de celle des Aplatis, et se compose des genres Oxytèle, Osorius, Zyrophore, Prognathe, et Coprophile, dont le dernier m'est propre. Ne pouvant présenter dans cette seconde édition du Régne animal qu'une esquisse de l'état actuel de l'entomologie, n'ayant lors de sa rédaction que peu de matériaux à ma disposition , il tn'a été impossible de me livrer à une étude plus approfondie de ■78 CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES ces insectes, et je me suis borné à introduire dans mon travail quelques nouvelles considérations générales. M. le comte de Mannerheim , qui avoit déjà acquis des titres incontestables à la gratitude des entomologistes, en a profité avec avantage, dans sa classification générale des Brachélytres, qu'il a mise au jour en i83o, et dont M. Audinet de Serville a rendu un compte très détaillé, et avec cet esprit de justice et d'impartialité qui le ca- ractérise, dans le Bulletin des sciences naturelles', février i83i. Le nombre des genres de cette famille, et dont plusieurs jus-^ qu'alors inédits, est de cinquante-deux. Ils sont distribués en six tribus, désignées d'après des genres servant de types principaux, comme Staphylinides, du genre Staphylin, Sténides, de celui de Stène, etc. ; des tableaux analytiques, tracés sur le modèle de ceux dont M. Duméril et le comte Dejean ont fait usage, facilitent la connoissance de ces groupes. Les caractères qu'il leur assigne ont-ils tous une importance générique? c'est ce que nous ne dis- cuterons point, vu qu'il ne s'agit dans ce Mémoire que de sa tribu des Oxytélides, l'analogue, en grande partie, de notre division des Denticrures -, elle est formée de quatre genres, Bledius, Platystethus, Oxyteluset Trogophlœus , dont le second et le dernier établis par lui, et dont le premier ou celui de Bledius, propre au docteur Léach. N'ayant point, à ce qu'il paroît, vu en nature, celui de Siagone de M. Kirby, ou mes Prognathes, trompé par des analogies sexuelles, et négligeant la forme des palpes, pour s'attacher exclusivement aux caractères tirés de la forme des jambes et de la composition des tarses, il le confond, mal-à-px"opos, avec celui de Bledie. Tous ses Oxytélides, à l'ex- ception des Siagones, embrassent uniquement le genre Oxytèle de M. Gravenhorst. Il ne fait aucune mention de celui d'Oso^ DE LA TRIBU DES DENTICRURES. 79 rlus, ni de ceux de Zyrophore et de Goprophile, sans doute parcequ'ils manquoient dans sa collection des Oxytélides. D'après le tableau où il expose les caractères des tribus, celle-ci ne différant des autres que par le nombre des articles des tarses, 3 à 4, au lieu de 5, ces deux genres s'en trouvoient exclus. Mais cette anomalie est-elle bien constatée? N'est-ce pas une erreur provenant de la difficulté de bien distinguer quelques jointures, vu Textrême petitesse des quatre premiers articles, vu encoi'e que le radical peut rentrer, en grande partie, dans la cavité tibiale où il prend naissance, et qu'il existe en dessous un petit faisceau de poils dirigé en avant?' C'est ce que je pense, me fondant à-la-fois sur l'analogie et la diminvition progressive de la longueur de ces articles , considé- rés successivement dans les genres de cette tribu. J'ajouterai même que les tarses postérieurs de divers Oxytèles et les plus longs de tous, vus en dessous et avec la combinaison de deux lentilles très fortes, m'ont offert les cinq articles, communs aux autres Brachélytres. Si quelques insectes de cette famille pou- vaient, sous ce rapport, s'éloigner des autres, la tribu des ^léocharides, qui semble avoisiner naturellement les Psélaphiens, présenteroit plus de chances exceptionnelles, et cependant il est reconnu que leurs tarses ont pareillement cinq articulations. Tels sont les motifs qui m'avoient déterminé dans l'exposition des caractères des Denticrures à ne point me prononcer sur le mode de composition de cette partie, et à me borner à dire qu'ordinairement le nombre total de ses articles ne paroissoit être que de deux ou de trois. Cependant M. le comte de Manner- heim affirme que les tarses de tous les Oxytélides, vus avec le secours de plusieurs microscopes, ne lui ont offert qu^e c,e der- 8o CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES nier nombre. Mais, ainsi que je l'ai fait, ces parties doivent être observées sous toutes les faces, et je pense que, pour bien dis- tinguer les articulations, on a moins besoin d'un très fort gros- sissement que de clarté, et qu'en employant une forte loupe, on obtient mieux cet avantage et avec moins de crainte d'illu- sions. Il paroît d'ailleurs que ce savant a même hésité quant à cette détermination numérique, puisqu'il signale ainsi cette tribu : tarses à trois ou quatre articles. Je ferai observer que la simplicité ou le laconisme des tableaux analytiques, quoique séduisants au premier abord, n'est pas toujours un moyen d'apprécier, à leur juste valeur, leur mérite. L'expression des signalements doit être bien méditée, et ne point porter sur des organes dont la figure est naturellement très variable. Citons un exemple, puisé même dans le travail de ce naturaliste. Peut-on caractériser plus simplement la tribu des Staphylinides? Labre échancré[\). Qui ne sait que le bord anté- rieur de cette partie peut, dans les divisions ou les tribus les plus naturelles, être tantôt entier, tantôt plus ou moins échan- cré ou sinué? Dans le choix des caractères, il auroit fallu pré- férer d'abord ceux qui ont une plus grande importance, qui exposent à moins d'erreurs, et descendre ensuite à des modifi- cations d'organes plus subordonnées ou plus circonscrites. Le côté extérieur des jambes de \Oxytelus corticinus de M. Gra- venhorst, n'étant, selon M. Manne rheim , ni denté, ni épineux, ri a, dit-il, été obligé de changer un peu les caractères que j'a- vois assignés à la tribu des Denticrures, ainsi que sa dénomi- (i) Sa surface inférieure est tapissée par une pièce membraneuse, assez épaisse et velue, qui me paroît être l'analogue de YEpipharinx. DE LA TRIBU DES DENTICRURES. 8l nation. Mais, comme l'a judicieusement remarqué M. de Ser- ville, il ne falloit pas pour cette unique exception bouleverser ainsi la nomenclature. Ajoutons encore que ces épines ou Ces dents sont remplacées ou représentées par des cils. Afin donc de ne point augmenter le nombre des tribus de la famille des Brachélytres, et pour conserver leurs désignations, la tribu des Oxytélides de M. de Mannerheim ne formera qu'une division de celle des Denticrures que je caractériserai de la manière sui- vante. Tête dégagée (point susceptible de s'enfoncer postérieurement dans le corselet jusqu'aux yeux). Jambes antérieures au moins dentées ou épineuses au côté extérieur dans la plupart; des cils sur le même coté, et a toutes dans les autres; tarses semblables ou point sensiblement différents dans les deux sexes, point dilatés, petits, susceptibles de se replier sur elles, avec le dernier article aussi long au moins que les précédents réunis ; ceux-ci fort courts , et dont le premier ou les deux premiers souvent même peu ou point distincts. Palpes médiocrement saillants , filiformes ou subulés. Antennes insérées latéralement au- devant des yeux, moniliformes ou a articles pour la plupart ova- t aires. Le corps est linéaire et déprimé, ou cylindi'ique. Lés antennes sont de la longueur de la tête et du corselet, insérées au-devant des yeux, de grosseur égale, ou grossissant vers leur extrémité et presque en massue, un peu coudées, avec les trois premiers articles obconiques, ou presque cylindriques, et un peu amincis à leur base; le radical est le plus grand, et les deux suivants sont presque de la même longueur. Le labre est coriace, saillant, y)etit, en carré transversal, et velu au bord antérieur. Les man- dibules sont avancées, en forme de triangle étroit et alongé. Annales du Muséum, t. I", 3' série. 1 1 Sa CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES plus OU moins dentées au côté interne, et terminées en une pointe aiguë OU par un crochet, et ordinairement croisées à cette ex- trémité. Les mâchoires, ainsi que dans les Staphylins, se termi- nent par deux lobes coriaces ou membraneux, dont l'apical plus grand, et dont l'interne rétréci en pointe vers son extrémité, ou dentiforme ; leurs palpes sont toujours composés de quatre articles distincts; les labiaux en ont un de moins. Le meiîton est coriace, plus ou moins trapézoïde, ou en carré, rétréci, vers le bord supérieur et transversal. La languette est membra- neuse et divisée, ainsi que dans le genre précédent, en trois parties, dont l'intermédiaire, beaucoup plus large, profondé- ment échancrée ou bilobée , et dont les deux latérales, ou les paraglosses, petites, étroites, mais ici peu distinctes, ou se con- fondant avec les lobes delà précédente, en s'appliquant contre eux. Les yeux sont arrondis et peu élevés. Plusieurs, ou les mâles au moins, offrent au-devant de l'insertion des antennes une saillie en forme de dent ou de corne. Le corselet de quel- ques individus du même sexe est aussi armé d'une corne plus forte; cette partie, dans son plus grand diamètre transversal, est de la largeur de la tête et des élytres, presque carrée, un peu plus étroite vers les angles postérieurs, qui dans plusieurs sont arrondis ou obtus, de manière qu'elle est alors presque en forme de cœur tronqué. L'écusson est petit et triangulaire. Les élytres recouvrent au plus la moitié de la longueur de l'abdomen , dont le nombre dès segments apparents est de six au moins: le dernier est conique ou triangulaire, sans appendices saillants. Les quatre jambes antérieures sont ordinairement plus larges; leur côté extérieur offre une rangée de dents ou d'épines nombreuses, formant, un râteau, ce qui indique qu'elles servent DE LA TRIBU DES DEÎNTICRURES. 83 à ces insectes à fouir la terre; les tarses se replient alors sur elles. Quelques espèces, mais en très petit nombre et composant le genre Trocjophlœus de M. de Mannerheini, vivent sous les écorces des arbres ou dans les champignons; et les autres, ou les européennes au moins, dans les matières excrémentielles, mais, à ce qu'il m'a paru, celîes de préférence qui sont moins humides. Les mâ- choires des Osorius, genre exotique, semblent annoncer quel- ques habitudes particvilières(i). Par l'élargissement transversal de leur lobe apical, celles des Zyrophores ont de grands rapports avec les mêmes parties des Bousiers, des Ateuchus, etc. Leurs mandibules sont beaucoup plusfortes et plus dentées que celles des autx"es Denticrures; elles paroissent même faire l'office de pinces. I. Antennes de grosseur égale ou légèrement épaissies vers le bout. Palpes pareillement filiformes. Cinq arctiles apparents aux tarses; le dernier simpletnent un peu plus long que les précédents pris ensemble. A. Corps cylindrique. Tête alongée , convexe, prolongée postérieu- rement, derrière les yeux, sans ' rétrécissement ni étranglement apparent, en forme de cou. Lobes maxillaires coriaces, terminés par une dent; de longs cils et pointus au bout, ou spiniformes , disposés parallèlement en une série au côté interne de l'intérieur, et d'autres semblables au sommet de l'extérieur. Languette alon- gée, avec l'extrémité arrondie, sans échancrure apparente (lobes connivents). GENRE I. Osorius. Osorius (Léacb). A l'égard de la forme de la tête et du corselet et de leurs proportions rela- tives, les Osorius ont une certaine analogie avec les Acinopes et les Ditomes, ► •—— ^ - ~ (i) Voyez le Post-Scripluin de la page 92. 84 CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES genres de la tribu desCarabiques. Leur corps est cylindrique, alongé, foible- ment et vaguement pointillé, de moyenne taille, comparativement aux autres Brachélytres , pubescent sur Tabdomen, les antennes, les pattes, et quelques autres parties, noir ou roussâtre et luisant. La tête est presque aussi grande que le corselet, en carré, un peu plus long que large, épaissie, et arrondie postérieurement en dessus, déprimée et inclinée assez brusquement en de- vant, et terminée par un bord droit, à angles latéraux, pins ou moins pro- longés, ou formant une saillie pointue, en manière de dent. Les antennes sont insérées au-devant des yeux, en arrière d'un enfoncement, au-dessus duquel s'élève, à la suite d'un rétrécissement brusque, la portion latérale et terminée en pointe, d'une sorte de chaperon, formé par le plan antérieur qui va en s'inclinant; leur premier article est presque cylindrique, et d'une longueur égalant au moins ie quart de la longueur totale; tous les suivants sont courts, et à l'exception du second et dn troisième, dont la forme est presque obconique, sont globuleux, les derniers sur-tout. Le labre est pro- portionnellement plus grand que dans les autres espèces de la même tribu, en carré, un peu plus long que large, uni, avec le bord antérieur velu , et un peu concave. Les mandibules sont assez fortes et croisées, tantôt in- également dentelées au côté interne, tantôt unidentées au plus. Le lobe terminal des mâchoires a la forme d'une dent oblongue, arquée, rétrécie vers le bout, et terminée en manière d'onglet, portant extérieurement à son sommet quelques longs poils, finissant en pointe aiguë; le lobe interne plus petit, linéaire, en offre une rangée de semblables, et finit en une deut aiguë et oblique; j'en ai même aperçu une seconde, au-dessous de la précédente, à l'une des mâchoires. On voit ainsi que , par la forme de ces organes, les Osorius ont de l'affinité avec les coléoptères de la famille des carnassiers. Les palpes, tant maxillaires que labiaux, et dont ceux-ci, les plus courts, comme de coutume, sont filiformes, et terminés par un article cylindrico-conique et le plus long de tous; le second, des uns et des autres, est ensuite le plus grand et obconique. La lèvre est plus alongée que celle des autres denticrures; le bord supérieur du menton est un peu concave; la languette est carénée postérieurement, et finit par un bord arrondi, sans échancrure, ni évasement sensible, peut-être par un effet du rapprochement et de la contraction de ses lobes ou divisions. Les yeux sont latéraux, petits» ronds et peu élevés. Le coi-Selet, un peu plus large que long, mesuré à son DE LA TKIBU DES DENTICRURES. 85 bord antérieur, convexe et arrondi au milieu du dos, et incliné graduelle- ment sur les côtés, a la forme d'un carré, qui va en se rétrécissant de devant en arrière; il est rebordé latéralement, avec les angles postérieurs aigus ; le présternum est dilaté antérieurement, en manière de corne courte et obtuse. L'écusson est très petit, triangulaire et obtus. Les élytres formant, réunies, un carré un peu plus long que large, sont séparées du corselet par un petit pédicule, concaves ou écbancrées à leur base, de manière que les épaules sont saillantes; elles n'offrent aucune strie, si ce n'est la suturale. L'abdomen est cylindrique, et terminé par une sorte de cône , formé de la réunion des sixième et septième anneaux, et reçu à sa base, dans la concavité du cin- quième qui est le plus long de tous; le premier est plus court que les sui- vants ; les étranglements qui séparent les cinq premiers sont très pro- noncés. Les pattes sont courtes, mais robustes, avec les jambes comprimées, en forme de triangle alongé , dont la base est représentée par le bord in- terne, et à l'extrémité inférieure duquel est une petite épine (l'éperon) arquée; l'extérieur, ou du moins celui des quatre premières, est bordé d'une rangée de dentelures nombreuses, accompagnées de poils ou de cils, et dont les terminales plus grandes; les deux jambes postérieures sont plus étroites et plus longues, et leur contour forme un triangle scalène, tandis que celui que dessinent les autres, et sur-tout les deux premières, est plus équilatéral. Le tarse, composé de cinq articles distincts, s'applique, en se recourbant, sur la portion terminale de la tranche extérieure de la jambe, à partir de l'angle apical. Je ne connois encore que trois espèces et toutes exotiques. La première, recueillie à Madagascar, par M. Goudot jeune, est le type d'une division paV- tieulière, et dont le genre Oxytelus nous offre l'analogue. I. Côté extérieur des jambes échancré près du bout {échancrure des quatre antérieures beaucoup plus grande, avec deux dents, dont la supérieure très petite ; deux petites épines réunies infé- rieur ement, dans l' échancrure des deux postérieures). i. OSORIUS INCISIGRURE. Osdriu$ incisicrurus . D'un noir foncé, très luisant, avec les tarses roussâtres. Mandibules dentées le long du bord interne; une dent plus forte à l'une des deux; trois 86 CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES au bord antérieur de la tête, dont une au milieu et les autres latérales. Cor- selet point rebordé à son extrémité postérieure, vaguement ponctué sur les côtés, avec deux lignes enfoncées, courtes, interrompues, et rapprochées parallèlement, au milieu du dos; une impression à chaque angle postérieur. Les deux jambes postérieures fortement et longuement rétrécies supérieu- rement, n'ayant au côté extérieur que des poils, et trois petites épines, dont les deux inférieures réunies à leur base. — Longueur, o"oio. Cette espèce diffère non seulement des suivantes , par l'échancrure exté- rieure des jambes, mais par des caractères propres aux deux postérieures, et indiqués ci-dessus, ainsi^que par l'existence de la saillie du milieu du bord antérieur de la tête, les dentelures des mandibules et les impressions du corselet. II. Côté extérieur des jambes sans échancrure, près de son extré- tnité (^pluridenté dans toutes). 2. OSORIUS BRÉSILIEN. Osorius brasiliensis. GuÉR. Iconog. du Rég. anim. — 3' Cah. Insect. pi. IX, fig.XI. — Osorius tardus? Dej. Gâtai, p. 24. Très noir, luisant, avec les antennes dun noir obscur, et les pattes d'un brun fauve; une forte dent obtuse de chaque côté, au 'bord antérieur de la tête, et une au bord interne de la mandibule droite; tête et corselet lisses; cette dernière partie rebordée finement à son extrémité postérieure. — Longueur, o™ 009-013. Le Muséum d'histoire naturelle en possède un individu qu'il doit, ainsi- que plusieurs autres insectes intéressants , à la générosité de M. Adolphe de Lattre ,^peintre distingué, et qui, pendant son séjour au Brésil, s'y est livré avec zèle à la recherche de ces animaux. Je lui ai aussi obligation de la même espèce, dont je n'avois alors qu'un petit individu, celui qu'a figuré M. Guérin. 3. Osorius cylindrique. Osorius cylindricus. Kliig. D'un roussâtre pâle, luisant, ponctué; bord antérieur de la tête sans dents; jambes paroissant être plus garnies de poils que celles des espèces précédentes; les deux postérieures moins dentées. — Longueur, o™oo5. DE LA TRIBU DES DENTICRURES. 87 Mexico. Je suis redevable de cette espèce à mon excellent ami, le docteur Klug, directeur du Cabinet d'histoire naturelle de Berlin. B. Corps linéaire , entièrement, ou en partie au moins , déprimé; tête transversale ou presque isométrique , carrée, ou presque orbi- culaii-e, distincte postérieurement du corselet par un rétrécisse- ment ou un étranglement ; lobes maxillaires membraneux (i), sans dents , ni rangée pectiniforme de cils au côté interne ; le lobe extérieur élargi ou très obtus au bout; lèvre peu alongée, avec la languette profondément évasée au milieu, ou distinctement ' bilobée. Nota. Menton transversal. Jambes étroites, alongées, sans dilatation aiTgulaire au côté extérieur, mais simplement élargies vers leur extrémité; leurs dentelures ou petites épines moins nombreuses que dans le genre précédent; celles mêmes des quatre ou deux jambes postérieures, très rares ou nulles dans la plupart. Corselet presque carré. a. Mandibules très robustes, élevées, très dentées et terminées en pince; un cou brusque et étroit; abdomen plus étroit que le corselet, en étant séparé par un pédicule très distinct, cy- lindrique. GENRE II. ZyrOPHORE. Z/ro/>Ao?'Ms. (Daim. — Piestus, Gravenh. — Lepto- chirus, Germ. — Irenœus, Léach. — Oxytelus, Oliv.) Par les mandibules, les inégalités de la tête, et sur-tout ses impressions antérieures , et par la forme du corselet , èe genre nous rappelle celui de Passale. Les antennes, de grosseur presque identique, sont généralement (i) Ainsi que dans les autres brachélytres , l'apical externe est en formé de triangle renversé, uniarticulé à sa base, et l'interne moins élevé que lui, va en se rétrécis- sant de la base au sommet et se termine en pointe; son bord interne et l'extrémité du précédent ont une f:ange, formée par de petits poils. 88 CONSIDÉRATIONS SÛft LES INSECTES COLÉOPTÈRES moniliformês, poilues, avec le premier article obconique, dans Tespéce du Brésil que M. Gerrnar nomme Scoi-iac&ua (i). Les mandibules sont fourchues au bout. Au-dessous de l'origine des palpes maxillaires est une saillie assez 'forte et en forme de dent; l'appendice extérieur, terminant les mâchoires, est beaucoup plus large que dans les autres brachélytres , et tout-à-fait trattsversal , comme celui des Ateuchus des Copris, etc. Les angles de la base du menton sont nn peu dilatés, en manière d'oreillette; les supérieurs sont arrondis, et donnent naissance aux palpes; et le milieu du bord supérieur s'avance un peu en pointe; les lobes de la languette sont courts et très écartés au milieu; le dernier article des quatre palpes est cylindrique. Toutes les espèces connues, et dont les unes du Brésil, et les autres de Java, ont le corps de consistance très solide, d'un noir très luisant, avec un sillon longi- tudinal au milieu de la tête et du corselet. J'ai adopté la dénomination de Zyrophore donnée à ce genre par feu Dalman , plutôt que celle de Leptochirus de M. Germar, soit parcequ'elle est antérieure, soit parceque le premier en a développé avec plus d'étendue et 6guré les caractères. L'oxytèle bi- corne d'Olivier (Encvclop. méth.) me paroît ne pas différer du Z. Pectini- cornis de Dalman, qui, ainsi que lui , tenoit cette espèce de feu Paykull. S'il étoit vrai, comme il le soupçonne, qu'elle appartient au genre Piestus de M. Gravenhorst, la désignation générique de celui-ci devroit prévaloir. J'ai une espèce et que l'on m'a dit venir de Java, dont le devant de la tête offre trois petites cornes, et dont les antennes sont plus courtes, plus ve- lues, avec les articles plus globuleux; on voit de chaque côté, surle dessous de la tête, un avancement pointu et dentiforme. Cette espèce, ainsi que celle précitée de M. Germar, et que je dois à l'amitié de M. Adolphe de Lattre, étatït les seules que je possède, je ne pouvois entreprendre de donner ici une monographie de ce genre. b. Mandibules de grandeur moyenne , étroites , arquées, terminées en une pointe simple , sans dents , ou n'en offrant au plus qu'une, ^'^ m leur hase , et dans les mâles seulement. Tête légèrement ré- trécie postérieurement. Jlbdomende la largeur du corselet, n'en étant point séparé par un étranglement notable et déprimé. (i) Striatus? Guer. Iconog. du Rây. anim. 3' cah. insect. pi. IX, /ig. it. DE LA TRIBU DES DENTICRURES. 89 GENRE III. Prognathe. Prognatha.lhatr., Blond. — Siagoiium, Kirby.) Mandibules très étroites, très arquées, oulunulées, plus grandes et avec un appendice dentiforrae à leur base interne, dans les mâles. Dernier article des palpes cylindrique; ceux des antennes presque obconiques, et dont les derniers à peine plus épais. On n'en connoît encore qu'une seule espèce, dont le mâle a été figuré par MM. Kirby et Spence, sous la dénomination de Siagonum cjuadricome (Introd. Entom., tom. I, pi. i , fig- 5), et quant à la tête, et sous le nom de Rujîpetine, par M. Guérin(Iconog. du Rég. anim., 2' cahier, Insect., pi. 10, fig. 1). Celle que M. Blondel a décrite et représentée dans les Annales des Sciences natu- relles (avril 1817, PI. XVII, fig. 1^-17), n'est qu'une variété du même insecte. GENRE IV. GOPROPHILE. Coprophilus. (Lat. — Omalium, Gravenh., etc.) Mandibules légèrement arquées, point lunulées, et sans dents, dans les deux sexes. Dernier article des palpes conique ; ceux des antennes géné- ralement presque globuleux, et dont les derniers sensiblement plus gros. Corps moins éU'oit et moins déprimé que dans les Prognathes. UOmalium rugosum de M. Gravenhorst, que je rapporte à ce genre, a été représenté par M. Guérin (Iconog. du Rég. anim., 2°cah. , Insect., pi. 10, fig. 2). II. Derniers articles des antennes manifestement plus grands et formant presque ime massue alongée. Palpes subulés. Tarses ne paraissant composés que de trois articles , dont le dernier beau- coup plus long que les deux autres réunis. Annales du Muséum, t. I", 3' série. 1 2 go CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES GENRE V. OXYTÈLE. Oxytelus. (Gravenh., Oliv., Gyllenh., Dej., etc.) Les antennes forment un coude plus prononcé que dans les genres précé- dents. L'avant-dernier article des palpes maxillaires est le plus grand de tous, en forme de toupie, elle dernier beaucoup plus grêle se termine en pointe. Telle est aussi la forme du même aux palpes labiaux; mais ici les deux pré- cédents sont à-peu-près égaux et cylindriques. Les lobes maxillaires n'offrent rien de particulier ou ressemblent à ceux des Staphylins et des deux genres précédents. Le menton est aussi en carré transversal , et la languette est évasée ou écbancrée, en manière d'angle, au bord supérieur. Dans ceux où les individus mâles ont des éminences nommées cornes, celles de la tête sont formées par des saillies dentiformes du bord antérieur de cette partie [cornutus, morsitans), ou bien par des dilatations des portions latérales et élevées, sous les bords desquelles sont insérées les antennes; une expansion prolongée supérieurement du disque du corselet produit la corne que l'on y observe dans les mêmes individus. Dans le nouvel arrangement de la famille des Brachélytres proposé par M. le comte de Mannerbeim, les Oxytéles primitifs y composent quatre genres , savoir : Bledius , Platystethus , Oxytelus et Trogophlœus. Le dernier est distingué de tous les autres par l'absence de dentelures ou d'épines à toutes les jambes. Le premier est le seul de ceux-ci dont toutes les jambes soient entières (i). Dans les Platystetbus et les Oxytelus, l'extrémité des deux antérieures a une entaille au côté extérieur; la série des dentelures ou d'épines dont il est armé n'est point prolongée jusqu'au bout, comme dans les Bledius. Maintenant les Platystethus ont cela de particulier que ces den- telures , imitant un peigne, existent aux jambes postérieures; celles des Oxytéles en sont dépourvues. Le genre primordial n'étant pas composé d'un grand nombre d'espèces, peut-être eût-il mieux valu se borner à y établir des divisions embrassant ces coupes génériques. Mais il est toujours positif (i) Voyez Ylconograpkie du Règne animal, par M. Gue'rin, 3' cahier, Insectes, pi. 9, %. 10. DE LA TRIBU DES DENTICRUEES. 91 qu'elles sont très naturelles; à ces caractères il faut ajouter ceux que four- nissent les mandibules. Bans les uns, elles se terminent par deux dents, formant une sorte de fourche, ou bien par une pointe simple, mais avec le côté interne manifes- tement pluridenté. Cette division comprendra les genres Bledius et Platystethus^ Dans les autres Oxytélides, les mandibules finissant aussi en pointe n'of- frent, au côté interne, que deux petites dents. Ici viennent les deux autres genres Oxytelus et Trogophlœus. Le corps est toujours déprimé, sans cornes , et le corselet, moins rétréci postérieurement, est presque carré ou presque orbiculaire, au lieu que dans la division précédente, sa forme se rapproche beaucoup plus de celle d'un cœur, tronqué postérieurement. Le corps des Blédies (Bledius) est évidemment plus étroit , plus alongé et plus convexe que celui des autres Oxytélides. Le côté extérieur des jambes présente une rangée très serrée de spinules qui régne dans toute sa longueur, et couronne même, avec les éperons ordinaires, son extrémité; seulement, dans quelques uns, les spinules des deux jambes postérieures sont rem- placées, en totalité, ou en partie, par des poils ou des cils. Dans les espèces, dont les mâles ont des cornes, les mandibules s'élargissent vers leur extré- mité, et se terminent par deux fortes dents, dont l'inférieure plus courte ; le côté interne n'en présente point. On en voit deux à ce même côté, dans les mandibules des espèces sans cornes, ou du Castaneipennis au moins, et dont la supérieure correspond à l'intérieure des mandibules précédentes; elle est plus petite, et celle qui est formée par l'extrémité pointue de ces organes est plus avancée, de sorte qu'ils paroissent moins fourchus. Dans les Platystè- THES iPlaiystethus), leur côté interne est pareillement bidenté; mais la dent la plus inférieure, sur-tout à l'une de ces mandibules, où elle est plus éloignée delà supérieure, estbiGde; l'apicale est d'ailleurs forte et avancée. C'est plutôt par la petitesse des deux dentelures internes que par celle de petites épines aux jambes postérieures que les Oxytèles [Oxytelus) s'éloignent du genre précédent; car dans quelques individus au moins, ces spinules y sont très distinctes. On n'en voit point aux jambes àesT'ROGOVYnA^&^Trogophlœus), et l'extrémité de ces parties n'étant point rétrécie brusquement, n'offre pas cette entaille que l'on remarque aux deux jambes antérieures des O.xytèles et des Platystéthes. Par le faciès ces insectes ressemblent d'ailleurs à ceux du premier de ces deux genres. 92 CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES, ETC. Je me propose de revoir successivement, quant aux autres tribus, le travail si recommandable de M. le comte de Mannerheim. S'il n'est point aussi parfait qu'il pourroit l'être, c'est parceque , je n'en doute pas, tous les maté- riaux nécessaires lui ont manqué. Il est à désirer que l'on s'occupe aussi d'un species général des Brachélytres. Un esprit philosophique , accoutumé à tenir compte de l'influence qu'exercent sur les couleurs, sur la nature même de quelques portions de la surface du corps, les circonstances locales, y opérera une réforme salutaire, réclamée par les véritables amis des sciences naturelles. Ce besoin s'est sur-tout fait sentir vivement chez moi, lorsque j'ai voulu distinguer les espèces du genre Oxytèle, quoique réduit, ainsi que plusieurs autres de la famille des Coléoptères carnassiers; on y a multiplié, sans discernement et sur la différence la plus légère, le nombre des espèces. Post-scriptum. Il ne m'étoit pas venu en pensée, lorsque j'ai rédigé ce Mémoire, de consulter le Mémoire, extrêmement intéressant, que M. J. Th. Lacordaire , dont le dévouement à l'entomologie, et les qualités dii cœur sont au-dessus de tout éloge, a publié, dans les Annales des sciences naturelles, sur les habitudes des Coléoptères de l'Amérique méridionale, qu'il a si sou- vent parcourue. Il nous apprend que les Zyrophores vivent exclusivement sous les écorces en décomposition, les fouillant en tous sens, et qu'on ren- contre quelquefois, en très grande quantité, l'espèce {scoriaceus), figurée par M. Germar. Les Osorius vivent demême, mais on les trouve aussi quel- quefois sous les pierres. L'espèce, nommée brasiliensis par M. Dejean, creuse sous ces écorces de longues galeries cylindriques, et notre observateur a trouvé deux fois leur extrémité pleine de petits œufs, d'un blanc sale, dis- persés sans ordre, d'ovi il présume que la larve y vit aussi. RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA, POUR SERVIR A l'hISTOIRE DU TISSU CELLULAIRE, DE l'ÉPIDERME ET DES STOMATES. PAR M. MIRBEL. Le tissu cellulaire des plantes se fortne-t-il par développement continu ou par la réunion d'utricules d'abord libres, puis se greffant entre elles? Dans le cas de la formation par dévelop- pement continu, les nouvelles cellules sont-elles des utricules complètes, pouvant chacune, dans certaines circonstances, se séparer de la masse et offrir alors des vessies entières , parfai- tement closes; ou bien les cloisons qui séparent les cellules contiguës sont-elles simples, sont-elles indivisibles si ce n'est par déchirement, de sorte que le tissu cellulaire ne seroit pas, à pro- prement parler, composé d'utricules distinctes? Doit-on consi- dérer l'enveloppe cellulaire, ou, si l'on veut, l'épiderme des plantes , comme la couche la plus extérieure du tissu cellulaire sous-jacent, ou faut-il y voir un organe essentiellement différent de ce tissu par son origine et sa structure? Les stomates s'organi- sent-ils en même temps que l'enveloppe cellulaire, ou se dévelop- pent-ils plus tard? Les cavités ou chambres pneumatiques qui 94 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES correspondent aux stomates, sont-elles de formation primitive ou secondaire? Ces questions et plusieurs autres dont la solution est d'un grand intérêt pour l'anatoraie et la physiologie végétales, ont donné lieu à de profondes recherclies et à de savantes dis- cussions; mais il reste encore quelque chose à faire et à dire, puisque les botanistes ne sont point d'accord. Trente ans se sont écoulés depuis que, pour la première fois, j'ai publié mes opinions sur plusieurs des points que je viens d'indiquer. Elles ont été vivement attaquées. Aujourd'hui je veux les soumettre à ma propi'e critique : je tâcherai d'être impartial. Embrasser dans ses recherches un grand nombre de végétaux à-la-fois, et passer i"apidement de l'un à l'autre, récoltant les faits tels que le hasard les présente, sans se mettre en peine de ce qui a précédé et de ce qui suivra, ne me semble pas une bonne mé- thode pour arriver à des généralités sur l'organisation et les dé- veloppements. J'ai procédé d'une tout autre manière. Six mois ont été consacrés à l'étude d'une seule petite plante , le Mar— chantiapolymorpha , que l'on ne remarque guère, quoiqu'elle soit très cojnmune. Peut-être les botanistes me demanderont pour- quoi cette préférence accordée à une cryptogame qui, comme la plupart des espèces de cette classe, est dépourvue de bois , ainsi que d'organes creux propres à conduire les fluides, et n'offre, en dernière analyse, qu'un simple tissu cellulaire. La réponse est facile : ce n'est ni le bois ni les tubes connus sous le nom de vais- seaux que je me suis puoposé d'examiner; c'est le tissu cellulaire avec ses principales modifications, et, par conséquent, une plante tout entière composée de ce tissu convient mieux que toute autre à mon dessein . SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. 9 5 Une courte description du Marchanda sera suffisante, mais est indispensable pour que l'on puisse comprendre ce que je dirai tout-à-l'heure de la structure interne et des développements de cette plante. On la voit souvent dans les lieux humides, au bas des murs et sur les pierres de la margelle des puits. Elle s'étend en lames vertes, alongées, sinuées, espèces de feuilles tantôt appliquées sur le sol, tantôt redressées. La face supérieure de ces expan- sions foliacées est peinte d'étroites bandes verdâtres qui, se croi- sant en biais, la divisent avec régularité en un grand nombre de petites losanges à surfaces un peu convexes et d'un vert foncé (voy. PI. 5, fig. I , etfig. 4 «)• Au milieu de chaque losange on aperçoit à l'œil nu ou avec le secours d'une foible loupe, un point obscur qui n'est autre chose que l'ouverture d'un très grand stomate (voy. la Note A). La face inférieure produit un long duvet dont les brins indivisés sont de véritables racines, et elle est marquée, en relief, de nervures longitudinales. Les principales nervures se prolongent quelquefois au-delà de l'ex- pansion foliacée, en pédoncules, chacun surmonté d'un chapeau à large bord profondément divisé en huit ou neuf lobes épais ou seulement sinué. Sous les divisions des chapeaux lobés sont attachés des péricarpes renfermant une fine poussière jaune, formée d'une innombrable quantité de séminules. Sur les cha- peaux à bord sinué sont des ouvertures rondes qui communi- quent à des poches intérieures, que les botanistes considèrent comme des anthères. Le côté du pédoncule qui regarde la face supérieure de l'ex- pansion foliacée, est aplati, et, de même que cette face , il est vert, partagé en losanges et criblé de stomates. Au contraire, le 96 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES côté qui correspond à la partie inférieure de l'expansion est renflé, arrondi, roussâtre ou blanchâtre, et, de même quelle, dépourvu de stomates. Sur la face svipérieure, on i^emarque des godets membraneux, semblables à d'élégantes petites coi-beilles, dont le bord seroit découpé en dents aiguës. Ce sont les réceptacles d'une multitude de bulbilles lenticulaires (voy. PI. 5, fig. 4)- C'est assez sur les caractères extérieurs de la plante; venons à sa structure interne qui est l'objet principal de ce travail. Avant de donner l'histoire des diverses modifications et altéra- tions que le tissu cellulaire éprouve depuis sa naissance jusqu'à son complet développement, je veux montrer l'état de ce tissu dans la plante adulte. Cette voie que je fais suivre au lecteur, je l'ai suivie moi-même dans mes recherches. J'aurois eu plus de peine à saisir l'enchaînement des faits si je n'avois connu d'avance le but que je devois atteindre. Des lames très minces de la substance de l'expansion foliacée, obtenues par un grand nombre de coupes longitudinales et transversales, m'ont donné sur la structure du tissu cellulaire des notions positives. La masse du tissu est continue. Il n'y a entre les cellules qui le composent aucun de ces espaces creux nue M. Tréviranus a observés dans d'autres plantes, et qu'il a désignés sous le nom de méats intercellulaires ( voy. la Note B). Les cellules s'alongent généralement selon la longueur de l'ex- pansion. Ce caractère est très prononcé dans les nervures, les- quelles sont entièrement formées , ainsi que le reste de la plante, de tissu cellulaire. On ne sauroit dire que la face inférieure ait un épiderme, à moins qu'on ne veuille donner ce nom à la dernière couche de cellules d'un tissu cellulaire continu ( voy. SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. gj Pi. 7, fig. 3o, h). J'ai reconnu et tout le monde peut vérifier cette continuité qui suffiroit déjà pour faire croire, contre l'avis de plusieurs physiologistes , que l'existence d'un épiderme distinct dans les plantes aériennes n'est pas vin fait sans ex- ception. La face supérieure fournit matière à d'autres observations qui doivent trouver place ici, mais dont on n'appréciera toute la portée que lorsque je parlerai des développements. Le tissu superficiel est une membrane formée d'une seule couche de . cellules, lesquelles ne diffèrent des autres que par leurs parois un peu moins minces et un peu plus fermes (voy. PI. 5, fig. 2, b). Immédiatement au-dessous est un espace divisé en petites cham- bres par des cloisons cellulaires verticales, dont la crête se rattache à cette partie de la face inférieure de la couche superficielle, cor- respondante aux bandes étroites qui dessinent les losanges visi- bles à l'extérieur (voy. PI. 5, fig. i,c). Ainsi la couche superfi- cielle tient par l'intermédiaire des cloisons à la masse du tissu sous-jacent. Dès que j'eus constaté ce fait, je jugeai que je tou- chois au moment de dissiper les doutes qui s'étoient élevés sur l'origine et la nature de l'épiderme végétal. La suite fera voir que je ne me trompois pas. Chaque petite portion de la couche sviperficielle bornée par les côtés d'une losange, forme la voûte de l'une des diiambres, et chaque chambre reçoit dii^ectement l'air, la lumière et l'humi- dité par l'orifice elliptique d'un stomate unique, situé au centre de la voûte (voy. PI. 5, fig. i , 6 et fig. 2, g). Les chambres ne sont pas creusées très profondément dans le tissu sous-jacent. Les cloisons qui limitent l'étendue de chacune d'elles, ainsi que leur aire, sont chargées de papilles noueuses, Annales du Muséum, t. I", 3' série. i3 9 8 RECHERCHES AN ATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES rameuses ou indivisées, composées de cellules irrégulières at- tachées bout à bout (voy. PI. 5, fig. 2,/). La. structure des stomates est peut-être plus remarquable ici que dans toute autre plante. Un, deux et quelquefois jusqu'à trois anneaux elliptiques , formés chacun de quatre cellules, et super- posés Tun à l'autre, élèvent l'ouverture supérieure un peu au- dessus delà surface de l'expansion, et constitue ce que j'appelle la margelle des stomates (voy. PI. 5, fig. 2, g). Un anneau formé de trois, quatre ou cinq grosses cellules tvu'binées, dont les bouts amincis s'alongent vers le centre, garnit et rétrécit l'otiverture inférieure. C'est l'anneau obturatevir. Il descend assez avant dans la chambre (voy. PI. 5, fig. 2, i). Existe-t-il entre les différentes chambres d'autres communica- tions que celles qui résulten t de la permiéabilité des membranes du tissu? Je ne sauroisle croire. Pendant plusieurs mois, j'ai examiné avec les microscopes les plus puissants, le tissu qui forme Taire et les cloisons des chambres, et je n'y ai découvert aucun per- tuis qui permette aux gaz et aux fluides de passer librement d'une chambre dans l'autre ( voy. la Note G ). Dernièrement M. Dutrochet a injecté des feuilles de phanérogames au moyen de la machine pneumatique. J'ai employé ce pi'océdé pour intro- duire dans les expansions foliacées et les pédoncules du Mar- chantia une infusion de garance. L'injection dounoit au tissu une teinte d'un vert roux et une certaine roideur. Quand j'essayois de plier les expansions, elles cassoient net. Si l'infusion n'avoit pé- nétré quedans les chambres, lesexpansionsauroientconservéleur souplesse; car le moindre effort eût suffi pour chasser la liqueur en dehors par l'orifice des stomates, plus large, nonobstant l'an- neau obturateur, dans les expansions du Marchantia que dans SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. gg aucune autre plante que je connoisse. Je pense donc que les cellules elles-mêmes étoient injectées. On répondra peut-être que cela étoit impossible, attendu que les cellules sont toujours remplies d'un fluide. Cette assertion n'est rieu moins que prou- vée du moment qu'on l'énonce en termes si absolus. Sans doute les cellules contiennent souvent ce qu'on appelle de Yeau de végétation; mais cette eau de végétation est plus ou moins abon- dante, selon l'activité relative de la succion et de la transpi- ration. Ainsi, quand, par une cause quelconque, la quantité de liquide éliminée par la transpiration surpasse celle qui est introduite par la succion, le tissu devient flasque, parceque les cellules se vident; et, quand c'est la succion qui l'emporte, le tissu devient ferme, parceque les cellules se remplissent. Le Marchantia, comme les autres plantes, est soumis à ces alter- natives très ordinaires et très connues. Par l'emploi de la ma- chine pneumatique j'ai porté la turgescence à son maximum; les cellules ont été injectées aussi bien que les chambres des stomates; la teinture de garance s'est introduite à la faveur de la perméabilité des membranes, et non d'une autre manière. Je reviens à l'organisation. La couche cellulaire superficielle des expansions et des pédoncules, les cloisons et l'aire des cham- bres, les cellules des papilles et celles des stomates, contiennent de la matière verte dans des sphérioles, petites vessies fixées sur les membranes. On obtient la pi'cuve de l'existence des sphérioles en plongeant les cellules dans l'alcool, car, en très peu de temps, la matière verte se dissout, et l'on voit aloi^s très distinctement les sphérioles vides et transparentes; et ce qui démontre qu'elles adhèrent aux membranes, c'est que, lorsqu'après avoir déchiré les cellules, on en agite les lambeaux dans un liquide, les sphé- lOO RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES rioles ne changent pas de place. Elles abondent dans le tissu cel- lulaire voisin de la surface. Elles deviennent d'autant plus rares qu'elles approchent davantage du centre, et celles qui s'y mon- trent sont en général incolores et transparentes comme les sphérioles du tissu superficiel après avoir été soumises à l'action de l'alcool. De petites masses concrètes, ovoïdes, blanches, mamelonnées à la surface, paroissent cà et là dans les cellules du tissu. Je n'ai pu recueillir cette matière pour en reconnoître la nature ; je soupçonne que c'est de l'amidon (voy. Pi. 7, fig. 3o, e). Les nervures fortes ou foibles, relevées en bosse sur la face inférieure des expansions, sont accompagnées de petites mem- branes cellulaires invisibles à l'œil nu, qui se portent les unes vers les autres^ et se recouvrent mutuellement. Les racines nais- santes sont cachées sous ces membranes (voy. PI. 7, fig. 3o,/, g ). Plus âgées, elles ne se montrent au-dehors que pour s'enfoncer en terre ou pour se mettre en contact direct avec une atmo- sphère très humide. Chaque racine est un tube membraneux, long, grêle et transparent. Des pointes, semblables à des poils très courts, garnissent l'intérieur du tube, dont la surface n'offre attcune ouverture apparente, pas même à son extrémité qui se termine en cœcum (voy. PI. 5, fig. 5, 6, 7 ). A l'ombre et à l'hu- midité, le tube est rempli d'un fluide incolore qui se dissipe promptement si la plante est transportée dans une atmosphère sèche, et alors le tube se flétrit. Voilà un type de racine dans sa plus simple structure (voy. la Note D ). Le pédoncule est formé intérieurement d'un tissu de longues et larges cellules. Le côté qui correspond à la face inférieure de l'expansion foliacée ne laisse apercevoir, de même cn'elle, au- SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. lOI cun indice depiderme distinct du tissu ( voy. PI. 5, fig. 8,6). 11 est creusé dans sa longueur de deux profondes rainures pa- rallèles , dont les bords étendus en membranes cachent un double faisceau de racines qui descendent vers la terre sans sortir de ces espèces d'étuis (voy. PI. 5, fig. 8, e). Le côté qui correspond à la face supérieui^e de l'expansion diffèr-e d'elle en ce que ses stomates sont sensiblement plus petits que les cellules de l'anneau obturateur sont plus grosses, qu'elles bou- chent pi'esque totalement l'orifice inférieur, et qu'enfin les losanges de la superficie sont beaucoup plus alongées, et, par conséquent aussi, les chambres intérieures; car il ne faut pas perdre de vue que les côtés des losanges, indiquant les lignes d'attache des cloisons, donnent la forme et les dimensions des chambres avec la précision d'un plan géométrique ( voy. PI. 5 , fig. 9 et fig. lo). Tels sont les traits principaux de l'organisation du Marchantia adulte. Mais, pour prendre une juste idée des choses, nous allons remonter à leur origine, et noter les modifications qu elles su- bissent avant d'arriver à l'état définitif que je viens de décrire. Les chapeaux lobés des Marchantia portent suspendus à la partie inférieure de leurs lobes, des espèces de péricarpes remplis d'une innombrable quantité de séminules jaunes. J'ai observé ces séminules par un grossissement de cinq cents fois le dia- mètre. Ce sont de simples utricules membraneuses, transpa- rentes, incolores, plus ou moins arrondies, contenant des glo- bules jaunes (voy. PI. 6, fig. 1 1 , a). Semées sur des lames de verre, en serre, à l'ombre, sous cloche, de manière qvi'elles étoient environnées perpétuellement d'une atmosphère chaude et humide, elles se dilatèrent en quatre jours, au point que leur I02 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES diamètre devint trois fois plus grand que dans Torigine. Elles étoient alors parfaitement spliériques, et les globules jaunes que je reconnu alors pour des sphérioles avoient pris une teinte verdâtre. Peu après chaque séminule s'alongea dans un point de sa périphérie en un tube fermé à son extrémité (voy. PI. 6, fig. 12, i3, 14, i5). J'espérois que les développements se conti- nueroient sur les lames de verre ; je fus trompé dans mon attente. L'humidité étoit extrême : des animalcules infusoires et des con- ferves se mêlèrent aux sérainules, et celles-ci ne tardèrent pas à se désorganiser. Ce fut avec peine que je renonçai à l'emploi des lames de verre qui m'offroient le précieux avantage de pouvoir observer au microscope la même séminule à plusieurs époques de sa croissance, sans lui faire éprouver aucun dérangement. Du grès blanc réduit en poudre et légèrement humecté fut substitué au verre. Avec une pointe d'acier mouillée j'enlevai les séminules une à une et les plaçai à distance convenable. La germination fut prompte et vigoureuse. En agitant les petites plantes dans une goutte d'eau, je parvins à les séparer des molécules de grès aux- quelles elles s'étoient cramponnées. Il n'y avoit pas deux indi- vidus qui se ressemblassent, et pourtant l'organisation étoit essentiellement la même. Dans tous une utricule séminale produisoit d'abord un tube comme sur les lames de verre. De cette première utricule ou de ce premier tube naissoit bientôt une seconde utricule, puis une troisième, une quatrième, etc., et celles-ci à leur tour engendroient des tubes; et toujours il y avoit dans les utricules et quelquefois dans les tubes des sphé- rioles remplies de matière verte. Ce développement d'utricules et de tubes donnoit aux divers individus l'air de cordons noueux. SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. Io3 souvent ramifiés. Mais le nombre, la grosseur des utricules, la distance qui les séparoit, varioient beaucoup; et de même aussi le nombre, la longueur, le point de départ, la direction des tubes; de sorte qu'en définitive chaque individu différoit de tous les autres, et se montroit sous une forme ii^régulière, plus ou moins bizarre (voy.Pl.6, fig. 17). Un peu plus avancées, les petites plantes offroient, dans un point quelconque de leur corps, un assemblage confus d'utricules entassées les unes sur les autres (voy. PI. 6, fig. 18, a). Cette prodviction informe pré- cédoit toujours les développements réguliers. Les nouvelles utricules nées de la masse s'arrangeoient avec symétrie, et com- posoient en commun une lame verte que je ne saurois mieux comparer qu'à une feuille (voy. PI. 6, fig. 18, b). Ces faits que j'indique ici en peu de mots ont été le sujet d'observations multipliées. Je puis dire qvie j'ai assisté à la for- mation du tissu cellulaire du Marchantia , et que toutes les cir- constances de ce phénomène ont passé successivement sous mes yeux. Très certainement ce n'est pas par l'alliance d'utiicules d'a- bord libres que le tissu cellulaire se produit, ainsi que l'ont avancé plusieurs grands observateurs, mais par la force' géné- i^atrice d'une première utricule qui en engendre d'autres douées de la même propriété. La série des faits est représentée dans mes dessins. Je recommande sur-tout à l'attention du lecteur le dessin où l'on voit de huit à dix utricules- groupées en une masse cellulaire conique et mamelonnée, de la base de laquelle s'alonge un tube fermé à son extrémité (voy. PI. 6, fig. 16, a, b , c). L'vitricule, mère de toutes les autres, celle d'où naît le tube, est la séminule; elle occupe sa place dans la masse cel- lo4 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES lulaire ; elle ne s'est pas déchirée pour donner passage aux grains qu'elle contenoit ; ces grains ne se sont pas réunis pour former un tissu ; elle les contient encore; ils n'ont pas bougé, et le seul changement visible qu'ils aient éprouvé, c'est qu'ils sont devenus verts de jaunes qu'ils étoient. Quant aux nouvelles utricules, elles se sont produites à la superficie de celles qui les avoient devancées; elles n'en diffèrent que parcequ'elles sont plus jeunes, et cette génération d'êtres similaires et continus durera aussi long-temps que la végétation de la plante, ou, pour parler en termes plus positifs, n'est autre chose que son mode de développement. Ceci n'est pas une hypothèse, c'est l'histoire pure et simple des faits que j'ai observés. A ce premier âge du Marchantia , ce seroit vainement que l'on chercheroit dans l'expansion foliacée le plus léger indice de stomates, de chambres et de papilles. Rien de cela n'existe en- core. Il en est de même des corbeilles , et par conséquent des bulbilles qu'elles contiendront. L'apparition d'une corbeille s'annonce par le soulèvement de la couche cellulaire la plus extérieure qui se détache du tissu sous-jacent, et se divise en dentelures convergentes, lesquelles formeront bientôt le bord de la corbeille (voy. PI. 6, fig. 19. — Voy. la Note E). Si l'on coupe en deux cette corbeille naissante dans un plan perpendiculaire à sa base, et qu'on en sépare une lame très mince, on trouvera à la surface du tissu sous- jacent les bulbillqs, tous bien jeunes encoi^e, mais cependant à différents degrés de croissance (voy. PI. 6, fig. 20, e). Dans les derniei'S nés on ne distingue que deux utricules, l'une supé- rieure, l'autre inférieure (voy. Pi. 6, fig. 23, a, b). Celle-ci sert de pédoncule à la première. Elle n'éprouve aucun changement SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. lo5 notable dans le cours de son existence. Celle-là est le bulbille ou plutôt l'enveloppe ou l'espèce de matrice dans laquelle le bulbille ne tardera pas à se produire. Cette utricule est d'abord diaphane; plus avancée, sa transparence se trouble; des traces verdâtres se montrent, et, presque en même temps, des linéa- ments si foibles, si peu arrêtés, que l'oeil doute de ce qu'il voit jusqu'au moment où ces linéaments dessinent au net un tissu cellulaire continu (voy. PI. 6, fig. aS, c); et alors l'utricule , sur la paroi de laquelle s'est formé intérieurement ce tissu qui constitue le jeune bulbille , s'évanouit sans qu'il en reste le moindre vestige. On peut donc dire, dans le sens des physio- logistes, que l'utricule est absorbée. Autant en arrive à la petite vessie dans laquelle se développe l'embryon des phanérogames (voy. la Note F). A l'époque de la disparition de l'utricule, le bulbille a la forme d'une palette oblongue; ses cellules contiennent de la matière verte; par l'expansion de leurs parois, elles forment sur les faces et sur les bords des renflements hémisphériques; elles sont disposées avec symétrie, et il est facile de déterminer leur nombre. Dans un individu, j'en ai compté vingt-sept sur l'une des faces. Dix-sept composoient la bordure; les dix autres, ran- gées en deux séries, remplissoient l'intérieur (voy. PI. 6, fig. 23, c). Le bulbille continue de grandir. Son accroissement et la mul- tiplication des utricules sont deux faits corrélatifs et simultanés. Les nouvelles utricules se développent entre les anciennes, et les écartent sans qu'il y ait solution de continuité. Ce fait, in- contestable selon moi, renverse à-la-fois deux hypothèses: celle de la forma.tion du tissu par la réunion d'utricules d'abord libres, et cette autre qui, méconnoissant la composition utricu- Annales du Muséum, t. I", 3" série. i4 I06 RECHERCHES AINATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES laire du tissu, veut que les cloisons limitrophes entre les cel- lules contiguës soient simples comme les lames liquides qui séparent les bulles d'une écume. Dans mes anciens Mémoires, je me suis montré un des plus zélés partisans de l'accroissement par dévelopi^ement continu, et mes dernières recherches viennent à l'appui de cette théorie; mais je ne puis dire de même touchant la composition utricu- laire du tissu que j'ai niée autrefois, et dont aujourd'hui je con- fesse la réalité. Les inductions les plus fortes déposent en faveur de cette doctrine. Quand l'observation démontre que la séminule du Marchantia est une simple utricule, et qu'on la voit, pendant la germination, produire à sa surface des cellules membraneuses qui ne diffèrent d'elle par aucun caractère apparent, n'est-il pas très rationnel de conclure que ces cellules sont de tout point semblables à la séminule, ou, ce qui est la même chose , à l'utri- cule-mère? Lorsque entre les vieilles cellules du tissu il en sur- vient incessamment de jeunes, sans qu'il y ait solution de conti- nuité, comment se refuser à l'idée que chaque cellule a sa paroi propre, qui forme par son union avec les parois voisines les cloisons de séparation ; que c'est entre les parois des anciennes cellules que naissent les nouvelles, dont la force expansive occa- sione le dédoublement des cloisons; et qu'enfin, si, de ce dé- doublement, il ne résulte aucune solution de continuité, c'est que dès leur origine les nouvelles cellules font corps avec les anciennes?.... Cependant, quelque pressantes que soient ces in- ductions, elles ne sauroient encore avoir l'autorité des faits. levais en citer un sur lequel je reviendrai à l'occasion des stomates. J'ai vu souvent des utricules contiguës et réunies se séparer dans une poi'tion de leur surface : il m'a été possible alors de constater SUR LE MARCHANTU POLYMORPHA. 107 que chacune emportoit avec elle ce qui kii appartenoit des cloi- sons dédoublées, et qu'elle étoit close après comme avant la séparation. Je ne connois pas de preuve plus forte de la compo- sition utriculaire du tissu. Bien moins décisive est, à mes yeux, celle que l'on tire de ces utricules qui existent en liberté dans l'intérieur de certaines plantes, puisque jusqu'à ce jour aucune observation directe ne constate qu'elles ont formé originaire- ment ou qu'elles formeront plus tard Un tissu continu ( voy. la Note G.) A l'époque où le bulbille se détache de son pédoncule, son grand diamètre est dans le sens de sa largeur, ce qui indique que les sucs nutritifs ont pris une nouvelle direction (voy. Pi. 6, fig. 24). Ses deux côtés se développent en deux larges lobes plus ou moins arrondis, réunis à leur base. Il n'a point d'épiderme distinct, point de chambres, point de papilles intérieures. Ses deux faces toutes cellulaires, et parfaitement semblables, n'of- frent rien de remarquable , si ce n'est çà et là , vers leurs bords , un petit nombre de fossettes qui indiquent peut-être un pre- mier effort de la végétation pour produire des stomates (voy. Pi. 6, fig. 24, «)• Il m'importoit de savoir si par l'effet d'une prédisposition organique que du reste aucun caractère apparent d'organisation ne révéloit, les deux faces jouoient un rôle différent dans la végétation. Je semai à plat, sur de la poudre de grès, cinq bul- billes qui grandirent en peu de temps. Dans les cinq, la face appliquée sur le grès jeta des racines ; l'autre face développa des stomates. Cette première expérience n'étoit pas concluante. A la rigueur il étoit possible que j'eusse mis les cinq bulbilles dans une Io8 RECHERCHES ANATOMÎQUES ET PHYSIOLOGIQUES position qui se fût accordée avec les destinations différentes qu'auroient eues les deux faces. J'opérai donc à-la-fois sur qua- tre-vingts bulbilles, puis sur des centaines : le résultat fut le même que pour les cinq. Dès-lors je restai convaincu que, dans ce premier moment, les deux faces sont également aptes à pro- duire des racines et des stomates, et que les différences qu'elles offrent dans leurs développements résultent uniquement de la position où elles se trouvent. Mais, quoi qu'il arrive, cette apti- tude se maintient-elle dans les bulbilles qui ont commencé à se développer?... C'est une question que j'essayai d'éclairer par l'expérience suivante. Un matin je mis à plat, sur de la poudre degrés, bon nombre de bulbilles (voy. PI. 7, fig. 25). Le lende- main, à la même heure, je les retournai tovjs (voy. PI. 7,fig. 26). Il y eut donc échange de position entre la face supéi-ieure et la face inférieure que je continuerai de qualifier ainsi, nonobstant le retournement. Vingt-quatre heures avoient suffi pour que la face inférieure produisît beaucoup de racines, dont quelques unes avoient une longueur notable, et, quoique cette face fût ensuite exposée à l'air et à la lumière, ces racines s'alongèrent encore, se projetèrent en ai-c et enfoncèrent leur extrémité dans le sol (voy. PI. 7, fig- 27, b, c). De son côté, la face supérieure poussa de nombreuses l'acines de sa partie moyenne (voy. PI. 7, fig. 27, a, d). Cependant les bulbilles alloient toujours croissant. En quel- ques jours je vis successivement leurs deux lobes opposés, qui d'abord étoient appliqués sur le sol, se soulever, se dresser, puis incliner leurs sommets en dedans, et, courbés qu'ils étoient, se porter l'un vers l'autre, se rencontrer, dévier un peu de leur direction première, l'un à droite, l'autre à gauche, comme pour SUR LE MARCHAISTIA POLYMORPHA. lOg se livrer passage , se côtoyer, et finalement se croiser (voy. PI. 7, fig. 27 et fig. 28). La conséquence de cette évolution que l'on se- roit tenté de prendre pour un mouvement instinctif, fut que la face supérieure se retrouva, sinon en entier, du moins en grande partie, en regard avec le ciel, malgré le retournement que je lui avois fait subir, et que bientôt elle se couvrit de stomates (voy. PI. 7, fig. 28, a, d). La face inférieure que le retournement avoit mise en dessus, et que l'évolution que je viens de décrire avoit en partie remise en dessous, ne produisit point de stomates, même dans les places que la lumière frappoit encore directement, poussa de par-tout des racines nombreuses quand elle se trouva dans l'ombre et à l'humidité (voy. PI. 7, fig. 28, 6 ), et offrit en vieillissant des nervures relevées en bosse. Cette description des développements des bulbilles retournés, offre le cas le plus commun et qui peut passer pour normal; mais il arrive souvent que les développements, qui d'ailleurs amènent les mêmes résultats anatomiques et physiologiques, se présentent sous un autre aspect. En voici un exemple : j'ai placé des bulbilles retournés, de telle manière que la direction des rayons lumineux se croisoit avec leur petit diamètre; ils se sont la plupart rejetés en arrière, présentant au ciel leur face supé- rieure, et ne posant sur le sol que par la sommité recourbée de l'un de leurs lobes. Ce qui caractérise essentiellement les deux faces, est, pour la supérieure, la division en losanges, la présence des stomates et l'organisation interne qui s'y rattache; et pour l'inférieure, l'absence des losanges et des stomates, la multiplicité des racines et la saillie des nervures. La concomitance des faits démontre IIO RECHERCHES AN ATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES que si l'ombre et riiumidité favorisent le développement des ra-»' cinesetdes nervures, la lumière n'est pas moins utile à la pro- duction des stomates. Une autre vérité ressort de mes expé- riences : s'il est évident que les deux faces d'un jeune bulbille sont en tout point semblables anatomiquement et pliysiologi- quement parlant, il ne l'est pas moins que l'action prolonffée, pendant quelques heures, de la lumière sur une face, et de l'ombre et de l'humidité sur l'autre, suffit ])our faire évanouir cette ressemblance, et pour fixer irrévocablement l'avenir diffé- rent des deux faces, qui dès-lors se distinguent très bien en supérieure et inférieure, nonobstant leur position. L'apparition, sur la face supérieure, d'une fossette au milieu de quatre ou cinq cellules disposées en anneau , est l'indice cer- tain de la naissance d'un stomate (voy. PI. 7, fig. 29, a, b, c, d, e). La fossette n'existoit pas quelques heures avant. Gomment s'est- elle formée?... Comment s'agrandit- elle ensuite sous l'oeil de l'observateur?... La même réponse suffit à ces deux questions : la fossette s'agrandit évidemment par l'écartement et l'extension spontanés des cellules environnantes, et je ne doute pas qu'elle n'ait commencé de même. Quand elle a atteint une cei^taine dimension, son fond se perce d'un grand trou cari'é, ou se fend en étoile du centre à la circonférence. Le nombre, la configura- tion et l'arrangement des cellules du fond expliquent très bien ce double mode de déliiscence. S'il y a cinq cellules dont une carrée, au centre, flanquée des qualité autres disposées en anneau, la cellule centrale se détruit et sa place reste vide (voy. Pi. 7, fig. 27, cj ). C'est ce qui arrive le plus souvent dans les stomates des ex- pansions foliacées, S'il y a trois, quatre, cinq cellules cunéi- formes, ajustées ensemble en manière de disque, les angles des SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. Ill cellules aboutissant au centre se désunissent, s'isolent les uns des autres, et les espaces qu'ils laissent entre eux dessinent une étoile (voy. PI. 7, fig. 2g, f, e). C'est le cas ordinaire pour les stomates des pédoncules. A la faveur de l'ouverture soit carrée, soitétoilée, l'œil armé du microscope perce jusqu'au tissu sous- jacent, et y distingue les cellules ainsi que les globules verts qu'elles renferment. L'ouverture étoilée nous montre un exemple frappant de cette désunion partielle des cellules qui s'opère sans décliirement, de telle façon que chacune reste entière et parfaitement close. C'est l'exemple que j'avois en vue quand tout-à-l'heure je me suis appliqué à prouver la composition utriculaire du tissu. Le stomate approche du terme de son développement. Main- tenant l'anneau cellulaire extérieur constitue la première assise de la margelle, laquelle ne tardera pas à se -compléter. Les cel- lules du fond de la fossette sont devenues l'anneau obturateur. La couche superficielle du tissu, soulevée autour du stomate et colorée d'un vert plus intense, dû à la manière dont la lumière se réfraoîte, annonce qu'il s'est produit des modifications dans la structure interne (voy. PI. 7, fig. 29, c, d, e,f, g). Ce sont ces modifications qu'il nous importe de connoître. Pour en faire une juste appréciation, il faut reprendre les choses de plus haut. J'ai dit et je répète qu'avant l'apparition du stomate le tissu in- térieur étoit continu avec la couche cellulaire superficielle : des dissections très délicates et très multipliées ne me permettent pas le plus léger doute sur ce fait. Cette remarque suffit pour ré- futer complètement des assertions que j'ai laissées en paix, tant que je n'ai eu pour les combattre que des souvenirs, fruits de mes anciennes observations. l I 2 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES G est seulement quand la margelle se montre que la couche superficielle environnante se soulève et se sépare du tissu sous- jacent. A la même époque les papilles commencent à se déve- lopper dans les cellules du tissu (voy. PI. 7, fig- 3o, a, b, c, d). A mesure que les papilles s'alongent parla production de nou- velles utricules, les cellules s'agrandissent par la disparition des cloisons, si bien que le tissu, jusqu'à une certaine profondeur, est enfin remplacé par une chambre toute garnie de papilles. Or, ce changement si notable n'est pas le résultat d'une force mécanique qui procèderoit par rupture et déchirement; aucun lambeau de membrane ne paroît; la destruction s'opère sans laisser de trace \ ses procédés ne sont pas moins mystérieux que ceux de la production elle-même. J'avois déjà observé plusieurs fois un phénomène semblable à celui-ci dans mes recherches sur l'ovule. Les choses se passent de même dans les stomates voisins, et chaque chambre est circonscrite latéralement par des pans de tissu cellulaire qui restent debout et ne se séparent pas de la couche superficielle. La continuité du tissu intérieur avec la couche cellulaire su- perficielle, si complète dans les jeunes expansions, et qui sub- siste encore partiellement, au moyen des cloisons, après la formation des chambres , prouve que la couche superficielle n'est autre chose que le terme du tissu. Toutefois l'observateur qui n'étudieroit la structure des expansions qu'après quelafoi'- mation des chambres auroit isolé du reste du tissu la majeui^e partie de la couche superficielle, pourroit n'être pas tout-à-fait convaincu de la justesse de cette conclusion. Mais il n'en seroit pas de même de celui qui se seroit appliqué à constater la suite Anatouiie du Marchaiiha PolipuorpJui . ]\^.yi/uia/cir (bi Musèni) M'^ LegcnJrcf. jbKituriKC du Marclianda ro(t//)ivrf'Jt dans une corbeille arrivée à son complet développement, î^SV Il8 NOTES. qu'elles ne se recouvrent plus du tout, et sont rangées les unes à côté des au- tres sur une même ligne circulaire. Il y a donc eu accroissement du bord de la corbeille. De nouvelles utricules formées entre les anciennes les ont écartées, et les dents ont glissé les unes sur les autres, et se sont, en défini- tive, trouvées côte à côte. (F) 11 est bien entendu que le tissu développé à la superficie interne de la paroi de Tutricule qui servoit de matrice au bulbille ou à l'embryon, est composé d'utriculesnées simultanément et confusément, lesquelles ont formé un tissu cellulaire continu lorsqu'elles étoient encore à l'état de cambium. Mais en cet état, les jeunes utricules n'étoient pas libres; elles tenoient encore à la paroi; elles ne jouissoient pas d'une vie indépendante, et par conséquent leur réunion est un fait qui ne s'écarte en rien de la règle connue. Il n'en est certainement pas de même des grains organisés et libres, au moyen desquels M. Tréviranus prétend former le tissu cellulaire. Pour me bien faire comprendre , je dois dire que je donne ici au mot latin cam6nir^: NOTES. 123 renferment des sphérioles adhérentes , transparentes et incolores. Ces sphérioles n'existoient pas , ou du moins n'étoient pas apparentes dans le jeune âge. Dans l'ovaire peu développé, les élatères ne sont point visibles, et fes séminules réunies par une substance gélatineuse forment commae unemai3s« continue. Alors elles semblent être des vessies remplies de cenfpHScales , quoique, à la maturité, chacime soit évidemment un corps cellulaire. L'ovaire est inséré sur un renflement sphérique formé par du tissu cellulaire plus fin que celui qui constitue la masse générale du parenchyme. Il est digne de remarque que les élatères, ordinairement simples, se par- tagent quelquefois en deux ou trois rameaux. Ils sont composés de deux filets roulés en spirale et entrecroisés; ces filets ne sont point continus l'uTi avec l'autre aux extrémités de l'éfetère. J'ai reconnu la même organisajtion dans quelques jongermannes. TjCs filets sont doubles dans les rainifications. WILLIAM GRIFFITT, Paris, 2 avril i832. * • En recevant la Note de M. Griffitt, ma première pensée a été de vérifier ses observations, et, dans ce but, je me suis procuré quelques pieds de Targionia hypophylla. La fronde de cette très petite plante, atteinte déjà par la sécheresse, m'a pourtant fourni le moyen de constater l'exactitude des faits avancés par le jeune physiologiste anglais; et quant à la fructification, elle étoit en si bon état , que j'ai pu pousser plus loin mes recherches. Les ovaires du Targionia forment une espèce de capitule. Sous des squam- mules qui ont reçu le nom d'indusie, sont d'autres squammulès plus petites , entre lesquelles on aperçoit, comme le remarque un observateur justement célèbre, M. G. Sprengel , des ovaires surmontés de leur style, en nombre plus ou moins considérable. Ils sont fixés ainsi que les squammulès sur un ren- flement hémisphérique qui termine la nervure médiane de la fronde. De tous les ovaires un seul arrive à maturité. ( f^oy. But. de fa Soc. Phil. de Par. i8ii, N" 52, p. 27.) Les séminules naissantes sont logées dans les cellules d'un tissu qui rem- plit le jeune ovaire. Chaque cellule contient trois ou quatre séminules. Quand l'ovaire avance en âge, son tissu intérieur se disloque et se résout 124 NOTES. en autant d'utricules distinctes qu'il y avoit de cellules, de sorte que les petits groupes de séminules ont chacun pour enveloppe une utricule. Les séminules jeunes ou vieilles sont elles-mêmes de simples utricules qui contiennent, attachées à leur paroi, des sphérioles incolores. Cette observa- tion ne s'accorde point avec l'opinion de M. Griffitt; selon lui les séminules à l'état de maturité sont formées de tissu cellulaire. Les élatères ne se montrent que quelque temps après la dislocation du tissu. Ce sont des tubes grêles , membraneux , toujours terminés en cœcmn et souvent courbés en crochet. A cette époque ils contiennent des sphérioles incolores qui disparoîtront plus tard. L'es utricules séminifères adhèrent sans doute aux élatères, mais cette ad- hérence est extrêmement foible. Quand les élatères sont plus âgés , ils prennent une couleur fauve , et l'on diroit que chacun sert d'étui à deux longues bandes très étroites , roulées concurremment et parallèlement en tire-bourre à circonvolutions très lâches. Il y a ici une illusion d'optique: à la vérité les bandes existent, mais au lieu d'être libres dans l'intérieur du tube, elles sont une partie intégi'ante de sa paroi. Ce seroit, à mon sens, une curieuse découverte que celle de l'origine des élatères. Je ne serois pas étonné que des observations très directes et très positives conduisissent un jour à cette conclusion que ces organes ne sont autres qu'une des nombreuses modifications auxquelles les utricules sont sujettes. Un tel résultat trancheroit beaucoup de questions que depuis long- temps on s'efforce inutilemeni de résoudre. Selon l'observation de M. Griffitt, les sphérioles ne sont pas visibles dans les cellules de la paroi des très jeunes ovaires, et j'ajoute qu'elles n'existent plus dans les cellules de la paroi des ovaires qui sont arrivés à l'état de com- plète maturité. C'est donc seulement dans la période intermédiaire qu'on peut les observer. Alors la structure des cellules de la paroi n'offre rien de remarquable; mais il n'en est pas de même quand l'ovaire se teint d'une couleur fauve qui annonce sa vieillesse; car, à cette époque, le côté de cha- que cellule qui regarde l'intérieur de l'ovaire se marque transversalement de bandes étroites en forme de demi-cerceaux. Au premier coup d'œil on NOTES. 125 pourroit croire que ces bandes sont isolées de la membrane , ou même que la membrane n'existe plus; mais en regardant le tissu avec une grande atten- tion, sur-tout dans les endroits où les cellules sont déchirées, on se con- vainc que la membrane est présente, et que les bandes font corps avec elle. Je laisse à d'autres à décider si ce fait a quelque rapport avec l'organisation des élatères du Targionia. J'observe en terminant que , dans le Marchantia , les élatères complète- ment développés sont tels que je les ai représentés planche 6, figure ii, c'est-à-dire qu'ils offrent les deux bandes étroites, roulées en tire-bourre, du Targionia; mais que ces bandes ne font pas partie, comme dans cette dernière plante, d'un tube membraneux et clos. Elles ont l'air de deux trachées roulées ensemble dont les circonvolutions s croient écartées.- EXPLICATION DES PLANCHES. Planche 5. \ ■iitp )-j ,ijirji'.-i-. ira k>, ;>( ■ Fjg. I. Fragment d'une expansion foliacée du Marchantia polymorpha vue en dessus. a Losanges. b Stomates placés au milieu des losanges, c Bandes verdâtres qui séparent les losanges. Fig. 2. Coupe de l'expansion foliacée, faite dans un plan perpendiculaire à la surface. a Tissu cellulaire parenchymateux que je nomme, dans mon Mé- moire, tissu sous-jacent par égard à sa position relativement à la couche cellulaire superficielle. b Couche cellulaire superficielle, désignée par les physiologistes sous le nom d'épiderme. c Pan de tissu cellulaire qui tient par sa crête à la couche cellulaire superficielle b, et par sa base au tissu sous-jacent a. Ce sont ces pans de tissu qui forment les cloisons de séparation des chambres pneumatiques. d Chambre pneumatique. f Papilles noueuses, rameuses oji indivisées qui se développent sur l'aire, et les cloisons des chambres pneumatiques. g Stomate coupé perpendiculairement à sa base et dans le sens de son petit diamètre. h Utricuîes formant la margelle du stomate. i Utricuîes formant l'anneau obturateur. Fig. 3. Autre stomate coupé perpendiculairement à sa base et dans le sens de son grand diamètre. a Utricuîes appartenant à la couche cellulaire superficielle ou épi- derme. b Margelle du stomate. c Utricuîes de' l'obturateur. P'ig. 4. Corbeille contenant des bulbilles elliptiques, lenticulaires- a Portion d'épiderme offrant les bandes verdâtres elles losanges, et au milieu de chacune de celles-ci un grand stomate. EXPLICATION DES PLANCHES. I27 Fig. 5. Tronçon d'une grosse racine, vu sous un grossissement de 5oo fois ' le diamètre. On aperçoit dans l'intérieur des petites pointes sem- blables à des poils très courts. Fig. 6. Tronçon d'une petite racine, grossi également 5oo fois. La racine est un peu pliée en zig-zag. Plus souvent elle est rectiligne et cy- lindrique. Fig. 7. Bout d'une petite racine, grossi également 5oo fois. Il se termine en cœcum. ,- . .. 1 Fig. 8. Coupe transversale d'un pédoncule très jeune. a Face du pédoncule correspondante à la face supérieure de l'ex- ■ .:.'.■ -i - •■ -,.-11! i/i.il'li pansion. , . .^ b Face du pédoncule correspondante à la face inférieure de' Y'ëx- pansion. ' ' . . c Chambres pneumatiques peu nombreuses ,^ cause de la jeunesse du pédoncule, et qui ne sont pas encore garnies de papilles. d Pans de tissu cellulaire qui forment les cloisons des chambres. e Rainures profondes dans lesquelles sont logées dès racines dont on voit la coupe transversa,le. " ' '■''"'-"' j bords amincis des ramures.; • ' Fig. 9. Coupe transversale d'une portion de pédoncule déjà ancien. a Face du pédoncule correspondante à la fâcé supérieure de l'ex- pansion. v . .. ' h Stomate coupé perpendiculairement a sa basé'. On vèit très dis- tinctement les utricules qui forment la margelle et Tôbturateur. c Chambres pneumatiques garnies de papilles. d Pans cellulaires formant les cloisons. Les chambres et les cloisons sont Tjeaueoup plus multipliées que dans le pédoncule représenté .;figure 8. ■,•"-'.■■■.■• j.. .', -.-.k ■ . y ., ; .u;-;. Fig. io. Portion de ï'épiderme mi* peadnciîïe âëtàcii'éë dé îa face correspon- ti\- dante à la face supérieure de l'expansion et vue en dessous. a Chambres pneumatiques beaucoup plus longues et beaucoup moins larges que dans l'expansion. Il est à remarquer aussi que les losanges deviennent tellement irrégulièrçs ,que souvent leur nom ne s'accorde plus avec leur forme. Papilles. 128 EXPLICATION DES PLANCHES. c Stomates. Ils sont très sensiblement plus petits que dans l'expan- sion. Peu s'en faut que l'obturateur ne ferme totalement l'orifice interne. C'est ce qu'il est facile de reconnoître ici , puisque c'est la face inférieure de l'épiderme qu'on a sous les yeux. d Cloisons cellulaires qui forment les chambres pneumatiques. Planche 6. Fig. II. Deux lames étroites, ressemblant à des fils, roulées ensemble en spirale. Ces lames sont connues sous le nom d'Élatères. a Séminules attachées aux élatères. Ces séminules contiennent des sphérioles remplies d'une matière jaune. Fig. 1 2. Séminule dilatée par l'humidité. Fig. i3. Séminule commençant à germer. La matière jaiine contenue dans les sphérioles devient légèrement verdâtre. Fig. i4. Séminule plus développée. La matière jaune a pris un ton plus ver- dâtre. Fig. i5. Séminule encore plus développée. La matière contenue dans les sphérioles est verte. Fig. r6. Séminule qui après avoir produit sa racine a donné naissance à des utricules parfaitement semblables à elle. a Séminule. Elle ne diffère en aucune façon des utricules , c'est pourquoi, dans mon Mémoire, il m'arrive quelquefois de la dési- gner sous le nom d'utricule-mère. b Utricules produites par la séminule. c Racine. Fig. 17. Exemple d'une germination irrégulière et de forme bizarre. Fig. i8. Résultat remarquable de la germination. II y a production d'une expansion foliacée. On peut dire que la germination est terminée. a Amas irréguliers d'utricules qui précédent toujours les formations régulières. b Formation régulière. C'est une expansion foliacée ou fronde, selon l'expression des botanistes. Fig. 19. Corbeille conjmençant à se développer. Fig. 20. Coupe de la jeune corbeille dans un plan perpendiculaire à sa base. a Dents bordant la corbeille, et dont on voit parfaitement, figure 19, la direction convergente. EXPLICATION DES PLANCHES. 1 29 b Utricules superficielles développées en mamelons coniques, c Chambre pneumatique et papilles. d Chambre pneumatique et papilles vues à travers une cloison cel- lulaire, e Amas de bulbilles à différents degrés de développement. Fig. 21. Une des dents de la jeune corbeille représentée figure lo. Fig. 22. Une des dents de la vieille corbeille représentée planche 5, figure 4. C'est dans la Note G qu'il faut chercher l'explication des deux figures 21 et 22. Fig. 23. Bulbilles extrêmement jeunes, observés par un grossissement de cinq fois le diamètre. a Utricule formant le pédoncule du bulbille. b Utricule qui sert de matrice au bulbille. c Bulbille immédiatement après l'absorption de l'utricule dans la- quelle il s'est développé. Fig. 24- Bulbille qui commence à s'alonger et à s'élargir latéralement en deux lobes échancrés au sommet. a Petites fossettes qui semblent être un commencement de sto- mates, et qui pourtant disparoissent bientôt sans laisser de traces. Planche 7. Fig. 25. Bulbille semé depuis vingt-quatre heures. Il s'est enraciné par sa face appliquée sur le sol. Fig. 26. Le même bulbille retourné sens dessus dessous, de sorte que la face inférieure regarde le ciel, et que par conséquent les racines sont en l'air, tandis que la face supérieure est appliquée sur le sol. Fig. 27. Bulbille retourné, en pleine végétation. a Face supérieure. b Face inférieure. c Racines produites par la face inférieure. d Racines produites par la face supérieure. Fig. 28. Continuation des développements du bulbille retourné. a Face supérieure. Elle a repris sa position première et la face infé- rieure regarde maintenant la terre. b Racines de la face inférieure. c Très jeunes stomates. Annales du Muséum , 1. 1", 3' série. j„ l3o EXPLICATION DES PLANCHES. d Stomates un peu plus développés. Fig. ag. Portion très grossie de la face supérieure du bulbille représenté figure 28. a Stomate naissant. C'est une simple fossette. b Stomate un peu plus avancé. Quatre utricules renflées commen- cent la margelle. c Stomate encore plus avancé. Non seulement la margelle paroît, ■' mais les cellules environnantes se sont soulevées et détachées du tissu sous-jacent. Ainsi les chambres pneumatiques commencent à se former. d Stomate qui ne diffère du précédent que parcequ'une nouvelle assise composée de quatre utricules élève la margelle. e Stomate au fond duquel on aperçoit nettement les lignes d'union de quatre utricules convergentes. J-' Stomate plus avancé. Quatre utricules qui formoient le fond comme en e, s'étant séparées et écartées les unes des autres, lais- sent voir, par une ouverture étoilée, le tissu sous-jacent. g Stomate dont le fond étoit fermé par cinq cellules dont une au centre flanquée des quatre autres. La cellule centrale s'est éva- nouie, et à sa place on trouve une ouverture carrée. Fig. 3o. Coupe d'une jeune expansion foliacée perpendiculaire à sa surface. a Stomate dont la partie inférieure n'est pas encore ouverte. b Utricules qui forment la première assise de la margelle, c Utricules qui forment la seconde assise de la margelle. d Le tissu sous-jacent commence à se détacher et les papilles se développent. e Substance qui paroît être amilacée déposée dans les cellules. f Coupe transversale des membranes qui recouvrent les jeunes racines. g Racines coupées transversalement. h On voit en h que la dernière couche du tissu cellulaire de la face inférieure de l'expansion foliacée est parfaitement continue avec le reste du tissu. EXAMEN CHIMIQUE D UN SABLE FERTILISANT. PAR M. CHEVREUL. On prend dans le port militaire de Cherbourg, à quelques toises du rivage et à quelques pieds de profondeur dans la mer, un sable fertilisant , dont l'agriculture du pays retire de si grands avantages, que M. le contre-amiral de Grimaldi a pensé qu'il seroit utile d'en fixer la composition : c'est à cette fin qu'en i83o il en envoya quelques décagrammes à l'administration du Muséum d'Histoire naturelle. Le port militaire de Cherbourg ne communique pas avec le port marchand, et jusqu'au commen- cement de i83i peu de navires y avoient mouillé, au rapport de M. de Grimaldi. Enfin le rivage où l'on puise le sable ferti- lisant ne paroît point mêlé avec des alluvions. ESSAIS. (i) Deux grammes de sable qui avoit été séché à loo degrés pendant deux heures, exposés à la température de 1 4 degrés sous une cloche saturée de vapeur d'eau, en avoient absorbé au bout de quarante-quatre heures 0,04. Par conséquent 100 parties de sable en auroient absorbé 2 de vapeur. (2) On a traité par l'eau bouillante 3o grammes du même sable; on a fait évaporer la liqueur filtrée, le résidu étoit jaune. I 32 EXAMEN CHIMIQUE d'uN SABI.E FERTILISANT. légèrement alcalin au papier de curcuma ; une portion a été soumise à la distillation; elle a exhalé une vapeur aqueuse très sensiblement ammoniacale aux papiers réactifs, et a laissé une matière colorée en noir par du charbon. (3) La portion du résidu de l'évaporation qui se trouvoit dans la capsule, où le lavage avoit été exposé au feu, a été traitée par un peu d'eau froide : celle-ci est devenue d'un jaune roux, et il est resté sur les parois de la capsule une matière qui en a été en partie détachée par le frottement et l'eau chaude : ce qui y restoit adhérent , étoit dissous avec effervescence par l'acide hydro-chlorique; la solution légèrement jaune qui en résultoit, contenoit de la chaux et du peroxyde de fer. (4) La première solution d'un jaune roux, obtenue avec l'eau froide (3), évaporée à une douce chaleur, s'est couverte de pel- licules irisées; elle rougissoit fortement le papier de curcuma. Le résidu de son évaporation étoit très salé, et formé en grande partie de chlorure de sodium et de sulfate de soude. Il y avoit en outre un peu de sulfate de chaux et de chlorure de ma- gnésium. (5) La seconde solution, obtenue avec l'eau chaude (3), con- tenoit une quantité sensible de sulfate de chaux, et tenoit en suspension un mélange de sous-carbonate et de peroxyde de fer. (6) L'eau n'enlève point au sable toute sa matière organique, car après le lavage il noircit par la distillation, et donne de l'ammoniaque. ANALYSE. (i)Cinq grammes de sable séché à loo degrés ont cédé à l'eau une guaxitité de matière jaunâtre pesant 0,0)9. (2) Le résidu a été dissous avec une assez vive effervescence par l'acide EXAMEN CHIMIQUE D'uN SABLE FERTILISANT. i33 hydro-chlorique. Le gaz dégagé, presque entièrement formé d'acide carbo- nique, étoit aromatisé par une matière douée de la même odeur que celle du gaz hydrogène qui se développe pendant la dissolution des fontes dans Tacide sulfurique foible. (3) Le résidu indissous par l'acide hydro-chlorique pesoit, après avoir été séché à cent degrés , 4)i3x. (4) La solution hydro-chlorique, mêlée avec l'ammoniaque, a donné o,oi4 de peroxyde de fer, mêlé d'un peu d'alumine, et peut-être de phosphates de chaux et de magnésie. (5) Là solution précipitée par l'ammoniaque a donné avec l'acide oxalique une quantité d'oxalate de chaux qui , séché à cent degrés , pesoit i , 1 8 1 , et gr ^ gr qui brûlé, puis converti en sulfate, pesoit i,io5, équivalent à o,8i4 de sous-carbonate de chaux. (6) La liqueur séparée de l'oxalate de chaux a été mêlée avec du sous- carbonate de potasse et évaporée à sec. Le résidu repris par l'eau a laissé gt 0,019 de sous-carbonate de magnésie, mêlé d'une trace de sous-carbonate de chaux. D'après cela le sable est composé : De matière soluble dans l'eau o, oig .... 00, 38 (Sous-carbonate de chaux o, 8i4 • • . . 16, 28 Sous-carbonate de magnésie o, 019 ... . 00, 38 i Quartz et minéraux siliceux 4î ^^i . . . . 82, 62 Peroxyde de fer et alumine, mêlée peut- être de phosphates de chaux et de magné- sie, provenant des coquilles o, oi4 .... 00, 28 4, 997 • • ■ • 99> 94 CONCLUSIONS. Il est visible que le sable fertilisant peut agir en agriculture de diverses manières : I ° Comme divisant les terres fortes ; 2° Comme sous-carbonate calcaire; l34 EXAMEN CHIMIQUE d'uN SABLE FERTILISANT. - :. 3° Par les sels alcalins qu'il contient; ces sels sont de la même nature que ceux qu'on obtient en faisant évaporer les eaux de la mer. 4° Par la matière organique azotée qui y est en partie à l'état soluble ; la matière organique insoluble se trouve probablement contenue dans les détritus des coquilles. REMARQUE. Pour que la publication d'analyses de matières employées en agriculture comme fertilisantes fut aussi utile que possible, il faudroit indiquer en même temps: 1° La nature du sol où ces matières sont d'un bon usage; 2° Les rapports de ce sol avec le climat du pays dont il fait partie; 3° La culture du sol considérée sous le point de vue des moyens mécani- ques employés pour le préparer, et sous celui des moissons qu'on y récolte. En effet, si une matière fertilisante est absolument èonwe lorsqu'on l'en- visage par rapport à la nature de ceux de ses éléments qu'elle est suscep- tible de céder aux plantes cultivées dans un sol où elle a été répandue, elle ' peut avoir d'autres qualités simplement relatives à ce sol et au climat de ce même sol. Or ce sont ces divers modes d'action qu'il faudroit fixer en les déterminant, d'après une discussion approfondie de faits fournis par la chimie , la climatologie et la culture. CORRESPONDANCE. EXTRAIT DE! PLUSIEURS LETTRES DE M. Y. JACQUEMONT, VOYAGEUR NATURALISTE DU MUSÉUM, EN MISSION AUX INDES ORIENTALES. Samalkah au nord de Delhi, près de Paniput^ le i6 mars i83o. Messieurs, J'ai eu l'honneur de vous écrire au mois de novembre dernier une lettre, datée de Chandernaghor , dans laquelle je vous détaillois la marche que je comptois suivre vers les hautes provinces de l'Hindoustan , et les arrange- ments que j'avois pris pour la rendre aussi profitable qu'il étoit possible à l'objet de mon voyage. J'ai le plaisir de vous annoncer aujourd'hui que j'ai laissé très heureusement derrière moi presque toute la distance qui me sé- paroit alors des montagnes où je me proposois de passer l'été. Samalkah, d'où j'ai l'honneur de vous écrire, est à vingt lieues au nord de Delhi. A quelques jours de marche au N. O. de Calcutta, je rencontrai les jungles qui couvrent les plaines étendues au pied des basses montagnes du Béhar. Là sont ouvertes les houillères de Rannigunge, les seules qui soient encore exploitées dans l'Inde. Je commençai à y former des collections géologiques. L'allure de ces bancs houillers, les grès et les schistes anthraxifères auxquels ils sont subordonnés, et les impressions végétales de ces derniers, rapportent avec évidence leur formation à la grande formation houillère. La seule anomalie qu'offre ce gisement aux caractères si bien connus de ce terrain l36 . CORRESPONDANCE. est la présence de fossiles végétaux qui me paroissent des troncs d'arbres dycotylédons. Mais il est probable qu'une comparaison rigoureuse avec les fossiles du même terrain, dont nos collections sont si ricbes, démentira cette apparence. Je rejoignis à Rogonautpour la route ouverte, il y a une quinzaine d'an- nées, entre Calcutta et Benarès, au travers des forêts désertes du Bengale et du Béhar. Quoique cette contrée montueuse s'appuie au sud sur la ligne même du tropique , les forêts dont elle est couverte n'ont rien de la variété des traits de la végétation intertropicale. L'hiver que leur élévation au-des- sus du niveau de la mer, bien que très médiocre, y rendoit fort sensible, avoit dépouillé de leurs feuilles plusieurs des espèces végétales qui y domi- nent. L'excessive sécheresse de cette saison combinée avec la température froide de ses nuits, avoit suspendu la végétation des arbres, et détruit pres- que pénéralement celle des plantes herbacées. Mes herbiers ne s'enrichirent que d'un petit nombre d'espèces. Les mêmes causes exerçoient une influence semblable sur la vie animale; et mes collections zoologiques durent s'en ressentir également. Je regi-ettai moins cette pauvreté et cette monotonie de la nature, parce- que la rapidité obligée de ma marche, et l'extrême exiguité de mon établis- sement de voyage, ne m'auroient que bien difficilement permis de conserver et de transporter avec moi les richesses qu'elle eut pu m'offrir. Mon objet étoit de voyager vite et à peu de frais, afin de réserver mon temps et mon argent pour des lieux plus dignes d'intérêt, où, fixé à demeure, j'emploierai l'un et l'autre avec plus de fruit. Parti de Calcutta, le 20 novembre, ce n'est qia'à force de diligence que j'arrivai à Benarès le dernier jour de l'année. J'y restai six jours pour refaire mes gens et mon équipage fatigués par des marches forcées sur des routes détestables. La route directe de Benarès à Delhi , celle que suivent les voyageurs dont l'unique objet est d'arriver au but, m'eût fait voyager constamment le long des bords du Gange jusqu'à Allahabad, et ensuite le long des bords de la Jumnah dans le Doâb jusqu'en face de Delhi. Cet immense delta du Doâb, où dans l'été mes collections zoologiques auroient pu seules s'enrichir, ne CORRESPONDANCE. iSy me promettoit aux mois de janvier et de février aucune espèce d'intérêt. Je résolus donc de faire le sacrifice d'une douzaine de jours pour suivre une route plus longue, Lien plus pénible, mais intéressante. Mirzapour, Rewah, Lohargong, Punnah, Adjighur, Kalinger, Bandah, Hammerpour et Kulpi en sont les points principaux. Rewah, Lohargong, Punnah, Adjighur, sont situés sur un vaste plateau qui s'élève perpendiculairement de trois ou quatre cents mètres au-dessus de la vallée du Gange et des plaines du Bundelkhund. Ce plateau n'est séparé de la chaîne septentrionale des montagnes du Behar, que par la grande et profonde excavation où coule la Sône sous Rotasgliur. Il est formé des mêmes grès qu'on observe sur les pentes septentrionales des montagnes du Behar, depuis Rajemal et Monghir jusqu'à Saseram; mais on y voit le développement complet de cette formation de grès , réduite dans les Rajemal Par à quelques uns de ses termes seulement. On en a publié récemment en ce pays, dans le dernier volume des Asiatick researches, une description que je trouve peu exacte. Je me flatte. Messieurs, qu'en voyant la collection considérable que j'y ai formée, accompagnée des coupes où vous retrouverez la position de tous les échantillons dont elle se compose, vous partagerez l'opinion diffé- rente que je me suis faite de la nature de ces montagnes. Un de leurs districts, Punnah, est célèbre par ses mines de diamants. Je l'ai visité avec soin, et j'ose croire que le gisement mystérieux de ce mi- néral est enfin connu. Presque toutes les variétés de forme et de couleur du diamant se trouvent à Punnah. Comme ils sont petits en général, et possè- dent peu des qualités que les joailliers recherchent, ils sont d'un prix assez médiocre. Le vieux terrain de grès rouge, Rodte todte liegende, qui forme la base, sinon la masse entière, des grès des montagnes du Bundelkhund septen- trional , se lie d'une manière obscure à la formation de syénite qui le sup- porte. La connexion incertaine, la dépendance ambiguë de cette formation à l'égard de celle qui lui sert de base, est un de ses caractères géognostiques généraux. Il ne manque pas dans l'Inde, où cette formation elle-même avoit été jusqu'ici méconnue. Au sud, dans le bassin de la rivière Dammoodah, où la formation houillère se montre sans le cortège des roches arénacées et Annales du Muséum, 1. 1", 3° série. i8 l38 CORRESPONDANCE. porphyriques du vieux grès rouge, elle est, au contraire, parfaitement indé- pendante de celle du gneiss qu'elle recouvre. L'hiver très sensible au mois dejanvierdans les montagnes du Bundelkhund ne m'a pas permis d'y accroître mes collections zoologiques et botaniques dans la même proportion que celles de géologie. Rentré dans les plaines à Kalinger, je passai à Bandah la rivière Kéne, à Hamraerpour la Betwah, et à Kulpy la Jumnah, dont je suivis à-peu-près les bords dans le Doâb jusqu'en face d'Agrah, où je la traversai de nouveau, et donnai à mon équipage trois jours de repos. La fin de l'hiver, au mois de février, avoit été marquée par de violents orages qui m'avoient assailli dans le Doâb. Je me séchai à Agrah. En dix jours je vins de là à Delhi, au travers d'une contrée non moins mo- notone que le Doâb dans sa configuration physique, mais mêlée de cultures, de steppes et de landes. J'y acquis un nombre assez considérable de plantes et plusieurs animaux. Delhi, que je viens de quitter, a été ma plus longue station. J'y suis resté huit jours, occupé à mettre en ordre tout ce que j'avois recueilli jusque- là, et à assurer la conservation de mes collections pendant mon absence. Quelque bienveillants que dussent être les soins qu'on m'offroit obligeam- ment de leur donner jusqu'à mon retour de l'Himalaya, j'ai pris moi-même tous ceux qui dévoient les rendre inutiles, et je pars sans crainte sur l'effica- cité de mes précautions. La proximité de Delhi aux montagnes y conduit souvent les Anglais qui résident dans cette station. Par eux j'ai acquis tous les renseignements dési- rables sur la manière d'y voyager. Je me propose d'entrer dans l'Himalaya par la vallée du Dhoune au-dessus de Saharampour où, chemin faisant, je visiterai, non sans profit, la succursale montagnarde du jardin botanique de Calcutta. Dheyra est le chef-lieu du pays de Dhoune et la résidence d'un offi- cier militaire et politique qui, je n'en doute pas, épuisera pour moi les procédés bienveillants de l'admirable hospitalité de sa nation. Je passerai de suite du Dhoune qui a été souvent visité, à Sabathou, où j'ai lieu d'espérer le même accueil, et où je ne séjournerai pas davantage par la même raison ; de là à Kôteghur sur le second étage des montagnes, et, par l'étroit sentier suspendu au-dessus des bords escarpés de la rivière Sutledge, je passerai de CORRESPONDANCE. rSg l'autre côté de la chaîne centrale de THimâlaya , dont cette rivière a coupé toute l'épaisseur. Un très petit nombre de curieux sont allés dans ces lieux, dont le capitaine Herbert a le premier trouvé la route en 1819; ils y ont bâti deux maisons dont j'espère habiter une. Si l'hiver les avoit détruites , ou si des premiers venus s'en étoient emparés déjà pour cette saison, je com- poserois avec un villageois pour la location dé la sienne. Ce petit pays de Kanaor, à moitié Hindou et à moitié Tartare de religion, appartient à un radjah (le radjah de Bissahir), fort jaloux de l'amitié des Anglais; et je suis sûr d'y jouir pour mes recherches de la liberté et de la sécurité les plus abso- lues. Par sa position géographique au nord de la chaîne des neiges éternelles de l'Himalaya, par son climat, et comme une conséquence de ces conditions, par ses productions naturelles , sans doute il appartient en quelque sorte à cette région mystérieuse du plateau du Thibet. Ses hivers hyperboréens doivent rendre sa Faune et sa Flore peu variées; mais il est à espérer que l'une et l'autre se composent d'espèces la plupart inconnues , et que la nou- veauté des objets que j'en rapporterai compensera heureusement la médio- crité de leur nombre. Je redescendrai avec eux à Delhi vers la fin du mois de novembre Le reste de cette lettre estconsacré par M. Jacquemont à exprimer et à faire partager à l'administration du Muséum toute sa reconnoissance de l'accueil qu'il a reçu des autorités anglaises auxquelles il avoit été recommandé, et sur-tout de M. le gouverneur général de l'Inde lord William Bentinck. Il a dû à leur bienveillance et à leur vigilante protection d'inappréciables avantages. Jamais, dit-il, on ne l'a laissé voyager sans escorte, et quand il a passé au travers des territoires indépendants du Bundelkhund, province turbulente, les radjahs, avertis par les agents anglais qui exercent sur eux un contrôle politique , lui ont fait trouver chez eux les mêmes attentions qu'il étoit accoutumé à rencontrer dans les états de la Compagnie. Tchini en Kanaor, le i5 juillet i83o. C'est de Samalkah qu'étoit datée la dernière lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire en mars dernier, et qui fut expédiée de Kythul dans le pays l4o CORRESPONDANCE. des Sykes, le 22 du même mois. Je venois alors de m'associer à quelques per- sonnes de Delhi qui avoientbien voulu organiser pour moi une grande partie de chasse, qui, d'après mes espérances, devoit enrichir considérablement mes collections zoologiques. Suivis de dix-sept éléphants, de quatre cents cava- liers, et du double de gens à pied, nous parcourûmes, non sans les dévaster un peu, les principautés de Kythul et de Pattialah étendues jusqu'au désert de Bikanir, et j'eus le regret de ne rapporter de cette fatigante excursion qu'un petit nombre de plantes nouvelles. Reprenant aussitôt ma marche solitaire, je vins à Saharunpore, où le gou- vernement possède un jardin botanique. Accueilli par le directeur de cet établissement, je concertai avec lui le commencement de mon voyage dans les montagnes, et après lui avoir laissé en dépôt les collections quej'avois faites depuis Delhi, et la majeure partie de mon bagage, après avoir formé , un nouvel équipage adapté aux chemins difficiles ouverts seuls désormais devant moi, et où tout doit être porté à dos d'homme, je quittai les plaines, et entrai dans l'Himalaya le 12 avril, trois jours après le renversement de la mousson et l'établissement des vents du sud-ouest qui avoient déjà rendu excessive la chaleur très forte auparavant depuis le mois de mars dans les plaines sablonneuses du nord de l'Hindoustan. Ce que les Anglais appellentla première chaîne de l'Himalaya n'est qu'une rangée fort continue de hautes collines composées de conglomérats moder- nes, laquelle régne au-devant des montagnes primitives sur la plus grande partie de leur longueur. Entre ces collines et le pied des montagnes, est creusée une longue vallée longitudinale qui jouit, à raison de sa position, d'un climat particulier, où le calme habituel, l'humidité et la chaleur de l'at- mosphère provoquent tous les développements organiques, mais où ces mêmes causes produisent en automne des ^miasmes délétères, tellement re- doutés dans quelques parties de l'Himalaya, entre Catmandou, par exemple, ou entre Almora et les plaines , que ces lieux sont réputés alors absolument inaccessibles aux Européens. La saison où j'entrai dans le Dhoune ne m'imposoit heureusement aucune des précautions que je devrai prendre pour traverser de nouveau, après la saison des pluies, cette zone pernicieuse. J'y demeurai huit jours utilement CORRESPONDANCE. I^l employés à l'accroissement de mes collections. J'y complétai en même temps mon appareil de voyage dans les montagnes, où je vins camper le aS avril sur les cimes de Mossouri, sousle climatdes Alpes, et parmi des productions spécifiquement différentes des leurs, mais qui semblent souvent calquées sur elles. Des orages d'une violence et d'une continuité inaccoutumées jusque-là dans ces lieux j m'obligèrent à y prolonger mon séjour, sans me permettre de le faire tourner très considérablement au profit de mes collections. Le 2 mai, je me remis en marche pour monter aux sources de la Jumnah, sous les- quelles je campai plusieurs jours à une grande élévation, près du hameau de Cursali, le dernier de cette vallée, et une des situations les plus favorables sous tous les rapports de l'histoire naturelle. Quelque petite que soit sur la carte la distance entre Semlah et Jumnoutri, l'extrême âpreté des montagnes qui s'entassent les unes sur les autres tout le long de la chaîne des neiges éternelles, y rend la marche si pénible et si lente, que je ne pus la parcourir en moins de trois semaines. J'arrivai à Semlah épuisé, sinon malade encore des suites d'une indisposition, produite par le changement obligé de régime alimentaire dans la contrée misérable où je venois de voyager. Je fus accueilli à Semlah par l'officier qui gouverne le territoire d'alentour soumis à la Compagnie, et dont l'influence est toute-puissante sur les états montagnards soi-disant indépendants de cette partie de l'Himalaya. Je laissai dans la demeure hospitalière de cet officier, M. Kennedy, toutes mes collections amassées depuis Saharunpore; et, rétabli par urie dizaine de jours de repos et un retour passager aux commodités de la vie européenne, je la quittai le 28 juin pour passer de ce côté-ci des montagnes. Je descendis de Kôteghur sur les bords du Sutledge que je suivis jusqu'à Rampour, capi- tale du Bissahir. C'est là que cette rivière débouche au travers de la chaîne centrale de l'Himalaya. En montant de ses bords élevés déjà de mille mètres jusqu'à deux mille mètres plus haut , j'ai eu l'occasion de voir un grand nombre de coupes du terrain qui mettent à nu la structure géologique de toute la base et d'une portion considérable de la hauteur de cette chaîne. Je complé- terai cette reconnaissance en retournant à Semlah par un de ses cols les plus l42 CORRESPONDANCE. voisins de cette immense ouverture, le Bouroûne ghanti (Burunda pass des Anglais), profondément excavé lui-même entre ses cimes, puisque son élé- vation n'excède guère quatre mille mètres, tandis que leur niveau moyen en dépasse cinq mille cinq cents. Tchini, d'oiàj'ai l'honneur devons écrire aujourd'hui, est le lieu le plus élevé de la vallée du Sutledge où se fassent sentir les pluies solsticiales qui inondent depuis un mois le versant opposé des montagnes , et dont j'ai eu beaucoup à souffrir depuis Semlah. Je suis maintenant presque en dehors de leur influence, et mia première marche me conduira dans cette partie du Ka- naor, si remarquable par la sécheresse de son climat. Au reste, il y a déjà une assez grande différence entre celui de cette portion de la vallée du Sutledge et celui des vallées indiennes pour que j'en observe une considérable entre leurs productions diverses. Mes collections botaniques sur-tout s'accroissent rapidement. J'ai eu le malheur de perdre dans le transport la liqueur spiri- tueuse que j'avois fait venir à Semlah de Sabathou, ainsi que les bocaux qui la contenoient; mais j'espère être à même de la remplacer à Souguenom par le foibJe esprit qu'on y distille du marc fermenté des raisins, et d'y faire faire des vaisseaux de bois capables de la renfermer avec sûreté. Muni de ces taoyens, et favorisé par la sécheresse du climat, je pourrai alors accroître mes collections de zoologie dans la même proportion que celles de géologie et de botanique. En remontant le cours de la branche principale du Sutledge, je ne saurois dépasser Chipki, premier poste de la Tartarie chinoise, tandis qu'en mar- chant au nord le long de son affluent septentrional, le Spiti, j'ai lieu d'espérer pouvoir sortir des possessions du radjah de Bissahir, et pénétrer sur le pla- teau de Ladak, petit pays presque indépendant des Chinois, et tributaire du radjah de Bissahir, lequel m'a témoigné jusqu'ici toutes sortes d'attentions, et a écrit sur sa frontière et en Ladak pour faciliter mon passage. J'ai vu des débris organiques fossiles de terrains secondaires qui prove- noient de cette contrée où ils paroissent se trouver en immense quantité épars à la surface-du sol, à un niveau excessivement élevé (quatre mille cinq cents mètres). La végétation y est réduite à des herbes et à quelques rares arbrisseaux à peine plus hauts qu'elles. Le chien , le yak et la chèvre qui pro- CORRESPONDANCE. l/jS duit le duvet de cachemire y sont les seuls animaux domestiques, et il n'y a sans doute aussi qu'un petit nombre d'espèces sauvages; mais il me semble que la nature du pays donne à tout ce qu'on en pourroit rapporter un intérêt qui compensera la médiocrité probable du nombre des objets. C'est au com- mencement d'octobre que je repasserai l'Himalaya par le col de Bouroûne. De là à Semlah, il n'y a qu'un petit nombre de marches. Rassemblant et poussant devant moi toutes les collections que j'aurai successivement laissées en arrière, je descendrai à Sabathou, et de Sabathou dans les plaines vers le sommet desquelles je marcherai à Saharunpore, oîi je reprendrai mon lourd équipage de voyage accoutumé, pour me rendre à Delhi, avec tout ce que j'aurai recueilli depuis le mois de mars dernier. Kurnaul, i" février i83i. La dernière lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire étoit datée de Tchini en Kanaor, le i5 juillet i83o. Je vous y rendois un compte sommaire de mes excursions dans l'Himalaya indien entre la vallée du Gange et celle du Sutledge. J'ai passé tout l'été sur la pente septentrionale de l'Himalaya, soit sur la rive droite, soit sur la rive gauche du Sutledge, et j'ai remonté jusqu'à six journées de marche au nord du 32° degré de latitude la vallée du Spiti, le plus large des affluents de ce fleuve. A l'est, Beckhur a été la limite de mes excursions. C'est une chétive for- teresse gardée par des Thibétains soumis à l'autorité chinoise. Je n'aurois pu m'approcher davantage du lac Mansarôvar sans rencontrer des obstacles bientôt insurmontables. Au contraire, dans la vallée du Spiti qui forme un petit état sans défense, et nominalement indépendant de ses voisins, j'avois une entière liberté. Je ne trouvai de difficultés que pour pénétrer dans ses parties supérieures, dont l'entrée est fermée par quelques territoires chinois. Je réussis cependant à passer sans molestation ni querelle. Je partageois avant d'avoir fait ce voyage l'opinion, généralement admise par les Anglais, que le Sutledge, après avoir coulé long-temps au nord de l'Himalaya , appuyant sa rive gauche à la base septentrionale de cette grande chaîne, la traversoit par une énorme échancrure entre Bissahir et l44 CORRESPONDANCE. KouUou. Cette vue est inexacte: cette chaîne colossale de l'Himalaya, que ses neiges éternelles font apercevoir de si loin les plaines de l'Iude, n'est elle-même qu'un objet peu remarquable par sa hauteur, comparée aux au- tres systèmes de montagnes qui s'élèvent au nord derrière elle. Elle s'abaisse graduellement vers le nord-ouest, et c'est au lieu où elle finit que le Sut- ledge, cessant alors d'être contenu sur sa rive gauche ou méridionale, passe au sud dans les plaines de l'Inde et du Pendjab qu'il sépare. Les montagnes de KouUou, avec leurs pics neiges, que les physiciens anglais ont décrites comme le prolongement de cette chaîne au-delà de l'immense excavation apparente qui donne passage au Sutledge, ne me semblent être au contraire que le prolongement très régulier d'une chaîne plus septentrionale qui domine sans interruption la rive droite du Sutledge. Au-delà de cette seconde chaîne, c'est-à-dire au nord, la contrée tout entière continue à s'élever, et les montagnes s'entassent les unes sur les autres dans une confusion telle, qu'il est absolument impossible de découvrir aucun ordre dans leur arrange- ment. C'est au travers de ces montagnes amoncelées qu'est creusée du sud au nord , et ensuite du sud-est au nord-ouest, la vallée profonde du Spiti. Au lieu le plus éloigné que j'en ai visité, le fond de cette vallée étoit élevé de quatre mille mètres au-dessus de la mer. J'ai trouvé des cultures et des villages épars à près de mille mètres plus haut, et des plantes phanérogames à une élévation bien plus grande encore. Comme toute la contrée à-la-fois s'élève sur une immense étendue, elle a un climat beaucoup moins rigoureux que ne le feroient supposer les cir- constances réunies de sa latitude et de son niveau absolu. Dans l'Himalaya indien il y a peu de villages au-dessus de deux mille quatre cents mètres; leur élévation moyenne en Kanaor est de trois mille mètres; elle est de quatre mille mètres dans le bassin des eaux du Spiti. La limite des cultures s'élève comme celle des habitations humaines, et la ligne inférieure des neiges perpétuelles demeure parallèle aux unes et aux autres, si même elle ne s'en écarte pas davantage à mesure que l'on s'avance vers le nord. Le climat de celte étrange contrée est d'une sécheresse extraordinaire. Je n'avois pas d'instruments pour la mesurer; mais parmi les nombreux phénomènes naturels qui l'attes- CORRESPONDANCE. 1/(5 tent, je citerai seulement le défaut absolu de rosée pendant les nuits les plus calmes dans les vallées où les températures diurne et nocturne de l'air dif- fèrent énormément. Il tombe peu de neige en hiver; il pleut quelquefois au printemps, et bruine rarement en automne lorsque des nuages sont préci- pités par des vents irréguliers de la cime des montagnes dans la profondeur des vallées. J'ai rapporté de ce voyage un grand nombre de plantes avec leurs semences. Aucune de ces espèces ne se trouve de ce côté de l'Himalaya. On conçoit aisément dans des climats si différents, quoique dans des contrées si voi- sines, on conçoit, dis-je, aisément cette différence de tous les êtres organisés. . Mes collections minéralogiques ne sont pas moins considérables. La nudité des montagnes favorisoit les observations de géologie. Celles que j'ai faites suggèrent, si je ne m'abuse, des vues fort nouvelles sur les terrains primi- tifs. J'aurai l'honneur de vous les présenter quand je pourrai mettre sous vos yeux la série de mes observations , et les coupes nombreuses qui me paroissent prouver la justesse de ces considérations géognostiques. II y a parmi mes collections géologiques un grand nombre de fossiles tes- tacés qui se rencontrent dans diverses couches d'un terrain secondaire déve- loppé sur une étendue et avec une épaisseur immenses au nord de l'Himalaya dans la Tartarie indépendante, le Haut-Kanaor, Hangarang et le Thibet chinois. Le 3 octobre je repassai au sud de l'Himalaya indien par un de ses cols les plus bas, Bouroune ghanti, dont l'élévation excède à peine i5,ooo pieds anglais; je descendis la vallée du Paber, et passai dans celle du Ghirry, re- montai à Semlah d'où je retournai à Saharunpore par une route sinueuse au travers des Dhounes ou vallées inférieures creusées au pied des premiers gradins de l'Himalaya. Je regagnai heureusement les plaines sans fièvre. Plusieurs voyageurs anglais ont passé le Bouroune ghanti, et tous se plai- gnent d'y avoir souffert de céphalalgies et de nausées, d'oppression, etc, Ce- pendant j'ai passé dans des lieux bien plus élevés, puisque trois fois j'ai campé au-dessus de 16,000 pieds, et que pour aller à Beckhur j'ai eu à traverser des cols élevés de plus de 18,000 pieds, et je n'ai jamais ressenti aucun des effets fâcheux dont se plaignent tous les voyageurs, et je n'en ai jamais Annales du Muséum, 1. 1", 3° série. 19 1^6 CORRESPONDANCE. observé les symptômes dans un seul des nombreux compagnons de mes courses. Mon expérience toutefois n'a rien de contradictoire avec celle d'au- trui; j'ai vécu sept mois dans l'Himalaya, et je ma suis élevé graduellement de sa base à ses cimes. Lorsque pour aller à Beckhur, je montai quatre fois au-dessus de six mille mètres, il y avoit deux mois que je n'étois presque jamais descendu au-dessous de trois mille. De là j'étois allé camper à quatre mille mètres ; puis, après quelque séjour, à cinq mille. Quand l'ascension est si graduelle, le poumon a le temps de s'accoutumer à jouer avec liberté dans une' atmosphère excessivement raréfiée. C'est un changement considérable de niveau dans un court espace de temps qui l'affecte et qui produit l'oppres- sion dont Saussui'e et ceux qui sont montés après lui sur le Mont-Blanc se plaignent bien avant que d'arriver à sa cime. Tandis que j'étois en Eanaor, je reçus une lettre aussi obligeante qu'inat- tendue de M. Allard , officier français qui commande les armées de Rundjet- Singh, roi du Pendjab. Il m'écrivoit pour me dire qu'ayant appris mon arrivée à Semlah, et l'objet de mon voyage, il espéroit que sa situation dans le royaume de Lahor lui fourniroit les moyens de m'être utile , si j'avois l'intention d& visiter le Pendjab. Je répondis à M. Allard que les plaines du Pendjab n'offriroient sans doute à un naturaliste qu'un médiocre intérêt; mais que s'il pouvoit par son crédit près du radjah m'obtenir des passe-ports pour Cachemyr, je croirois devoir profiter d'une si précieuse occasion de visiter une contrée rigoureusement fermée aux voyageurs anglais par la dé- fiance jalouse de Rundjet-Singb. J'ai été constamment depuis ce temps-là en commerce de lettres avec M. Allard'i et (comme il m'avoit conseillé d'obtenir des recommandations du gouvernement anglais) avec M. le gouverneur général de l'Inde. Je dois à ce dernier, lord William Bentinck , une grande marque d'estime et de bonté. Il a fait pour moi ce qui a été, je crois, invariablement refusé aux officiers de sa propre nation qui avoient prié le cabinet de Calcutta d'appuyer la de- mande qu'ils avoient faite sans sùGcès à Rundjet-Singb de voyager dans ses états dans des vues semblables aux miennes. Je serai dans vingt jours à La- hor, où l'appui de notre compatriote M. Allard et la recommandation amicale de lord Bentinck m'assurent une excellente réception. Mon projet est d'aller jusqu'à la base du Hindou-côb qui me paroît être la CORRESPONDANCE. i ^n limite occidentale de l'Himalaya : je compte entrer de là dans le pays de Cachemyr par la route de Paishawer, et y faire un séjour proportionné à l'intérêt que son territoire m'offrira; enfln revenir h Delhi en suivant le revers thibétain de l'Himalaya jusqu'au Sutledge que je traverserai dans le Bas-Kanaor. Je ferai en sorte d'être de retour à Delhi au i" novembre de cette année. J'ai laissé dans cette ville toutes mes collections : elles y demeureront jus- qu'à mon retour de Cachemyr. Chacun m'offroit sa maison pour les rece- voir; mais j'ai préféré les déposer dans le magasin militaire du gouvernement, où elles sont placées sur de hautes tables dont les pieds plongent dans des cuvettes remplies d'eau, et où l'on sait préserver des ravages des insectes des effets d'équipement qui y sont bien autrement exposés. Elles ont été soi- gneusement empoisonnées avant d'être emballées; et j'ai laissé les instruc- tions nécessaires pour les envoyer en France dans le cas oii je mourrois avant de revenir à Delhi. Lahor, le 17 mars i83i. Grâce à la bienveillante entremise du gouvernement anglais en ma faveur auprès du radjah Rundjet-Singh, j'ai reçu de ce prince l'accueil le plus dis- tingué. La simple permission de voyager dans ses états eût équivalu de sa part à un refus; mais il me donne une escorte pour me garder et un officier de sa maison qui doit veiller à mes besoins. Je ne saurois désirer mieux. Je me détournerai de quelques jours de marche pour visiter une chaîne de collines salifères qui bordent la rive droite de l'Hydaspe, traversent tout le Pendjab, et se prolongent au-delà de l'Indus jusque dans l'Afghanistan. Cependant je serai dans vingt-cinq jours à Cachemyr. On ne sauroit y entrer plus tôt à cause des neiges dont sont encore couvertes les montagnes qui séparent cette haute vallée des plaines du Pendjab. Cachemyr, le 28 mai i83i. La dernière lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire étoit datée de Lahor le 17 mars dernier. Je vous accusois alors la réception de la vôtre du 19 mai i83o, qui venoit seulement de me parvenir, et je vous disois les auspices fa- vorables sous lesquels s'annonçoit mon voyage hors des possessions anglaises. l48 CORRESPONDANCE. Le 18 mars, Rundjet-Singh m'accorda sa dernière audience, dans laquelle ilme prodigua les distinctions les plus flatteuses, et voulut bien ordonner lui-même tout le détail des précautions nécessaires à ma sûreté pendant mon voyage dans ses états, et mon séjour dans la province reculée de Cachemyr. Je quittai Lahor le 26, et, traversant successivement le Ravi, le Tchinâb et le Djhèlom, je vins campera Pindadenkhan pour visiter les mines de sel exploitées dans les environs ron (/euru') 3 . I*. iuàerccclee^ 7 . T. hiée 4. . _?. Traù'&' 8 . ]'. j-f>aùi^ere- . 22, . J^. ûTzdée-'. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 217 34° P. Ondée. P. ZJnrfata. — Lamarck. Vil, p. 238, n° lo. Patrie inconnue. L'espèce désignée sous cette dénomination , par M. de La- marck , et dont il n'existe réellement pas de figure , celles de Lis- ter et de Chemnitz citées par cet auteur ne lui convenant certainement pas, ne diffère réellement qu'assez peu de la P. bi- tubercularis. Seulement la coquille est plus épaisse, l'ouverture est d'un blanc plus mat; les dents tuberculiformes du bord droit sont au nombre de cinq, au lieu de quatre; il n'y a qu'une série de tubercules bien marqués d'où partent des côtes interrompues ; enfi^n les bandes brunes verticales sont plus ondées. 35° P. TURBINOIDE. P. Turbinoides. — Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zoologie. PI. 39 f. 4, 6- Coquille assez petite (9-10 1.), ovale-raccourcie, turbinoïde, couronnée, subombiliquée , à spire peu élevée , composée de quatre à cinq tours fortement sculptés de stries décurrentes subsquameuses, avec des tuber- cules épineux comprimés, se disposant en costules sur le dernier; ouver- ture ovale, subpatulée à l'entrée, offrant cinq denticules au bord droit; couleur générale grisâtre avec des côtes noires en dehors; l'intérieur d'im blanc bleuâtre bordé de brun foncé ou de marron. Opercule de Pourpre. Des rivages de Vanicoro, d'après MM. Quoy et Gayaiard. Cette espèce, dont il existe plusieurs individus dans la col- lection du Muséum, a évidemment des rapports assez nombreux avec la P. plissée; mais elle en diffère par moins de grandeur, par une forme beaucoup plus turbinée , par un beaucoup moins grand nombre de tubercules épineux, ce qui donne aux côtes une disposition variciforme plus évidente. Annales du Muséum, t. Y\}>' série. . 28 3l8 DISPOSITION MÉTHODIQUE 36° P. BORD-NOIE. p. Marginatra. , (PI. lO, %. I.) Coquille assez petite (81.), ovale, à spire assez élevée, pointue, élancée, traversée par des séries de tubercules réunis en chaînes, formant des cos- tules obliques et des locules carrés; ouverture ovale, avec quatre dents au bord droit, et une sorte de pli au milieu de la colunielle; couleur ex- térieure grisâtre, l'intérieure violacée, les bords d'un noir luisant, et le pli columellaire blanc. Des rivages de l'île Tycopia, des Nouvelles Hébrides, d'où elle a été rapportée par MM. Quoy et Gaymard. Cette espèce, dont le Muséum possède un assez grand nombre d'individus, est évidemment fort voisine de la P. plicata, mais elle est beaucoup plus petite, et la disposition des tubercules en- cliaînés dans les deux sens, formant des locules carrés, l'en dis- tinguent suffisamment. 37° P. MURICINÉE. P. Muricina. (PI, 10, fig. 2, 3 et 4.) Coquille assez petite ( 1 2 lig. ), ovale-alongée , suhfusiforme, à spire plus ou moins pointue, subétagée, traversée par des stries fines écailleuses, et d'autres plus saillantes, formant carènes, avec des costules souvent assez prononcées, sur les tours supérieurs; ouverture assez grande, un peu patulée; cinq dents au bord droit , un pli médian à la columelle; couleur brune en dehors, blanche en dedans , le bord droit festonné de brun. Opercule de Pourpre. Des mers Australes, d'où elle a été rapportée par MM. Quoy et Gaymard. Cette jolie espèce, dont la collection du Muséum renferme un très grand nombre d'individus , offre beaucoup de variétés d'âge ou d'état de développement j ainsi il en est chez les- quelles les séries de tubercules, dont la réunion dans un sens DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 219 OU dans l'autre forme les carènes ou les côtes, sont épineuses et même un peu ramifiées comme dans les Murex chicorées ; mais on la reconnoît toujours à la squamation très prononcée des stries décurrentes. 38° P. MURICOIDE. P. Muricoides. (PI. 10, fig. 5.) Coquille ovale, un peu alongée, assez solide, formée de cinq tours de spire, marqués de stries décurrentes subsquameuses, inégales, et de costules variciformes , grosses et serrées; ouverture assez peu évasée, quatre dents au bord droit ; couleur d'un gris brunâtre en dehors. D'Amboine et des côtes de la Nouvelle-Zélande, d'après MM. Quoy et Gaymard. Cette espèce, que l'on seroit porté à confondre avec la précé- dente, s'en distingue cependant fort bien, en ce qu'elle n'est jamais muriquée, mais plus évidemment pourvue de costules; les bourrelets qui les forment sont aussi plus gros et moins nom- breux; les dents du bord droit ne sont jamais qu'au nombre de quatre au lieu de cinq, et les stries décurrentes sont beaucoup moins squameuses. 39° Bord-Blanc. P. Marginalba. (PI. 10, fig.6.) Coquille ovale, subfusiforme, assez épaisse, noduleuse, à spire médiocre , composée de quatre tours étages ; le dernier traversé par cinq séries de tubercules mamelonnés, dont un sur la suture; ouverture subpatulée, un peu canaliculée avec quatre denticules au bord droit, sans guttules à la columellte; couleur extérieure d'un gris blanc avec les tubercules noirs; l'intérieur noirâtre; le dedans de la lèvre droite d'un blanc jaunâtre. Des mers australes. Cette espèce, dont le Muséum possède un assez grand nombre d'individus offrant absolument les mêmes caractères, se dis tin- 220 DISPOSITION MÉTHODIQUE gue assez bien des précédentes, avec lesquelles elle n'est pas sans analogie, par la disposition des tubercules dont elle est hérissée, et par la couleur du limbe intérieur de son bord droit. 4o° P. GOLUMELLAIRE. P. Columellaris . (PI. lO, %. 7.) — Lamarck. VII, p. 236, n° 4- E. M. pi. 398, f. 3 ab [sat bona). Océan pacifique sur les côtes du Chili, d'où elle a été rap- portée par M. P. E. Botta. Malgré la forme patulée de l'ouverture de la coquille de cette espèce, le pli médio-columellaire, les cinq dents du bord droit, et même les séries de tubercules dont elle est hérissée, dans la vai^iété que nous avons fait figurer, forcent de la placer dans la division des Semi-Ricinules. 41° P. LaCUNEUSE. p. Lacunosa. P. Râpe. Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zoolog. pi. 38, f. 19-21. Coquille assez petite, ovale-aiguë, à spire médiocre, formée de quatre tours subétagés, aplatis, et couronnés en dessus, avec des stries squa- meuses, et lacuneuses dans leur décurrerice, trois cordons cariniformes et spinoso-imbriqués sur le dernier; ouverture assez évasée, garnie de six denticules pliciformes au bord droit; couleur d'un gris sale en dehors, et toute brune en dedans. Opercule de Pourpre. ) De la Nouvelle-Zélande, d'où elle a été rapportée par MM. Quoy et Gaymai^d: Cette espèce , dont un assez grand nombre d'individus existent dans la collection du Muséum, nous a paru fort dis- tincte de celle que M. de Lamarck a nommée P. Rugosa , et qui 1 . T, Hord-jioir 4^ . la nK^ne. var. 6 . J*. rnurwoide'- 6 . -?. -Bord -é>ùzrw y ■ F . coliérruiiùiire B . T. corùulee^ jz . -P. j'&n&Ptrée' DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 221 appartient même à une tout autre division. Nous avons pré- féré la rapporter à l'espèce désignée sous le nom de P. Lacunosa par Bruguière , mais sans assurer positivement qu'il y ait identité. 42° P. TritONIFORME. p. Tritoniformis. ( PI. 10, fig. 10.) Coquille ovale, alongée, à spire assez élevée, pointue, composée de cinq à six tours arrondis , un peu étranglés , traversés par des stries décurrentes très fines, et par des côtes ou costules subobsolétes assez nombreuses; ouverture ovale, subpatulée, écbancrée en avant avec cinq tubercules pli- ciformes au bord droit; couleur d'un blanc jaunâtre avec des linéoles dé- currentes d'un brun violet au-dehors, toute blanche en dedans. Patrie inconnue. Cette espèce, que nous établissons d'après un individu un peu frustre de la collection du Muséum , a véritablement assez bien l'aspect d'un triton; mais tous les cai^actères sont ceux des Pourpres. 43° P. FeNESTRÉE. p. Fenestrata. (PI. 10, fig. II.) Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zool. pi. 87, f. i5-i6. Coquille épaisse, solide, diconique, rugueuse, à spire assez élevée, formée de quatre à cinq tours stibétagés , carénés , hérissés par des stries décur- rentes squameuses, croisées par des bourrelets plus épais; l'ouverture assez petite, ovale, sensiblement canaliculée, avec trois dents tubercu- leuses au bord droit, et une sorte de torsion à l'extrémité de la columelle ; Couleur d'un gris jaunâtre à l'extérieur, blanche au péristome, d'un jaune orangé en dedans. De Tonga, d'où elle a été rapportée par MM. Quoy et Gay- mard. Des Séchelles, dans la rade de Mahé, d'après M. Eudore. ' 222 DISPOSITION MÉTHODIQUE Les deux individus du Muséum, sur lesquels ces naturalistes ont établi cette espèce, sont également encroûtés par un dépôt calcaire, en sorte qu'il est très difficile d'en déterminer la cou- leur. La réticulation large et carrée de sa surface présente un caractère distinctif tranché, qui la rapproche un peu de la Pourpre bord-noir; mais la forme et sur-tout la couleur de l'ou- verture l'en éloignent évidemment. G'. Espèces ovales ou déprimées , fortement échinées^ h ouverture subpatulée , dentée ou non au bord droit. (Les P. ÉCHINÉES.) 44° P. HÉRISSÉE. P. Echinata. (PI. ir,fig.2.) Coquille assez grosse (21 1. sur 28), épaisse, solide, ventrue, échinée , sub- ombiliquée, à spire pointue , peu élevée, formée de quatre à cinq tours sub- étagés, anguleux , striés dans leur décurrence, le dernier armé de quatre séries de tubercules épineux, espacés, outre celle du cordon ombilical, ouverture assez grande , patulée , pauci-striée au bord droit ; couleur d'un blanc jaunâtre en dehors, d'un blanc de lait en dedai;is. Nous ignorons la patrie de cette belle espèce, dont le Muséum a acquis un individu d'un marchand anglais, et dont un autre individu plus petit existe dans la collection de M. le duc de Rivoli. Quoique l'ouverture de la coquille qui a servi à la figure ne soit pas tout-à-fait terminée, il est cependant certain qu'elle indique une espèce distincte. 45° P. BOURGEONNÉE. P. Mancinella. — Lamarck. VII, p. 289, n° 12. P. Gemmulata. Enc. méth. pi. Sgy, f. 3 ab. Murex Mancin. Gmel. p. 3538, n° 47- Chemn. XI, t. 192. f. 1847-1848. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 223 Des mers des Indes orientales. De Trinquemalay, dans l'île de Geylan, d'après M. Reynaud, médecin de la marine. P. MangINELLOIDE. p. Mancinelloides. (PI. ii,fiS. 3.) Coquille assez épaisse, solide, ovale déprimée, subglobuleuse, à spire courte, très surbaissée, striée dans la décurrence des tours, et traversée sur le dernier par six séries de tuberciJes épineux, dont le premier sur le cordon du sinus postérieur, et le dernier sur le dos du canal; ouverture grande, patulée, avec sept tubercules pliciformes au bord droit, et une guttule à la fin de la columelle; couleur roussâtre en dehors, blanche en dedans, le péristome orange. Nous ignorons la patrie de cette espèce , dont le Muséum pos- sède deux individus , l'un de 12 lig. de long sur to de large, l'autre de i8 lig. sur 12. Il se pourroit qu'elle dût être rapportée à la P. echinulata de M. de Lamarck ; mais c'est ce qu'il nous a été impossible de décider, la coquille sur laquelle cette dernière est établie, man- quant momentanément dans la collection de M. le duc de Rivoli. Cependant l'absence de plis longitudinaux et de dents au bord droit nous porte à penser que notre P. Mancinelloides est bien distincte de la P. échinulée de M. de Lamarck. 46° P. ÉCHINULÉE. P. Echinulata. Lamarck. VII, p. 247, n° 40. [nonfig.) 46' P. Triangulaire. P. Triangularis. (PI. 1 1 , fig. 4. ) Coquille de 6 lig. sur 5, assez épaisse, semi-globuleuse, déprimée, à spire très courte, surbaissée, couronnée; le dernier tour strié dans sa décur- 3î4 DISPOSITION MÉTHODIQUE rence, avec deux séries d'épines comprimées, peu nombreuses; ouver- ture patulée, quatre dents au bord droit, une ou deux guttules obsolètes à la partie antérieure de la columelle, large et aplatie; couleur grisâtre en dehors, toute blanche en dedans. De l'Océan Pacifique , sur les côtes de Masatlan , d'où elle a été rapportée par M. P. E. Bosta. Nous n'avons trouvé dans les collections que nous avons con- sultées aucune coquille que l'on puisse rapporj^er à cette petite espèce, dont nous ne connoissons cependant qu'un seul in- dividu . 47° p. À DEUX TACHES. P. Fucus. P. Neritoides. Lamarck. VII, p. 240. n" i5. Murex fucus. Gmel. p. 3538, n" 44- — Martini. III, t. 100, f. 959-960. Des mers de Guinée, d'après Martini. M. de Lamarck a confondu sous la même dénomination deux espèces bien distinctes, qui, suivant nous, n'appartiennent pas à la même section j l'une figurée par Martini sous les numéros 95g et 960, l'autre sous les numéros 961 et 962, et que MM. Quoy et Gaymard ont convenablement distinguée sous le nom de P, de l'Ascension. 48° P. Antique. P. Patula. — Lamarck. VII. p. 236, n" 3. Le Takel. Adans. Seneg. pi. y, f. 3. Buccin, patulum. Gmel. p. 3483, n° 5r. — Martini. III. t. 69, f. 758-759. De l'Océan atlantique sur les côtes d'Afrique, d'après Adanson. Sur celles de la Jamaïque, des Barbades, d'après Gmelin et M. Plée, voyageur naturaliste du Mviséum. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 22$ De FOcéan pacifique sur la côte de Masatlan, d'après M. P. E. Botta. Et de la Méditerranée, auTL environs de Bonifacio en Corse, où elle est très rare, d'après M. Payraudeau. C'est à tort, suivant nous, que M. de Lamarck a dit que, se- lon Columna , c'est de l'animal de cette coquille que les Romains tiroient leur couleur pourpre. En effet, dans l'opinion de cet au- teur, c'étoit du Murex trunculus. L. , beaucoup plus commun dans la Méditerranée que la P. antique, D. P^ py ri formes mélongenoïdes , c'est-à-dire courtes, ventrues, striées et sub-épineuses , sans dents ni guttules aux bords de l'ouverture. ( Les P. MÉLONGÈNES. ) 49° P- Pr^ANOSPIRE. p. Planospira. ■■ — Lamarck. VIL p. 240, n° 16. — Chemn. XIL p. i43. t. aSa, f. 482. (Perfecta.) P. lineata. Em. p. 897, f. 5 ab {^sat bona ). Patrie inconnue. 60" P. Crapaud. P. Bufo. — Lamarck. VIL p. 289, f. i3. — Petiv. Gaz. t. 19, f. 10. Patrie inconnue; 5i° P. Calleuse. P. Callosa. — Lamarck. VIL p. 289, n° i4- — Seba. mus. III. t. 60, f. 1 1 . De l'Océan indien, avec doute suivant M. de Lamarck. 52° P. Renflée. P. tumida. — Schub. W^agn. Chemn. XII, t. 4076, n" 77. Annales du Muséum, t. I", 3" série. 29 226 ■ DISPOSITION MÉTHODIQUE Ces trois dernières espèces pourroient bien devoir n'en formel' qu'une à des degrés différents du dépôt calleux qui se fait an point de jonction du bord droit avec la spire. Nous avons fait figurer, pi. 1 1 , fig. 5 , une variété de taille dont le Muséum possède plusieurs individus qu'il doit à M. Eudore, et qui proviennent de l'Océan indien, des rivages des Séch elles. Un bel individu de la collection du Muséum., et tout-à-fait semblable à celui figuré par MM. Schubert et Wagner, est éti- queté comme provenant du Brésil, mais probablement à tort , et seulement parcequ'il nous est parvenu de la collection de Lis- bonne. 53° P. TriSÉRIALE. p. Triserialis. Coquille assez petite (9 lig. sur 8), turbinée, à spire très surbaissée, cou- ronnée, formée de deux à trois tours, dont le dernier, finement strié dans sa décurrence, porte trois séries de tubercules épineux, plus forts et plus saillants à la supérieure; ouverture grande , semi-ovale, à columelle droite, pointue, sans dents, ni guttules, ni sinus; couleur extérieure d'un blanc jaunâtre avec des bandes violettes, nombreuses, décurrentes entre les épines; l'intérieur orangé, sur-tout sur la columelle. Opercule de Pourpre. De l'Océan pacifique, sur les côtes de la Californie, d'où elle a été rapportée par M. P. E. Botta. Cette petite espèce que nous établissons d'après un seul indi- vidu a beaucoup de rapports, au premier aspect, avec la P. Del- toïde de M. de Lamarek; elle nous paroît cependant devoir en être distinguée par l'absence de dents au bord droit, par la cou- leur de l'ouverture qui est orangée, et parceque les zones exté- rieures ne sont pas pleines, mais composées de lignes violettes très nombreuses et rapprochées. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 227 54° P. Impériale. P. Imperialis. (PI. M,%. 6.) Coquille épaisse, solide, ovale-turbinée, de i3 !. sur 9, à spire peu élevée, pointue, formée de trois à quatre tours étages, striés dans leur décur- rence, et couronnée par des épines, longues, un peu rétrogrades, en deux rangs sur le dernier tour; ouverture assez grande, ovale, échancrée, sans sinus ni dents; couleur striée de rose violacé en dehors, toute blanche en dedans. Cette espèce, que nous avons trouvée désignée dans la collec- tion du Muséum sous le nom de P. imperialis, que nous avons adopté, est remarquable, sur-tout en ce qu'elle semble conduire aux Pyrules Mélongènes , division qui s'éloigne assez des vérita- bles Pyrulesi aussi sommes-nous fortement porté à penser que les Pyrula galeodes et melongena sont de véritables Pourpres. Malheureusement nous n'en connoissons pas encore l'opercule. Ce qui nous retient davantage dans le doute, c'est que la Pyrula nodosa de M. de Lamarck, qui est si voisine des Pyrules mélon- gènes, a un opercule qui n'est certainement pas celui d'une Pourpre. E. Esp. fusif ormes , c'est-à-dire ovales, alongées , renflées au mi- lieu, atténuées aux deux extrémités , et souvent même subcana- liculées, carénées ou couronnées ou non. 55° P. CarinifÈRE. p. Carinifera. — Lamarck. VII, p. 241, n° 19. Martini. III, t. 100, f. gSo, et non gôi. Seba. III, t. 120, f. gSi. De l'Océan indien sur les côtes de Geylan, àTrinquemalay , d'après M. Reynaud. 228 DISPOSITION MÉTHODIQUE Cette espèce, dont la collection du Muséum possède un assez grand nombre d'individus, paroît offrir beaucoup de variétés; en effet elle ne pi'ésente le plus souvent qu'une seule carène; mais quelquefois elle en a deux, comme M. de Lamarck l'a jus- tement fait observer. Ordinairement elle est ovale et assez courte-, mais elle a toujours une tendance à se scalariser, et alors sa spire s'alonge et les tours se disjoignent plus ou moins; enfin sa carène peut être simple ou être armée de tubercules épineux. 56° P. Carénée. P. Carinata. Schub. et Wagner. Chemn. XII, p. i43, t. 233, fig. 4091-4092. Patrie inconnue. Il nous pai'oît probable que cette coquille doit être consi- dérée comme une simple variété de la précédente ; car elle n'en diffère que par l'absence des tubercules épineux de la carène. 57° P. Escalier. P. Scalariformis. —Lamarck. VII, p. 241, n° 20. Cette espèce, qui n'existe pas dans la collection du Muséum, et dont M. de Lamai-ck ne cite pas de figure, a été établie par le célèbre naturaliste français, d'après une coquille assez fruste que nous avons examinée dans la collection de M. le duc de Rivoli; elle nous a paru différer réellement de la variété scala- riforme de la P. Carinata (Lk.), et de la P. Scalaris de Schubert et Wagner. Patrie inconnue. 58" P. Scalaire. P. Scalaris. Schub. et Wagn. Conchyl. Cabin. XII, p. 147, t. 233, f. 4089-4090. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 229 La collection du Muséum ne possède pas cette espèce qui a évidemment beaucoup de rapports avec la P. Sacellum. (Lk.) Patrie inconnue. 59° P. Pagode. P. Sacellum. — Lamarck. VII, p. 241, n°2i. Murex sacellum. Gmel. p. 35oo, n" i&/\. — Chemn.X, t. 162, f. i56i, i562 {satbona). Des mers de l'Inde, près les îles deJNicobar, d'après M. de Lamarck. 60° P. RÉTICULÉE. P. Reticulata. — Quoy etGaymard. Astrolabe. Zool. (non fig.) Coquille assez petite (8 lig. sur 5 etdemie), ovale, aiongée, fusiforme, à spiie assez élevée, subturriculée , de quatre à cinq tours carénés, et comme guillocliés par des sillons décurreuts, imprimés de points, croisés par des stries d'accroissement bien marquées ; deux carènes et deux couronnes de tubercules oblongs sur le dernijçr et Favant-dernier; ouverture ovale, sub- canalicnlée, sans sinus posté-rieur; columelle étroite; 'ïouleur grisâtre en dehors comme en dedans, les tubercules des carènes d'un brun rougeâtre. Des mers australes au port Western, rapportée par MM. Quoy et Gaymard. Cette petite espèce a évidemment un assez grand nombre de rapports avec la P. Pagode de Lamarck; mais elle en diffère par la réticulation profonde, dont elle est sculptée à sa surface. 61° P. Fusiforme. P. Fusiformis. (PI. II, fig. 7.) Coquille assez mince , épidermée , ombiliquée, fusiforme, à spire assez élevée, subturriculée, formée de cinq à six tours étages, comme étranglés à la suture , carénés et couronnés dans leur milieu , striés et subcerclés dans le reste, le dernier garni d'un rang d'épines comprimées; ouverture ovale, subcanaliculée , écbancrée, à bord droit festonné; la columelle lissé' et aSo DISPOSITION MÉTHODIQUE épaisse; couleur d'un blanc roussâtre, plus teintée sur les tubercules, toute blanche en dedans. (24 1- sur 16.) De la Noixvelle-Guinée, d'où elle a été rapportée par MM. Les- son et Garnot. De l'Océan Pacifique, sur les côtes de Masatlan, par M. P. E. Botta. Cette coquille, dont le Muséum possède trois ou quatre échan- tillons, pourroit bien être considérée comme un fuseau, voisin du F. Polygonoides. Lam., si l'on n'avoit pas égard à la manière dont la columelle est formée et se joint au canal. 62° P. GasSIDIFORME. p. Cassidiformis. Coquille épaisse, solide, ovale, assez renflée, -subcaudée, subombiliquée, à spire courte, surbaissée, étagée , formée de quatre à cinq tours anguleux et subcarénés, aplatis à leur partie supérieure , striés, multicarénés dans leur décurrencaii et traversés par des côtes ou bourrelets plus ou moins marqués, sur-tout sur le dernier; ouverture grande, ovale, terminée par un canal médiocre, subascendant et oblique; columelle assez excavée et subanguleuse à son point de jonction avec le canal; bord droit assez évasé, et garni de onze à douze tubercules dentiformes; couleur d'un blanc roussâtre en debors , ventre de bicbe en dedans. (2 p. 9 lig. sur I p. II lig.) 'Opercule de Pourpre. De Valparaiso, sur la côte du Chili, d'oii un individu a été rapporté par MM. Lesson et Garnot, et cinq ou six envoyés par M. Gaudichaud tout dernièrement. Cette espèce, dont nous avions d'abord fait une espèce du genre Fuseau, est bien une Pourpre d'après l'opercule et même îja,, forme de la columelle; elle a cependant une sorte de canal pouirt, obliquement ascendant comme dans les Cassidaires. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 23 1 63° P. À CÔTES, p. Costata. (PI. 11,%. 8.) Coquille petite (i i lig. sur 7), épaisse, solide, ombiiiquée, fusiforme, sub- caudée, à spire assez élevée, formée de quatre à cinq tours étages, ca- rénés, traversés par des stries égales, et par des costules au nombre de neuf sur le dernier; ouverture assez petite, ovale, terminée en avant par un petit canal subascendant ; couleur d'un gris-blanc en dehors , d'un blanc de porcelaine en dedans. Opercule de Pourpre. De l'Océan Pacifique, sur la côte de Masatlan, d'où elle a été rapportée par M. P. E. Botta. Cette petite espèce, dont nous n avons vu qu'un seul individu faisant maintenant partie delà collection du Muséum, est bien aisée à distinguer de toutes les autres par l'existence d'un canal évident, quoique court; aussi sans la connoissance de l'oper- cule on auroit pu avoir quelque doute sur le genre auquel elle appartient. 64° P. Striée, P. Striata. — Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zool. pi. 37, f. 12-14. Bucc. strigosum. Gmel. p. 3494? n" io3. Martini. IV, pi. 49, vign. 38, f. ab. Coquille médiocre, 20 lig. de long sur 10 à 1 1 de large, épidermée, épaisse, solide, oliviforme, à spire peu élevée, aiguë, formée de quatre à cinq tours, appliqués à la suture, striés fortement et un peu irrégulièrement dans leur décurrence, et traversés par des côtes onduleuses épaisses, au nom- bre de huit à neuf sur le dernier; ouverture assez grande, subpatulée, assez fortement échancrée en avant, avec un sinus en arrière; neuf dents pliciformes au bord droit, et deux à trois plis obsolètes à la columelle, large et anguleuse au milieu; couleur uniforme, rougeâtre en dehors, fauve en dedans. Opercule de Pourpre. 232 DISPOSITION MÉTHODIQUE Des mers australes, sur les rivages de l'île Dorey, d'après MM. Quoy et Gaymard. Cette belle espèce, dont trois individus existent dans la col- lection du Muséum, est remarquable parcequ'elle est fortement épidermée, et pourvue de grosses côtes longitudinales. 65° P. COSTULAIRE. P. Costularis. (PI. ii,fiS. 9.) Murex Costularis. Lamarck. VII, n° 5i, p. lyS. — E. M. pi. 419, f- 8 ab [pessima). Cette espèce, dont M. le duc de Rivoli possède plusieurs échan- tillons, provenant du cabinet de M. de Lamarck, et que nous avons étudiés, nous paroît devoir être rangée parmi les Pour- pres, malgré l'élévation delà spire, l'existence d'un canal évi- dent et des côtes qui sont rares dans ce genre; en effet l'ouver- ture a tous les caractères des Pourpres. Nous sommes porté à regarder comme une variété assez forte de cette espèce une coquille de la collection du Muséum, qui diffère principalement du M. Costularis de M. de Lamarck, en ce que la spire est beaucoup moins élevée, que les tours sont subcarénés, et sur-tout que le canal est beaucoup })lus pincé à l'extérieur, ce qui la fait ressembler davantage encore à un fuseau-, du reste, ce sont les caractères de la P. Costulaire, sept côtés subvariciformes au dernier tour, les sillons aigus, squa- meux et denticulant fortement le bord droit en dehors et l'ou- verture d'un beau violet. F. Espèces pyrif or mes ^ globuleuses ou ovales, mais peu ou point épineuses. '"' (Cette division renferme un certain nombre de coquilles ei| DES ESPÈCES RÉCEiSTES ET FOSSILES, ETC. 233 général raccourcies, et-même pyriformes, quelquefois un peu alongées, toujours assez rudes, mais jamais épineuses, ni tuber- culeuses, ce qui les distingue de celles qui constituent la sec- tion des Pyriformes mélongenoïdes. 66° P. Raccourcie. P. Abbreviata. Pyrula abbreviata. Laxaarck. VII, p. i^6, n" 24. — E. M. pi. 436, f. 4 ab (ma/a). . Murex Galea. Chemn. X, t. 160, f. i5i8- iSig" (sat bona). Patrie inconnue. Quoique l'opercule de cette coquille ne nous soit pas connu, nous croyons devoir la retirer du genre Pyrule, dans lequel M. de Lamarck l'a placée, pour en faire une Pourpre, d'après la considération de la columelle et de la couleur plus ou moins violette de l'ouverture. 67° P. Courte. P. Brevis. (PI. II , fig. 10.) Coquille petite (8 lig. sur 6 ), courte, renflée, pyriforme, rugueuse, à spire très basse, pointue, formée de trois à quatre tours distincts, stibcarénés, traversés par des stries décurrentes, écailleuses, avec un rang d'assez grosses épines sur la carène, se prolongeant un peu encostules; ouver- ture grande, dilatée au bord droit, à columelle subombiliquée, aplatie et pointue; couleur uniforme d'un gris verdâtre en dehors comme en dedans. De la Méditerranée, sur les côtes de Sicile, d'où elle a été re- cueillie par Caron, marchand d'objets d'histoire naturelle. Cette coquille , dont la collection du Muséum ne possède qu'un échantillon sans opercule , nous paroît devoir être regardée comme une Pourpre et non comme une Pyrule, à cause de la forme de la columelle. * Annales du Muséum , 1. 1", 3' série. 3q 2 34 DISPOSITION MÉTHODIQUE 68° P. BezoAR. p. Bezoar. Pyrula. Bez. Lamarck. VII, p. i43, n" 16. Buccin. Bez. Gmel. p. 3490, n° 91. — Martini. III, t. 68, f. 754, 766 (sat bona). De l'Océan indien, sur les côtes de la Chine. De la mer Pacifique, sur les côtes de la Californie, d'après M. P. E. Botta. M. P. E. Botta a rapporté des côtes de la Californie une va- riété de cette coquille qui, au lieu d'être blanche en dedans, est rougeâtre ou couleur de chair assez intense; elle est aussi moins squameuse que la P. Bezoar de la Chine. Quoique nous n'ayons pas vu l'opercule de cette coquille , il nous semble qu'elle doit être retirée du genre Pyrule dont elle u'a nullement les caractères pour être rapprochée de la P. Cou- ronnée. 69° P. DE GUINÉE. P. Guineensis. — Schub. et Wagn. Conchyl. Cabin. XII, p. i44î t- 282 . f. 4o83-4o84. {Perfecta. ) Le Labarin. Adanson. Sénégal, p. io3. Pi. 7, fig. 2. De la côte occidentale d'Afrique. 70° P. CalLIFÈRÉ. p. Callifera. — Lamarck. VII, p. 240, n° 17. Patrie inconnue. 71° P. Couronnée. P. Coronata. — Lamarck. VII, p. 241, n" 18. E. M. pi. 397, f. 4. Patrie inconnue. Qes trois espèces nous paroissent être nominales ; en effet la P. de Guinée de MM. Schubert et Wagner n'est sans doute DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 235 qu'une variété de sexe femelle, étant plus courte, plus ventrue que la P. Couronnée, ainsi nommée, parceque le sinus posté- rieur du bord droit est relevé en une sorte de bourrelet bour- souflé formant couronne à la suture. Quant à la P. Gallifère de M. de Lamarck, l'inspection des deux individus de son ancienne collection nous a convaincu que ce n'étoit qu'une variété monstrueuse de la P. Coronata , dans laquelle le bourrelet coronal est formé d'une série de cal- losités gibbeuses. =:-jùj Dans le jeune âge, la Pourpre Couronnée a sa couronne pres- que réduite à une série décroissante de squames à bord con- cave, un peu comme dans certaines espèces de Pleurotomes. 72° P. ThIARELLA. p. Thiarella. — Lamarck. VII, p. 246, n° Sy. D'après l'examen que nous avons fait de la coquille sur la- quelle M. de Lamarck a établi cette espèce, il nous semble qu'elle se rapproche beaucoup des variétés les plus alongées de la précédente. G. Espèces ovales a spire médiocre ou courte , également striée dans la décurrence, rarement couronnée, dont t ouverture est pa- tulée, striée , et rarement dentée au bord droit. ( Les P. HÉMASTOMES. ) Cette division renferme d'assez grosses coquilles remarquables pai'ceque l'ouverture est toujours patulée ou au moins subpa- tulée, et parceque les stries décurrentes sont plus marquées, plus égales, et par la disparition fréquente même de la couronne du dernier tour. Nous les disposerons dans l'ordre des moins patulées à celles qui le sont le plus. 236 DISPOSITION MÉTHODIQUE 73° P. Consul. P. Consul, — Lamarck. VII. p. 23y, n° 6. Murex Consul. Chemn.X, t. 160, f. iSiô-iSiy, et t, XI, t. 187, f. 1796, f. 1797. Cette belle espèce que ne possède pas la collection du Muséum est une Pourpre hémastome, pour ainsi dire, exagérée pour la variété représentée f. 1 796-1 797 deChemnitz; tandis que celle des figures 1527 et iSaS du même conchyliologiste étant beau- coup plus courte, paroît s'en éloigner davantage; peut-être celle- ci provenoit-elle d'un individu mâle. M. de Lamarck les possédoit l'une et l'autre, et nous les avons observées dans la collection de M. le duc de Rivoli. 74" P. HÉMASTOME. P. Hœmastoma. (PI. 12, fig. 1.) — Lamarck, VII, p. 288, n" II. Blainville. Faune Franc. Malacoz. I, p. i45, pi. 6, £ 2. Adanson. Seneg. p. 100, n" 7, f. i. Buccin. Hoem. Gmel. p. 3483, n° Sa. Bue. Lineatutn. Lamarck, VII, p. 268, n" 16. Bue. Cingulatum. Enc. Méth. p. 4oo, f. 6o4. Opercule de pourpre. Des mers de l'Amérique méridionale, sur les côtes du Brésil, d'où elle a été rapportée par MM. Quoy et Gaymard. De l'Océan atlantique, sur les côtes occidentales de l'Afrique, d'après Adanson et la collection du Muséum. De l'Océan atlantique, sur les côtes de France dans le golie de Gascogne, d'après la Faune française, et M. d'Orbigny le père, qui en a envoyé dernièrement trois individus au Muséum. . De la Méditerranée, sur les côtes de la Corse, d'après M. Pay- DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 287 laudeau, et sur celles de la Sicile, d'après un individu de la col- lection du Muséum, vendu par un marchaftd nommé Garon, et sur la côte de Barbarie, d'après Chemnitz. De l'Océan indien, en admettant que le P. Consul ne seroit qu'une P. Hémastome exagérée, et même peut-être sans cela suivant Chemnitz. D'après cela, cette espèce existeroit presque dans toutes les mers, mais avec des différences saisissables. Celle de l'Océan indien atteindroit la plus haute taille, et auroit ses tubercules les plus saillants, sur un ou deux rangs au plus. La variété du Brésil viendroit ensuite pour la grandeur, l'é- paisseur, le développement des tubercules, et la vive coloration de l'ouverture Celle de la côte d'Afrique est sensiblement plus petite, ses tubercules sont moins marqués, et sur deux rangs, les deux an- térieurs étant peu prononcés. Celle de la Méditerranée paroît peu différer de la P. Hémas- tome de la côte occidentale d'Afrique. Enfin celle de l'Océan dans le golfe de Gascogne est évi- demment la plus petite de toutes; elle a généralement ses qua- tre rangées de tubercvdes plus évidentes, quoique moins sail- lants; l'ouverture est d'une couleur fort vive. Une autre variété dont nous ignorons la patrie, mais qui paroît tenir au sexe femelle, est plus ovale, sa spire est plus courte, ses tubercules beaucoup moins marqués, et alors c'est la coquille dont M. de Lamarck a fait son Buccinwn lineatum, figurée dans l'Encyclopédie méthodique sous le nom de B. cin- gulatum. Peut-être cependant est-ce une espèce distincte. 2;38 DisposrnoN méthodique " -!o nS" p. BiSÉRIALE. P. Biserialis. ) • no'i * (PI. II , fig. II.) Mur. Mancinell. Martin. III, t. loi , f. 966 (saf bona). Coquille solide, assez épaisse, ovale, à spire médiocre, pointue, formée de trois à quatre tours étages, striés finement avec une double carène de tubercules épineux sur le dernier; ouverture patulée, striée avec sept tubercules pliciformes au bord droit; couleur d'un gris blanchâtre en dehors, blanche avec le péristome d'un jaune orangé en dedans. De l'Océan Pacifique, sur le rivage de Masatlan, d'après M. P. E. Botta. Cette espèce, qui semble être le représentant de la P. Hémas- toine sur la côte occidentale de l'Amérique , en diffère cependant par moins de grandeur et par l'existence constante des sept tu- bercules pliciformes du bord droit. 76° P. BiCOSTALE, P. Bicostalis. — Lamarck. VII, p. 245, n" 34- E. M. pi. 3^8, f. 5o6 (sat 6ona). Buccin, luteostoma. Ghemnitz. XI, p. 83, t. 137, f. 1800 et 1801. P. Cataracta. Lamark. VII, p. 245, ii° 3o. — Chemn. X, t. iSa, f. i455. Des côtes de la Nouvelle-Zélande , d'après MM. Quoy et Gay- mard. Des mers du Sud et de celles de la Chine, d'après Chemnitz : en admettant toutefois que le Bue. luteostoma de ce conchyliolo- giste soit bien la P. bicostalis de Lamarck. D'après l'examen que nous avons fait de la coquille sur la- quelle M. de Lamarck a établie sa P. cataracta., il nous semble PI.. - £4 â. M J'rvtre del • 2. . J^. TiërùTJ'èe . S . 2^. reniée- $ . T ■ //npérca/e. j . J^ . /iiMriforrfie . 8.2". à CoH'j- . ^ ■ 2* . cOiTàilaire ■ jo . 2^ . courte^, ji . -/*. ôis-érmle . DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 23.9 que c'est une simple variété de la P. bioostfilis.,^àoi\t,-^%mg,M^- fère que par l'absence des carènes. ' ; ■*'^ • f f.-.ii '-î'n i i,' (■ ' La figure de Chemnitz, que M. de Lamarck prend pour sa P. cataractWyne conviendroit-elle pas mieux à la P. limbascuPiit 77° P. Rustique, P. Rmtica. h'h «uU» — Lamarck. VII, p. 246, n° 38. Patrie inconnue. P. UnIFASCIALE. p. Unifascialis. — Lamarck. VII, p. 247, n" 43- E. M., pi. 39, n° ^(sat bona). Patrie inconnue. D'après l'inspection de la coquille qui a servi à M. de Lamarck pour l'établissement de cette espèce, elle nous a paru bien voi- sine de la suivante. 78°' P. Tachetée, p. Rudolphi. — Lamarck. VII, p. 235, n° 2. Buccin. Rudolphi. Ghemn. X, t. i54, f- 1467-14^8 {bona). — Martini. III, t. 69, f. 760 {sat bona). Cette espèce, qui offre un assez grand nombre de variétés, les unes noduleuses et les autres lisses , comme dans la figure citée de Martini , est sur-tout reconnoissable à une sorte d'échan- crure de l'origine du bord droit, dont les traces se conservent sous la suture, un peu comme dans les Pleurotomes. 79° P. PUISOm. p. Haustorium. Buccin. Haust. Gmelin. p. 3498, n° 175. — Martini. III, t. 69, f. 760. Buccinum haustorium Qhftmn. t. X, tab. iSa, f. 1449- i45o. Opercule de Pourpre. 24o DISPOSITION MÉTHODIQUE ■Sî le ette belle espèce, dont un grand nombre d'individus existe dans la collection du Muséum, a été confondue tout-à-fait à tort par M. de Lamarck avec la P. persica , dont elle diffère par plu- sieurs caractères, entre autres par beaucoup moins d'épaisseur, plus d'évasement et de grandeur proportionnelle dans l'ouver- ture, parceque la columelle est plus étroite et plus pointue, et enfin par la coloration toute brune. Il paroît qu'elle est fort commune dans les mers de la Nouvelle- Zélande. 80° P. Chocolat. P. Chocolatta. (PI. 12, f. 2-3.) De l'Océan pacifique, sur les côtes de la Californie, d'où elle a été rapportée par M. P. E. Botta. Cette belle coquille, dont la collection du Muséum possède deux individus, dont l'un a servi à notre figure, est très remar- quable et bien distincte de toutes ses congénères. Il y a déjà quel- ques années que nous en avions un bel individu rapporté par M. P. E. Botta j et nous l'avions nommée P. brune, mais M. Du- clos en visitant, en notre absence, la collection des Pourpres du Muséum, telles que nous les avions disposées dans notre labora- toire particulier, ayant dit que les Anglais l'avoient désignée sous la dénomination de P. chocolat, nous l'avons adoptée avec plaisir. Nous ignorons cependant quel est l'auteur qui a établi le pre- mier cette espèce. 81° P. PerSIQEE. p. Persica. — Lamarck. VII, p. 235, n° r. — E. M. pi. 397, f. I ab (saf bona). Buccin. Persic. Gmel. p. 3482, n° 49- — Martini. III, t. 69, f. 760. Opercule de Pourpre. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 24 1 Les individus assez nombreux qui existent dans la collection du Muséum n'ont aucune origine certaine. De l'Océan des Grandes-Indes, d'après M. de Lamarck, et plus rarement dans le golfe Persique. 82° P. MONODONTE. P. Monodonta. — Q"oy et Gaymai'd. Astrolabe. ZooL, pi. 37, f. 9-21. ' Coquille assez petite (7 lig. sur 4), ovale un peu alongée^ comme déprimée, à spire courte, pointue, formée de trois à quatre tours arrondis, séparés par une suture enfoncée, marqués de stries décurrentes fines et égales; ouverture très patulée , par le grand élargissement de la coluraelle excavée, et garnie d'une petite dent à sa jonction avec le canal; bord externe tran- chant et fort mince; couleur d'un blanc sale en dehors, et d'un beau blanc de porcelaine en dedans, teinté de violet sur la columelle. De Tongatabou, d'après MM. Quoy et Gaymard. Cette jolie espèce, dont un individu existe dans la collection du Muséum, est fort remarquable à cause de la petite dent qu'elle offre à la fin de la columelle. Du reste, par sa forme elle rappelle un peu la coquille qu'on regarde comme le commen- cement du magile. 83" P. ÉPAISSE, p. Crassa. ' (PI. 12, f.g.4.) Coquille solide, épaisse, pesante, épidermée, ovale, courte ou semi-globu- leuse, à spire courte, obtuse, formée de trois à quatre tours, peu distincts, striés d'une manière fort égale dans leur décurrence; ouverture ovale, assez patulée avec 12 a i5 plis en dedans du bord droit, et une sorte de grosse guttule obsolète à la partie antérieure delà columelle excavée; couleur uniforme, brune en dehors, jaune avec quelques nuances de violet en dedans. Cette singulière espèce est établie d'après une belle coquille Annales du Muséum, t. I", 3' série. 3 1 342 DISPOSITION MÉTHODIQUE de la collection du Muséum ; elle a été acquise d'un marchand anglais; mais nous ignorons dans quelle mer elle habite. 84° P. DE CallAO, p. Callaoensis. — Gray. Spizil. Zool. I, tab. 3. Coquille assez mince, ovale, semi-globuleuse, à spire assez peu élevée, formée de trois à quatre tours arrondis, striés également et finement dans leur décurrence; ouverture large, patulée, à columelle mince, arquée, sans guttules ; bord droit tranchant strié intérieurement ; couleur uniforme , bnine en dehors, d'un blanc jaunâtre en dedans. De l'Océan pacifique, sur la côte de Gallao, d'après M. Gray, et un individu envoyé à la collection du Muséum, par M. Gau- dichaud, médecin de la marine. 85° P. DE l'Ascension. P. Ascensionis. — Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zoologie. ( non fig. ) Mur. Moiga dictus. Martini. III, t. 120, f. 961-962. Coquille épaisse, solide, ovale, renflée, ou semi-globuleuse, à spire très surbaissée, formée de deux à trois tours, aplatis en dessus, subcarénés, et sillonnés par des stries décurrentes jusqu'au bord droit qu'elles denti- culent; ouverture grande, patulée, échancrée en avant, avec un sinus subcanaliculé et arrondi en arrière; des plis nombreux au bord droit, et trois à quatre grandes guttules violettes sur la columelle; couleur brune en dehors et blanche en dedans. Opercule de Pourpre. Des rivages de l'île de l'Ascension, d'après MM. Quoy et Gaymard. C'est avec grande raison que M. Quoy a distingué cette belle espèce de la P. à 2 taches avec laquelle Martini, et ensuite M. de Lamarck même l'avoient confondue. En effet, outre le DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 243 nombre des guttules de la columelle qui sont toujours au moins au nombre de trois, la coquille est sillonnée de manière à den- ticuler le bord droit, tandis que la P. à 2 taches est constamment hérissée de plusieurs rangées d'épines , ce qui la porte dans une tout autre division. 86° P. NÉRITOIDE. P. Neritoidea. Murex Neritoideus. Gmel. p.SSSg, n° 169. — Chemn. X, t. i63, f. lôyy-iS^S (perfecta). Fusus Neritoideus. E. M. pi. 435, f. 2 ab (sert bona). Py rula JVeritoidea. l^amarck. VII, p. 146, n° 25. Opercule de Pourpre. Des rivages des îles de Nicobar, d'après Ghemnitz. De ceux de l'île de Dorey et de la Nouvelle-Hollande, d'après MM. Quoy et Gaymard qui, les premiers, ont pu rapporter cette espèce à son genre naturel. Gette jolie coqviille, remarquable par l'intensité de la couleur violette qui en colore tout l'intérieur, nous paroît devoir être placée dans ce genre par la considération seule de la forme de la columelle •, mais c'est ce qui est mis hors de doute par la forme de l'opercule. H. Espèces patelliformes ou a peine spirées au sommet, plus ou moins rugueuses , a ouverture tout- a- fait patulée, a péris' tome continu , non modifié. » Les P. Patelliformes. [G.Concholepas.'Lam.) 87° P. DU PÉROU. P. Peruviana. Concholep. peruv. Lamarck. VII, p. 253, n" i. Buccinum Concholep. Brug, Dict. n° 10. 244 DISPOSITION MÉTHODIQUE Patella Lepas. Gmel. p. 3697, n° 26. — Ghemn. X, p. Sac. Vign. 25, f. AB. [Mediocris.) Opercule de Poui'pre. M. Lesson a donné une description complète de cette espèce, cest-à-dire de l'animal et de sa coquille, dans la zoologie du voyage de la Coquille. La collection du Muséum possède une jolie variété de cette espèce, remarquable en ce qu'elle n'offre qu'onze grosses côtes très squameuses, que le sommet est tout-à-fait marginal, spire, et que le canal forme à l'extérieur une torsade très saillante et très squameuse, sans que les dents contiguës à l'échancrure soient plus saillantes que les autres. Elle est aussi bien plus petite. 88° P. Cabochon. P. Pileopsis. Coquille très grande, ovale un peu alongée, patelliforme, à sommet subspiréj mais assez élevé au-dessus du bord ; ouverture moins patulée au bord gau- che que dans l'espèce précédente; les deux dents avancées, contiguës à réchancrure , plus serrées l'une contre l'autre. ■ Opercule de Pourpre. Des côtes du Chili, d'où elle a été envoyée au Muséum par M. Alcide d'Orbigny. M. Lesson ayant assuré qu'il y avoit deux espèces de Pourpre Concholépas, nous avons cherché à confirmer cette assertion, et nous croyons avoir trouvé des différences qui ne tiennent pas aux sexes , dans la disposition du sommet presque marginal dans la P. du Pérou, et toujours au-dessus du bord dans celle du Chili, dans la forme du bord gauche toujours bien plus large dans celle-ci que dans celle-là, et même dans la largeur de la goutière qui sépare les deux dents avancées contiguës à DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 245 l'échancrure. Ces différences sont-elles suffisantes pour carac- tériser une espèce? C'est ce que nous n'osons pas assurer, jus- qu'à ce que les animaux aient été suffisamment étudiés. I. Espèces ovales, striées, rugueuses h la surface , de couleur uniforme; à oiiverture quelquefois dentée en dedans du bord droit, mais toujours pourvue d'une saillie en forme de corne au quart antérieur de ce bord. Les p. Licornes. {G. Monoceros. Lk.) Cette division offre des coquilles qui ont tous les caractères des véritables Pourpres, et qui ii'en diffèrent qu'en ce que, à tout âge, une des saillies qui forment les dentelures marginales du bord droit, est constamment beaiicoup plus longvie que les autres, et forme ainsi une sorte de corne aiguë, un peu re- courbée en dehors. Ce caractère se rencontre dans des coquilles d'un autre genre que celui des Pourpres, par exemple dans celle que M. de Lamarck a nommée Monoceros cingulatum, qui est une vraie Turbinelle, non seulement à cause des plis de la columelle , mais encore par la structure et la forme de l'opercule, en tovit sem- blable, à celui des Murex. 89° P. Géante. P. Gigantea. Monoceros giganteum. Lesson. Voyage. Coquille. Zool. MoUusq. p. 4o5, pi. 1 1, £4,4'- Cette coquille, qu'au premier aspect et sans connoître l'oper- cule, nous avions rangée parmi les Fuseaux, à cause de la queue bien évidente que forme le canal de l'ouverture, doit cependant faire partie de la division des Pourpres licornes, comme l'a très bien établi M. Lesson (loc. cit.). Nous ne croyons cependant pas 246 DISPOSITION MÉTHODIQUE que cet auteui' ait réellement connu l'opercule de sa Licorne géante, car celui qu'il figure est trop petit et n'a guère la forme de l'opercule de la collection du Muséum, et dont l'origine est certaine. C'est du reste tout-à-fait un opercule de Pourpre, 90° P. Imbriquée. P. Imbricata. Monoceros imbricatum. Lamarck. VII, p. aSi, n° 2. — E. M. pi. .396, fig. I ab Çbona). Buccinwn monodon. Gmel. p. 3483, n° 5oi. Buccin, imbricatum. Chemn. X, t. i54, f. 1469- 1470 (bond). Des mers Magellaniques, sur les côtes du détroit de Magel- lan et de la terre de Feu , d'après Chemnitz. 91° P. Striée. P. Striata. Mon. striatum. Lamarck. VII, p. aSi, n° 4- Mon. Nainvhal. E. M. pi. 896, f. 5 ab (^sat bona). Patrie inconnue. 92° P. Glabre. P. Glabrata. Monoc. glabratum. Lamarck. VII, p. 261, n" 4- — Eue. méthod. pi. 396, f. 5 ab (sat bond). Patrie inconnue. 93° P. DE LA Nouvelle-Hollande. P. Novœ-Hollandiœ, (PI. 12, fig. 5.) Coquille épidermée, médiocre ( i4 Hg- sur 10), assez épaisse, ovale, à spire un peu élevée, aiguë, pointue, formée de quatre à cinq tours peu dis- tincts, et traversés par des stries fines, égales et peu marquées, avec un sillon au-dessus du cordon columellaire; ouverture ovale, à bord colu- mellaire presque droit, à bord droit mince et tranchant, pourvu d'une corne assez courte; couleur uniforme, brune en dehors, blanche en dedans. Opercule de Pourpre. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 247 Des côtes de la Nouvelle-Hollande, d'où elle a été l'apportée en grande abondance par MM. Quoy et Gaymard. Cette espèce, dont le Muséum possède un grand nombre d'in- dividus, paroît assez peu différer de la licorne glabre de M. de Lamarck ; elle est cependant, en général, plus petite; elle n'est pas lisse, et sa patrie paroît être différente. 94° P. LÈVRE-ÉPAISSE. P. Crassilabiixw. Mon. crassilabrum. Lamarck. VII, p. 262, n° 5. — Enc. méthod. pi. 896, f. 2 ab. 5uccm. unicornu. Brug. Dict. n° 1 3. Du Chili, d'où elle a été rapportée par MM. Lesson et Garnot. Des mers Magellaniques, d'après M. de Lamarck. K. Esp. ovales, épaisses, peu ou point épidermées , striées et sou- vent cerclées dans la décurrence des tours de spire; ouver- ture peu patulée et assez fortement échancrée. Les p. Lapilliennes. 95° P. A Teinture. P. Lapillus. • — Lamarck. VII, p. 244? n° 3o. — Blainv. Faun. Fr. Malacoz. I, p. 146, pi. 6, fig. 3. Buccin, lapillus. Gmel. p. 3484, n° 53. — Martini. III, tub. 121, f. 1111-1112, et tab. 122, f. 1 1 28 (mec?iOcm). Le Sadot. Adans. Sénég. p. 106, pi. 7, f. 4 (bond). a ) Var. squamosa. P. imbricata. Lamarck. VII, p. 244? u" 3i. — Martini. IV, t. 122, f. 1 124-1 126, et t. i23, f. 1 136- ii3'J (mala). b) Var. bizonalis. 2 48 DISPOSITrON MÉTHODIQUE P. bizonalis. Lamarck. VII, p. 249, n° 49- — Martini, IV, t. 122, f. 29 c ) Var. major et elatior. Opercule de pourpre. Des mers du Nord , sur toutes les côtes de celles de la Manche , de l'Océan atlantique jusque dans les mers du Sénégal. D'après l'étude que nous avons faite des coquilles nommées par M. de Lamarck P. imbricata et bizonalis^ nous nous sommes as- suré que ce ne sont que de simples variétés , l'une jaune et squa- meuse, l'autre avec deux zones fauves du P. lapillus. Quant à la ti^oisième variété, elle est plus importante, parce- qu'elle offre quelques caractères distinotifs ; en effet, elle est en général plus grande, sa spire est plus élevée ; elle est plus ombi- liquée, et, enfin, les stries qui la traversent, alternativement plus grosses et plus petites , semblent la rapprocher de la P. ru- qosa de M. de Lamarck. Nous pensons cependant que ce n'est (ju'une forte vai-iété de la Pourpre à teinture. Nous l'avons trouvée, en effet, plusieurs fois sur les rivages de la Manche avec celle-ci. 96° P. BUCCINOIDE. P. Buccinoïdea. — Blainv. Faun. Franc. Malacoz. I, p. 48, pi. 6, fig. 5. De la Méditerranée, d'après M. Deshaies. 97° P. Rugueuse, p. Paigosa. — Lamarck. VII, p. 242 , n° 28. — Martyns. Conchyl. t. i,f. 7. Bue. orbita lacunosa. Ghemn. X, t. 154, f. ^\']'^- Bue. bicostatum. Brug. Diction. I, p. 248, n° 7. Bue. lacunosum. Brug. Diction, p. 268, n" ig. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 24^ Opercule de Pourpre. De la Nouvelle-Zélande. 98° P. Nattée. P. Textilosa. — Lamarck. VII, p. a/p» n° 2^. — Enc. méthod. pi. 898, f. 4 at> (rudis sed sat bona). Opercule de Pourpre. De la Nouvelle-Hollande. 99° P. COEDELÉE. P. Succincta. — Lamarck. VII, p. 236, n 5. — Enc. méthod. pi. 898 , f. i ab. Buccin, orbita. Gmel. p. 8490, n° i83. — Chemn. X, t. i54, f. 1 471-1472 {bona). Opercule de Pourpre. De la Nouvelle-Zélande. D'après le grand nombre d'individus de ces trois espèces, que possède le Muséum, et qui ont été rapportées successivement par Pérou et Lesueur, par MM. Quoy et Gaymard, par MM. Les- son et Garnot, il nous semble qu'elles doivent n'en former réel- lement qu'une seule ; en effet, elles passent de l'une à l'autre par des nuances presque insensibles. On pourra même trouver à y distinguer plusieurs autres variétés, et entre auti^es une qui a une ou deux rangées de tubercules mousses, avec le péristome jaune, ce qui lui donne des rapports évidents avec la P. Hémas- tome; et une seconde qui offre, sur le dernier tour, de grosses côtes mal formées, et croisées par des stries décurrentes. 100" P. Cabestan. P. Trochlea. — Lamarck. VII, p. 248, n° 4^- Triton trochlea. Enc. méthod. pi. 4^2, f. 4 ^b (*<^^ bona). Annales du Muséum, t. I", 3' série. 32 25 o DISPOSITION MÉTHODIQUE Buccin, trochlea. Brug. Diction. n° 8. Bue. scala. Gmel. p. 3485, n" 6i. — Martini. III, t. ii8, f. 1089 ab {mediocris). a Var. bicostalis. — Bruf>. Diction. n° 8. b Var. tricostalis. c Var. quadricostalis . — Bue. scala. Gmel. p. 3485, n" 61. — Schroeter. Einl, I, p. 36o, t. 2, f. 8 [bona). Des mers Magellan iques, d'après Bruguière et M. de Lamarck. Du cap de Bonne Espérance, d'après la collection du Muséum et M. Vereaux fils, qui l'en a rapportée. Des Indes orientales , d'après Martini. Cette espèce offre un assez bon nombre de variétés d'âge; en effet, très jeune, les intervalles de ses cercles sont treillisés. Une autre variété , dont le Muséum possède trois individus , et qui a quatre cercles décurrents au lieu de trois, vient du cap de Bonne-Espérance, d'après MM. Quoy et Gaymard. C'est celle que Gmelin a décrite comme type de son B. scala. Enfin, Bruguière eu cite une troisième variété qui n'en avoit que deux, soit naturellement, soit par la réunion en une seule des deux cercles inférieurs. 101° P. ÉCAILLEUSE. P. Squamosa. — Lamarck. VII, p. 242, 11° 22. — Enc. méthod. pi. 398, f. 2 ab. Opercule inconnu. Patrie inconnue. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 261 102° P. Grillée. P. Clathrata. (PL 12, f. 6.) Coquille assez petite, ovale, un peU alongée, fusiforme, subcaudée, à spire aiguë, un peu élevée, formée de cinq tours, arrondis, renflés, séparés par une suture profonde , et cannelés par des stries décurrentes , croisées par des subcostules nombreuses ; ouverture subcanaliaulée , échancrée ; colnmelle étroite, lisse, ainsi que le bord droit; couleur fauve en dehors, blanche en dedans. Opercule inconnu. Des mers du cap de Bonne-Espérance , d'après Delalande fils. Cette espèce, que nous établissons d'après trois ou quatre in- dividus, pourroit bien n'être qu'une variété de la précédente, dont elle a tout-à-fait la forme. io3° P. Ovale. P. Ovalis. (PI. 12,fig. 7.) Coquille fort petite, ovale, un peu alongée, fusiforme, à spire médiocrement élevée, composée de quatre à cinq tours arrondis, subcarénés, traversés par des stries inégales décurrentes, nombreuses, croisées par des séries de petites squames enfoncées; ouverture ovale, un peu patulée; à colu- melle étroite, excavée; couleur grisâtre en dehors, noire en dedans. Opercule inconnu. Du cap de Bonne-Espérance, recueillie par M. Reynaud. Cette espèce est évidemment fort voisine de la précédente, dont elle diffère cependant par les séries de points enfoncés qui croisent les cordons déçu rrents bien plus saillants. 104° P. Cheville. P. Clavus. — IJamarck. VII, p. 248, n" 46- Opercule inconnu. -. ; Patrie également inconnue. 2^2 DISPOSITION MÉTHODIQUE Cette espèce est établie sur une petite coquille unique, de la collection de M. de Lamarck, et qui n'est peut-être qu'une mons- truosité, du moins dans l'élévation de la spire. Nous avons, en effet, vu, dans la collection de M. le docteur Keraudren, une coquille beaucoup plus grande, offrant égale- ment un cordon décurrent à l'angle des tours de spire fortement étages, mais lisses, sans costules obsolètes sur le dernier , et dont la spire est beaucoup moins élevée. io5° P. SpirÉE. p. Spirata. (PI. I2,fig. 8.) Coquille de 12 lig. de long, sur 6 de large, épaisse, solide, ovale, fusiforme, à spire assez élevée, subturricùlée, formée de quatre à cinq tours, dont les premiers sont cordonnés par des séries décurrentes de squames, le dernier seulement strié; ouverture ovale, subcanaliculée, columelle lisse, subombiliquée . cinq denticules au bord droit; couleur brune en dehors, d'un blanc violet en dedans. Opercule de Pourpre. Des îles Sandwich , d'où elle a été rapportée par M. P. E. Botta. Cette jolie espèce nous paroît parfaitement distincte de toutes celles qui composent aujourd'hui le genre Pourpre, principale- ment par la différence de travail que présentent les tours de la spire à leur surface. L. Espèces oliviformes évidemment échancrées à l'ouverture , et striées finement en travers ou presque lisses. Les P. Oliviformes. Les espèces de Pourpres qui entrent dans cette division offrent tant de ressemblance avec plusieurs Buccins, que nous avions DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 253 d'abord cru qu'elles dévoient faire partie de ce dernier genre; mais l'opercule étant semblable à celui des Pourpres, nous avons dû les laisser dans ce genre. io6° P. Guirlande, p. Sertum. — Lamarck. VII, p. 240, n° 20. — Enc. méthod. pi. 697, f. 2 [sat bonci). Buccin, coronatwn. Gmel. p. 3486, n° 68. — Martini. III , t. 1 2 1 , f. 1 1 1 5-i 1 1 6 {inediocris). Opercule de Pourpre. Des côtes de Tranquebar, d'après Martini. 107° P. FRANCOLIN. p. Francolinus. ^ Lamarck. Vil , p. 243, n° 26. Buccin, fraticol. Brug. Diction. n° 24. — Seba. m, t. 53, f. T (sat 6o7ia). Cette coquille doit-elle être réellement considérée comme une espèce distincte de la précédente? Nous en doutons beau- coup. 108° P. TruitÉE. p. Maculosa. — Blainv. Faun. Fr. Malacoz. I, p. 1 40, pi. 6, fig. 6. Purp.' variegata. Schub. Wagn. Conchyl. Cabin. XII, p. i48,t. 233, f. 4o93-4og4 {sat bona). — Riséo. Europ. Merid. IV, p. i6y, n° 428. Buccin, maculoswn. Lamarck. VIT, p. 269, n° 19. . — Enc. méthod. pi. 4oo, f. 7 ab. De la Méditerranée. Quoique l'opercule de cette coquille ne soit pas tout-à-fait celui d'une Pourpre, et qu'il ait quelque chose de celui des Buc- cins, cependant la columelle offre si bien les caractères du pre- 254 DISPOSITION MÉTHODIQUE mier de ces genres, que nous avons cru devoir la laisser dans la même division que la P. guirlande, avec laquelle elle a tant de ressemblance. 109° P. Loiret, p. GUrina. (PI. 12, fig. 9.) Coquille petite (ylig- et demie sur 4), ovale, oliyiforme, striée, formée de cinq à six tours assez peu distincts, les deux ou trois premiers striés et côtelés; les autres striés et presque cordelés dans leur décurrence ; ou- verture ovale, médiocre, échancrée en avant, avec un sinus limité par deux dents en arrière; columelle lisse, avec deux guttules pliciformesà sa terminaison; bord droit assez finement denticulé en dehors, et plissé en dedans; couleur variée de violet et de gris, avec une bande blanche décurrente en dehors, subviolette en dedans. De la Nouvelle-Hollande , d'où elle a ëté rapportée par MM. Pé- ron et Lesueur. Nous avons trouvé deux individus de cette espèce désignés sous le nom que nous avons adopté, dans la collection du Mu- séum. Elle a presque tous les caractères de la P. truitée, avec cette différence que les stries décurrentes sont bien moins nom- breuses, plus profondes et subcerclées; les tours de spire sont aussi plus distincts. Le canal est plus court et les dents plici- formes mieux marquées. Elle est d'ailleurs toujours plus petite. IL FOSSILES. A. ( P. COLOMBELLOIDES. ) 1° P. CaNCELLAROIDE. p. Cancellaroides. Nassa cancell. Basterot. Bord. p. 6, pi. 3, f. 8. Des terrains tertiaires de Dax, d'après M. de Basterot. Des faluns de la Touraine, d'après M. Lajoie, qui en a donné deux individus au Musévxm , provenant de cette localité. T^I. J'reirc t&i. 1 . JP . Ji^ia^rloT^ne (var'.J z . F . CJiocoïaù. J . /a ni^??ie en de/iaTu- . ^ . F. épaze2le^So/la7i^ , 8 -F. j^zrea ■ (S , F, arillee . S ' -^' -^"Tre/: DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 255 Cette jolie espèce de coquille nous semble n'avoir aucun des caractères des Nasses, et au contraire offrir tous ceux d'une Pourpre de la division des Colombelloïdes ovi Sistres. 2° P. DE LassaiGNE. p. Lassaignii. — De Basterot. Bord. p. 3oo, pi. i, flg. 1 1 abc. Des terrains tertiaires des environs de Bordeavix, de Leogmau, d'après M. de Basterot 5 et des environs de Montpellier, d'après M. Marel de Serres. E. (P. Pyriformes.) 3° p. Thiare. p. Thiara. Coquille ovale, un peu alongée, ou subfusiforme, assez -épaisse, à spire aiguë, formée de cinq à six tours; les deux premiers arrondis, les autres étages, striés, couronnés par un cordon décurrent de tubercules aigus vers la suture, outre une série de tubercules mousses obsolètes sur la carène; une rigole décurrente au-dessous; ouverture ovale, assez étroite, formée en dedans par une callosité columellaire épaisse, arrondie, très excavée supérieurement, et se terminant en avant par une pointe élargie, et un peu rebroussée; bord droit? Des terrains tertiaires des environs de Paris. Cette espèce, établie d'après un individu unique donné à la collection du Muséum par M. Lajoie, présente l'aspect de cer- taines Pourpres couronnées. Quoiqu'elle ait une rigole décur- rente qui se remarque dans les licornes, nous ne pensons pas qu'elle appartienne à cette division , c'est-à-dire qu'elle ait jamais eu de corne: ce qu'on ne peut cependant assurer, le bord droit étant incomplet. I. (P. LiCORNÉES.) 4° P. MONACANTHE. P. Monacantha. Buccinum nionacanthos. Brocchi. Conchyl. Subapp. II, p. 33 1, t. 4, fig- 12. 2 56 DISPOSITION MÉTHODIQUE Des terrains tertiaires d'Italie. 5° P. DE LAON. p. Laudunensis. — Defrance. Diction, des Se. nat. XLIII, p. 247. Coquille ovale, globuleuse, subpyriforme , épaisse, solide, à spire très courte, subaiguë, formée de trois à quatre tours lisses ou finement striés, avec une rigole décurrente sur le dernier; ouverture ovale , éeban- crée en avant, sinueuse en arrière; columelle recouverte par une callosité épaisse, sur-tout en arrière; bord droit pourvu en arrière d'une petite avance, du dos de laquelle part le sillon, et d'une corne en avant. Des terrains tertiaires des environs de Laon. La description que nous donnons de cette espèce, d'après une coquille de la collection du Muséum , convient-elle exactement à celle dont M. Defrance a fait sa Pourpre de Laon ? C'est ce que nous ne voulons pas assurer, mais ce qui nous semble fort pro- bable. K. (P. Lapilliennes.) 6° P. TÉTRAGONE. P. Tetragona. — Fleming. Brit. ^nim. p. 241, n° 2. Buccin, tetrag. Sowerb. t. 4ii,f- i, t. V, p. i3. Du Crag des environs de Norfolk, d'après M. Sowerby. 7" P. Crispée. P. Crispata. — Fleming, p. 34i, n° i. Buccin, crisp. Sowerb. V, p. 12, t. 4i3, f. i-3. • Du terrain de Crag des environs de Suffolk, en Angleterre, d'après M. Sowerby. A en juger par la figure, cette espèce a la plus grande ana- logie avec la variété major du P. lapillus des côtes de la Manche. 8° P. ÉPAISSIE. P. Incrassata. — Fleming. Brit. Anini. p. 34 ï, n° 3. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 267 Buccin, incrass. Sowerb. V, p. i3, t, 4i45 f- ^• Du terrain de Crag aux environs de Suffolk, en Angleterre, d'après M. Sowerby. 9° P. Imbriquée. P. Imbricata. Murex imbricatus. Brocchi. II, p. 4o8, n° aS, t. 7, f. i3. Des terrains tertiaires du Plaisantin , d'après Brocchi. D'après l'inspection de la figure, qui paroît être fort bonne, il nous semble que cette coquille doit être regardée comme une Pourpre. 10° P. A Teinture, p. Lapittus. — Lamarck. Ann. du Mus. II, p. 64, n" i. — Vélins du Mus. n" 45, f. 5. De Courtagnon , aux environs de Reims. D'après les observations de M. Defrance, art. Pourpre (Diction, des Se. nat., tom. XLIII , p. 247), il est très probable que c'étoit par supercherie que Denys Montfort avoit entraîné M. Lamarck à admettre cette espèce comme fossile, du moins à Courtagnon. CONCLUSIONS. Dans l'état actuel de nos connoissances le nombre des espèces du G. Pourpre, tel que nous l'avons défini, connues à l'état récent ou à l'état fossile, est d'au moins cent quinze; mais, à en juger d'après les espèces nouvelles qui existent dans la collection de M. le duc de Rivoli et de M. Lajoie, on peut le porter à cent trente ou à cent quarante. Dans ce nombre cinquante sont nouvelles, du moins en pre- nant pour point de départ le système des animaux sans vertè- bres de M. de Lamarck. j^nnales du Muséum, t. I", 3" série. 33 258 * DISPOSITIOJN MÉTHODIQUE Quelques unes de celles-ci étoient connues, mais étoient à tort rapportées par lui au genre Murex, comme les M. Granosus et Concatenatus. Dix à douze au contraire ont dû être retranchées du genre Pourpre parcequ'elles n'en ont pas les caractères : telles sont la P. Nucleus, qui est une Planaxe, la P. Retusa, qui est une Mélanopside fossile, la P. Semi-imbricata , qui est un Murex, la P. Vexillwn, qui est une Oniscie, les P. Ligata, Limbosa, Cruentata et Lagcnaria, qui sont des Buccins de la même espèce, la P. Fasciolaris , qui est un Fuseau , et enfin le Monoceros cincju- latum, qui est une Turbinelle. Les cent quinze espèces que nous avons définies ont pu être disposées dans une série assez naturelle pour indiquer le passage des Murex aux Buccins, et confirmer par conséquent que le genre Pourpre leur est intermédiaire. Elles ont pu être réparties dans onze petits groupes ou sec- tions susceptibles d'être assez nettement caractérisés \ savoir : A Les P. Golombelloïdes, Nassoïdes, ou Sisti'es. B Les P. Ricinules. C Les P. Semi-Ricinules. D Les P. Echinées. E Les p. Pyriformes. ^ ^ F Les P. Fusiformes. G Les P. Patulées. H Les P. Patelliformes. I Les P. LicOrnées. ;.-,,; K Les P. Lapilliennes ou Buccinoïdes. L Les P. Oliviformes. II existe des Pourpres vivantes dans toutes les mers; mais le DES ESPÈCES KÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 269 nombre des espèces s'accroît d'une manière remarquable des mers septentrionales aux mers australes : en effet, une seule se trouve dans celles-là, tandis que les trois quarts des autres se remarquent dans l'iiémisj^hère austral. Les mers du Nord, du moins celles d'Europe, et très pro- bablement celles d'Amérique , ne renferment qu'une petite espèce, la P. Lapillus. C'est la seule qu'on rencontre dans la Baltique, dans les mers d'Angleterre, dans la Manche, et même, à ce qu'il paroît, sur les côtes de l'Océan , jusqu'au golfe de Gas- cogne. Une seconde se présente dans tout l'Océan Atlantique, sur les deux rivages africain et américain , et dans la Méditerranée; c'est la P. Héma.stome. Deux ou trois autres espèces existent dans la Méditerranée , dans tout son périple -, mais la véritable P. Lapillus ne paroît pas y vivre. A mesure qu'on approche davantage de l'équateur, le nombre augmente un peu , mais beaucoup moins que lorsqu'on marche de celui-ci vers les régions australes. C'est en effet au cap de Bonne-Espérance, et sur-tout dans l'Archipel indien , dans la Polynésie, dans la mer Pacifique, siir les côtes occidentales de l'Amérique, que se trouvent les trois quarts des espèces que nous connoissons ; et, ce qui est assez re- marquable , chaque groupe est assez bien cantonné. Les Sistres et les Ricinules ne commencent à se montrer qu'à l'entrée de la mer des Indes, c'est-à-dire à Madagascar et à l'Ile- de-France. Après quoi on en trouve dans toutes les mers de l'an- cien continent austral. Les Semi-Ricinules et les Echinées sont toutes des mers de 26o DISPOSITION MÉTHODIQUE l'Archipel indien et des mers australes, mais aucune n'a encore été observée sur les côtes du nouveau continent. Les P. pyriformes commencent à se montrer sur les côtes de Guinée, et l'on en trouve quelques unes à-peu-près sous le même parallèle sur les côtes occidentales de l'Amérique méri- dionale. Les P. de la division des Héniastomes se trouvent dans toutes les mers, à commencer dans l'Océan européen depuis le golfe de Gascogne jusque dans toutes les mers d'Afrique, de l'Amé- rique méridionale, dans celles de l'Inde et dans celles de l'Aus- tralasie. Quant aux espèces Patelloïdes et Licornées, elles sont pres- que entièrement limitées aux côtes occidentales de l'Amérique, depuis le cap Horn jusqu'à la Californie: une seule espèce de Licorne est de la Nouvelle-Hollande. Les espèces Lapilliennes ou Buccimoïdes se rencontrent dans toutes les mers, depuis les plus septentrionales jusqu'aux plus australes; autant en effet la Pourpre à teinture est commune dans les mers du Noi'd, autant paroît l'être autour de la Nouvelle-Zé- lande la Poupre Cerclée et quelques espèces ou variétés voisines. Poru' celles de la dei'nière division, elles sont de mers très dif- férentes : les unes de celle des Indes, une autre de la Méditer- ranée, et enfin une troisième de la Nouvelle-Hollande. Un très petit nombre d'espèces de Pourpres peuvent être con- sidérées comme ubiqviistes; l'espèce qui l'est davantage paroît être la P. hœmastoma, que l'on trouve sur une partie de nos côtes dans l'Océan , dans toute la Méditerranée, sur les rivages de l'A- frique, sur ceux de l'Amérique méridionale, et même, à ce qu'il paroît, dans l'Inde. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 261 La Pourpre patulée est aussi une espèce fort répandue , puis- qu'on l'a observée dans la Méditerranée, sur deux des quatre côtes d'Afrique, et en Amérique sur les côtes du Péi'ou et du Mexique. Si les espèces de Pourpres connues à l'état récent sont assez nombreuses , il n'en est pas de même de celles connues à l'état fossile. Les collections les plus riches sous ce rapport n'en ren- ferment encore qu'un très petit nombre; en effet, en recueillant avec soin toutes celles que nous avons trouvées indiquées dans les oryctographes , nous ne pouvons pas en porter le nombre à plus de dix. Une ou deux appartiennent à la division des P. colombel- loïdes. Une à la section des P. licornes ; c'est le B. monachantos de Brocchi. Les autres sont de la division des Buccinoïdes , et offrent , en effet, des rapports plus ou moins évidents avec notre P. Lapillus. M. Marcel de Serres dit bien avoir trouvé, dans les environs de Montpellier, les P. bicostalis et iindata de M. de Lamai^ck, de la division des P. patulées; mais cet auteur se borne a le dire, sans appuyer son assertion de description, ni de figure. Ainsi, on ne connoît encore, à l'état fossile, aucune espèce des autres divisions. Toutes ces espèces fossiles sereiicontrent dans des terrains de sédiments supérieurs à la craie, et essentiellement dans les pbis nouveaux de ces terrains. On n'en connoît pas encore dans le calcaire grossier des eirvi- rons de Paris, car M. Defrance a montré que c'étoit par une su- 262 DISPOSITION MÉTHODIQUE percherie de Denys Montfort que M. de Lamarck avoit admis comme se trouvant à Gourtagnon, la P. Lapillus. La coquille du London-clay, que M. Fleming rapporte à ce genre, sous le nom de P. déserta, n'est probablement pas une Pourpre véritable, mais plutôt une Nasse. Du reste, on ne cite, de Pourpi^e fossile, ni dans les ter- rains tertiaires de la Basse-Normandie, ni dans ceux de l'Anjou. C'est dans les localités des environs de Tours , de Bordeaux , et sur-tout de Dax, que se trouvent les deux espèces qui appar- tiennent à la division des P. colombelloïdes. M. Marcel de Serres cite trois espèces de Pourpres fossiles dans les terrains tertiaires des environs de Montpellier 5 mais il se borne à cela, sans preuve de description ni de figure, ce qui doit considérablement infirmer cette assertion. M. Risso, dans l'ouvrage qu'il a intitulé Histoire naturelle de V Europe méridionale, donne bien une courte description de troi& ou quatre espèces de Pourpres fossiles ou subfossiles, dans les terrains tertiaires des environs de Nice, mais il est impossible de rien statuer à ce sujet, jusqu'à ce que ces coquilles aient été mieux décrites et sur-tout figurées. Il n'en est pas de même de deux coquilles représentées par Brocchi : l'une sous le nom de Murex imbricatus , et l'autre sous celui de Buccinum monacanthos ; celle-ci nous paroît une véri- table licorne, et celle-là une*Pourpre de la division des P. buc- cinoïdes. Enfin, les Buccinum crispatum, tetragonum et incrassatum de Sowerby, sont de véritables Pourpres, comme l'a justement senti M. Fleming, et elles appartiennent au Crag de Suffolk, c'est- à-dire aux terrains de sédiments les plus récents. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES , ETC. 203 Nons trouvons aussi comme résultat, qu'aucune des espèces de Pourpres connues à l'état fossile n'est caractéristique d\ine formation, ni d'un membre de formation, à moins que de dire que ce genre l'est des terrains tertiaires, en général , et sur-tout des formations de Grag. Enfin, il paroît qu'une seule espèce fossile a son analogue à l'état récent, et que c'est la P. Lapillus, avec les variétés im^bri- quée et alongée, que l'on trouve dans les formations de Grag, en Angleterre. On pourroit sans doute conclure de ces rapprochements d'es- pèces de Pourpres à l'état récent et à l'état fossile, que ce genre est un des derniers qui ont paru dans nos mers, qu'il est pour ainsi dire d'une création moderne; mais c'est ce que nous nous garderons bien de faire, nos connoissances sur les fossiles étant encore beaucoup trop restreintes, pour qu'on puisse être conduit à quelque chose d'un peu satisfaisant dans des questions aussi difficiles à résoudre , qu« celles qui touchent à l'ordre de la création, ou de la modification des espèces animales. On pourroit, au contraire, en conclure, avec plus de raison, que l'hypothèse si souvent proposée d'un climat, dans notre Europe, analogue pour la température à celui de l'Inde, ne trouve aucun appui dans la considération des Pourpres, puisqu'il n'en existe pas plus dans nos pays à l'état fossile qu'à l'état vivant. QUELQUES OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES SUR LA FÉCONDATION DES PLANTES. PAR M. DESFONT AINES. Obligé chaque année dans le cours de physique végétale que je fais au Jardin du Roi, depuis l'année 1790 (1), de parler de la génération des plantes, j'avois jusque dans ces derniers temps adopté, presque sans hésiter, la théorie de la fécondation sexuelle qui a servi de base au système botanique de Linné. Mais plu- sieurs physiologistes modernes ayant élevé de nouveau des ob- jections à cette manière de voir, en prétendant qu'il n'y a réelle- ment pas de sexes dans les végétaux, je me trouvai naturelle- ment conduit à entreprendre une série d'expériences, dans le but de renforcer ou d'atténuer ma première conviction, et par conséquent de modifier, s'il en étoit besoin, ce que j'avois à dire dans mes leçons sur ce sujet. Ge sont ces expériences que je vais rapporter, en y joignant les réflexions qu elles m'ont suggérées. Au commencement de juin de l'année i83i, je fis planter dans un petit jardin, parfaitement abrité, attenant à la maison que j'habite au Muséum d'histoire naturelle, un pied de Cucur- bita Pepo L., connu vulgairement sous le nom de GROS POTIRON; (i) II y avoit alors six ans que je professois, lorsque je donnai cette di- rection au cours de botanique. annales du Muséum, 1. 1", 3' série. 34 266 QUELQUES OBSERVATIONS soigné convenablement sous mes yeux, il poussa avec beavicoup de vigueur, et produisit un grand nombre de rameaux qui se prolongèrent en différents sens sur la surface de la terre à plu- sieurs mètres de distance. On sait que cette plante est ce que Linné a nommé dans son système, monoïque, c'est-à-dire qu'elle porte sur le même pied des fleurs mâles et des fleurs femelles bien séparées; elles sont d'ailleurs assez grandes , pour qu'il soit possible d'agir sur elles à volonté et avec la plus grande facilité 5 en outre il est impossible de se tromper sur le sexe, à cause de la position inférieure de l'ovaire qui fait distinguer la fleur femelle long-temps avant son épanouissement. Dans le but que je me proposois, j'eus la; précaution de faire enlever, avec beaucoup de soin, tous les boutons de fleurs mâles . à mesure qu'ils parurent à l'aisselle des feuilles, et de conserver au contraire toutes les femelles. Une quarantaine environ de celles-ci s'épanouirent successi- vement pendant la durée de la saison. Le pistil, dont je pus aisément observer la parfaite conformation , étoit d'abord , comme je m'en suis assuré en en ouvrant quelques unes, en bon état dans toutes", cependant aucune ne noua, pour me servir de l'expression consacrée par les horticulteurs, et les ovaires, ceux même qui étoient parvenus à la grosseur d'un œuf, se fa- nèrent et se desséchèrent complètement, ce dont furent témoins MM. de Mirbel et Adrien de Jussieu mes confrères, ainsi que plusieurs autres botanistes. Vers la fin de septembre, ma plante, continuant à végéter avec force, j'envoyai prendre deux fleurs mâles sur un autre pied de la même espèce, cultivé dans une partie du grand jardin , assez SUR LA FÉCONDATION DES PLANTES. 267 éloignée du mien. Sur l'une d'elles j'enlevai Je faisceau d'éta- mines dont les anthères commençoient à, s'ouvrir, et je. le nais dans la corolle d'une fleur femelle du pied de mon jardin, peu de temps après son épanouissement. Sui^ les stigmates d'une autre, je fis tomber, en la secouant, le pollen de la seconde fleur mâle qu'on m'avoit apportée. Les deux fleurs femelles sur lesquelles cette opération avoit été faite nouèrent presque aussitôt. Le fruit de la première parvint à la grosseur d'un, moyen melon ; mais malheureusement il fut attaqué de pourriture, sans que je puisse en assigner la cause. Celui de la seconde fleur prit un accroissement considérable ( i5 à 18 pouces de diamètre), et parvint à une maturité com- plète , au point qu'il put être mangé. Vers la fin de la saison, ayant remarqué qu'un rameau delà plante en expérience poi'toit encore des fleurs parfaites des deux sexes, j'eus l'idée de laisser les choses dans l'état naturel. Deux des fleurs femelles furent évidemment fécondées. Leur fruit at- teignit en effet la grosseur du poing; mais la saison étant trop avancée, ils ne purent aller plus loin, et périrent avec la plante elle-même. 11 me parut cependant probable qu'ils auroient atteint leur maturité, si les circonstances avoient été favorables. Ces expériences, qui ne peuvent être considérées comme nou- velles en général, mais qui n'avoient jamais été tentées, à ce que je crois, sur le Potiron, me semblent fournir un nouvel appui à l'opinion adoptée par Linné, dans sa célèbre dissertation (i) (i) Disquisitio de sexu plantarum. (iy6o). Amœnit. Acadeni. X, p. 100, tra- duit par Broussonet, dans le Journal de Physique, tom. XXXII, p. 440'462. 368 QUELQUES OBSERVATIONS sur le sexe des plantes , qui remporta le prix proposé sur ce sujet par l'Académie de Saint-Pétersbourg, vers 1760. Par contre elles doivent faire suspendre l'adoption de l'opi- nion soutenue de nouveau par quelques physiologistes modernes, que les plantes ne sont pas pourvues de sexes véritables, et que par conséquent il n'y a pas chez elles de fécondation. Quant à moi, m'appuyant, 1° Sur les expériences nombreuses rapportées dans la disser- tation de Linné que je viens de citer, expériences auxquelles il est impossible de ne pas ajouter foi; " 2° Sur l'histoire curieuse que Gleditsch a rapportée dans les Mémoires de l'Académie de Berlin, de la fécondation d'un indi- vidu de palmier femelle qui, long-temps infertile, produisit ou ne produisit pas de fruits, suivant que ses fleurs éprouvèrent ou n'éprouvèrent pas l'action du pollen, provenant de fleurs mâles apportées à Berlin de plusieurs lieues de distance (i); 3° Sur la pratique exercée dans l'Orient, depuis la plus haute antiquité, jusqu'à nos jours, comme je m'en suis assuré moi- même en Barbarie, et comme Hérodote, Théophraste, Pline (2), Solin, le rapportent, pour les habitants de la Phénicie, de la Syrie, (i) Essai d'une fécondation artificielle fait sur Tespéce de palmier qu'on nomme Palma dactylifera, folio flabelliformi. Académie de Berlin, 1749, p. io3-io8. — Relation de la fécondation artificielle d'un palmier femelle, réitérée pour la troisième fois, et avec un plein succès, dans le Jardin de botaniquç de Berlin. Académie de Berlin , an. 1767, p. 8-19. (2) {Lib. XIII, cap. iv.) Le' passage de Pline est remarquable , non seulement parcequ'il constate ce fait de la fécondation artificielle des palmiers, mais encore parcequ'il admet une fécondation dans toutes les autres plantes , en leur reconnoissant l'existence des deux sexes. SUR LA FÉGONDATIOIS DES PLANTES. 169 de rÉgypie , et qui consiste à féconder artificiellement le.s dat- tiers femelles, en attachant ou en secouant sur chacun d'eux des bouquets de fleurs mâles, ce qui les dispense de cultiver des dattiers de ce sexe, et les met à l'abri de toutes chances défavo- rables déterminées par la direction du vent ; J'admets qu'un très grand nombre de plantes jouissent réel- lement de la faculté de se reproduire par fécondation, c'est- à-dire par l'action du produit de la génération d'un sexe sur celui de l'autre. Les expériences multipliées, faites par un grand nombre de botanistes sur la production d'hybrides dans les végétaux, four- nissent encore un argument bien puissant en faveur de cette opinion. Or on ne peut douter de la possibilité d'obtenir, en portant sur la partie femelle de la fleur d'une espèce la pous- sière séminale d'une espèce voisine du même genre, de vérita- bles hybrides, intermédiaires par les caractères aux deux espèces dont ils proviennent. Koëlreuter en a produit un grand nom- bre dans différents genres , comme on peut s'en assurer en consultant la suite des Ménîoires très intéressants qu'il a publiés dans les actes de l'Académie de Saint-Pétersbourg, et même en visitant mon herbier, qui renferme des hybrides de nico- tianes, obtenus par Goertner le fils, et dont il a bien voulu me gratifier. Je ne voudrois cependant pas assurer que, dans certaines plantes, les graines ne puissent pas parvenir par elles-mêmes à la maturité, sans le secours de la fécondation produite par le pollen d'une partie mâle distincte. Savons-nous d'ailleurs si la faculté fécondante dans quelques végétaux ne se continueroit pas dans plusieurs générations suc- a'yo QUELQUES OBSERVATIONS oessives, comme on prétend en avoir un exemple dans le régne animal chez les pucerons? Quoi qu'il en soit de cette supposition, qui ne me paroît avoir rien de plus impossible dans le dernier règne des corps organisés que dans le premier, je dois ajouter à l'appui de l'exis- tence de la fécondation sexuelle chez les plantes, que les ex- périences contradictoires à cette opinion, faites par Spallanzani et autres physiologistes, l'ayant été en général dans un lieu ouvert sur le chanvre et les épinards, ne me paroissent pas con- cluantes; en effet, plusieurs d'entre elles ont eu lieu en plein air, et l'on conçoit fort bien que le vent, et même les insectes aient pu apporter sur les fleurs femelles des pulviscules du pollen des fleurs mâles, comme la possibilité en est prouvée par la distance à laquelle on sent l'odeur de certaines plantes en fleurs , telles que les palmiers , l'ailanthus, le châtaignier , et même les rhu- barbes ; odeur évidemment due à la poussière séminale , puis- que dans beaucoup de plantes inodores sous ce rapport, la con- densation de la matière pollinique produit un effet très sensible sur l'odorat à l'époque de leur floraison. Une autre raison qui infirme dans mon esprit les résultats annoncés par Spallanzani dans ses expériences sur le chanvre, s'appuie sur le grand nombre et sur la petitesse des fleurs de cette plante, ce qui peut faire craindre que toutes les fleurs mâles, dont plusieurs existent généralement dans les pieds les plus pourvus de pistils, ou les plus femelles, n'aient pas été ap- percues, et par conséquent aient pu produire la fécondation des ovaires de ceux-ci. Voici, en effet, une observation qui me semble à l'appui de cette manière de voir. SUR LA FÉCONDATION DES PLANTES. 27 l Pendant l'année i83o, à une époque que ma mémoire ne me rappelle pas, je semai des graines de chanvre dans mon jardin ^particulier, et j'eus grand soin, à mesure qu'elles se développèrent, d'enlever tous les pieds mâles, faciles à reconnoître, comme on sait, long-temps avant la floraison; je ne conservai que quatre pieds femelles 5 ils poussèrent avec une grande vigueur, et produi- sirent chacun une quantité prodigieuse de fleurs. La très grande partie avorta, et il ne resta que quelques paquets de graines qui étoient évidemment parfaites. Je priai M. Gaudichaud, botaniste bien connu par la bonne foi et l'exactitude de ses observations, d'examiner si, parmi ces paquets de graines, il ne trouveroit pas de fleurs mâles. Une investigation attentive lui en fit aisément découvrir un certain nombre qu'il me fit voir : elles étoient petites et entre-mélées avec les graines. Les observations et les expériences que je viens de rapporter ne sont certainement pas encore suffisantes pour porter la con- viction dans tous les esprits. Je suis loin de me le dissimuler. Aussi m'étois je proposé de les répéter, et de les varier avec toutes les précautions nécessaires dans un sujet aussi important et aussi difficile ; mais la foiblesse toujours croissante de Jiia vue, m'ôtant tout espoir de pouvoir m'en occuper, actuellement du moins, avec quelque suite, je me suis décidé à les publier, espérant que d'autres botanistes pourront se déterminer à les poursuivre. Qu'il me soit permis en terminant cette note de les avertir que, pour que les résultats qu'ils obtiendront puissent être à l'abri de toute espèce de contestation , il faudroit que les expériences fussent faites dans un lieu clos , comme une serre , et à une époque de l'année choisie de manière qu'il fût impos- sible de soupçonner l'arrivée sur la plante en expérience, dair ou d'insectes chargés de poussière séminale. SUR L'INFLAMMATION DE LA FRAXINELLE. (^Dictamus alba.) PAR M. BIOT. Parmi les phénomènes physiques qui s'opèrent pendant la vie des végétaux, phénomènes qui pourroient devenir un sujet d'é- tudes extrêmement curieuses, il en est peu dont l'énoncé pa- roisse plus merveilleux que celui qui est généralement attribué à la Fraxinelle, d'être environnée, dans les jours chauds, d'une sorte d'atmosphère éthérée que l'on peut mettre en ignition par l'approche d'une bougie-, sans endommager la plante. Un tel phénomène, en effet, sembloit exiger que la vapeur inflammable fût comme retenue dans son expansion par l'action de la vie, ou bien que son émission continuellement renouvelée l'entretînt toujours dense autour de la plante, à mesure qu'elle tendroit à se répandre dans l'air extérieur, deux états de choses également difficiles à concevoir physiquement. J'ai consulté nos plus célèbres botanistes pour avoir quelques détails précis sur un fait si singulier; mais ils en avoient seule- ment la connoissance générale, et la plupart ne l'avoient jamais observé eux-mêmes. Dupetit-Thouars me dit l'avoir essayé plu- sieurs fois sans succès. Les auteurs qui le mentionnent, ceux du moins que j'ai pu consulter, le présentent avec des diversités de détail qui font douter s'ils l'ont vu accidentellement, ou s'ils l'ont simplement reproduit par tradition. Decandolle, dans la Flore française, se borne à dire que, dans Annales du Muséum , t. 1", 3° série. 35 274 SUR l'inflammation DE LA FRAXIN ELLE. les temps chauds, la Fraxinelle exhale une odeur inflammable. Bosc, dans le Dictionnaire d'histoire naturelle de Déterville, donne quelques détails plus précis. « Les extrémités des tiges et « les pétales des fleurs de la Fraxinelle sont, dit-il, couverts d'une « infinité de vésicules pleins d'huile essentielle. Elles répandent, indans les jours chauds de l'été, une vapeur d'une odeur forte, «inflammable, et tellement abondante, que si, vers le soir, u quand un air plus frais l'a un peu condensée, on approche de « la Fraxinelle une bougie allumée, il paroît tout-à-coup une IX grande flamme qui se répand sur toute cette plante, mais sans (d'endommager. » Le Dictionnaire des sciences médicales et le Dictionnaire classique d'histoire naturelle reproduisent la même description dans des termes à-peu-près semblables, et pareille- ment avec les circonstances d'une atmosjihère éthérée exhalée de la plante dans les jours chauds , puis condensée par le fixais du matin ou du soir, et susceptible alors d'être mise en ignition. Le nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle, où l'on auroit pu s'attendre à trouver une discussion plus positive de cette pro- priété, n'en fait aucune mention. Le hasard m'ayant procuré l'occasion de voir ce phénomène d'inflammation de la Fraxinelle, et de m'assurer qu'il est réel, je me proposai d'en étudier la cause et les conditions physiques. Pour cela, au commencement du printemps de 1 83o, je fis planter dans mon jardin, à la campagne, plusieurs pieds de Fraxinelle dans des expositions diverses, au midi, au nord, au soleil et à l'ombre. Les uns étoient de la variété à fleurs rouges, d'autres de la variété à fleurs blanches. Dès qu'ils furent repris, je me mis à les observer, et je les ai suivis ainsi depuis trois étés dans toutes les phases de leur végétation. SUR l'inflammation de la FRAXINELLE. 2,7_5 Supposant d'abord, d'après les auteurs, la réalité d'une éma- nation éthérée qui entoure la plante, je me mis en mesure de recueillir une portion de cette atmosphère, afin d'analyser sa na- ture; mais j'échouai dans cette tentative. Ni les cloches de veiTe, suspendues autour des tiges pour recueillir la vapeur par con- densation, ni des flocons de coton, soit secs soit imbibés d'huile grasse, et suspendus également pour ce même but, ne pi^rent accumuler une quantité de vapeur éthérée suffisante pour pré- senter la moindre apparence d'ignition à l'approche de^ corps enflammés. L'odorat seul pouvoit apprécier les émanations ainsi recueillies, et l'on sait quelle excessivement petite quantité de matière suffit pour affecter ce sens. J'ai même placé un gros faisceau de fleurs de Fraxinelle dans un espace fermé pendant quinze heures, sans que l'air de cet espace fût assez imprégné de la vapeur odorante pour éprouver l'inflammation (l'I. Je me tournai alors vers l'exame-n des vésicules corticaux d'où l'on disoit que la prétendue atmosphère inflammable émanoit. Ces vésicules, observés au microscope, ont la forme de petites outres, terminés par une sorte de goulot conique effilé en pointe à son extrémité. Ils ont été très exactement figurés par M. Mir- bel, dans ses Éléments d'anatomie et de physiologie végétale. On les trouve distribués plus ou moins abondamment svir toutes les parties de la tige, depuis le point où elle sort de la masse du feuil- lage; on les voit en plus grande abondance sur les pédoncules des fleurs, principalement sur leur surface inférieure, à l'extrémité où la fleur s'insère; on les suit encore sur les bords des folioles Çl) Les pieds des tiges florales plongeoient dans un vase plein d'çau; ils sont restés bien vivants et aptes à produire le phénomène. 376 SUR l'inflammation de la fraxinelle. calicinales, sur les bords et les nervures des pétales, sur les éta- mines, sur le style; enfin, leurs grains, plus serrés, couvrent aussi toutes les surfaces des ovaires lorsqu'ils sont grossis par la fécondation. Parmi ces utricules, les uns sont sessiles , d'autres pédicules, ceux-ci diversement et plus fréquemment sur les par- ties les plus vigoureuses. D'abord très petits à la renaissance de la végétation, ils grossissent à mesure que la plante grandit. Leur surface, vue au microscope avec une lumière vive, se montre admirablement tigrée de l'ouge et de vert, dans la variété à fleur roiige; mais elle est toute verte dans la variété blanche. L'inté- rieur est rempli d'un liquide incolore, à travers lequel la lumière se réfracte en foyer. Le goulot conique qui les termine est un canal transparent semblable à un poil, dont quelquefois la pointe paroît cassée. J'ai vu souvent, à l'extrémité de cette pointe, une petite goutte limpide , comme si une partie du liquide intérieur, dilaté par l'élévation de la température, ou sécrété par l'action de la vie, eût reflué au-dehors. J'ai aussi remarqué fréquemment de très petits grains solides adhérents à l'extrémité des utricules et à la Surface même de la tige ; mais ayant réussi à les enlever en les faisant adhérer à l'extrémité d'une aiguille très fine, j'ai reconnu qu'ils sont incombustibles à la flamme d'une bougie, de sorte qu'ils ne peuvent contribuer en rien à l'inflammation quand elle s'opère autour de la plante. J'ignore s'ils sont ou non sécrétés par les organes végétaux. Si l'on presse légèrement avec du papier Joseph la surface d'une portion de la lige, ou d'un pédoncule floral, sur-tout dans une partie où les utricules abondent, on retire le papier empreint d'une teinte verdâtre, qui paroît due à l'écrase- ment des utricules, et il s'en exhale une odeur d'huile essentielle extrêmement pénétrante, qui est celle de la Fraxinelle même. SUR l'inflammation de la fraxinelle. 277 Ces observations me conduisirent à penser que le développe- ment de la flamme, autour de la plante, pouvoit parfaitement être produit par l'inflammation simultanée ou presque iiïstanta- nément propagée, de ces innombrables utricules remplis d'es- sence; sans nécessiter aucunement l'existence actuelle d'une atmosphère inflammable incompréhensiblement limitée dans son expansion. Mais, s'il en étoit ainsi, le mode même de l'inflam- mation et ses particularités physiques dévoient en donner la preuve évidente; car, d'abord^ la chaleur de l'été n'étoit plus né- cessaire pour la production actuelle du phénomène, mais seule- ment pour la matui^ation du liquide inflammable contenu dans les utricules; une fois les utricules formés et mûris, le froid ou le chaud du moment n'y devoit plus rien faire, non plus que l'é- poque de la journée. L'ignitioii devoit s'opérer seulement au contact du corps enflammé, ou du moins assez près du contact pour faire crever les utricules. Enfin , elle devoit s'accomplir avec les caractères de succession et de propagation convenables à de petits globules juxtaposés remplis d'un liquide inflammable, non pas avec la simultanéité instantanée d'un volume de gaz. Toutes les épreuves que j'ai faites se sont accordées pour mon- trer que c'est, en effet ainsi, par la seule inflammation du li- quide des utricules, que le phénomène a lieu. Quelques détails extraits de mes notes mettront ce résultat suffisamment en évi- dence. Le 26 avril 1 83o, j'essayai de porter la flamme d'une allumette sous le pédoncule d'une grappe florale de la variété rouge, qui m'avoit paru déjà chargée d'un certain nombre d'utricules bien gonflés. Je n'obtins pas d'inflammation continue, mais de simples crépitations locales, comme celles que produisent les jets des- 278 SUR L INFLAMMATION DE LA FRAXINELLE. sence quand on presse une écorce d'orange ])rès de la flamme d'une bougie. Le reste de la plante, où les utricules étoient plus fbibles et plus rares, n'offrit pas même ce phénomène. Je répétai l'épreuve l'année suivante, à pareille époque. Même résultat. Dans les parties où les crépitations s'étoient opérées, les utricules parurent oblitérés et noircis. Au i5 mai i83o, plusieurs tiges florales avoient acquis leur entier développement; les utricules étoient considérablement grossis, et serrés sur leur surface. Le temps fut pendant toute la journée froid et sec; le soir, la température étant à 9°,5 du thermomètre centésimal, je répétai l'essai de l'inflammation. Elle réussit quand la flamme fut portée sous les pédoncules de quel- ques fleurs développées, sur-tout près de la naissance de ces fleurs, où toujours les utricules sont plus abondants. Cette con- dition de développement n'est toutefois pas indispensable, car l'effet fut le plus sensible sur un pédoncule dont la fleur n'étoit qu'entrouverte. L'inflammation, quoique manifeste, n'étoit pas assez évidente pour sauter spontanément de la base d'une fleur à la base d'une autre; il falloit la déterminer successivement, en .chaque point, ce que je faisois assez légèrement pour ne pas dé- tériorer les tiges. Parmi celles qui présentèrent ainsi le phéno- mène, il y en avoit que j'avois vainement essayées le 26 avril précédent: d'autres, dont les utricules actuellement enflammés furent détruits, purent encore une semaine plus tard éprouver l'ignition de nouveau, sans doute par d'autres utricules parvenus à maturation depuis l'essai précédent. Dans cette troisième épreuve du 22 mai, le développement de la plapte étant plus avancé, l'inflammation ,s,'opéra avec v'ivçicité sUçr toutes ses tiges. J'ai mainteSsfpis, depuis, constaté cette* répétition du phéno- SUR l'inflammation de la fraxinelle. 279 mène sur une même tifje florale, à des époques diverses et suc- cessives de son existence ; et, plus exercé à en ménager la source, j'ai pu le reproduire cette année sept ou huit fois, à un degré sensible, sur la même tige, en choisissant successivement ses diverses parties pour leur appliquer l'inflammation. Cette com- bustion, lorsqu'elle n'est que superficielle, n'empêche ])oint la fécondation de s'opérer, ni les ovaires de grossir. La température de 9°, 5 n'est pas la plus basse à laquelle je l'aie observée, car je l'ai obtenue, cette année, le 18 mai, le thermomètre attaché à la plante ne marquant que 7°,5. Il avoit fait toute la journée un temps de pluie mêlé d'éclaircis momentanés, desortequela plante étoit toute mouillée quand l'ignition s'opéra sur une de ses tiges. Mais il n'est nullement nécessaire que l'expérience soit faite par- ticulièrement le soir, pas plus qu'à toute autre heure; il n'est pas non plus nécessaire que les tiges florales soient en touffes et at- tachées au sol. Des tiges coupées et séparées de la plante, pourvu que leurs utricules soient au degré de maturation convenable, peuvent être enflammées avec tous les mêmes caractères; on peut les agiter dans l'air environnant, diriger contre elles le courant d'un soufflet, même les plonger dans l'eau pour les dépouiller de leur prétendue atmosphère éthérée, elles n'en présentent pas moins aussitôt après tous les résultats de l'inflammation pro- pagée, si ce n?est, sans doute, que l'ignition devient un peu plus difficile à s'y étendre quand la tige est mouillée d'eau. Enfin, dans le mode même dont s'accomplit ce phénomène, on observe deux caractères physiques, qui excluent toute idée d'une enve- loppe gazeuse actuellement développée et étendue autour de la plante; le premier, c'est que l'inflammation se propage toujours facilement de bas en haut, sur toute une grappe florale, mais 28o SUR l'inflammation de la fraxinelle. beaucoup moins facilement de haut en bas, de sorte qu'après avoir enflammé évidemment le haut d'une grappe, on peut en- core ensuite enflammer sa partie inférieure; le second caractère, qui a du rapport avec le précédent, c'est que lorsqu'on a en- flammé, par le bas ou par le haut, une grappe florale, et qu'elle a offert une ignition continue sur toute sa longueur, il s'y trouve encore parfois quelques pédoncules latéraux qui ont échappé à cette propagation, de sorte qu'en approchant séparément la flamme de leur surface, on peut la leur communiquer encore. Cette possibilité de succession et d'isolement dans le phénomène de l'ignition se comprend très bien pour un système de globules séparément distribués sur toutes les parties de la plante, mais elle ne sauroit exister pour une masse continue de vapeur in- flammable telle que celle dont on supposoit que la Fraxinelle étoit entourée. Les phénomènes que je viens de décrire se produisent sur les deux variétés de la Fraxinelle, soit à fleurs rouges soit à fleurs blanches, moins facilement toutefois et moins abondamment sur cette dernière dont les utricules semblent plus minces et plus rares, inégalité qui peut être remarquée dans des individus si rapprochés. J'aurai probablement une occasion prochaine d'indiquer une autre anomalie bien plus singulière dans les pro- duits développés par la végétation chez des individus d'une même famille, que les botanistes considèrent avec raison pour leurs caractères extérieurs comme des variétés à peine dis- tinctes. On sait que la température extérieure, en modifiant les phases de la maturation, influe considérablement sur la quantité ab- solue d'huile essentielle que produit un même végétal. La con- SUR l'inflammation de la fraxinelle. 281 stitution froide de cette année semble avoir agi aussi sur le phé- nomène que je viens de décrire ; les utricules de la Fraxinelle sont moins gros, et leur inflammation semble moins abondante que dans quelques unes des années qui ont précédé. Je ne conn ois jusqu'ici que cette plante sur laquelle on puisse opérer l'inflammation. Je l'ai essayé vainement sur d'autres vé- gétaux dont les poils sont aussi vésiculaires , par exemple les rosiers et les saxifrages : la substance contenue dans leurs glo- bules semble plutôt gommeuse qu'inflammable, si j'en juge par quelques essais. Mais c'est aux chimistes à nous apprendre la nature infiniment diversifiée de ces produite et de tant d'autres qui sont développés dans les végétaux par les opérations de la vie : les apparences seules sont accessibles au physicien , et l'es- pèce de merveilleux qu'on avoit jusqu'ici attaché à celles que la Fraxinelle présente, sera mon excuse près de l'Académie pour avoir osé l'entretenir d'un effet qui paroît si simple quand il est expliqué. Annales du Muséum, t. I", 3' série. 36 RAPPORT SUR LE BOUILLON DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE, FAIT A L'ACADÉMIE DES SCIENCES PAR M. CHEVREUL (i). Le 19 mars i83'2. Nous avons l'honneur de présenter à l'Académie les résultats de l'examen que nous avons fait d'un bouillon de viande préparé en grand par une compagnie qui a pris la dénomination de hollandaise, parcequ'elle a été fondée par deux Hollandais do- miciliés à Paris, MM. Bouwens et Van Goppenaal. PREMIÈRE PARTIE Du bouillon de la Compagnie hollandaise considéré relativement à sa préparation, à sa distribution, a son prix et au jugement du consommateur. Nous nous sommes transportés dans une maison située sur le boulevard extérieur, entre la barrière d'Enfer et la barrière du Maine, et là nous avons vu la manière dont on y prépare environ 1200 litres de bouillon à-la-fois au moyen d'un appareil qui a été (i) Au nom de la Commission de la gélatine, composée de MM. Magendie , Serres, Dupuytren, Chevreul, Flourens et Serullas. • 284 RAPPORT SUR LE BOUILLON monté par M. Ph. Grouvelle, et décrit par l'auteur dans une Notice que l'Académie nous a chargés d'examiner. Au-dessus d'un foyer alongé, où l'on brûle de la houille, se trouve une chaudière plate de tôle remplie d'une solution saline faisant fonction de bain-marie, et munie d'un couvercle à dix- huit ouvertures auxquelles s'adaptent autant de marmites de fer- blanc dont dix sont plus grandes que les autres ; dans chacune des dix premières on peut préparer 90 litres de bouillon , tandis que dans les huit petites on peut en préparer de 3oo à 4oo litres. Entre la cheminée et la chaudière de tôle il y a une seconde chaudière plus petite que la première, dans laquelle on entre- tient de l'eau bouillante pour le service de l'atelier. Les marmites sont adaptées au couvercle de la grande chau- dière assez exactement pour que la vapeur du bain-marie ne puisse se dégager dans la pièce où l'appareil est monté; d'ailleurs le liquide du bain, formé d'eau et de chlorures de potassium et de sodium provenant du raffinage du salpêtre, ne bouillant qu'à 100 et quelques degrés, n'est porté à FébuUition qu'au commen- cement de l'opération et pendant le temps strictement néces- saire pour que l'eau des marmites où se trouve la viande éprouve la coagulation qui donne lieu à la production de la partie solide de l'écume qu'on observe dans le pot-au-feu, et qui facilite la clarification du bouillon. Aussitôt que les écumes sont enlevées, on diminue le feu de manière que le bain-marie cesse de bouillir et que l'eau des marmites n'éprouve qu'un léger bouil- lonnement. Nous ferons remarquer que l'ouverture du foyer est en dehors de l'atelier, afin de faciliter le service de propreté. Suivant l'assertion de M. Ph. Grouvelle, que nous n'avons pas DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 285 vérifiée, l'économie apportée par l'usage de cet appareil est telle que I200 litres de bouillon exigent loo kilog. de houille au prix de 4 fr- à 4 fi"- 5o cent., tandis que, si on opéroit dans des mar- mites de terre placées sur des foyers séparés, comme l'a fait d'abord la Compagnie hollandaise, on brûleroit, pour obtenir le même produit, une quantité de charbon de bois s'élevant au prix de 3o à 34 fr- (x). La viande dont on se sert pour préparer le bouillon nous a paru de bonne qualité; elle est avant tout désossée; les morceaux en sont réunis ensemble avec une ficelle. On met les os non concassés au fond des marmites, la viande dessus; puis on y verse l'eau. On fait chauffer: l'ébullition a lieu, les écumes for- mées sont enlevées; alors on ajoute aux matières précédentes du sel, et des légumes qu'on a enveloppés dans un filet pour éviter qu'ils ne s'écrasent et qu'ils ne se dispersent dans le bouillon. La Compagnie hollandaise, après plusieurs essais tentés dans la vue de donner à son bouillon plus de couleur et de saveur, a préféi'é, (i) Depuis la lecture de ce rapport à TAcadémie, mon honorable confrère M. Molard m'a donné communication du premier volume d'un ouvrage intitulé le Cuisinier Royal ou Cuisine de santé, par M. Jourdan Le Cointe docteur en médecine (Paris, Bossange, Masson et Besson 1792), dans lequel l'auteur décrit , sous la dénomination de Fourneau de santé, un appareil qui a de l'analogie avec celui de M. Ph. Grouvelle, puisqu'il se compose essentiellement d'un bain-marie , fermé par un couvercle, dans lequel on a ménagé des ouvertures propres à recevoir des marmites, casseroles, etc., destinées à la coction de la viande, des légumes, etc.; la chaudière conte- nant le bain-marie est placée sur un fourneau que l'auteur regarde comme très économique, sous le rapport de la petite quantité de combustible qu'il exige pour être chauffé. * ( Note de M. Chevreul. ) 286 RAPPORT SUR LE BOUILLON au caramel, les oignons brûlés ; mais, suivant elle, ceux quon vend à Paris sont souvent mêlés à des corps qui altèrent le bouillon. Tel est le motif qu'elle a eu d'en chercher ailleurs ; elle en a trouvé en province qui ont toutes les qualités désirables. C'est ici qu'il faut rappeler que la lenteur avec laquelle les marmites sont chauffées dans l'appareil de la Compagnie hollan- daise est très convenable à la préparation du bouillon. La durée d'une opération est de six à huit heures. Le bouillon confectionné est versé dans des vases de terre , où il se refroidit assez pour que la graisse qui surnage se fige , fit en soit ensuite séparée. Il est transporté , au moyen de grands vaisseaux de fer-blanc, aux dépôts que la Compagnie a établis dans les divers quartiers de Paris. Là, il est vendu à raison de o^,4o le litre au détail , et de o^,35 par abonnement à lo litres ou 20 demi-litres. Les indigent* ne le paient que o',3o même au détail. .La Compagnie a pris de grandes précautions pour effectuer ce transport, non seulement sous le rapport de la propreté, mais encore sous celui de la conservation du produit, et ces précau- tions sont d'autant plus nécessaires, que tout le monde sait avec quelle facilité le bouillon s'aigrit en été. Dès-lors il faut, dans cette saison, lorsqu'on le transporte de la barrière dans l'inté- rieur de Palis, qu'il soit à une température assez basse pour qu'il ne s'altère pas et qu'il y soit maintenu dans les dépôts jusqu'à la vente. Quant au bouilli, c'est-à-dire à la viande désossée cuite, il est vendu o',6o, et o',45 aux indigents le demi-kilogramme. Il est si recherché, que les demandes qu'on, en fait surpassent, nous a-t-on dit, la quantité qu'on en produit. C'est afin d'éviter de le DE Là COMPAGNIE HOLLANDAISE. 287 toucher plus que ce qui est strictement nécessaire pour le se'-) parer du bouillon et le vendre en détail, que la viande crue, avant d'être introduite dans les marmites, est désossée et ficelée. . Nous: avons visité l'établissement de la' Compagnie hollan^ daise sans y être attendus, et nous l'avons trouvé parfaitement tenuisous tous les rapports: il est aisé dei s'en -^assurer, puisque tout le monde y est admis, et que le contrôle que chacun peut exercer, sur ce qu'il voit entre dans les vues mêmes de la Gompavi gnie. Au reste, une dernière preuve de ses efforts pour rendre ses produits les meilleurs possibles,; c'est l'obligation qu'elle a imposée au fournisseur de viande et aux personnes qui tiennent ses dépôts d'être propriétaires de deux actions de la Société (de 1000 francs chacuiie) : tout le monde .se trovive ainsi intéressé à ce que la viande qui sert à la confection du bouillon et du bouilli soit du meilleur choix, et que les produits débités dans les dé- pôts ne perdent point de leurs bonnes qualités premières jus- qu'au moment de leur consommation. Il ne nous reste plus, pour confirmer le bien que nous venons de dire du produit de la Compagnie hollandaise, qu'à citer To})!- nion du véritable juge, c est-à-dire du consommateur. -t.îPlusieurs personnes de notre connoissance, qui en font usage- depuis l'origine de l'établissement^ en sont très satisfaites; d'un autre côté, des certificats d'autorités légalement instituées que nous allons citer et dont nous avons déposé des copies sur le bureau de l'Académie, attestent le même fait. On voit par ces certifi^cats que non seiUement le diaconat de l'Eglise i-éformée de Paris, le comité anglais de bienfaisance de la même ville, le pasteur-président dispensateur actuel des secours de l'Eglise 288 RAPPORT SUR LE BOUILLON consistoriale des chrétiens de la confession d'Augsbourg à Paris, les Bureaux de bienfaisance des cinquième et septième arron- dissements, reconnoissent la bonté du bouillon et du bouilli de la Compagnie; mais on voit encore que les pasteurs Maron , Mo- nod et Goepp en font usage eux-mêmes ainsi que leurs familles, et qu'ils en sont pleiiïement satisfaits. Nous pourrions borner notre rapport à ce que nous venons de dire sans craindre que l'Académie se compromît en donnant son assentiment à nos conclusions; mais nous avons pensé qu'en nous renfei^mant exclusivement dans l'examen des avantages que présenteroit un certain mode de préparer du bouillon de viande, lors même que cette préparation seroit faite en grand pour la première fois comme produit commercial , ainsi que l'est celle qui nous occupe, il se rencontreroit des personnes qui pourroient croire que cet examen est étranger à l'institution de l'Académie, puisqu'il ne porte pas sur une découverte scientifique proprement dite; c'est ce qui nous a déterminés à joindre à ce rapport quelques expériences sur le bouillon et la cuisson de la viande dans l'eau. Nous avons pensé d'ailleurs que ces expériences pourroient contribuer à nous éclairer dans l'examen de la question élevée sur l'usage alimentaire de la gélatine, et qu'elles ne seroient pas sans intérêt pour une partie de la chimie organique, qui a les rapports les plus intimes avec la physiologie. SECONDE PARTIE. Du bouillon considéré relativement à sa composition chimique. Avant de commencer un examen chimique du bouillon de viande de la Compagnie hollandaise, dans la vue de rechercher DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 28g par cette voie à fixer ses qualités, nous avons cru convenable de déterminer les principes constituants d'un bouillon fait avec de l'eau distillée et de la viande seulement, afin de distinguer plus aisément l'origine des différents principes immédiats des bouil- lons que nous consommons et qui sont préparés avec de la viande, de l'eau ordinaire, des légumes et du sel. Recherche des matières volatiles séparées pendant la coction de la viande. Si l'on fait cuire de la viande dans un appareil distillatoire comiposé d'une cornue, d'un ballon tubulé à la tubulure duquel on a adapté un long tube ouvert aux deux bouts, on pourra constater que pendant la coction il se volatilise : 1° De \ ammoniaque sensible à du papier d'hématine plongé dans le tube adapté au ballon. Il est très probable que la viande abandonne de l'ammoniaque pendant la cuisson, mais il est cer- tain que l'eau distillée ordinaire contenant toujours du carbo- nate de cette base, doit en laisser dégager dans la même cir- constance ; 2° Un produit sulfuré qui noircit une lame d'ai^gent plongée dans le ballon , et qui est très probablement de l'acide hydro- sulfurique ; 3° Un principe doué de l'odeur prédominante de la viande et qui se fixe sur la lame d'argent d'une manière remarquable ; nous disons prédominante, parceque les personnes dont l'odorat est exercé reconnoissent en outre dans la viande une odeur sulfurée appartenant au produit précédent (2°), une odeur ambrée, et sou- Annales du Muséum, t. I", 3° série. 87 ago RAPPORT SUR LE BOUILLON vent une autre odeur qui est nauséabonde pour beaucoup de per- sonnes 5 4° Un principe odorant ambré que l'un de nous a sicjnalé dans la graisse du bœuf et qui est probablement identique à celui que cet animal exhale quand il a chaud (1). Nous y revien- drons plus bas; 5° Un acide volatil qui a de l'analogie avec l'acide acétique, mais qui peut en différer. Nous n'avons recueilli qu'une très pe- tite quantité de ce produit, qvioique nous ayons tenu au bain- marie bouillant dans un alambic 5 kilog. de viande de bœuf et 10 kilog. d'eau pendant huit heures et demie. Le liquide distillé pesoit I kilog. 35o gr. L'ayant fait évaporer à sec après y avoir mis un excès d'hydrate de baryte ; ayant repris le résidu par l'eau, on n'a obtenu qu'une très foible quantité d'un sel soluble, lequel ayant été décomposé par l'acide sulfurique foible a donné l'acide volatil dont nous parlons. § IL Recherche des principes immédiats de la décoction de viande. Nous avons mis un morceau de 5oo gr. de viande privée d'os, et, autant que possible, de tendons et de graisse, dans un litre et demi d'eau distillée. La température a été portée peu à peu à FébuUition, et soutenue à ce degré pendant cinq heures. Le bouillon a été décanté et dégraissé ; nous y avons ajouté la quan- tité d'eau nécessaire pour l'amener au volume d'un litre. Pen- (i) Recherches chimiques sur les corps gras d'origine animale, par Che- vreùl, pag. 255. DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 29 1 dant rébullition on avoit eu soin d'ajouter l'eau nécessaire pour que la viande fût toujours submergée. La décoction de yiande avoit une odeur de bouillon , une sa- veur douce et agréable, une couleur jaune légèrement orangée, et une densité de i,oo45. Par conséquent le poids d'un litre étoit de 1004, 5. Il étoit formé de Eau et petite quantité de matières volatiles 988, Syo Matières organiques fixes dans le vide sec, à 20 deg 12, 700 ( Potasse, l Soude. Matières inorganiques solubles dans l'eau. | Acide phosphorique. 2, 900(1). Chlore. ' Acide sulfuriq. (trace). j Phosphate de magnésie. o, 23o Matières inorganiques insolubles dans l'eau. Phosphate de chaux, j ( Oxide de fer. ) ' ioo4, 5oo Il faut se rappeler que les animaux et les végétaux sont formés de principes immédiats, tels que le chlorure de sodium, le phos- phate de chaux, etc., etc., absolument identiques à des com- posés du règne minéral, et de principes immédiats, tels que la fibrioe, le sucre de lait, le sucre de canne, etc., etc., que l'on n'a rencontrés jusqu'à présent que dans les êtres organisés et qui, à cause de cette circonstance, ont été distingués des premiers par l'épithéte d'oing uniques. (i) La potasse éloit à la soude '.% 5, 5 : i. La matière inorganique soluble dans l'eau pesant 2"', 900 a été obtenue par incinération; elle paroissoit dépourvue de carbonate. La solution étoit alcaline au papier d'hématine. Il ne seroit pas impossible qu'une portion de la potasse ou de la soude provînt de la décomposition d'un sel d'acide organique, ainsi que nous le verrons plus bas. 2g 2 RAPPORT SUR LE BOUILLON On voit, par notre analyse, que la décoction de viande a donné 'Y,ooo environ de matière organique et un peu plus de Viooo ^^ sels fixes inorganiques. Nous aurions désiré présenter à l'Académie une détermina- tion exacte de la nature et des proportions respectives des diffé- rents principes immédiats, organiques de la décoction de viande; mais dans l'état actuel de la science, cela ne nous paroît guère possible; cependant, outre les principes immédiats volatils re- connus plus haut, nous pouvons y indiquer deux matières azo- tées : l'une que nous rapporterons à ce qu'on nomme gélatine, et l'autre à ce que nous nommons albumine cuite. 11 y a en outre un acide, qui est probablement le lactique. {Voyez la note i à la fin du rapport. ) C'est ce corps et les principes volatils signalés plus haut qui impriment au bouillon et au bouilli de bœuf la saveur et l'odeur qui les caractérisent. Il est probable qu'une partie de 1 acide lactique est unie à de la potasse ou à de la soude. La détermination des principes immédiats inorganiques fixes présente les faits suivants : 1° La prédominance de la potasse sur la soude, ces bases étant l'une à l'autre comme 5,5 : i. Nous avons déterminé ce rap- port par le procédé de M. Séi^ullas, qui consiste essentiellement à unir ces alcalis à l'acide oxychlorique. Il n'est pas étonnant, au reste, que le bœuf, qui se novirrit de végétaux terrestres dans lesquels les sels de potasse dominent sur ceux de soude, con- tienne dans sa chair une plus forte quantité des premiers que des seconds. Il seroit curieux de connoître le rapport des mêmes bases dans la chair d'un bœuf auquel on auroit donné beaucoup d« sel marin avec ses aliments. DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 2g3 2" La prédominance du phosphate de magnésie sur le ]5hos- phate de chaux. 3° La quantité notable d'acide phosphorique à l'état de phos- phate de potasse ou de soudel Il se pourroit qu'une portion de cet acide fût, sinon à l'état libre, du moins à l'état de surphosphate, et concourût, avec l'a- cide lactique, à donner un goût acide au bouillon. Dans cette supposition, il faudroit admettre aussi qu'une portion de ce der- nier seroit à l'état de lactate alcalin, et que par l'incinération la base qu'il saturoit se porteroit sur l'acide phosphorique du sur- phosphate et le changeroit en phosphate ; car c'est à cet état que se trouve l'acide phosphorique dans la partie soluble dans l'eau des cendres de l'extrait de bouillon. §m. Recherches pour savoir si le bouillon préparé en faisant chauffer lentement la viande dans l'eau jusqu'à l'ébullition est préfé- rable à celui préparé en plongeant la viande dans l'eau bouil- lante. Tout le monde sait qu'on recommande de faire chauffer le pot-au-feu lentement, et lorsque l'eau est en ébullition de la maintenir à un foible bouillon. Nous avons voulu savoii* quelle pouvoit être l'influence d'une température subite sur la viande destinée à faire du bouillon. Voici comment nous avons opéré pour arriver à ce but : On a pris deux morceaux de viande choisis et aussi semblables que possible : l'un a été mis dans un pot de terre avec un litre et demi d'eau distillée froide; on a élevé graduellement la tem- 294 RAPPORT SUR LE BOUILLON pérature du liquide à rébullition, et on l'a soutenue pendant cinq heures. L autre morceau a été plongé dans un litre et demi d'eau distillée bouillante; l'ébullition a été maintenue pen- dant cinq heures. Au bout de ce temps, les deux morceaux de viande ont été retirés des deux marmites; on les a laissé égoutter, puis on a ajouté, à chaque bouillon, l'eau nécessaire pour en porter le volume à un litre ; car quoiqu'on eût ajouté de l'eau pendant la cuisson, afin de maintenir toujours la viande submergée, cepen- dant on n'en avoit pas ajouté autant qu'il s'en étoit vaporisé. Le goût du bouillon provenant de la viande plongée dans 1 eau lx)uillante a été jugé unanimement^ par une dizaine de per- sonnes, moins bon que celui du bouillon i'ait par le procédé ordinaire; et l'examen chimique des deux bouillons a, jusqu'à un certain point, expliqué ce résultat. En effet, le dernier con- tenoit près de 'Yiooo de matières organiques et Y.ooo de sels fixes, tandis que l'autre ne contenoit guère que 'Y.ooo des premières, et V"ooo des seconds. Dune autre part, la viande qui avoit été chauffée doudfement jusqu'à l'ébullition s'étoit réduite de 5oo gr. à 826 de bouilli, et à 3 gr. aS de graisse séparée de ce dernier, tandis que l'autre viande avoit donné 33 7 gr. de bouilli, retenant presque toute la graisse, car il s en étoit à peine séparé à la surface du bouillon. Le second bouilli étoit meilleur que le premier, au jugement de la plupart de ceux qui les goûtèrent; cependant la différence ne fut pas trouvée aussi grande que celle qui existoit entre leurs bouillons respectifs. Il résulte de là, que la meilleure manière de préparer le bouil- lon est de chauffer lentement la viande avec l'eau, et il est peut- DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 29? être convenable d'appuyer sur cette conclusion, par la raison que quelqu'un avoit conseillé à la Compagnie hollandaise de plonger la viande dans l'eau bouillante. On conçoit, au reste , que les parties de l'albumine et de la fibrine, qui sont à l'exté- rieur, se durcissant par la chaleur subite qu'elles éprouvent, for-p ment ainsi une sorte d'enveloppe qui s'oppose à la libre pénétra- tion de l'eau du pot-au-feu dans l'intérieur de la viande § IV. Examen comparé du bouillon de la Compacinie hollandaise et de celui préparé a l'hôpital militaire du Val-de-Grace. Éclairés par les expériences précédentes, nous avons soumis le bouillon de la Compagnie hollandaise à un examen compa- ratif avec un bouillon préparé en grand sous nos yeux, pour l'usage des malades de l'hôpital militaire du Val-de-Grace, d'après la recette suivante : Eau 2000 Viande de bœuf d'excelleç^e qualité . . 5oo Légumes frais . . . ^j^.j, j,^ . . . 26,8 Oignons brûlés , . . 5,4 Sel . 8 On porte lentement à l'ébullition l'eau qui est contenue dans des vaisseaux de cuivre, où l'on a mis la viande et le sel ; les légumes ne sont introduits qu'après que les écumes ont été enlevées. On concentre le liquide à moitié. La densité de ce bouillon, à ry degrés, est de 1,0 11 o; celle du bouillon de la Compagnie hollandaise est de i ,0 1 20 ; conséquem- ment le litre du premier pèse loii grammes, tandis que celui du second en pèse ICI 2. 296 RAPPORT SUR LE BOUILLON Voici les i"ésultats de l'analyse des deux bouillons pour un litre : Bouillon de la Bouillon du Comp. hollandaise. Val-de-Grace. Jiau , ggii,ioo . . . 991,000 Matière organique soluble dans l'alcool foible . . 9,44° • • • 8,820 Matière organique insoluble dans ralcool foible. . 3,i23 . . . i,5i5 I Potasse \ Sels solubles ^°J^^^ j 1) 1 Lihlore /. . 7,070 ... q. i55 dansleau. i » -j l i_ • l /'"/" y)«JJ ( Acide phosphorique . . .1 1 Acide sulfurique ( trace. ) . ' / Phosphate de magnésie . . ] Sels insolubles 1 Phosphate de chaux . . ./ ,/; r dansl'eau. Oxide de fer ' " °'+^7 • • ■ o,5io ( Oxide de cuivre (trace) . . ) 1012,000 1011,000 Aux espèces de principes immédiats indiqués plus haut, dans la décoction de viande faite à l'eau distillée, il faut ajouter : 1° Le sucre, une matière non azotée, dite {jommeuse ou mu- cilagineuse, une ou plusieurs matières azotées, un ou plusieurs acides organiques, plusieurs principes odorants, plusieurs prin- cipes colorants , et des sels que les légumes employés peuvent céder à l'eau bouillante. (Ployez la note 5 à la fin du rapport.) 2° Le sel marin introduit dans la marmite j 3° Les sels contenus dans l'eau commune, qui sert à cuire la viande. Il y a visiblement la plus grande analogie entre la composition des deux bouillons : la différence en matière organique est à la:- vantage de celui de la Compagnie hollandaise 5 et nous ferons remarquer que l'échantillon sur lequel nous avons opéré ayoit été acheté à la fabrique même par une personne de confiance , qui n'a point parlé de l'usage auquel on le destinoit. En énonçant DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 297 ce fait à l'Académie, c'est lui dire que sa Commission a pris toutes les précautions imaginables pour ne donner que des résultats positifs. {Voyez la note 2 à la fin du- rapport.) Si nous avions borné notre examen à celui du bouillon du Val- de-Grace, qvii est préparé dans des marmites de cuivre, on auroit pu attribuer à la nature des vaisseaux le cuivre qu'on y a re- connu. Mais sans affirmer que ces vaisseaux n'aient pas eu d'in- fluence sur le résultat dont nous parlons, cependant ils n'en peuvent être l'unique cause, pviisque le bouillon de la Compa- gnie hollandaise, préparé dans des vases de fer-blanc, du bouil- lon préparé sous nos yeux dans des vases d'étain, de terre; et, enfin, des viandes de bœuf, de veau et de mouton des bouche- ries, nous ont offert des traces du même métal. Mais le.cuivre est-il un des éléments essentiels des matières organiques? C'est une opinion difficile à admettre, même en regai'dant comme exacts les résultats de M. Meissner et de M. Sarzeau : car les quan- tités de cuivre, indiquées par ce dernier, dans le quinquina gris, la garance, le café, \e froment et le sang de bœuf, sont très petites. D'un autre côté, nous avons reconnu que des échantil- lons de viande de bœuf, de veau et de mouton, pris par nous- mêmes sur des animaux récemment tués, examinés absolument de la même manière que les échantillons des boucheries qui nous avoient donné du cuivre, ne nous eh ont point offert. Nous ne prétendons pas dire que les matières organiques analysées par M. Meissner et M. Sarzeau contenoient accidentellement du cui- vre, par la raison que nous n'avons pas examiné les mêmes ma- tières que celles qui ont fixé leur attention, et, en outre, que nous avçns opéré sur des quantités plus foibles que celles qui ont été analysées par M. Sarzeau : ce que nous voulons établir, c'est Annales du Muséum, t. I", 3° série. 38 298 RAPPORT SUR LTÎ BOUILLON que des viandes de boucheries peuvent donner à l'analyse une quantité sensible de cuivre qu'on ne retrouve pas dans des échantillons différents des mêmes sortes de viandes, qu'on a préparées avec plus de soin qu'on n'en apporte, en {îfénéral,dans les boucheries. [Voyez la note 3 à la fin du rapport.) Quelle que soit, au reste, l'opinion qu'on ait sur l'existence du cuivre dans les êtres organisés, il nen est pas moins vrai que ce métal peut se rencontrer dans nos aliments, et notamment dans le bouillon; mais la quantité que nous y avons trouvée est extrêmement foible, car certainement elle étoit loin de s'élever à un milli{jramme par litre de bouillon, ou pour 101 1 gr. ou 10 1 3 gr. pesant. En parlant de la présence d'une matière vénéneuse dans nos aliments, nous ferons remarquer que la proportion de cuivre y est trop petite pour qu'on puisse lui attribuer quelque influence nuisible sur l'économie animale, et nous ajouterons que dans dés cas de médecine légale, où il s'agiroit de rechercher la présence de ce métal dans des cadavres, ou des matières provenant d'indi- vidus qu'on supposeroit avoir été empoisonnés par des prépa- rations cuivreuses, il faudroit que les experts, appelés à constater un pareil délit, fussent suffisamment familiarisés avec les pi'o- cédés de l'analyse chimique, pour présenter aux tribunaux des résultats donnant non seulement la preuve de texistence du poi- son, mais encore la proportion où il se trouvoit dans les matières examinées. Il y a une si grande différence entre les quantités de cuivre indiquées dans les composés organiques et celles néces- saires pour causer un empoisonnement, qu'il ne peut y avoir d'incertitude sur les conséquences à tirer d'expériences bien faites. Ainsi , de ce que le cuivre a été reconnu dans nos aliments, DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 299 ce n'est pas une raison pour que des malfaiteurs croient pouvoir impunément se servir de préparations de ce métal pour accom- plir de funestes projets. TROISIÈME PARTIE. f^ues sur rinfluence de la chaleur dans la préparation des aliments. L'uu'de nous, qui avoit examiné l'influence de la chaleur sur le-blanc d'oeuf(i), et qui plus tard ayant traité de cette influence d'une manière générale sur les matières organiques (2), y avoit rapporté le phénomène de la cuisson des aliments, a profité de cette occasion poitr soumettre la viande à qvielques expériences, conformément à ces vues. La viande de bœuf cède à l'eau froide une matière plus ou moins colorée en i^ouge par l'hématosine de la liqueur évaporée dans le vide sec, à une température qui n'excède pas 20 degrés, laisse un résidu d'un rouge brvin , presque inodore tant qu'il reste exposé à l'air libre, mais qui, renfermé dans un flacon qu'il ne remplit pas complètement, en imprègne l'atmosphère d'une odeur de viande crue différente de celle de la viande cuite. La saveur de.ce résidu est douceâtre, acide, agréable et peu odo- rante. La délaye-t-on dans 10 fois son poids d'eau, pour la faire chauf- fer ensuite jusqu'à l'ébullition, un abondant coagulum d'alljumine (i) De rinfluence que l'eau exerce sur plusieurs substances azotées solides, par M. Chevreul. Mémoire lu à l'Académie des sciences, le 9 juillet 1821 , im- primé dans les Mémoires du Muséum d'histoire naturelle, t. XII, p. 160. (2) Considérations générales sur l'analyse organique, par M. E. Chevreul. Paris, Levrault, 1824, pages 80 et suivantes. ' 3oo RAPPORT SUR LE BOUILLON cuite unie à un peu de l'acide libre du bouillon se sépare, un pro- duit légèrement sulfuré manifeste son développement par la teinte fau-ve ou brune qu'il communique au papier de plomb que l'on a plongé dans l'atmosphère du* vaisseau où la matière soluble de la viande est chauffée; enfin une odeur agréable de bouilli se développe en même temps, \i D'un autre côté, la viande qui a été épuisée autant que pos- sible de toute matière soluble dans l'eau froide, ainsi que de de toute matière grasse soluble dans l'alcool froid, exhale une légère odeur fade lorsqu'on la met dans l'eau bouillante; elle se partage en matière soluble qui est de la nature de la gélatine, et en matière insoluble qui est entièrement ou presque entière- ment formée de fibrine; et, fait remarquable, les particules de cette dernière se sont rapprochées, et ont éprouvé par la cuisson un endurcissement absolument analogue à celui que les parti- cules de l'albumine éprouvent lorsque cette substance est coa- gulée par la chaleur. On voit donc que la coction de la viande et la production du bouillon, opérations simultanées, présentent des phénomènes complexes qu'on ne peut étudier qu'en cherchant à voir ce qui se passe dans chacun des principes immédiats qui constituent cette viande, lorsqu'ils reçoivent l'action d'une température de loo degrés avec lé contact plus ou moins libre de l'eau dans la- quelle ils sont submergés. L'albumine de la viande se divise en deux parties ; l'une est dissoute avant que la température de l'eau soit élevée au point où cette substance se coagule , ou, ce qui revient au même, se cuise; l'autre portion reste dans la viande. Lorsque la tempéra- ture est suffisamment élevée, toute l'albumine se cuit; c'est DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. • 3oi aloi'S que la portion dissoute se réduit en une partie solide colorée par de l'iiématosine qui constitue essentiellement l'é- curaedupot, et en une pai'tie qui reste en solution dans l'eau. Nous avons lieu de penser que cette partie est moindre qu'elle ne le seroit si l'albumine de la viande, au lieu d'être en présence d'un acide, étoit comme l'albumine du blanc d'oeuf en présence d'un alcali. Le tissu cellulaire qui pénètre dans toutes les parties de la viande, et notamment celui qui enveloppe la graisse, le tissu tendineux, se transforment également en deux parties, l'une qui se dissout à l'état de gélatine , et l'autrequi reste à l'état d'une matière solide plus ovi moins molle , plus ou moins gonflée. C'est à ce dernier état qu'il faut rapporter ce qu'on appelle vvilgaire- ment et improprement le ?ie>y^ du bouilli, matière qui n'est que le tendon ramolli et plus ou moins gonflé par l'action de l'eau et de la chaleur. Quant au tissu musculaire essentiellement composé de fibrine, il éprouve, comme l'albumine, un endurcissement; mais il en diffère en ce qu'il n'y en a pas qui soit dissous par l'eau. Si de l'albumine, du tissu gélatineux, et même de la stéarine, de l'o- léine et de la cérébrine n'étoient pas interposés entre les parti- cules de la fibrine, cette substance seroit trop coriace, pour être un aliment recherché. La graisse formée d'oléine et de stéarine ne paroît pas éprou- ver de changement. Une, portion reste dans la viande, comme nous venons de le dire, et une autre vient nager au-dessus du bouillon. ' La matière cérébrale contribue à donner de l'odeur au bouil- lon, et principalement au bouilli. Mais cette odeur, qui se ma- 3o2 RAPPORT SUR LE BOUILLON nifeste sur-tout par la chaleur, existe peut-être déjà dans la ma- tière céi^ébrale avant la cuisson. C'est au reste un point sur le- quel l'un de nous reviendra dans ijn travail spécial. Nous n'avons point le même doute sur le genre de dévelop- pement du principe qui prédomine dans l'odeur du bouillon et du bouilli. Celui-ci est formé ou mis en liberté par suite d'un nouvel état d'équilibre qui s'établit entre les éléments d'un ou de plusieurs principes immédiats de la viande qui sont solubles dans l'eau. Le principe sulfuré a la même origine; son dévelop- pement est un phénomène concomitant de la coagulation de l'albumine ainsi qu'on l'observe dans la coagulation du blanc d'oeuf. Le principe ambré qui n'existe pas toujours, du moins en quantité sensible , est-il tout formé , ou proviendroit-il d'un chan- gement qu'éprouveroit, par l'effet de la chaleur, une matière analogue à celle qui se trouve dans la bile ? Ces questions sont à résoudre ; mais il est certain qu'il y a des cas où plusieurs parties du boeuf exhalent le principe ambré sans qu'il y ait coction; que la bile de cet animal renferme une matière qui développe une odeur analogue dans plusieurs circonstances , et notamment par la coction; et enfin que la matière cérébrale uiême, à une certaine époque de son altération spontanée, exhale la même odeur (i). La manière dont nous venons de considérer la viande crue et la viande cuite explique plusieurs faits qu'on ne concevroit pas (i) Pour apprécier l'influence du chlorure de sodium dans la cuisson, voyez lesnotës 5 et 6 à la fin du rapport. [Note de M. Chevreul.) DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 3o3 bien autrement. Ainsi on peut conserver de la viande en l'ex- posant à une température de cent degrés, ou en la séchant par ventilation à la température ordinaire. Il est évident que la première ne sera pkis susceptible, étant chauffée au milieu de l'eau, de donner du bouillon, comme la viande séchée par le second procédé, lorsque celle-ci aura été préalablement gonflée par l'enu froide, avant d'être mise dans le pot-au-feu. Cette manière de voir explique bien la différence qui existe entre les tablettes de bouillon et le bouillon j car l'évaporation par laquelle celui-ci a été converti en extrait sec, l'a dépouillé d'une grande partie des principes aromatiques qui le font rechercher, et qui le distinguent si éminemment des aliments liquides qui en sont dépourvus. Si une matière sèche peut représenter l'extrait de bouillon , quant à son odeur spéciale, c'est celle que nous.]ïiettons sous les yeux de l'Académie; elle est soluble dans l'eau ; la solution, pour ainsi dire inodore, est-elle portée à une température de cent degrés, elle devient odorante, et rappelle, sous cerappoi't, l'odeur spéciale du bouillon; nous disons spéciale, parceque si l'on y re- connoît l'odeur dite d'osmazome et l'odeur sulfurée du bouillon ordinaire, on n'y retrouve pas toujours lodeur ambrée, ni celle de la matière cérébrale. (^F'oyez la note 4 à la fin du rapport.) Si déjà nous ne craignions de nous être éloignés du but de ce rapport, nous ferions voir que la cuisson produit dans beaucoup de légumes, tels que les choux, le topinambour, etc., des phé- nomènes analogues à ceux que présente la viande, et nous fe- rions remarquer que l'analyse d'une espèce de crucrfère a offert à l'un de nous, il y a long-temps, un produit cuit qvii a beaucoup d'analogie avec le bouillon de viande. En effet, on y a trouvé 3o/|- RAPPORT SUR LE BOUILLON des phosphates, un acide libre des matières azotées, et enfin un principe aromatique, que nous ne prétendons pas rapporter à ce qu'on a appelé osmazome, mais qui s'en rapproche par son odeur. {^Foyez la note 5 à la fin du rapport.) Il est visible que dans l'analyse organique il faut tenir compte du phénomène de cuisson, si l'on veut se représenter exactement la nature des matières analysées qvii ont été soumises à l'action, de la chaleur; faute d'y avoir égard, il est des cas où l'on seroit conduit à attribuer a la nature vivante des modifications déter- minées par une élévation de température, dans l'arrangement des éléments des principes immédiats; mais tout en énonçant cette manière de voir, nous admettons la possibilité que des modifications analogues et même identiques se manifesteiit dans des circonstances où il semble que les matières qui les éprouvent soioiU soustraites à l'influence d'une élévation de température, CONCLUSIONS. D'après ce que nous avons vu dans l'atelier de la Compagnie hollandaise, d'après des attestations certifiées par plusieurs au- torités légalement instituées, d'après des renseignements four- nis par différents particuliers qui font usage du bouillon de la Compagnie depuis l'origine de la fabrication, nous concluons : 1° Que l'appareil monté par M. Ph. Grouvelle pour préparer du bouillon en grand, paroît parfaitement remplir son objet; 2° Que les soins apportés à la confection du bouillon soit pour le choix de la viande, soit pour la conduite des opérations nécessaires à la cuisson, soit enfin pour le distribuer aux con- sommateurs, doivent en recommander l'usage auprès des hos- DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 3o5 pices et des personnes qui ne sont pas en position de faire chez elles cette préparation ; 3° Qu'il est à désirer que non seulement l'usage de ce bouillon se propage, mais encore celui de la viande qui a servi à le pré- parer; car cette viande cuite, considérée en elle-même et re- lativement au prix auquel la vend la Compagnie hollandaise, est un bon aliment. Mais en exprimant ce désir ne nous demandera-t-on pas si nous avons l'assurance que la fabrication du bouillon sera tou- jours aussi soignée qu'elle l'est aujourd'hui? S'il est des procédés industriels sur lesquels il nous seroit impossible de répondre af- firmativement à cette question , il faut convenir que celui que nous examinons n'est pas absolument dans ce cas. La Compa- gnie nous paroît présenter toutes les garanties possibles qu'elle continuera de faire ce qu'elle a commencé; d'ailleurs son intérêt même le lui commande ,,car le bouillon n'est pas un produit dont on fasse provision. Une fois acheté il est bientôt consommé; dès-lors s'il venoit à perdre les qualités qui le font rechercher aujourd'hui, on s'en aperce vroit aussitôt, et on en cesseroit l'usage. ERRATUM. Page 299, ligne i3. Au lieu de : colorée en rouge par l'hématosine de la liqueur , il faut : colorée en roucfe par l'hématosine. La liqueur. Annales du Muséum, t. I", 3' série. Sg NOTES. NOTE r . Sur une nouvelle substance contenue dans la chair de bœuf, par M. Chevreul. I. Nomenclature. Quoique je ne sois pas encore absolument convaincu qu'une substance cristalline que j'ai retirée de l'extrait aqueux de la viande du bœuf n'ait pas été aperçue, et que je ne pense pas l'avoir soumise à un assez grand nombre d'expériences pour en démontrer la nature spécifîque, cependant comme j'ai été obligé de publier le rapport précédent, avant le temps qui m'auroit été nécessaire pour achever les recherches dont il a été pour moi l'occasion , et que d'un autre côté, j'ai obtenu cette substance cristallisée, et dans un état où elle nie semble pure, je vais la décrire, et afin d'éviter les péri- phrases, je la désignerai par la dénomination de créatine, tirée du grec KPÉA2, aroç, chair. II. Propriétés physiques. La créatine est remarquable par la limpidité de ses cristaux , et parce- qu'elle affecte les formes du chlorure de sodium; ainsi elle cristallise en cubes, et ces cubes s'agrègent de manière à présenter des prismes à bases carrées, des tables rectangulaires et des trémies. Elle a un éclat nacré, sur-tout sensible dans les cristaux minces. Sa densité est entre i,35 et 1,84. ■ ' III. Propriétés chimiques. Écrasée avec de l'eau sur des papiers d'bématine, de tournesol et de cur- cuma, elle n'en change pas les couleurs: c'est donc une substance neutre. A la température de 25 deg. 1000 parties d'eau ont dissous y'jS de créatine. La solution est dou'éé des propriétés suivantes : Elle ne fait éprouver aucun changement aux solutions de chlorure de barium, d'oxalate d'ammoniaque, de nitrate d'argent, de sulfate de cuivre, de sulfate de peroxide de fer, de sous-acétate de plomb, du moins aux solutions étendues d'une certaine quantité d'eau; car je n'ai pas opéré avec des liquides aussi concentrés que possible. Elle ne trouble pas le chlo- rure de platine concentré; peut-être troubloit-elle très légèrement le nitrate NOTES. 307 de protoxide de mercure mêlé de nitrate de peroxide. Cette dissolution mixte, qui chauffée avec la laine et un grand nombre de matières organi- ques aziotées les colore en rouge brun, ne développe pas de couleur lors- qu'on la chauffe avec la créatine. L'alcool n'a sur elle qu'une bien foible action, puisque 1000 parties de ce liquide d'une densité de 0,810 en ont dissous à peine o'',25. La créatine est dissoute par l'acide sulfurique concentré; la solution se fait lentement, et pendant qu'elle s'opère, la matière reste dans la couche supérieure du liquide, où peu à peu elle se colore en jaune brun. La créatine s'enfonce dans l'acide nitrique d'une densité de r,34, et s'y dissout. La solution est incolore; lorsqu'on la chauffe au bain-marie dans une cloche étroite, elle laisse dégager de la vapeur hypo-nitrique. Si on fait évaporer la liqnenr dans une capsule, on obtient un résidu légè- rement jaune. Ce résidu repris par l'eau, donne une solution qui, aban- donnée à l'air, cristallise en feuillets : il ne reste qu'une trace d'eau mère jatine. La créatine s'enfonce dans l'acide hydro-chlorique d'une densité de 1,19. Elle s'y dissout sans le colorer. La solution évaporée donne des cristaux incolores, disposés en dentrites. La créatine chauffée dans un petit tube de verre fermé à un bout, pétille, dégage de la vapeur d'eau , et de transparente qu'elle étoit devient opaque et blanche; elle se fond ensuite, se colore, et donne de l'ammoniaque sen- sible aux papiers d'hématine, de tournesol rouge et de curcuma. Presque en même temps que l'ammoniaque se manifeste, il se développe une odeur prussique, qui bientôt est accompagnée d'une autre odeur qui m'a paru phosphurée. (A cette époque, un papier de plomb que je plongeai dans le tube conserva sa blancheur). Enfin il se dégage une vapeur jaune qui se condense en liquide, dont une partie cristallise par refroidissement en petits prismes ; le charbon est assez abondant. Incinéré , il ne laisse qu'une trace de cendre qui ne donne point à l'eau la propriété de troubler le nitrate d'argent. IV. Propriétés organoleptiques. La créatine est inodore; Elle n'a pas de saveur sensible. 3o8 NOTES. V. Préparation. C'est en traitant par Falcool l'extrait aqueux de la viande préparé dans le vide sec, que j'ai obtenu la créatine. Malheureusement les matières très solu- bles dans l'eau qui accompagnent cette substance s'opposent à ce qu'elle se sépare facilement de son dissolvant ; de sorte que l'on n'en obtient que très peu relativement à la proportion qui reste dans les eaux mères; il est pro- bable que cette difficulté a empêché qu'on Fait aperçue plus tôt. VI. Composition. La créatine contient de l'eau de cristallisation , et certainement de l'azote et du carbone. Je ne puis aller aujourd'hui au-delà de ces faits. Je ne serois point étonné qu'elle fût analogue à l'urée par sa composition, en cela qu'elle seroit représentée par de l'ammoniaque et un acide carburé.. Je suis loin de prétendre avoir fait connoître la nature de la créatine par cette note. Je reviendrai sur cette matière dans un Mémoire particulier où je l'examinerai avec toute l'attention qu'elle me paroît mériter. Le principal obstacle à cette étude est assurément la difficulté que j'ai eue jusqu'ici de me procurer la quantité de matière qui seroit nécessaire à des recherches approfondies, et je n'ose indiquer le poids de créatine qui a servi à mes expériences, tant il étoit petit. Quoique la créatine soit inodore et insipide, cependant comme elle se trouve dans le bouilli et le bouillon, il seroit prématuré de croire qu'elle est dépourvue de toute influence dans la nutrition. Elle existe probablement dans d'autres matières animales que la chair musculaire. Je ne serois point étonné qu'elle eût été confondue dans quelques circonstances avec le chlo- rure de sodium ou celui de potassium. Je m'occupe de la rechercher dans plusieurs matières, ovi j'en soupçonne la présence. En terminant cette note je ferai remarquer que j'ai obtenu de l'extrait de viande, une substance d'une saveur douce, sucrée., mais je ne l'ai point assez bien isolée de tout corps étranger, pour prononcer sur sa nature comme principe immédiat de la chair. NOTE 2. Examen d'un excellent bouillon, par M. Chevreul. J'ai pensé qu'il seroit utile d'exposer ici les résultats que m'a présentés la coction d'une excellente viande. Le bouillon qu'elle a donné étoit d'une qualité vraiment supérieure. NOTES. 309 On a mis dans un pot de terre vernissé de 6 liB-es environ : kii. Viande de bœuf . i,4335. Os o,43oo. Sel marin o,o4o5. Eau 5,0000. On a chauffé graduellement jusqu'à l'ébullition; on a écume, puis on a ajouté , Navets Carottes o,33io. Un oignon brûlé ) On a maintenu le bouillon à un foible degré pendant cinq heures et demie. On a obtenu, lirres. Excellent bouillon 4- kii. Excellent bouilh o,858o. Os 0,3925. Légumes cuits o,34oo. Le bouillon, d'une odeur et d'une saveur agréables , avoit une densité de 1,01 36, conséquemment le litre pesoit ici 3^'', 6. Un litre étoit formé de Eau • ■ • ■ . 985,600. Matière organique fixe à 20 degrés dans le vide sec. . . i6,9r7. I Potasse j Soude I Chlore | 10,724. Acide pliosphorique. ... 1 Acide sulfurique I ( Phosphate de magnésie . . 1 Sels insolubles. . . . Phosphate de chaux .... 0,359. ' ' Deutoxide de cuivre. . . . ) ioi3,6oo. D'après des expériences que je ne rapporterai pas, et qui consistoient essentiellement à traiter les mêmes quantités de légumes par la même quantité d'eau et de sel que les quantités respectives des mêmes matières qui avoient été employées pour préparer le bouillon dont je viens de parler, j'estime que dans un litre de ce liquide les matières fixes à 20 d. dans le vide sec, avoient cette origine. 10 gr. provenoient du sel. 12 à 1 1 de la viande. 637 des légumes. 3lO NOTES. Un autre bouillon, prépar,é;;avéc d^S matières chpiçies.par |noi-inênie et cuites dans un vase qui ne pouvoit céder de cuivre, jie rp'a pas donné de trace sensible de ce métal à l'analyse ,( » NOTE 3. • , . . li - Sur le cuivre contenu dans le froment, par M. Chevreul. De nouvelles rechercbes sur l'existence du cuivre dans plusieurs matières organiques, et particulièrement dans le froment, m'ont donné les résultats suivants : • ■ • '-JJ'-; rr • ^ 1 ■ 1 /? • • j.'jliri<|[ nodf'm fi J Irois cents grammes de grains de rroment pris dans le commerce, ont .,1 , 1 . j • )l!iiiod si 0iialniR£iJ Ê !i>j présente dans leur cendre une trace de cuivre. Cinq cents grammes de froment de la commune de l'Hay, barilièue de Paris, détachés- par moi-même de l'épi, puis lavés à l'eau distillée pour en séparer les corps étrangers, ayant été briilés ensuite dans une capsule de platine avec toutes les précautions imaginables,, ont laissé une cendre qui n'a pas donné de quantité sensible de cuivre à l'analyse. Je ne conclus ^a.i nécessairement de ces faits, que les chimistes qui disent avoir trouvé du cuivre dans les végétaux ont été trompés sur rorigine qu'ils ont assignée à ce métal, car des matières cuivreuses- pouvant faire partie d'un sol , et l'eau absorbée par les plantes qui végètent dans ce sol, pouvant avoir dissous des traces de ces mêmes matières , je conçois dès-lors comment ces plantes contiendront du cuivre; mais ce que je conclus de mes expé- riences, c'est que tous les échantillons de froment ne contiennent point essen- tiellement de ce métal, c'est q\i eu négligeant les précautions que f ai prises, on peut trouver dans 'les matières organiques une quantité de cuivre qui y a été portée accidentellement. '" -' ' "'^ , ' .' Nota. Les journaux, en rendant 'coii(ï[)te de la séance de l'Académie des sciences, du 3,0 avril i832, m'ont fait dire que je n'avois pas trouvé de cuivre dans 200 grains de froment; il y a une .eri'eur que je recti|i,e.,içi;i la quantité sur laquelle j'opjériaiyîépoit Je %oo grammes. , jyjiiijj à juiiih ,..:, ,,, ,, ,. ''; !.■, . . NQTJE ;4- , . . 1,1 l'J.^ ob 19 IIB'j'l . , SurJe.s , phénomènes, que, p)iés.entejafcuisstin de plusmiiPSi tonéfts- de viandes , 1 1 1 r par.M. Ghevreul. Si l'on traite les viandes de veau, de mouton, de poulet .et de perdrix par Teau froide, et si l'on fait évaporer les lavages dans le. vide-seq, on obtient des extraits qui sont bien analogues mais non identiques à l'extrait de la viande de bœuf préparé par le même procédé. .t!»fHujfil t NOTES. 3iï Lés extraits de viande de veau et de mouton donnent, par l'ammoniaque, comme celui de viande de bœuf, un précipité cristallin presque entièrement formé de phosphate ammoniaco-magnésien. Tous les trois sont acides au tournesol. Ils contiennent, outre plusieurs sels, du phosphate de chaux qui n'est pas précipitable par l'ammoniaque. Pour apprécier les analogies et les différences de ces trois extraits, je vais présenter dans le tableau suivant les phénomènes que j'ai observés en expo- sant à la chaleur o,'' 5 de chacun d'eux bien délayés dans ôô'' d'eau, et qui avoient cédé à ce liquide tout ce qu'ils pouvoient lui céder de matière soluhle. EXTRAIT DE BOEUF. Solution rougeâtre acide. 33 «°'™'"'» chauffés dans un petit ballon de verre se sont troublés en manifestant f odeur de bouil- lon, soufrequijau- nissoit le papier de plomb. Le, çoaguluffl , ,étoit rou-: geâtre. Au bout de 24 heures le liquide qui avoit été chauf- fé, et qui étoit compléte- m ent refroid i a été examiné comparativement avec 33 centimètres qui ne l'a- voient pas été. La liqueur quii avoit été chauffée avoit une odeur et une saveur de bouillon, ou de bouilli froid. La liqueur qui n'avoit pas été chauffée n'avoit qu'upe odeur et saveur foi- bles , qui n'étoient pas celles du bouillon. EXTRAIT DE VEAU. Solution jaunâtre acide. 33 ""' "'»' chauffés dans un petit ballon de verre se sont troublés à 55'' et coagulés à So'' en manifestant j odeur de bouil- lon de veau ou de veau rôti, .çoî//)equijau- nissoit le papier de plomb. Le coagulum éloit blanc. Idem. Idem. Idem.' EXTRAIT DE MOUTON. Solution rougeâtre acide. 33 «,».. cubes chauffés dans un petit ballon de verre se sont troublés à 48'' et coagulés de 71 à 78'' en manifestant I odeur de bouil- lon moins jjrononcée que les pré- cédents, légère odeur hircique , soufre sensi^ ble au pa- pier de plomb. Le coagulum étoit jaune rougeâtre. Idem. Idem, Aucune odeur, saveur très légère. 3l2 NOTES. L'extrait de chair de poulet est incolore, acide, peu odorant; il précipite par l'ammoniaque du phosphate ammoaiaco-magnésien et du phosphate de chaux gélatineux. Lorsqu'on a délayé o,5 dans 66^' d'eau et qu'on en fait chauffer la moitié, il se développe une odeur de bouillon de poulet très sensible. ■ L'extrait de chair de perdrix est coloré en jaune roux , il a une odeur plus marquée que celle des extraits dont je viens de parler. Si l'odeur propre à la perdrix cuite s'y développe lorsqu'il est chauffé après avoir été délayé dans l'eau, cependant je n'oserois affirmer qu'il n'y ait pas du même prin- cipe déjà développé dans l'extrait qui n'a pas éprouvé l'action de la chaleur; car, si je ne me trompe , il y a de ce principe libre dans la peau de la perdrix, du moins dans celle qui a été exposée quelque temps à l'air. Si je parle de cette circonstance , c'est que le contact de l'air me semble avoir beaucoup d'influence sur le développement de plusieurs principes odorants organi- ques; par exemple, dans une analyse du musc, faite il y a vingt-huit ans environ, j'avois des produits qui, au moment où ils sortirent des opérations auxqu-elles je les avois soumis pour en séparer l'arôme, étoient absolument inodores; les ayant conservés avec de l'air dans des flacons fermés, ils exha- lèrent au bout de quelques mois une odeur de musc si forte qu'elle est en- core sensible. Au reste, les viandes dont j'ai parlé dans cette note seront l'objet d'un travail particulier que j'ai été obligé d'ajourner à l'époque où je pourrai me procurer des perdrix. En définitive, quoi qu'il en soit, il est visible que les extraits aqueux des viandes que j'ai examinées, renfeiment dans un état plus ou moins latent un principe aromatique qui distingue chacune de ces viandes, et qui se développe sur-tout par la cuisson. NOTE 5. Sur les phénomènes que présentent quelques légumes lorsqu'on les cuit dans l'eau distillée, et dans l'eau de chlorure de sodium. Par M. Chevreul. € L Phénomènes de la cuisson du navet, de la carotte et de l'oignon brûlé dans l'eau distillée. J'examinerai successivement i° les produits volatils qui se manifestent penr NOTES. 3l3 dant la cuisson , 2° les légumes cuits , 3° l'eau dans laquelle ils ont éprouvé l'ac- tion de la chaleur. a) Produits volatils. Le chou violet ( et probablement que toutes les autres variétés de ce lé- gume sont dans le même cas), cuit dans l'eau distillée, laisse dégager un principe odorant qui est accompagné de soufre, et qui me paroît propre à plu- sieurs crucifères ; ce soufre noircit fortement le papier imprégné d'acétate de plomb ; j'ignore s'il est à l'état d'acide hydro-sulfurique , ou combiné avec le principe odorant. Il y a encore dégagement d'ammoniaque; mais cet alcali pe«t provenir de l'eau elle-mêrne, d'après ce qui a été dit dans le rapport, page 289, relativement aux substances volatiles qui se dégagent pendant la coction de la viande. Le navet, et même le panais, se comportent d'une manière analogue; mais le produit est moins sulfuré, sur-tout celui du panais. L'oignon brûlé que l'on fait bouillir dans l'eau, laisse dégager une huile volatile plus sulfurée encore que ne l'est le produit du chou ; il y a également développement d'ammoniaque. Pendant la cuisson de la carotte, il se développe un principe odorant très suave, qui n'agit point sur le papier de plomb : il est accompagné d'ammo- niaque. Je ferai remarquer que les légumes qui répandent par la cuisson une odeur désagréable, sont précisément ceux qui laissent dégager du soufre. h) Légumes cuits. Pour examiner à-la-fois les légumes cuits dans l'eau, et ce qu'ils peuvent céder au pot-au-feu, j'ai procédé de la manière suivante. Dans deux litres et demi d'eau distillée bouillante j'ai plongé, S'- , Navets 3 1 , 1 5 Carottes .65, 38 Oignon brûlé 9) 60 Après cinq heures et demie d'ébullition douce, il y avoit eu un demi-litre d'eau vaporisée, et les légumes j)esoient après avoir été égouttés, S'- S'- Navets 3o, 43- Perte 0,72 , Carottes -73, 75. Augmentation 8,37 Oignon brûlé 19, 00. Idem 9>4q Annales du Muséum, t. I", 3" série 4o 3l4 NOTES. Lès navets s'étoient teints légèrement en jaune roux aux dépens des prin- cipes colorants des carottes et de l'oignon brûlé , ils avoient le goût qui leur est propre et celui de l'oignon. Les carottes étoient d'un beau rouge, elles avoient l'odeur et-la saveur dou- ceâtre qui leur sont propres , sans odeur d'oignon. L'oignon brûlé avoit perdu presque toute son odeur et sa saveur. La grande augmentation de son poids tenoit à ce que la dessiccation préalable qu'il avoit subie au four, l'avoit rendu apte à absorber beaucoup d'eau. Les légumes cuits^se réduisent par la dessiccation en feuillets plus ou moins minces , qui reprennent leur apparence de légumes sortant du pot-au-feu , lorsqu'on les tient plongés dans l'eau. c) Eau dans laquelle les légumes avoient été cuits. Elle étoit colorée en brun rougeâtre. Elle retenoit une quantité sensible du principe odorant de la carotte, du navet et de l'oignon. Elle s'est réduite par l'évaporation à i2''',84 d'un extrait qui avoit été sé- ché à loo'', et qui étoit composé principalement de ( de l'oignon. Principes odorants du navet. ( de la carotte. [ jaune. Principes colorants ! rouge. * { brun. Acides organiques libres. Sucre liquide. Matière non azotée insoluble dans l'alcool et soluble dans l'eau. 2 matières azotées (petite quantité.-) ! Sulfate de chaux ( quantité notable.) Phosphate de chaux. ) , . Phosphate de magnésie ! ^ '•' Sel de fer. Sels de potasse. ^ II. Phénomènes de la cuisson du navet, de la carotte et de l'oignon brûlé dans l'eau de chlorure de sodium. a) Produùs volatils. J'ai constaté que la cuisson des légumes dans de l'eau distillée tenant '/,j5 de son poids de sel marin développe les mêmes produits volatils que NOTES. 3l5 la cuisson des mêmes légumes dans l'eau distillée; peut-être l'odeur des carottes est-elle plus suave , et celle des crucifères plus prononcée lorsque la cuisson s'opère dans l'eau salée. b) Légumes cuits. Dans l'intention d'apprécier l'influence sur la cuisson des légumes d'une proportion de chlorure de sodium que j'ai constatée être des plus conve- nables à la confection du bouillon, j'ai fait comparativement avec l'expé- rience précédente celle que je vais décrire. Dans 2 litres et demi d'eau de Seine contenant 2o^''' de chlorure de so- dium , et portés à l'ébullition , j'ai plongé Navets 3i, i5. Carottes 65, 38. Oignons brûlés . . 9, 60. Après cinq heures et demie d'ébullition douce il y avoit eu un demi-litre d'eau vaporisée, et les légumes pesoient après avoir été égouttés. Navets 3o, 70. Perte o, 45- Carottes 70, 65. Augmentation.. 5, 27. Oignons 22, 60. Idem 1 3, 60. Les navets s'étoient teints en roux, mais à l'extérieur seulement. Les carottes étoient d'un rouge brun. Ces légumes avoient l'odeur qui leur est propre , et à un degré un peu plus' marqué que ceux qui avoient été cuits dans l'eau distillée. Mais la dif- férence vraiment remarquable qui les distinguoit, c'étoient la tendreté et la saveur bien plus prononcée dans les premiers que dans les seconds; et en même temps que le goût trouvoit les navets et les carottes cuits dans l'eau salée plus sucrés, malgré la saveur du sel, l'odeur propre à chacun des légumes étoit aussi plus intense. La différence étoit si grande entre JL'oignon cuit dans l'eau distillée et l'oignon cuit dans l'eau salée , que le premier étoit pour ainsi dire inodore et insipide, tandis que l'autre avoit, outre la saveur salée, une saveur sucrée très prononcée avec l'arôme de l'oignon. c) JEau salée dans laquelle les légumes avoient été cuits. Elle étoit d'un brun rougeâtre , et si elle exhaloit une odeur plus pro- noncée que celle de l'eau distillée dans laquelle les légumes de la même es- 3l6 NOTES. péce avoient été cuits , je a oserois dire qu'en faisant abstraction de la saveur du sel, la saveur propre aux légumes fût plus agréable dans l'eau salée que dans l'eau distillée; mais si on se rappelle que ce dernier liquide avoit enlevé aux légumes la/'S/j d'extraits solubles ; et si l'on considère maintenant que l'eau salée n'en avoitenlevé que g grammes, il faut bien reconnoître au sel contenu dans l'eau une influence marquée sur la sapidité de l'extrait qu'il accompagnoit , puisque la proportion de celui-ci à l'extrait de l'eau distillée étoit : : i : 1,4. Rien n'est plus propre que ces observations pour expliquer l'usage du sel dans la préparation des aliments. ËnËn j'ai constaté i" que les légumes cuits dans 260 parties d'eau te- nant 83 parties de sel étoient aussi tendres que les précédents, résultat bien différent de celui qui présente la viande ainsi que je le dirai plus bas; 2" Que les légumes n'ont point tous la même aptitude à absorber l'eau salée dans la cuisson; par exemple le navet, le panais, le choux , cuits dans l'eau saturée de sel acquièrent une saveur salée désagréable, tandis que cet effet n'a pas lieu pour la carotte. CONSÉQUENCES. L'eau de Seine tenant '/, 25 de son poids de chlorure de sodium est bien plus propre à la cuisson des légumes que l'eau distillée : 1° Elle leur enlève moins de parties solubles que ne le fait la seconde, et cela est parfaitement d'accord crvec ce qu'on sait de l'affoiblissement que l'eau éprouve en général dans sa force dissolvante par l'addition d'un sel neutre ; • " 1° Elle leur donne plus de tendreté ; 3° Elle leur donne plus d'odeur ; 4° Elle leur donne plus de saveur. NOTE 6. Influence de diverses eaux sur la cuisson de la viande de bœuf, par M. Chevreul. La grande influence de l'eau salée sur la cuisson des légumes une fois constatée par les expériences consignées dans la note précédente, j'ai dû rechercher ce qu'elle est sur la cuisson de la viande de bœuf, et pour rendre cette nouvelle recherche phis instructive , j'ai déterminé l'influence de l'eau des puits de Paris, qui est une solution de sulfate et de carbonate de chaux, NOTES. 3l7 et celle de l'eau saturée de sulfate de chaux sur la cuisson de la même viande. Voici les conséquences auxquelles j'ai été conduit. 1° L'eau tenant '/.js de son poids de chlorure de sodium en solution, n'a point pour attendrir la viande la même influence que pour attendrir les lé- gumes. Si la viande qu'on y a cuite n'est pas sensiblement plus tendre que la viande cuite dans l'eau distillée, elle m'a paru plus sapide que cette dernière. D'un autre côté, la décoction salée avoit une odeur et une saveur un peu plus agrécibles que la décoction faite avec l'eau distillée. 2° L'eau saturée de chlorure de sodium qui est susceptible de ramollir les légumes qu'on y cuit, durcit la viande à un degré remarquable; et cette viande se distingue de celle qui a été cuite dans l'eau distillée et dans l'eau à y, 25 de sel, par un goût prononcé de jambon. En outre la décoction de viande dans l'eau saturée n'exhale point une odeur de bouillon aussi forte que la décoction faite avec l'eau à '/,,5 de sel. 3° La viande cuite dans l'eau de puits de Paris m'a paru plus dure que la viande cuite dans l'eau distillée ou l'eau à '/.js de sel; d'un autre côté elle étoit sensiblement moins sapide. La décoction de viande dans l'eau de puits étoit moins sapide et moins odorante que la décoction dans l'eau distillée. 4° Enfin l'eau saturée de sulfate de chaux pure à la température de 20 deg. , est la moins propre des eaux que nous venons d'examiner pour la cuisson de la viande : non seulement la viande qu'on y a cuite diffère de celle qui l'a été dans l'eau distillée, ou dans l'eau à '/,25 de sel, par moins d'odeur, de sa- pidité et de tendreté; mais la décoction dans l'eau de sulfate de chaux est moins odorante et plus fade que les décoctions faites avec l'eau distillée et l'eau à '/,25 de sel. . L'influence du sulfate de chaux est donc vraiment remarquable. EXTRAIT D'UNE LETTRE DE M. FISCHER, ■m ' DIRECTEUR DU JARDIN IMPÉRIAL DE SAINT-PÉTERSBOURG, redressée à M. Mibbel, professeur de culture au Muséum et histoire naturelle, et datée du 5 juin 1 832. ....... Vous m'avez envoyé un assortiment de graines bien riche. Jamais je n'ai reçu du Jardin du Roi une collection qui contînt autant d'espèces précieuses. Recevez mes remerciements les plus sincères , et soyez indulgent si je vous fais at- tendre la part que je vous destine dans notre récolte. Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour que notre envoi vous soit aussi agréable que celui que vous nous avez fait l'a été pour nous. Le Parrotia dont je vous ai parlé, cet arbre qui se plaît à greffer ses branches entre elles , et que vous voudriez naturaliser en France, portant un nom particu- lier dans son pays, je ne désespère pas de pouvoir vous en procurer des graines de même que de celles du Planera. ... Je me ferai un devoir de communiquer à l'herbier du Muséum les espèces dis- ponibles de notre herbier de la Perse Septentrionale et de l'Arménie , qui pour- roient servir de complément aux fameux herbiers que vous possédez, et que je suis désolé de ne pouvoir comparer moi-même dans ce moment Quelle perte vous avez essuyée au Muséum ! HERBIERS DE LA COMPAGNIE ANGLAISE DES INDES ORIENTALES. La cour des directeurs de la Compagnie anglaise des Indes orientales avoit déjà bien mérité du Muséum d'histoire naturelle de Paris, par l'aide et la protection accordées à l'un de ses voyageurs, M. Jacquemont. Le don d'uqe belle collection de plantes de l'Inde, dont elle vient d'enrichir nos herbiers, est un nouveau service que nous devons proclamer d'autant plus hautement que cet envoi se lie à un système de libéralité général et aussi noble qu'éclairé. On connoit le jardin botanique de Calcutta, où la Compagnie emploie tant de terrains et tant de bras à la culture et à la naturalisation de nombreux végétaux , recueillis à grands frais, non seulement dans ses colonies asiatiques, mais dans toute la zone intertropicale. Elle entretenoit dans ce but de nombreux voyageurs, chargés de plus de récolter et dessécher toutes les plantes qui se présentoient à leurs 320 EXTRAIT d'une LETTRE DE M. FISCHER, ETC. recherches ; il en est re'sulté un immense herbier qui s'est encore augmenté d'iier- biers formés antérieurement par divers savants; et acquis parla Compagnie. Tous ces trésors ont été rapportés en Europe par M. Wallich, directeur du jardin de Calcutta, qui, après avoir présidé à leur formation, est venu présider à lenr clas- sement. Il suffit de citer les noms si connus en botanique de Kœnig, de Rottler, deRoxbut-gh, d'Hamilton, etc., pour indiquer au monde savant l'intérêt qu'offre cette immense collection , où sont déposés les fruits de leurs travaux. Ils sont con- tinués et seront complétés par M. Wallich , à qui l'on devoit déjà la suite de la Flore indienne de Roxburgh , et qui publie maintenant un magnifique ouvrage sur les plantes rares de l'Inde. Mais comme un seul homme pourroit difficilement suffire à une si vaste publication, on a trouvé le moyen le plus sûr de la faire achever promptement et bien, en confiant ses diverses parties à divers botanistes; et dans le choix de ces collaborateurs, on ne se borne pas à ceux d'Angleterre; on va les chercher sur tous les points de l'Europe, et si l'on sait qu'un botaniste s'est occupé particulièrement d'un certain groupe du régne végétal, il reçoit cette partie de la Flore indienne, et est chargé de l'éclaircir et de la faire connoitre. Le nombre des espèces s'élève à plus de huit mille, et il seroit difficile de cal- culer celui des échantillons. La Compagnie a eu relativement à leur possession une pensée aussi libérale que relativement à leur publication; elle a fait de ces doubles former un assez grand nornbre de collections séparées , et elle en a adressé aux grands Musées européens, ainsi qu'aux particuliers connus dans la science - par leur zèle ou leurs travaux. Enfin elle a donné l'herbier fondamental, et tout ce qui restoit après ces premières distributions à la Société linnéenne de Londres, où cette collection ira se placer près de celles de Linné et de Banks. Tous ceux qui se livrent à l'étude des sciences naturelles sentiront tout l'avantage que la botanique doit retirer de ces distributions. Ces herbiers, dans lesquels chaque plante porte un numéro correspondant à un catalogue où son nom et sa patrie sont enregistrés, répandront dans toute l'Europe une foule de types qui, loin de donner lieu à ces doutes et à ces doubles emplois, dont la science est maintenant coinme encombrée , aideront au contraire à éclaircir beaucoup de ceux qui existoient déjà par suite des publications antérieures sur l'Inde. Espérons que ce noble exemple sera plus d'une fois suivi. Déjà nous voyons M. Wight s'associer à la Compagnie des Indes orientales , et distribuer concurremment le riche herbier qu'il a formé dans le même pays. L'Académie des sciences de Paris, en appelant dernièrement à elle M. Wallich, a rendu hommage et aux travaux par lesquels il s'est personnellement illustré, et à la généreuse Compagnie, qui, faisant, dans l'intérêt des sciences, usage de sa richesse et de son pouvoir, a trouvé en lui un agent si actif et si éclairé. OBSERVATIONS (0 SUR LA CONCORDANCE DES PARTIES DE L'HYOÏDE DANS LES QUATRE CLASSES DES ANIMAUX VERTÉBRÉS, ACCOMPAGNANT, A TITRE DE COMMENTAIRE, LE TABLEAU SYNOPTIQUE, OU CETTE CONCORDANCE EST EXPRIMÉE FIGURATIVEMENT. PAR M. GEOFFROY SAINT-HILAIRE. J'aurois pu et dû peut-être m'en tenir à la publication isolée du Tableau synoptique qui accompagne cet écrit ; car ce Tableau donne de lui-même ses faits avec toute la précision et la rigueur nécessaires aux idées générales, qu'il est destiné à placer dans la science. Je m'en tiens aux sept signes (^g , b, e, u,a, c, st), à ces sept lettres indicatives des sept parties constituantes de l'hyoïde; car il y a sept sortes, sept conditions d'une essence primitive, qui ont rendu nécessaires sept dénominations distinctes, et qui consacrent ainsi l'individualité originelle des matériaux hyoï- diens. Voici leurs noms : Glossohyal (G), Basihyal (B), Entohyal (E), Urohyal (U), Apohyal (A), Gératohyal(C), et Stylhyal (ST). Ainsi ces sept lettres du Tableau sont les initiales des noms appellatifs de chacune des pièces hyoïdiennes. (i) Communiquées et déposées à l'Académie des sciences, le 12 décembre i83i. . , • Annales du Muséum, t. I", 3' série. 4' 322 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE Le Tableau montre un arrangement d'un vif intérêt pour 1 esprit; les connexions des parties s'y voient avec leur caractère invariable, principe fondamental de ma doctrine; et ces con- nexions se manifestent en des parties distribuées suivant deux lignes qui se croisent ; savoir, l'une s'étendant de la langue au larynx , et l'autre se développant en deux ailes qui suivent les contours du pharynx. Enfin à chacune de ces pièces est attachée une fonction distincte. Telles sont les propositions de la science, que résume sur l'un des plus curieux appareils de lorganisation et que rend ainsi saisissables par les yeux du corps ma planche ci-jointe. Or, je le demande présentement : Comment en présence de tels faits se refuser de jreconnoître la ressemblance analogique , et je puis bien alors me permettre d'ajouter cette autre qualification, la ressem- blance philosophique des parties de l'appareil hyoïdien? Tout ce qvii précède contient l'expression de mes anciens travaux, énoncée dans toute sa généralité. Voici maintenant ce qui va donner de la nouveauté à la reprise d'une question que j'ai déjà traitée. On peut se rappeler qu'à l'argumentation (i) qui fut dirigée le 22 mars i83o, contre les principes de ma théorie des analogues, j'avois, en ce qui concerne les hyoïdes, reconnu la solidité d'une objection. Voici comme je m'exprimai : « Maintenant, à d'autres u égards, ce n'est plus d'habileté que je louerai l'argumentation ; «elle auroit pu trouvera me prendre, si elle eût discuté les (i) J'ai moi-même textuellement imprimé dans mon opuscule {Principes de philosophie zoologique. Paris, Pichon et Didier libraires, i83o) l'important travail dont se compose cette argumentation : M. G. Cuvierlui avoit donSié pour titre : Considérations sur l'os hyoïde. DES PARTIES DE l'hYOIDE, ETC. Sa 3 « applications que j'avois faites du principe des connexions. » J'admis dès ce moment que j'aurois à revoir mes anciens Ira- vaux sur les hyoïdes; les quelques fautes qui m'avoient été re- prochées et opposées, je les avois dès-lors reconnues fautes. Nous verrons plus bas qu'elles étoient inévitables au début d'une carrière toute neuve. L'objet de mon Tableau synoptique est de montrer qu'elles étoient réparables, et de substituer,de nom- breuses observations et des vues plus réfléchies à de premiers jugements hasardés. , • Cependant j'ai dû témoigner ma surprise de ce que l'argu- mentation, qui avoit eu la sagacité de saisir le principe d'une faute, n'avoit rien ajouté par-delà. C'eût été produire son ob- jection sous un jour plein et certes plus satisfaisant, que de substituer soi-même le vrai à la place de l'erreur : cela ne fut pas. Mais aujourd'hui que j'y réfléchis, j'en suis moins étonné: ce ne fut point par omission. Et en effet au seul inventeur qui s'est frayé une nouvelle route, et qui n'en avoit encore par-^ couru qu'une partie, il appartenoit de la désobstruer, et d'ache- ver le voyage. Après une pause, on reprend haleine; on n'en est que plus fort contre les obstacles, et plus dispos à les sur- monter. Pour cela faire, il n'est souvent besoin que de reporter son esprit au point de départ, que d'être ramené vers le point simple de l'idée à trouver. Or c'est toujours ce à quoi l'on songe en dernier. L'on se fatigue quelque temps à poursuivre d'ardues difficultés, et l'on va chercher péniblement et loin ce qui est facile, simple, et tout proche. Pouvois-je, en effet, m'attendre au début de mes recherches sur les hyoïdes, qu'il y avoit là élé- ment pour une simplicité si parfaite, pour une production de 324 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE faits particuliers tellement lucide, que l'esprit en vît oculaire- ment les rapports ; c'est-à-dire que tout cet ordre philosophique pût être figuré aux yeux, et fût définitivement et nettement exposé dans un Tableau? L'argumentation vouloit, elle réclamoit que les choses fussent manifestes» pour des yeux communs, m.ises'à la pointée d'un bon sens ordinaire. Mon Tableau répond à ce vœu. On y voit à-la-fois ce qui se ressemble et ce qui diffère ; les mêmes lettres indicatives disent la concordance des mêmes éléments, elles expriment ainsi lep^rand fait philosophique d'une analogie commune, poursuivie par-tout, jamais interrompue : voilà pour les faits de ressem- blance. Mais en même temps l'œil et l'esprit aperçoivent ce qui advient à ces mêmes éléments par des changements de volume et de forme : car chaque composant révèle simultanément sa raison différentielle et classique. Voyez-vous une plus grande augmen- tation sur les flancs? l'objet est alors plus ramassé, et comme concentré sur lui-même. Vous trouvez au contraire à observer une pièce longue et filiforme, si la transformation a donné le fait opposé. Venez-vous aussi à vous porter sur une circonstance de dislocation? rien autre ne doit là occuper, si ce n'est qu'une pièce de la ligne médiane s'e^t partagée en deux. L'inverse se manifeste ailleurs, alors que deux parties voisines et symétri- ques sont entraînées de dehors en dedans , et que la portion de gauche gagne celle de droite, de manière à tomber l'une sur l'autre, à se confondre et à devenir en se soudant un corps uni- que et médian. Voilà pour les faits de différence. Que l'on s'arrête, comme en se jouant, sur les combinaisons des parties de ce tableau, et l'esprit y trouve à méditer sur toutes les ressources infinies de la ne^ture, qui place des nuan- DES PARTIES DE L HYOÏDE, ETC. 32 5 ces multipliées de variété dans un appareil, toujours composé de même, toujours véritablement identique. Que d'impressions, que de savoir vous saisissent et vous recueillez par le spec- tacle 'de cette merveilleuse puissance , laquelle amène toutes les sortes de matériaux organiques à une infinité de conditions diverses, sans qu'il soit porté atteinte à une ressemblance fon- cière , à l'analogie, à la réalité d'essence de tous ces composants ! Les rectifications que je m'étois proposées sont présentement introduites dans mon Tableau , et vraiment je n'aurois plus besoin de m'en occuper davantage. Les rapports et les diffé- rences sont maintenant rendus visuels, et le sont dans un ordre à rendre inutile toute autre démonstration. Il n'y a pas de paroles qui puissent s'exprimer plus nettement que l'aspect des choses, puisque là chaque fait analogique s'en vient saisir les yeux du corps , et cela inévitablement au profit des yeux de l'esprit. Cependant pour qui ne se rendroit pas à l'évidence de ces raisonnements, j'ajoute : Habent sua fata libelli. Il en est des idées comme des ouvrages destinés à les réunir et à les pro- pager; elles se produisent d'elles-mêmes à un moment donné, et sont alors inévitablement reçues dans le domaine public, comme il arrive à un fruit de s'offrir de lui-même à la con- sommation, le moment de sa pleine maturation faisant cesser ses anciens rapports avec sa tige maternelle. Une idée est dans le même cas et par conséquent circule sans aide. Son caractère d'évidence et de parfaite lucidité la porte à y pourvoir d'elle- même. Car tout autant d'esprits qui sont frappés de sa mani- festation , ce sont autant de voix pour en prendre la défense , pour la proclamer hautement. ' ■ )i il(nf'i''> l'-, i;i ' rf( V 1 330 OBSERVATIONS SDR LA COWCOEDANCE Deux chapitres vont développer ces remarques préliminaires; 1° l'historique des recherches, et 2° tous les faits généraux qui en sont devenus le résultat. § I. PARTIE HISTORIQUE. Ce n'est ni pour présenter mes idées «ousiin jour plus favo- rable, ni pour réclamer quelque indulgence que j'écris ce pre- mier paragraphe; je ne suis- d'ordinaire attaché qu'aux intérêts de la science; mais je vois l'utilité du récit suivant, comme pouvant s'exercer au profit de la jeunesse, laquelle est plus ou moins engagée, je crois, dans les errements de la nouvelle école : c'est lui fournir les moyens d'apprendre à faire, et l'aider à se lancer dans la voie des recherches, que de l'initier dans le secret des efforts plus ou moins heureux que j'ai tentés au sujet de l'appareil hyoïdien. Effectivement j'ai changé le cours de fautives allures, quand j'ai réclamé contre l'habitude de transporter inopftiément et trop légèrement le nom d'un organe admis pour une famille à l'organe présumé être ailleurs son correspondant, quand j'ai souhaité qu'oii renonçât à un parti pris a priori pour n'agir qu'a- vec une conviction certaine, et après un travail ex professa de détermination. Ainsi préoccupé, j'ai commencé mes recherches sur les hyoïdes; ét^ dans le début de mes études, il m'avoitparu rationnel de pro- céder du connu à l'inconnu. Mais une circonstance dans la position des choses devoit 'me créer une chance pour l'erreur , et' vînt tout-à-coup m'arrêter. L'hyoïde humain que je tenois pour 'un fait simple, et qui en outre se recommandoit comme connu et comme point de départ, n'étoit véritablement qu'un DES PARTIES DE l'hYOIDE, ETC. 827 fait très spécial, et de plus tout exceptionnel. Cet hyoïde avoit en effet rompu ses rapports de famille : ce n'étoit plus Ihyoïde commun des mammifères. Il avoit suivi dans ses conditions particulières, comme forme, les déviations propres aux condi- tions humaines par rapport à la station bipède : dépendance d'une tête très élargie à sa base, c'étoit une tout autre char- pente osseuse , tenue de s'accommoder de la structure diverse du larynx et du pharynx de l'homme, une charpente pour réu- nir sans les confondre les entrées de l'organe de la déglutition et des avant-corps des appareils respiratoires. L'anomalie portoit là sur ce qu'au lieu de neuf pièces (i), nombre normal des mammifères , il n'y en avoit plus , pour l'hyoïde humain , que cinq; et de plus encore sur ce que la chaîne transversale, frappée d'atrophie vers les flancs du corps hyoïdien, n'alloit gagner les rochers que par un ligament. On sait que chez les mammifères une série d'anneaux ou de petits osselets contigus y pourvoit. Ces faits constatés, falloit-il en demeurer là, et déclarer toute recherche d'analogies impossible? Je n'étois encore inspiré que par l'idée à priori , que par le pressentiment philosophique que chaque système d'organes se répète d'un animal à l'autre, sauf de certaines différences dans le volume et la forme. Sans doute qu'alors c'eût été sagesse d'abandonner une entreprise qui offroit si peu de prise ou de racines. Mais quels regrets amers pour moi, si une telle voie de recherches à peine ouverte ait dû être fermée aussi promptement ! La prudence conseilloit de ne pas céder à un espoir resté bien vague : car tous les secours (1) Onze, s'il faut y comprendre les deux Stylhyaux. 328 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE d'aujourd'hui nianquoient à-la-foisi tels en particulier que le principe des connexions , la théorie du développement excen- trique découverte par M. Serres, et les derniers travaux sur la monstruosité : rien de cela n'existant alors, je restois sans res- source par conséquent à cet égard. G'étoit en effet témérité que de s'engager dans une route aussi hasardeuse : tant de fautes étoient à éviter, et tant de fautes pouvoient être commises! Cependant aujourd'hui que je jette ce regard en arrière , je me trouve heureux de n'avoir à re- venir que sur un bien petit nombre de méprises \ et par con- séquent j'ai- à m'applaudir de mon parti pris, pour lequel il m'a fallu autant de courage que de persévérance. Car, que j'eusse été déconseillé d'agir, la voie des analogies dans laquelle on a fini par s'engager avec une sorte de prédilection n'eût point été frayée; et nous ne serions encore, fixés à d'anciennes al- lures, capables aujourd'hui que de constater seulement des dif- férences individuelles, et occupés que de décrire le relief des corps : c'est-à-dire nous en serions encore à ce point que l'œuvre scientifique, qui ne devoit et ne pouvoit s'accomplir que par le savoir des rapports, n'auroit point encore été commencée. Confiant dans l'avenir, je ne me suis pas découragé : mais j'ai dû au contraire penser que j'obtiendrois plus tard, ou que mes successeurs obtiendroient un jour d'autres et de plus heu- reux motifs , une inspiration révélatrice pour de nouvelles re- cherches, de façon à savoir davantage, ou du moins à corriger et perfectionner les travaux déjà accomplis. Or, si je ne me trompe, ce moment est venu. La série des faits, en ce qui concerne les hyoïdes, est aujourd'hui parcourue. Les rapports sont connus ; et,,bien que quelques uns aient pu paroître DES PARTIES DE L'hYOIDE , ETC. 829 plus OU moins masqués par de notables différences, il n'est vrai- ment aucune anomalie réelle, aucune qui n'ait été réductile, qui n'ait pu être interprétée, et qui ne soit aujoui^d'hui ramenée à la règle. Ce n'est donc plus par une vague confiance dans une théorie, que je puis et dois penser qu'aucun écart de conforma- tion ne viendra rompre la série de ces rapports , et que je me crois autorisé à prononcer qu'il n'est qu'un seul et même appareil hyoïdien, qu' vin seul, philosophiquement parlant, en tant que composé de parties respectivement analogues, soit dans leur essence, soit dans leurs relations mutuelles, soit même en rete- nant, chacune, son propre et spécial système de fonctions ; ce qui n'empêche pas que toutes les sortes d'hyoïdes, selon les classes, ne puissent être atteintes par de certaines modifications , et ne viennent à donner la raison d'un idéal distinct, affecté spécia- lement à chaque grande famille. Je pourrois de ce port, où je me crois présentement en parfaite sûreté , revenir sur le passé, contempler les orages qui m'ont été suscités, et me sentir blessé par la forme écrasante de quelques critiques; mais je n'y veux voir qu'un fait, c'est que ces événe- ments ne sont point un malheur. Ils soulèvent les ojoinions de la multitude, et, en la sortant de l'état d'indifférence, ils ser- vent par conséquent de véhicule pour populariser la science : ils portent aussi à plus de méditations et d'efforts; et en défi- nitive le sentiment public reste acquis aux idées qui doivent surnager, Enfin je termine ce premier chapitre par une réflexion sur la composition du Tableau, sur le renversement inusité de la série des objets figurés. J'ai exposé d'abord'les hyoïdes des poissons, et j'ai voulu finir par celui de l'homme. Mon dessinateur m'a tenu Annales du Muséum, t. 1", 3" série. 4^ 33o OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE rigueur en finissant par l'hyoïde du cerf: il lui a plu, pour des raisons de symétrie et d'économie de surface, de rejeter et de tenir dehors cette dernière figure 5 mais, dans ma pensée, c'est l'hyoïde humain qui est la dernière pièce du Tableau. J'ai com- mencé par l'hyoïde parvenu au plus haut degré du développe- ment, voulant finir par celui de ces appareils qui est le plus frappé d'atrophie. Et en effet l'hyoïde des poissons se recom- mande à l'attention , en ce qu'il prend l'importance d'une quille, où se trouvent rassemblées et fixées toutes les parties essentielles de l'être ichtyologique. Que cet appareil soit supprimé ailleurs, cela n'entraîne que la perte d'une partie de l'espèce; mais, dans le poisson, cette suppression améneroit l'animal à n'être pas. Organe de premier rang chez celui-ci , son volume est toujours considérable , sa délimitation précise , sa consistance ostéologique forte, et ses fonctions puissantes et inaltérables. C'est ce qui arrive à tous les organes de premier rang, à ceux qui dominent tout le surplus des systèmes organiques. § II. CONSIDÉRATIONS GÉNÉHALES. A. Le mot hyoïde ne s'appliquoit autrefois qu'à un seul os. L'on ne connut pas dans le principe, et plus tard l'on négligea certaines de ses pièces attachées ensemble par diarthrose. Au jour des descriptions précises , l'on distingua un corps et deux paires de cornes. Depuis 1807 et sur de mes remarques à cet effet, c'est devenu un nom collectif, celui d'un appareil. B. L'appareil hyoïdien occupe, en la remplissant, toute l'ar- rière-gorge; il s'étend, au-devant du cou, de la langue au larynx. Au moyen de ses branches latérales, il accompagne et porte les lèvres du pharynx. DES PARTIES DE L'hYOIDE, ETC. 33 1 C. 11 est formé de parties distinctes, toutes également remar- quables par la spécialité de leurs formes et de leurs services. D. Chaque partie a reçu un nom spécial, pris du rapport des connexions et qu'aucune influence d'anomalie ne vient jamais démentir. Voici ces noms : Basihyal, Glossohyal , Entohyal , Urohyal, Apohyal, Cératohyal , et Stylhyal. E. Du Basihyal. Comme pièce centrale, c'est, ou toute, ou la principale quille de l'appareil. Sa situation médiane et son rôle d'axe de support en font nécessairement une pièce impaire; dansiine seule famille, les tortues tryonix, le Basihyal, gardant sa position centrale, est partagé sur la ligne moyenne et se trouve formé de deux parties. F. Du Glossohyal. La langue possède en propre cet os, qui existe en avant du corps médian. Il n'y a qu'un seul Glossohyal dans de certaines familles ; mais dans d'autres, il se dédouble ; et alors apparoissent, l'un de ses éléments adroite, et l'autre à gau- che : ce sont par conséquentdeuxGlossohyaux. Cela estainsidans la plupart des oiseaux et chez le plus grand nombre des reptiles. Un seul Glossohyal forme pour les poissons un solide arc-bou- tant dans la construction de leur appareil sterno-hyoïdien. Le Glossohyal est chez les mammifères sacrifié aux parties dont il est suivi. Il manque dans les carnassiers , chez lesquels toute- fois il persévère en vestige ; mais alors c'est dans l'intérieur de la langue, sous la forme d'un stylet, et avec la consistance d'un cartilage. Ce stylet est nommé le ver chez le chien (i). 11 tient ce nom des gardes-chasse, qui l'enlèvent facilement à leurs chiens coureurs, et qui croient par-là rendre ces animaux plus dispos au souffle des naseaux, toute langue dehors. (i) Voyez, à Thyoïde du chat, la partie antérieure et détachée, Lett. (j. 332 OBSERVATIONS SUR LA COISCORDANCE Chez les rougeurs et les ruminants , le Glossohyal forme une tubérosi té saillante en avant du Basihyal; et c'est décidément un os déprimé, lancéolé, long et distinct chez les jeunes che- vaux (i). Le ver, ou le cartilage Glossohyal, manque alors chez ces animaux. Enfin dans l'homme, le Glossohyal reste en vestige, et consiste dans une petite tubérosité au centre de la pièce principale. Le volume de cette pièce atrophiée y varie beaucoup (2). G. De YEntohyal. C'est la plus longue partie hyoïdienne chez l'homme , oji on l'appelle grande corne de l'hyoïde. Dans les mam- mifères, chez lesquels nous venons de voir que le balancement des organes a préjudicié au développement du Glossohyal, le conr traire a lieu quant à l'Entohyal et au Basihyal. Celui-ci est étendu transversalement, et porte à chacune de ses deux extré-- mités un Entohyal. Il est donc deux de ces éléments à distance, ou deux Entohyaux. On observe pareil dédoublement et écar- tement de ces pièces chez un grand nombre de reptiles; mais dans les poissons et les oiseaux, c'est un tout autre arrangement. Le Basihyal, d'osselet transversalement alongé qu'il est ailleurs, devient filiforme dans le sens longitudinal. Au lieu définir par deux extrémités à distance, il se termine, quant à sa partie postérieui-e , en une seule branche. Les deux éléments distincts chez les mammifères se trouvent, à l'égard des oiseaux et des jîoissons, ramenés sur la ligne médiane, portés au contact, soudés et confondus ensemble. Il n'est donc plus qu'un seul Entohyal, prenant alors, comme le Basihyal et à sa suite, une position (i) "Voyez cette même lettre aux figures du cerf et du cheval. (?,) Notre planche montre cette tubérosité en l'hyoïde , homme à iétat nor- mal; il n'en reste aucun vestige dans l'autre cas , homme à l'état tératologiquc. DES PARTIES DE l'h\'OIDE, ETC. 333 centrale. La révolution est inverse, par rapport à ce qui se voit à l'égard du Glossoliyal : c'est là un effet simple et très habituel de la loi du balancement des organes. H. De XUrohyal. Cette pièce est un cartilage consistant, un filet alongé cliez les êtres à poumons, et tout au contiaire un os cunéiforme et ])arfaitement établi chez les animaux de la respiration branchiale. Elle suit le sort de l'Entohyal , et en forme proprement la queue. Entièrement subordonnée à celui-ci, elle le complète pour s'établir ensemble et fournir une branche dis- tincte. Elle est double comme lui à sa suite, si les deux éléments de l'Entohyal sont à distance et symétriquement»rangés à droite et à gauche; ou elle est unique, si ces mêmes éléments, reportés de la circonférence au centre, s'y sont confondus et soudés. L'En- tohyal et l'Ui^oliy al deviennent ensemble une chaîne destinée, ou bien à suspendre le larynx chez les êtres qui respirent l'air en nature, ou à développer, chez les animaux du milieu aquatique , les flancs d'une quille large et parfaitement résistante, sur les- quels prennent assiette et s'articulent les pleuréaux , qui sont des os de support pour le système vasculaire. L De XApohyal. C'est un osselet si minime chez l'homme, qu'on l'y a désigné sous le nom de petite corne. H y a toujours deux Apohyaux ; ils existent, l'un à la droite et l'autre à la gauche du Basihyal ; ils en sont les apophyses latérales. Ils n'auroient pu arriver sur la ligne médiane et se confondre en une seule pièce, que dans le cas où le Basihyal viendroit à disparoître : or cela n'est jamais. Ce n'est un osselet tombé dans l'atrophie et dans une exis- tence 'fudimen taire, qu'uniquement chez l'homme. Dans ce sevii exemple, il est isolé de l'anneau son suivant. 334 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE J. Du Cératohyal. Autre pièce qui, avec l'Apoliyal, forme une branche latérale , dévolue au pharynx. Le Cératohyal existe chez l'homme, mais il y a rompu ses rap- ports, en tant qu'il est l'un des anneaux d'une chaîne crânienne ; il n'est plus qu'à une certaine distance de l'Apohyal, dont la petitesse favorise ce désaccord. A l'autre bout de la chaîne hyoïdienne ainsi- démembrée, le Cératohyal gagne à droite et à gauche une apophyse du crâne, s'y unit anormalement, et constitue, par cette soudure insolite, la tige filiforme et alongée qui est nommée apophyse styloïde. Ailleurs le Cératohyal reste une pièce subordonnée à l'Apo- hyal ; il en est dans ce cas comme de la branche laryngienne, que nous avons vue composée aussi de deux anneaux, l'Entohyal et rUrohyal; la seconde pièce restant subordonnée à la précédente. K. De cette description , il suit que le Basihyal, centre et corps principal de l'édifice, est flanqué de quatre appendices ou ailes disposées en croix; savoir, en avant par les os de la langue (Glos- sohyal). en amnère par les os du larynx et de l'œsophage [Ehto- hyal et Urohyal) , et sur les flancs par les deux branches pharyn- giennes [Apohyal et Cératohyal)-^ et pour exprimer ceci d'une manière plus générale, nous dirons de cet arrangement qu'il porte à considérer à part, dans la composition de l'hyoïde, autant de squelettes distincts que d'organes dans l'arrière-bouche ; savoir, des os pour la langue, d'autres au profit du pharynx, puis d'autres dévolus au larynx et à l'œsophage; tous aboutissant à un axe commun, au Basihyal. L. La chaîne hyoïdienne longitudinale se termine par-devant en un cartilage dans la langue, quand par-derrière elle grrive plus ou moins efficacement au secours de l'appareil respiratoire; Des PARTiKS UE l'hyoïde, etc. 335 moins utilement chez les animaux du" milieu atmosphérique, où elle s'en tient à fournir des éléments de suspension au profit de lavant-corps du système. On sait que, chez ces animaux, l'ap- pareil est singulièrement étendu en longueur, et fractionné en trois sous-appareils distincts, le larynx, la trachée-artère et les poumons. Le secours fourni par l'arrière-portion de cette chaîne est rendu bien autrement efficace à l'égard des animaux du mi- lieu aquatique, chez lesquels toutes les parties profondes et pos- té rieui'es de la respiration ont grossi, et sont en force , et où se remarque un développement, vraiment merveilleux, de quel- ques filets cartilaginevxx. Toutes ces parties semblent arriver du tronc sous la tête, etauroient ainsi cheminé d'arrière en avant, de manière à laisser ouvert, à concentrer, et vraimeiît à rac- courcir singulièrement le long pédicule ou tuyau aérien, dit la trachée-artère. C'est tout au travers de ces pièces, devenues massives d'effilées qu'elles étoient, c'est au centre de toutes ces parties, ainsi l'amenées sous la tête, que la portion postérieiu-e de la chaîne médiane de l'hyoïde s'établit, et, chose sans doute très digne de remarc|ue, avec la destination de tout gouverner, de tout assujettir à sa puissante intervention. Alors il est bien vrai que l'hyoïde et toutes les pièces pleuréales deviennent, au même titre, des parties indispensables d'un seul et même appa- reil. Cette circonstance a été injustement invoquée comme le sujet d'une grave objection. « Voilà, m'a-t-on opposé, d'autres « pièces hyoïdiennes chez les poissons, par conséquent un beau- «coup plus grand nombre qu'il n'en a été trouvé chez les ani- «inaux de la respiration aérienne : or il s'ensuit que toute l'éco- « nomie d'un système se trouve remplacée par une autre et très u différente disposition. » 336 OBSEnVATIOKS SUR LA CONCORDANCE ISon; je suis dans le cas de répondre : Non, rien n'est là ni détourné ni remplacé: ces autres parties prétendues hyoïdiennes forment le fond du système pleuréal, sont le sujet d'une tout autre question , qvi'il ne faut point confondre avec le système hyoïdien. Pour s'y joindre, l'enrichir d'auxiliaires et s'y adapter en fonctions, elles ne perdent pas pour cela leur caractère d'élé- ments primitifs et distincts ; y intervenant alors avec leurs fonc- tions radicales, que par conséquent elles cumulent avec celles dont il vient d'être parlé. Dans un chapitre suivant, j'aurai à en rendre un bon et fidèle compte; je l'ai déjà entrepris, et je ne suis pas sans l'espoir d'améliorer mes premières bases. Que l'on ne se hâte donc pas de conclure sur des relations devenues inévitables, sur une circonstance ichtyologique, qui a sa cause dans la nature du milieu aquatique, et non pas dans un désordre réel. Ce qui est simple en principe, et ce qui est ici le fait visuel, c'est que les corpS d'avant et de derrière se sont rapprochés, mutuellement combinés, et ont fait disparoîti^e la condition de subdivision des trois sous-appareils, pour la remplacer par celle de leur association, par la composition d'un appareil à-la-fois unique et général, embrassant toutes les données des trois spé- cialités. Régler le sort de la détermination de ces pièces sur le fondement que tout l'appareil qui porte les branchies participe dans une mesure quelconque à l'acte de la déglutition , c'est agir comme dans les premiers âges de la science, où la fonction seule étoit consultée, et non les organes qui la produisent : et de plus faire de toutes les pièces pleuréales autant de parties hyoïdiennes, c'est aussi rendre une décision éclectique, c'est par un choix ar-bi- traire attribuer l'essence et les rapports des parties pleuréales à des pièces imaginaires, à un surplus d'os hyoïdiens, qui n'existe 337 point chez les animaux de l'autre sorte de respiration : mais, certes, ce n'est point là agir par déduction logique. La suppo- sition de parties créées ad hoc reste une pure hypothèse et ne sauroit jamais former le motif d'une détermination rigoureuse. M. Le point, où aboutissent les branches pharyngiennes ou la chaîne des osselets Apohyal et Gératohyal, forme un cas de variation classique. Dans la classe des oiseaux, chez lesqviels le pharynx prend une plus grande extension , quelquefois jusqu'à devenir une poche à part ou le jabot, les baguettes osseuses du pharynx, principalement la dernière pièce (le Gératohyal), sont filifor- mes, grêles et prolongées pour accompagner la marge de l'œso- phage; elles se terminent à rien, et s'engagent dans du tissu cellulaire. Mais dans les autres classes, elles aboutissent au crâne, vers un point détei-miné du rocher, soit médiatement, soit immé- diatement. Une pièce venant du rocher est disposée pour leur servir d'un anneau de suspension, c'est l'os Stylhyal, l'une des parties de l'apophyse styloïde chez l'homme. Cet os, inutile chez les oiseaux, s'y trouve frappé d'atrophie, tantôt entière- ment retranché, et tantôt seulement fort exigu et maintenu globuleux vers l'articulation des maxillaires. Les espèces des genres corneille et corbeau nous l'ont offert dans cette dernière combinaison. N. Cependant chez les mammifères, excepté l'homme et le cochon, et chez la plupart des reptiles, cet os est détaché du crâne, et s'y conduit comme un anneau intermédiaire servant à accrocher et par conséquent à fixer les branches pharyngiennes aux rochers. Le Stylhyal joue même là quelqviefois un principal annales du Muséum , t, I", 3' série. 4^ 338 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE rôle, comme chez les solipédes et chez les ruminants, où il devient une si grande pièce, que les anatomistes vétérinaires ont dû lui donner une attention particulière, et lui ont imposé le nom spécial de Kératoïde. Cette partie n'est pas moins consi- dérable dans le cochon, mais sa forme est autre*, ce n'est plus une lame mince et très longue qui s'unit au crâne par diarthrose , c'est un Stylhyal constamment fixé aux rochers, et qui s'y montre sous l'apparence d'une tige robuste et cylindrique. Descendant verticalement du crâne, et tenu en dehors de l'appareil, cet os laisse arriver à sa racine, et pour y prendre attache, le ligament stylo-hyoïdien. O. Gomme si le Stylhyal formoit une partie jetée accessoirement entre deux systèmes pour en opérer la jonction et les mutuelles relations , il varie considérablement de forme dans les reptiles , et y acquiert des fonctions plus ou moins modifiées de ses usages habituels. Dans les tortues il devient un court anneau d'articu- lation par diarthrose. P. C'est ce même rôle qu'il remplit chez les poissons, mais avec plus de fixité. Le Stylhyal y devient constamment un osselet aplati, alongé et situé du côté interne des pièces (le cadre du tympan), oii s'articule l'opercule. Là il donne attache à la bran- che latérale et pharyngienne de l'hyoïde , non plus immédiate- ment, comme nous l'avons vu précédemment (^Aphorismes N et O), mais médiatement en raison de l'apparition en ce lieu, et de l'intercalation des branches du sternum, lesquelles se répan- dent effectivement chez les poissons entre l'hyoïde et le crâne. Par conséquent la chaîne suspensive des pièces hyoïdiennes transversales se compose, allant d'une oreille à l'autre, savoir, le Stylhyal , V Hyposternal , l'Hyosternal, le Cératohyal , l'Apohyal, DES PARTIES DE l'HYOIDE, ETC. 3 89 le Basihyal , occupant toujours le centre de cette double série, VApohyal, le Cératohyal, V Hyosternal , l'Hyposternal et le Stylhyal. C'est donc ici comme pai'-tout que le Basihyal occupe le cen- tre de la chaîne : mais d'ailleurs les Hyosternaux et les Hyposter- naux, parties du sternum intervenant à la suite dvi Stylhyal, caractérisent par ce fait la condition différentielle et classique de l'être ichtyologique. En devant et en arrière de lui sont les autres pièces formant la série longitudinale. Q. Cependant tout ceci aiTive, sans qu'il soit, philosophique- ment parlant, dérogé au principe des connexions : car, s'il est vrai que les lames osseuses de l'hyoïde, et que les parties, soit osseuses, soit cartilagineuses du larynx, forment les unes à l'é- gard des autres des plans plutôt parallèles que consécutifs , la révolution qui ramène au contact chez les poissons ce qui con- stitue chez les êtres de la respiration aérienne deux parties dis- tinctes et écartées, vin avant-corps et un arrière-corps des ap- pareils respiratoires, cette révolution, dis-je, ne fait qu'amener chaque chose à sa place naturelle. Pour cela il n'est besoin que d'une forte contraction des parties et de la suppression du pé- dicule intermédiaire et canaliculé; pédicule auquel il arrive alors seulement de n'être plus maintenu dans le caractère de sa forme alongée. Une organisation intermédiaire, celle des tortues aquatiques, nous amène là insensiblement, et nous montre en outre vi- suellement le parallélisme des deux organes, hyoïde et larynx. On sait que chez les tortues, l'ouverture de la glotte suit immé- diatement la base de la langue. Ce n'est pas toutefois que l'hyoïde soit suppi'imé ou même simplement racourci et rudimentaire ; tout au contraire, il est grand, fort et robuste. Le rappro- 34o OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE chement signalé tient à ce que le larynx avance sur l'hyoïde au point de s'y encastrer et d'aller s'y établir comme dans un do- micile. Quelquefois cet établissement est ménagé par vin vaste et solide cuilleron, à la formation duquel concoui^ent, en se soudant ensemble, toutes les pièces médianes de l'hyoïde (les tortues terrestres), et d'autres fois c'est par un alongement considérable et la forme canaliculée du Basihyal (la chélyde matamata ). Que toutes les pièces soient dans chaque appareil dans la relation voulue par l'ordre de leur génération, c'est-à-dire que toutes les pièces hyoïdiennes soient mutuellement unies en- semble, et que réciproquement les laryngiennes le soient de même, les unes par rapport aux autres, c'en est assez pour satis- faire au principe des connexions, lequel admet secondairement des connexions accidentelles. Qui ne comprend et qui n'a point observé qu'il en doive nécessairement survenir , et qu'il en survient de telles à la suite d'un contact prolongé et calme? Et en effet l'adhérence que l'on remarque entre les couches hyoï- diennes et laryngiennes, ou pour m'exprimer avec plus de précision, entre leurs périostes, est occasionée par un dévelop- pement insolite du tissu cellulaire intermédiaire. C'est en défi- nitive, c'est seulement dans leurs sphères respectives que les matériaux restent assujettis, et par conséquent sont toujours fidèles à un ordre prescrit; doù j'ai déduit le principe des con- nexions. N'oublions pas dans cette occurrence le fait posé plus haut. Aphorisme K, savoir, que l'hyoïde ne constitue pas une formation simple et isolée. Ce sont trois appareils distincts qui s'en viennent converger sur un axe médian ; les chaînes latérales ]>rennent rang, et ont une position à titre de pièces provenant DES PARTIES DE l'hYOIDE, ETC.. 34 I de rintérieur, puisqu'elles s'étendent de dedans en dehors, mais .au surplus elles ont leurs derniers os rangés extérieurement, eu égard à la chaîne longitudinale, laquelle est vraiment située plus profondément. Alors, quand il ariive que, comme chez les poissons, la cage respiratoire et les objets y contenus s'avancent d'arrière en devant, aucun trouble ne s'ensuit point nécessairement; seule- ment l'a rri ère-corps va se poser, se souder même quelquefois sur l'avant-corps ; mais l'indépendance de chaque système se conserve : tout est maintenu, les connexions respectives, et gé- néralement tout l'ordre de superposition des parties contenues vis-à-vis des contenantes. Alors s'établissent des relations qui font saisir une apparence nouvelle, parceque l'on se trouve pro- céder du plus composé au plus simple. Là ne sont cependant que les rapports voulus par la nature des choses : tel est l'engre- nage nécessaire de parties, où chacune d'un démina ppareil s'en va gagner sa coi^respondante dans l'autre demi-appareil : réci- procité de marche et de contact qui amène une fusion, produi- sant en définitive un appareil unique et général dans une con- venance parfaite. La théorie iroit au besoin en chercher des preuves dans un fait organique qui n'est guère susceptible que de cette application, puisqu'il ne saui'oit offrir de conséquence qu'à ce sujet; c'est la présence du muscle sterno-hyoïdien chez les animaux qui respirent l'air en nature; car ce muscle qui s'étend de l'hyoïde au sternum, toujours et dans quelque degré d'écartementoù se trouvent l'un à l'ég-ardde l'autre les deux ap- pareils, laisse présumer sa haute destination dans l'organisation, ou mieux, montre toute sa fixité d'essence, nonobstant ses cas nombi^eux de variation, soit qu'il parvienne à son maximum de 342 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE volume, d'épaisseur et de fonction chez les poissons, soit tout au contraire qu'il s'alonge dans les autres classes, principale- ment chez les oiseaux , où on le diroit passé à la filière : là n'est plus qu'un ruban mince, étroit et presque sans ressort, tout au moins sans une utilité manifeste. R. On a dit plus haut que les extrémités inférieures de l'ap- pareil hyoïdien, appelées chez l'homme grandes cornes, étoient tantôt composées d'une seule branche sur la ligne médiane, et tantôt de deux écartées et disposées symétriquement à gauche et à droite. Cet arrangement est soumis à plusieurs cas de va- riation. L'Entohyal et l'Urohyal, qui sont les éléments, soit de l'unique branche, soit de la double branche, n'ont pas toujours pour objet de suspendre le larynx, et d'étendre leurs usages à la dilatation ou au resserrement de l'oesophage; c'est le cas le plus ordinaire; car cela s'observe chez les mammifères, les oi- seaux, et la plupart des reptiles : toutefois dans les tortues c'est une autre disposition, et il le faut bien, d'après ce qu'on a vu plus haut, en \ Aphorisme K. Le larynx n'est plvis chez ces animaux à la suite de l'hyoïde, bien que les branches de celui-ci, qui lui sont par-tout ailleurs dévolues, n'en soient pas affectées par ses dimensions plus ou moins restreintes. Ces branches, qui sont formées de l'Entohyal , os achevé , et de l'Urohyal , maintenu à l'état cartilagineux, resteront donc vacantes et sans emploi? Car qu'observer à la région du cou qui pourra leur fournir quelque occupation? Nous y voyons deux tubes situés parallèlement, l'un au-devant de l'autre, c'est-à-dire la conti- nuation, d'une part, du canal œsophagien, etdel'autre, celle de latrachée-artèi'e. A ce seul emploi possible, il est effectivement satisfait par les brandies postérieures hyoïdiennes; de forme DES PARTIES DE l'iIYOIDE, ETC. 3/|.3 arquée, elles contournent les deux tubes, et vont ensuite porter et perdre leurs extrémités libres dans le tissu cellulaire subja- cent à la peau ; une partie de ce tissu cellulaire gagne la tra- chée-artère et l'œsophage en quelques points. Toutes les parties de cette région sont plus ou moins engagées dans de semblables adhérences; et, cela étant, la peau, soit tendue, soit relâchée, selon ce qu'en dispose son panicule charnu, entraîne dans le jeu de son froncis et les branches postéro-hyoïdiennes et les deux tubes d'à côté \ ceux-ci gagnant à ces manœuvres d'être plus ou moins entrouverts, ou bien plus ou moins exactement fermés. S. Jusqu'ici les branches postéro-hyoïdiennes ne se sont mon- trées subordonnées et dévouées à l'appareil respiratoire que dans une mesure plus ou moins efficace ; le maximum de fonc- tions est dans les poissons. Un grand événement y a préparé à ces branches leur position avancée sous la tête. Celle-ci a tous ses os maxillaires palatins et auriculaires disjoints sur la ligne médiane, et rangés à distance en deux ailes de chaque côté. C'est l'appareil tout entier de la respiration qui est immédia- tement placé sous les lames sphénoïdales. Ce n'est p^s le lieu de parler avec détails de toutes les parties de ce puissant appareil ; je ferai cependant remarquer qu'arrière-corps de l'organe res- piratoire, elles se sont avancées sur l'avant-corps en deux masses synaétriques ; celui-ci est principalement formé de la chaîne hyoïdienne longitudinale, tout entière établie sur la ligne mé- diane, et formée d'osselets uniques, gros, forts, et placés l'un à la suite de l'autre. Dans cette situation des choses, voilà nu nouvel et tout-puissant emploi des os médians de l'hyoïde; ils ne sont plus groupés ensemble, comme dans les tortues, pour offrir à un tronçon du canal aérien un lai'ge bassin, ou même 344 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDAKCE une simple rigole; mais établis en série ils fournissent leurs flancs, comme fait la quille d'un bateau, à toutes les baguettes cartilagineuses qui portent le système vasculaire. Ces baguettes forment la partie principale des bronches chez les animaux de la respiration aérienne; c'en sont les analogues chez les poissons, que les petits arcs que nous nommons pleuréaux. T. L'histoire des pleuréaux sera le sujet d'un autre Mémoire. Telles sont ces pièces qu'on a proposé de considérer encore comme hyoïdiennes. J'en ai placé quelques unes dans la planche qni accompagne ce Mémoire, pour montrer dans quel emploi et dans quelles relations entrent les os hyoïdiens chez les pois- sons. En dire davantage à ce moment, ce seroit toucher à la question très grande comme très importante de toutes les pièces qui servent de support au système vasculaire. En définitive, les hyoïdes, à l'égard des poissons, fout partie intégrante et prépondérante de l'appareil respiratoire; ils en forment inférieurement les os médians, et ils contractent avec les éléments du larynx et des bronches d'intimes liaisons, dont ils sont plu^ ou moins affranchis chez les animaux à respi- ration aérienne. Dans ceux-ci hyoïdes et bronches existent aux deux extrémités de l'appareil général ; un long pédicule canali- culé, ou la trachée-artère, étant interposé entre lavant-corps (les hyoïdes), et l'arri ère-corps (les bronches). Le rapproche- ment de ces deux systèmes chez les poissons a forcé le canal à air à s'ouvrir, à se ramasser, et à se présenter sous la forme d'une table assez courte, où l'on retrouve encore sous la figure d'épines ou de denticules pharyngiennes tous les canaux de la trachée-artère. U. Je suis présentement sans inc|uiétude touchant l'une des' DES PARTIES DE l'hYOIDE, ETC. 345 déterminations admises dans ce Mémoire. La force des choses y a, très heureusement suivant moi, amené M. le baron Guvier. Habitué qu'il est de préférer aux inspirations des théories les documents plus certains des faits positifs , mon savant confrère se trouve de mon avis dans l'une des plus difficultueuses ques- tions touchant les hyoïdes. M. Guvier admet comme moi que l'Entohyal, suivi de sa queue, forme ou deux branches dédou- blées et symétriques, ou bien une bi^anche unique, dont les élé- ments sont confondus sur la ligne médiane. Or ce ne sera pas inutilement que je me prévaudrai de cet assentiment, ou plutôt que je fais honneur de la priorité de cette découverte à son auteur, puisque pour êti'e conçue, comprise et justifiée, la dé- termination des branches postéro-hyoïdiennes fait entrer dans ses données, implicitement du moins, les conséquences de deux théories récemment introduites dans la science, la loi du déve- loppement excentrique par M. Serres, et les principes de la doctrine des analogues. «Le corps hyoïdien, a dit M. Guvier, s'articule en arrière, « et se soude avec un os grêle impair sur lequel repose le larynx, « et qui représente a lui seul les deux cornes postérieures ( i ). » G'est (i) Je donne ce Mémoire tel qu'il fut composé du vivant de M. Guvier. Présenté à l'Académie des sciences, le 12 décembre i83i, il fut remis à M. le Secrétaire perpétuel, qui en accepta le dépôt, afin d'en rendre compte dans ses Analyses des travaux de l'Académie. II étoit naturel qu'après nos débats de l'année précédente, j'invoquasse le passage que je viens de citer, pleinement favorable au système d'idées phi- losophiques, dont je m'étois constitué le défenseur. Et comment n'ai-je pas songé plutôt à m'en prévaloir? Un motamer( les aventures d'un fil d'archal), si désobligeant dans sa forme et dont je ne dissimule pas que je fus profon- dément blessé, eût sans doute été évité par mon honorable collègue. Annales du Muséum, t. l", 3' série. 44 346 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE en traitant de l'hyoïde des lézards, et en terminant sa revue ostéologique des ovipares dans son important ouvrage des osse- ments fossiles, qu'il s'est ainsi exprimé. Oss. Foss. t. V, part. II, p. 279. V. Tous les moyens de recherches sont bons, mais quelques uns doivent être préférés. Ainsi l'on vient tout récemment de proposer de remplacer les considérations tirées des matériaux primitifs de l'organisation par l'étvide comparative des orga- nismes analogues. Si j'ai bien compris la valeur que l'on attache au mot organisme, il s'applique à un ensemble départies dans des relations réciproques de provenance, de connexions, et de fonctions. Cependant n'auroit-on voulu par-là que remonter à la simplification et à la destination des matériaux organiques? pourquoi ce nouveau mot qui présvippose un appareil déjà fort compliqué ? Prenons le Stylhyal pour exemple. Il existe entre le crâne et l'hyoïde. Est-ce au premier qu'il appartient essentiellement? On doit le croire, sur ce que, s'il rompt ses rapports à titre d'an- neau de jonction, c'est pour demeurer fixé à la fossette articu- laire des mâchoires (chez les oiseaiix), ou bien par exception chez deux mammifères (l'homme et le cochon), où il devient une longue apophyse crânienne; car d'ailleurs c'est dans tous les autres animaux vertébrés que sa destination est de produire l'effet d'une arche de pont jetée entre le crâne et les avant- corps de l'organe respiratoire. Ceci se manifeste avec une telle persévérance que cette fonction distincte fait du Stylhyal le sujet d'un organe à part, de simple élément que sa primitive con- dition d'existence le caractérise ; et ici il seroit par trop préten- tieux, et sur-tout très inexact, que je vinsse distinguer et dési- DES PARTIES DE l'hyOIDE , ETC. 347 gner cet aiTangement sous le nom ^organisme. Enfin, chose sans doute bien remarquable, le Stylhyal grandit, et devient d'une longueur considérable (chez les ru minants et les solipèdes), mais de manière qu'il n'en reste pas moins subordonné, et per- sévère dans son utilité ordinaire-, la grande longueur de la tête motive ce fait qui domine. Le Stylhyal y satisfait aux dimen- sions que lui impose la distance à parcourir entre son point d'insertion svir le rocher et celui de sa jonction avec les os pha- ryngiens. X. Pour dernière considération, je crois pouvoir me pex'- mettre de conclure que je viens de donner de l'hyoïde une con- noissance exacte, que l'hyoïde, ainsi présenté dans ses rapports et dans ses différences, justifie la tendance de mes recherches, que tant de faits qui rentrent réciproquement les uns dans les autres contiennent, pour ce cas particulier, une démonstration péremptoire du fondement de la doctrine des analogues, et qu'enfin cette anatomie véritablement comparée d'un seul système organique nous montre comment on passe utilement des pre- miers travaux concernant les animaux, ou des faits particuliers et descriptifs, aux recherches inspirées par la nouvelle direction scientifique, c'est-à-dire aux faits de coordination générale et d'unité philosophique qui sont dans les besoins de l'époque actuelle. Z. En être venu là avi sujet des études si compliquées de la structure animale , c'est avoir grandi, dans la première des sciences philosophiques (i), de l'enfance à la virilité. (i) Les analogies de rorganisatiou. EXPLICATION DE LA COMPOSITION MATÉRIELLE DU TABLEAU OU DE LÀ PLANCHE. Je reviens sur le Tableau synoptique, dont ce qui précède est un assez long commentaire, afin d'en expliquer la composition matérielle. Je l'ai divisé en quatre parties qui correspondent à chacune des classes d'animaux ver- tébrés, et sous ces titres zoologiques: Poissons, Reptiles, Oiseaux et Mam- mifères. J'ai fait connoître plus haut mon motif pour avoir pris la série à rebours ; j'ai pour cela consulté l'ordre d'importance des pièces hyoïdierihes. Les ani- maux ne commencent à exister que du moment qu'ils respirent . or l'hyoïde devient la pièce fondamentale , et vraiment la quille sur laquelle est construit l'organe respiratoire chez les êtres du milieu aquatique. Venez à le supprimer chez ces animaux, ou même à le modifier essentiellement, et toute la machine est paralysée , brisée , entièrement anéantie : il n'est plus d'existence de poisson , atteinte par une telle lésion. C'est tout au contraire différent à l'é- gard des êtres du milieu atmosphérique : l'hyoïde n'entre dans leur con- struction qu'à titre de pièces qui ajoutent à la perfection de ces animaux. Plus ou moins utiles, de telles pièces sont quelquefois impunément sous- traites, comme aussi on peut les frapper de lésions plus ou moins considé- rables, sans qu'il en résulte un notable dommage. LES POISSONS. PREMIÈRE CASE. Je n'ai point eu recours à beaucoup d'exemples pour remplir cette case : un seul pouvoit suffire pour exprimer ce qu'est toujours l'appareil hyoïdien chez les poissons osseux, attendu que la variation des organes dans la série animale est en raison inverse du degré de leur importance. Ainsi je m'en suis tenu à deux hyoïdes isolés, l'un vu de face dans le Mérou, et l'autre EXPLICATION DE LA COMPOSITION MATÉRIELLE, ETC. 349 VU de profil dans le Poisson Saint-Pierre. En recourant à deux autres exem- ples, j'ai encore désiré faire voir quelles pièces se joignent à l'hyoïde sous les deux combinaisons suivantes : i", comment dans le Trigle les pièces la- ryngiennes occupent les flancs de la série hyoïdienne longitudinale [Glosso- hyal, Basihyal, Entohyal, et Urohyal); et 2°, comment, dans le Brochet , les annexes sternales continuent la série hyoïdienne transversale {\es Apohyaux et les Cératoliyaux ). LES REPTILES. SECONDE CASE. Des exemples plus multipliés devenoient ici nécessaires, au point que j'aurOis pu en augmenter le nombre avec profit. Pourquoi nécessaires? c'est que les reptiles ne forment point une classe régulière à la manière de celles des mammifères , des oiseaux et des poissons. Ce sont pour la plupart des groupes isolés, très différents à cause des larges intervalles qui les mettent à une très forte distance les uns des autres. Ce sont des animaux auxquels je pense devoir appliquer l'expression aujour- d'hui admise en tératologie [anomalies de l'organisation), l'expression dH arrêt de développement. Et en effet, que l'organisation continue plus ou moins dans sa marche progressive, d'où dépendent les transmutations de ses parties formatrices, c'est-à-dire que l'ordre de développement que la succession des âges fait connoître dans une espèce de mammifère devienne le fait général de la série animale, en montrant celle-ci passant par tous les degrés jusqu'à celui des plus grandes complications, combien de formations transitoires peuvent s'arrêter et demeurer alors avec un caractère décidé? Il tombe ainsi sous les sens que, pour un peu plus d'efforts, de continuité dans le développement, tel crocodile deviendroit mammifère, et telle tortue oiseau. Et en effet, ne voyons-nous pas journellement un événement tout semblable se passer sous nos yeux? Ces êtres ambigus, dits les têtards, qu'il ne faut pas considérer comme bons seulement à être décrits dans nos livres, mais voir aussi comme un de ces présents où la nature s'est complu à étaler sous nos yeux l'emploi de ses ressources merveilleuses pour faire varier les formes animales, les têtards, poissons tant qu'ils restent immergés dans l'eau, se dépossèdent de l'organisation ichtyologique pour en prendre une qui les range parmi les quadrupèdes ovipares : car, qu'ils rejettent quelques parties 35o EXPLICATION DE LA COMPOSITION MATÉRIELLE et qu'ils en acquièrent d'autres, ils ont bientôt revêtu les formes soit d'une salamandre, soit d'une grenouille. Les reptiles, quatrième part des animaux vertébrés, comme en ont décidé les naturalistes, sans avoir consulté ces essentiels rapports que révèlent les intervalles inégaux qui séparent chaque groupe ; les reptiles , quatrième classe à conserver cependant pour la commodité et l'usage des élèves , ne seroient dans l'esprit de ces réflexions que des lambeaux de systèmes orga- niques, dans un ordre déjà compliqué et fort élevé, lesquels n'auroient point encore fourni tout leur développement possible , et par conséquent à qui il manqueroit d'être arrivés à Tétat achevé, à la condition d'une vérita- ble composition classique; à ces classes dont nous avons une notion nette et précise dans les grandes familles hien naturelles, appelées Mammifères, Oiseaux et Poissons. Cela posé , les reptiles seroient des êtres en train de développement, comme le sont nos arbres au moment où ils n'ont encore poussé que leurs bourgeons. Prenons pour plus de clarté un autre exemple; il nous est fourni par les Mimosa; ceux de l'ancien monde conservent à tou- jours les feuilles pinnées de leur premier revêtissement, quand les Mimosa de l'Australie, s'accommodant toujours de celles-ci en de certaines places , y ajoutent par un progrès dans le développement en d'autres places des feuilles d'un autre caractère. J'ai présenté ces considérations pour que nous puissions par elles nous rendre compte des VEiriations de l'hyoïde chez les reptiles; variations pré- cieuses, en tant qu'elles conduisent de la manière la plus satisfaisante à l'état fini et parfaitement régulier d'un hyoïde ichtyologique. Sur les figures Salamandre et Grenouille. J'en suis redevable à M. le docteur Martin de Saint-Ange, jeune anato- miste d'un talent très distingué , et que deux grands succès aux concours académiques de l'Institut font connoître très avantageusement. Les dissec- tions, la découverte des pièces et les dessins qui ont fixé ses intéressantes recherches m'ont été communiqués par ce jeune praticien. Il a de son côté publié (dans les Annales des sciences naturelles, XXIV, 366) ces mêmes dessins, accompagnant sa Description des organes transitoires et de la métamorphose des Batraciens. Les pièces "ont été reconnues par ce jeune au- teur; mais il n'a pas osé se livrer à leur détermination , dont il a bien fallu alors que je me chargeasse. DU TABLEAU OU DE LA PLANCHE. 3 5 I Nous venons de rappeler que les Salamandres et les Grenouilles sont des poissons sous leur première forme de Têtard , et qu'en cessant d'être immer- gées dans l'eau, et en se tenant à la surface, elles subissent une métamor- phose qui en fait des reptiles, des êtres à part sous le nom de Batraciens. I . Salamandre. Dans l'organe respiratoire du Têtard sont toutes les parties qui abondent dans un appareil branchial de poissons. Chez l'une des deux figures, celle de gauche, sont les éléments osseux enchâssés dans leurs membranes ou périostes, et chez celle de droite se trouvent ces mêmes éléments nus et, dans leur isolement, maintenus à leurs places respectives. Or, dans ces deux figures, l'on voit également un hyoïde de poisson, que portent à re- connoître ses deux chaînes, moins le Glossohyal et les Stylhyaux qui man- quent; i" la chaîne transversale formée de c, a, a, c, ou de Cératohyaux en dehors, et d'Apohyaux en dedans; et 2° la chaîne longitudinale composée de b, e, u, ou du Basihyal, de l'Entohyal et de l'Urohyal. Je viens de dire un hyoïde de poisson; car ces pièces sont flanquées de parties laryngiennes et pleuréales , comme chez un poisson osseux. Mais au moment de la métamorphose, d'autres vaisseaux naissent des principaux troncs pour fournir au développement d'une autre formation organique : d'oii il arrive que ceux des vaisseaux qui alloient nourrir les pièces laryngiennes et pleuréales y sont de plus en plus privés de l'afflux du sang; ces pièces branchiales se flétrissent, et, devenues tout-à-fait caduques, disparoissent. M. Martin de Saint-Ange a très bien exposé ces faits curieux dans son Mémoire. Et en dernière analyse , un animal de la respiration aérienne est constitué par l'isolement et la structure achevée d'un hyoïde de reptile, qu'on voit re- présenté en la figure Salamandre adulte. 1. Grenouille. L'analogie conseille d'«ssayer de retrouver chez la grenouille les mêmes pièces que chez la salamandre, et nos figures sont à cet effet parfaitement comparatives; mais dans ce nouvel exemple où des pièces voisines se sont soudées ensemble, où quelques unes par l'effet d'une complète atrophie ont entièrement disparu , cela est très difficile : j'ai cependant reconnu cinq 352 EXPLICATION DE LA COMPOSITION MATÉRIELLE parties distinctes dans le Têtard, deux Apohyaux, un Basihyal et deux En- tohyaux; mais dans la grenouille adulte, il n'est plus qu'un seul plastron suivi de'deux Urobyaux. Toute détermination à cet égard reste ainsi frappée d'incertitude. 3. Chélyde Matamata. M. Werner a dessiné cet hyoïde de la tortue matamata ; M. Cuvier en avoit déjà donné une figure fort exacte , Oss. Foss. V, part. Il, pi. XII, fig. 4 1 • C'est à-peu-près l'arrangement et la même disposition que dans les mammi- fères ruminants etsolipédes; mais toutefois est là une condition nouvelle: car le maintien des connexions essentielles et obligées s'y coordonne, vu la grandeur de l'appareil, avec d'autres connexions accessoires et de nou- velles fonctions. Les branches styloïdiennes (la chaîne transversale), formées des trois pièces Apohyal, Céràtohyal et Stylhyal, s'appuient doublement sur l'axe médian, l'Apohyal sur le Glossohyal, et l'Apohyal en même temps que le Céràtohyal, sur le Basihyal : on remarque deux Glossohyaux adossés l'un à l'autre latéralement. Mais le fait le plus curieux à citer, c'est que le Basi- hyal, qui est grand et alongé, est creusé dans toute sa longueur; long canal, où il reçoit et loge solidement la trachée-artère. Les appareils hyoïdiens , laryngiens et pleuréaux ne sont plus situés bout à bout comme chez les mam- mifères, mais se composent de deux plans parallèles, dont l'un est encastré dans l'autre. Il y a encore deux Entohyaux , mais libres , mais vacants le long du cou, et allant dans le tissu cellulaire , prendre là de l'adhérence et quel- ques fonctions très secondaires. 4. Tryonix. C'est une tout autre disposition que présente l'hyoïde des tiyonix : les faits singuliers qui se voient là ajoutent de nouveaux et puissants motifs aux considérations que j'ai autrefois exposées pour l'établissement de ce genre. C'est le seul hyoïde avec toutes pièces pairijg<, le seul ovi les Apohyaux s'intercalant entre des os qu'ils écartent, arrivent au contact; le seul avec un double Basihyal, et le seul encore où les Urobyaux se maintiennent long- temps dans un arrêt de développement à la manière du larynx des mammi- fères; j'entends par-là qu'à des époques éloignées et non fixes dans leur retour les molécules osseuses se déposent en grains plus ou moins volu- mineux. M. Cuvier, qui part d'une autre base de détermination que moi, consi- DU TABLEAU OU DE LA PLANCHE. 353 dère {Oss. Foss. V, partie II, page rg^) toutes les pièces moyennes an nombre de sept comme autant de fragments du corps hyoïdien : il fait des Cératohyaux ses cornes moyennes, et des branches e, xu, une troisième paire, ou ses cornes postérieures. Je n'ai pu me mettre d'accord avec lui qu'au sujet de ces dernières pièces : sur le surplus il est éclectique. Mais d'ailleurs je rends une pleine justice à sa note, Loc. Cit. p. igS, où il relève une grave erreur dans laquelle j'étois tombé au sujet de l'hyoïde des oiseaux: les motifs allégués, la dignité du discours, et le ton sans la moindre malveillance qui y règne, me paroissent recommandables. 5. Lézard. Tout est remarquablement filiforme dans l'hyoïde des lézards; car, pour qu'il y ait espace suffisant à ce développement eti longueur, les pièces sont contournées sur elles-mêmes, et repliées de façon à rendre leur dé- termination difficultueuse. Lé corps (Basihyal) est une plaque pentago- tiale, terminée antérieurement par une longue et grêle apophyse, et posté- rieurement par deux filets encore plus alongés. De l'apophyse antéi-ieure naît un Glossohyal cartilagineux et bifide. Ces filets Ou les apophyses posté- rieures ont porté M. Cuvier à admettre l'existence d'une troisième sorte de cornes, troisième paire par conséquent; d'oîi le nom de cornes mitoyennes pour celles dites chez l'homme cornes postérieures. Cependant M. Cuvier atténue lui-même ce jugement, quand il ajoute, L. C. , 280, «que les cornes (1 de troisième paire existent rarement, et sont plutôt des productions pos- (I térieures du corps que des cornes particulières. » La trachée-artère est entraînée à l'égard du corps hyoïdien ; car, au lieu de se contenter d'y être encastrée, elle le dépasse, après y avoir pris un point d'appui. Et quant aux autres pièces, il suffit des lettres indicatives en la figure, pour en donner nettement la détermination. Enfin M. Cuvier termine encore sou art. Hyoïde des lézards , en l'ac- compagnant, page 279, delà même note, semblablement reproduite que page jgS. Il revient ainsi dans chaque occasion sur l'objet décidément traité dans ce Mémoire. 6. Monitor. Que de différences entre l'hyoïde des monitors et celui de l'article pré- cédent ! l'extrême simplicité du premier doit surpreiidre en raison du voi- Annales du Muséum, t. I", 3" série. 45 354 EXPLICATION DE LA COMPOSITION MATÉRIELLE sinage des deux espèces : c'est au point que j'ai supposé que M. Cuvier qui a établi cette figure, 2° part, du tome V, pi. XYII, fig. i, auroit pu avoir omis les Stylhyaux, qu'on n'y voit pas. La préparation d'une espèce très voisine, conservée dans de l'alcool, m'a montré un Stylhyal d'un côté, sans qu'il y eût trace de l'autre au côté opposé. ,, 7. Sauvegarde. Je m'en réfère aux indications suffisamment précises des lettres appella- tiyes des pièces. LES OISEAUX. TROISIÈME CASE. Peu de variation affecte l'hyoïde des oiseaux, et ce n'est guère qu'au sujet du Glossohyal , doubl« dans le Geai, l'osselet de gauche rencontrant celui de droite en un point de leur racine; double aussi dans la Chouette, les d«ux osselets entièrement appuyés bord contre bord; double encore dans la Cigogne, chez laquelle les deux osselets sont écartés l'un de l'autre par l'in- terposition de la tête du Basihyal; et enfin unique dans le Canard. On a re- présenté deux degrés du développement de l'hyoïde de cet oiseau , le jeune âge, où la chaîne longitudinale est distinctement formée d'os à part, le Glossohyal , le Basihyal et l'Entohyal ; et Y âge adulte, où ces deux dernières pièces sont soudées l'une à l'autre. LES MAMMIFÈRES. » QUATRIÈME CASE. La variation classique des oiseaux à l'égard des mammifères porte sur les Stylhyaux en plus chez ces derniers, quand par compensation le Glossohyal y disparoît, ou à-peu-près, si ce n'est dans l'exemple suivant. I. Cheval. L'étroitesse de la base du crâne, et par conséquent celle du Basihyal ont favorisé le libre développement du Glossohyal; événement précieux pour les comparaisons d'analogie; car là est un anneau conduisant d'une organi- sation classique à sa suivante, là une transition répandant une vive lumière pour l'intelligence de ces faits. Le Cératohyal, si long chez les oiseaux, n'est plus, chez le cheval, qu'un osselet restreint dans sa dimension , et jouant dans cet hyoïde le rôle d'une rotule aussi bien par sa forme que dans sa fonction. DU TABLEAU OU DE Lil PLANCHE. 355 Chez le cheval adulte, les pièces hyoïdiennes se simplifient par la soudure du Glossohyal avec le Basihyal et du Cératohyal avec le Stylhyal. 2. Cerf. Nous avons chez les ruminants, les cerfs, les hœufs, etc., un autre arran- gement, sous ce rapport que le Glossohyal n'existe que représenté par une apophyse du Basihyal ; mais comme si ces éléments osseux dévoient par un effet de compensation se rencontrer ailleurs, nous trouvons chez les ruminants le Cératohyal accru et devenu presque aussi long que Tanneau antérieur, ou l'Apohyal. 3. Bœuf, C'est ici le même fait que précédemment : la tubérôsité glossohyale est seulement plus prononcée. Par économie d'emplacement l'on n'a représenté qu'une branche styloïdienne. 4. Chat. Rien ici qui ne soit comme précédemment quant aux branches styloï- diennes, mais par contre est une variation considérable et bien remarquable quant au Basihyal et à ses dépendances. Ce corps principal médian n'est plus qu'une tige menue et transversale, sans apophyse, et caractérisée même par plus d'étroitesse vers son milieu; c'est que les vestiges duGlossohyal s'en sont détachés pour se porter en avant dans la langue et y devenir ce cartilage alongé désigné par les chasseurs sous le nom du ver de la langue. C'est ce fait isolé et curieux que représente dans notre figure, le trait, Lett. g. 5. Homme; état normal. Les notions sUr l'hyoïde humain se bornoient avant mes recherches aux seules indications suivantes : on décrivoit le corps b, ses grandes cornes ou les cornes postérieures e, e, et ses petites cornes ou les cornes anté- rieures a, a. J'engage à ajouter à ces documents l'existence d'une petite tubérôsité g, ou de l'apophyse glossohyale; car nous y devons considérer un vestige plus ou moins considérable, selon les individus, de l'os lingual des oiseaux et des poissons. J'ai placé auprès de cet hyoïde la figure de deux apophyses styloïdes, com- posées d'os distincts, et précisément de ceux qui manquent chez l'homme pour compléter dans son appareil hyoïdien cette chaîne transversale qui se 356 EXPLICATION DE LA COMPOSITION MATÉRIELLE, ËTC; voit dans la généralité des mammifères, Supposez que vous voyez ces apo- physes styloïdes insérées et soudées au crâne à la fossette du rocher d'où descend l'apophyse vaginale. La Letl. V montre cette relation. 6, Homme; état tératologique. Dans ce titre, le mot tératologie/ ne contraste avec celui de nor/jia/ employé précédemment : ce mot nouveau est dans la science depuis la publication du Traité de tératologie, ouvrage de mon fils Isidore G. S. H. , le premier volume ayant seul paru. Le besoin de ce terme étoit senti depuis long-temps : il rem- place avantageusement celui de monstruosité , à l'égard de plusieurs de ses acceptions, s'appliguant, de plus, heureusement encore à tous les cas patho- logiques qui surviennent après naissance. Ce mot conçu avec un caractère de grande généralité s'étend à tous les faits de dissemblance que produisent, soit avant, soit après naissance, tous les dérangements de l'organisation ordinaire qu'on caractérise alors par le qualificatif de régulier ou de normal. Dans l'hyoïde tératologique , objet de notre 6' figure, la chaîne stylqïdienne est entièrement restituée. Le premier volume de ma Philosophie anatomi- que en donne un récit très détaillé. L'hyoïde , réduit chez l'homme à cinq pièces groupées ensemble, formoit un fait anomal, eu égard à l'hyoïde de régie que donnoit à connoître la généralité des mammifères. Or c'est un des résultats fournis par mes recherches sur l'analogie de l'organisation que jamais il n'arrive à un système organique dévié de la règle de quitter sa condition d'anomalie, que ce ne soit pour retomber dans les conditions plus larges comme primitives, comme originelles, que sembloient lui imposer les rapports de famille : voilà ce que donne effectivement l'état tératologique ici figuré; la chaîne, formée de st, c, a, B, a, c, st, est restituée dans cet exemple , ainsi qu'elle se montre normalement dans les exemples Chat^ Cerf, etc. Une circonstance intéressante, c'est que le Basihyal est tout-à-fait privé de sa tubérosité glossohyale ; et la loi du balancement des organes en dit le pourquoi. L'afflux du sang a plus donné que d'ordinaire aux branches styloï- diennes, ce qui n'a pu se faire qu'aux dépens d'une privation ailleurs. Ainsi, dans la métamorphose des Batraciens, de certains vaisseaux diminuent et finissent par s'atrophier, quand d'autres en prennent sujet de poindre et de s'accroître. Or, cela devenant un spectacle pour les yeux du corps, la loi du balancement des organes ne seroit-elle qu'une vague et vaine théorie? ^^ /ltil/vr/ù;t f//iiifl/t\s . Ilulel. l.,l,i„,n Ji,l,i.,„ TA liJJ'Ar «JY.VOrTlOÎ'E hrsnilaiit la conniniiiiitr ilv^ imiins e/c I 11 voirie r/a/t.i /c.v ■#' c/nsses des Animitin' ver/e/tirs ^ dépose a l'ficadàrue royale aeâ snenrei dans sa séance du l'I Dccemhie tH5i n . (In/wlcs .ht ^ Must'iiin d hist naf ni.^ . p,^> .v. .fWf////f nnfi/i«U rt iioiHJ ùti pirta iuio'iùuuuf,>-(J y/xur/n^fd. 3 /.tjJya/A «Àidiya/-C Ula/eÂua/£ .,Ût^un/=l' ■'-/"/■■/■ ■'if ''„^'„V . v mrfJ.„>f ^.,/,.ii/aitf Xl\ miù/'mc aw/iua/ (UM-y -î- ^'i^' " g-f-T. -î- CONSIDÉRATIONS SUR LES CARACTÈRES EMPLOYÉS EN ORNITHOLOGIE POUR LA DISTINCTION DES GENRES, DES FAMILLES ET DES ORDRES, ET DjÉTERMINATION DE PLUSIEURS GENRES NOUVEAUX. PAR M. Isidore GEOFFROY SAINT-HILAIRE. (Mémoire lu à la Société d'Histoire Naturelle de Paris, le 3 août i832.) Toute classification est d'autant moins imparfaite et d'autant plus conforme à l'ordre naturel, que les êtres qui en sont les objets s'y trouvent appréciés sous un plus grand nombre de leurs rapports. Les anciens systèmes zoologiques de Klein, de Brisson et de tant d'autres, et, pour citer un exemple plus mé- morable , le célèbre système botanique de Linné, reposoient sur des considérations très simples déduites du seul examen d'un très petit nombre d'organes : mais, si leur emploi conduisoit d'une manière facile et sûre à la détermination des animaux ou des végétaux déjà connus et déjà introduits dans le système, ces classifications, purement artificielles, laissoient inaperçus une multitude de rapports, brisoient toutes les affinités natu- relles, et restoient presque entièrement inutiles pour l'étude des êtres nouveaux. Les méthodes aujourd'hui universellement 358 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. adoptées en zoologie comme en botanique se fondent au con- traire sur l'examen d'un très grand nombre d'organes , et sont par conséquent très compliquées Qt d'un usage très peu com- mode: mais leur utilité réelle augmente en raison de leur com- plication. Lorsqu'elles sont bien faites, c'est-à-dire établies sur des caractères importants, régulièrement subordonnés et a])pré- ciés tous à leur juste valeur, les ordres, les familles, les genres, se trouvent groupés suivant leurs -affinités ; et dès-lors une multitude de rapports , jusque alors inaperçus , se révèlent pour ainsi dire d'eux-mêmes ; les faits s'éclairent mutuellement; une découverte faite dans un genre est facilement étendue aux genres voisins, et l'analogie devient pour l'observateur un guide assuré. En un mot, l'emploi du système est très simple et facile, mais son utilité très bornée : l'emploi de la méthode est diffi- cile, mais son utilité immense. Le premier n'embrasse, si je puis m!exprimer ainsi, que le passé de la science; la seconde com- prend à l'avance tous les faits à venir. Grâce aux travaux des zoologistes modernes, a ceux de M. Cu- vier sur-tout, ces idées sont aujourd'hui parfaitement établies en zoologie : elles y sont même, on peut le dire, devenues des vérités tOut-à-fait vulgaires et presque triviales. Mais, univer- sellement admises en théorie, ont-elles été toujours appliquées, toujours suivies dans la pratique? Et la classification repose- t-elle, en effet, dans toutes les branches de la zoologie, sur une appréciation exacte de la valeur des caractères employés ? En est-il ainsi, par exemple, en ornithologie? La classification des oiseaux a sans doute fait depuis quelques années de grands progrès , dus aux travaux de MM. Guvier , Vieillot, Temminck, Vigors et de plusieurs autres ornitholo- CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. BSg gistes. Cependant peut-on affirmer que tous les caractères généralement employés pour la distinction des ordres, des fa- milles et des genres aient réellement une valeur ordinale, sub- ordinale et générique ? D'un autre côté, tous les caractères dont la considération ne sauroit être négligée dans une classification vraiment naturelle, sont-ils employés par les ornithologistes et appréciés à toute leur valeur ? C'est l'examen de ces deux ques- tions que je vais entreprendre dans ce Mémoire, en m'appuyant soit sur plusieurs faits déjà établis dans la science, soit sur un assez grand nombre d'observations nouvelles qui me sont pro- pres, et qui, rapprochées des premiers, les compléteront et les éclaireront tout à-la-fois. SECTION I. REMARQUES SUR PLUSIEURS DES CARACTÈRES EMPLOYÉS EN ORNI- THOLOGIE. Devant passer en revue les principaux caractères que l'on emploie en ornithologie pour la distinction des groupes ordi- naux , sub-ordinaux et génériques , et obligé de me renfermer dans les limites d'un simple mémoire, je me bornerai ici à l'in- dication succincte de ceux de ces caractères qui sont géné- ralement bien connus et appréciés , et j'insisterai seulement , pour les soumettre à une discussion plus ou moins étendue, sur ceux qui ne me paroissent pas avoir été suffisamment étudiés , ou dont l'importance me semble avoir été ou méconnue ou exagérée. . §T. Des caractères fournis par le bec. Les caractères fournis par le bec, traduisant à l'extérieur les principales modifications de l'appareil de la nutrition , ont été 36o CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. regardés de tout temps comme très importants, et le sont en effet; mais, comme on va le voir, il s'en faut de beaucoup que leur valeur relative ait été toujours appréciée avec exactitude. Variations de la forme générale. Elles fournissent, en général, des caractères génériques excellents en eux-mêmes, et qui ne laisseroient rien à désirer s'il n'étoit malheureusement très dif- ficile, dans une multitude de cas, de les exprimer avec préci- sion. Ces caractères, sauf quelques exceptions de détail, sont d'ailleurs appréciés à leur juste valeur, et il est absolument in- utile d'insister ici sur eux. Variations de la structure. Les caractères que l'on peut déduire de la structvire de l'étui corné du bec ont été généralement négligés. Cette structure est cependant susceptible de quelques modifications qui, se présentant à-la-fois dans toutes les espèces vraiment analogues par le reste de leur organisation, peuvent fournir de véritables caractères génériques. Ainsi l'étui corné du bec est, dans la plupart des oiseaux, d'un tissu très serré, très compacte, très dur : dan,s d'autres, ce tissu devient au contraire très peu dense, plus ou inoins mou, et quelquefois translucide; ce que l'on voit, par exemple , pour les jjassereaux , dans le genre Langrayen ou Ocyptère; pour l'ordre des oiseaux de proie, chez les caracaras. Les rapports de la structure du bec de ces der- niers avec leurs habitudes, si analogues à celles des vautours, Sont trop évidents pour que j'insiste sur eux, et confirment par une preuve de plvis la valeur assez grande d'un geni^e de carac- tères dont il n'est pas même question dans les traités d'ornitho- logie. Existence de dentelures sur les bords des mandibules. Un assez grand nombre d'oiseaux présentent^ sur les bords de leurs man- CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 36 1 fibules, des dentelures dont la forme, la disposition, mais sur- tout le nombre, sont très variables. Ainsi leur nombre est qtielquefois indéterminé. Dans ce cas, les mandibules peuvent être dentelées même sur toute leur longueur. Cette modification, à laquelle on a quelquefois attri- bué une grande valeur , est incontestablement plus curieuse que réellement importante, et, loin de pouvoir fournir un caractère d'ordre ou de famille, ne peut même avoir toujours une valeur générique. Elle est en effet sans influence sur les habitudes des oiseaux qui les présentent , au moins sur celles d'une partie d'entre eux, par exemple des toucans ; ce que j'ai constaté soit par l'observation d'un toucan vivant , soit par la comparaison des divers âges des toucans et des aracaris qui parviennent presque jusqu'à l'état advdte, ainsi que je m'en suis assuré, avant que leur bec présente aucune trace de dentelures. Le dé- faut d'importance de ces dentelures , comme caractères géné- riques , est d'ailleurs établi positivement par l'existence de quelques genres évidemment très naturels, et comprenant cepen- dant des espèces à bec en scie et d'autres à bec non dentelé. Au contraire, le nombre des dentelures est quelquefois dé- terminé. Il en existe alors une ou deux au plus de chaque côté , soit à la mandibule supérieure seulement, soit aux deux man- dibules: dans ce dernier cas, celles de la mandibule inférieure sont toujours moins marquées. L'une et l'autre de ces modifi- cations s'observent chez les oiseaux de proie dits nobles, où les dentelures ont depuis long-temps fixé l'attention , et portent spécialement le nom de dents. Ces dents étant dans ce groupe ornithologique en nombre rigoureusement déterminé et tou- jours très fortes, leur utilité étant d'ailleurs ici très réelle, leur Annales du Muséum, 1. 1", 3' série. 46 302 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. existence et leurs modifications doivent être plus importantes que celles des dentelures en nombre indéterminé dont nous venons de parler, et fournir de bons caractères pour la déter- mination des genres. C'est en effet, malgré l'opinion contraire de quelques auteurs, ce que confirment des observations faites récemment par un savant ornithologiste, M. de la Fresnaye, et ce que d'autres qui me sont propres achèvent de mettre hors , de doute. D'une part en effet, M. de la Fresnaye(i) vient d'éta- blir ce fait, déjà indiqué par Nauman(2), que le gerfaut a naturellement le bec denté comme les faucons, et que l'erreur généralement admise à son égard vient de l'habitude qu'ont les fauconniers de limer les dents du bec de ce redoutable oi- seau; d'où il suit que l'existence des dentelures mandibulaires est un caractère plus général qu'on ne l'avoit cru , et qu'il ap- partient sans aucune exception à tous les oiseaux de proie no- bles. D'un autre côté , je suis maintenant en mesure de prouver que le nombre même de ces dentelures est loin d'être sans im- portance. J'ai en effet constaté , par la comparaison de toutes les espèces d'oiseaux de proie nobles , que celles qui ont le bec uni- denté présentent seules le système alaire que Guvier, M. Tem- minck et les autres ornithologistes attribuent au groupe tout entier ; que celles qui ont le bec bidenté ont au contraii'e les organes du vol établis sur un type, non seulement différent, mais même presque directement inverse. Existence d'échancrures sur les bords des mandibules. Elles peu- (i) Les observations de M. de la Fresnaye ne me sont encore connues que par la communication qu'il a bien voulu m'en faire; mais elles ne tarderont pas à être publiées. (2) Histoire naturelle des oiseaux d'Allemagne, tome I. CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 363 vent être, comme les dentelures, en nombre indéterminé ou en nombre déterminé. Je ne m'arrêterai pas sur les échancrures en nombre indéterminé , qui coexistent nécessairement avec une série de dentelures, et sur lesquelles je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit plus haut. Lorsque les échancrures sont en nombre déterminé , on n'en compte jamais qu'une ou deux en plus de chaque côté ;| encore ce dernier nombre ne se trouve-t-il que parmi les oiseaux de proie bidentés. Il peut exister des échancrures à la mandibule inférieure, et il en existe même dans un très grand nombre de passereaux, quoique aucun auteur n'en ait fait mention : mais il est beaucoup plus commun encore d'en observer à la mandi- bule supérieure, et tellement, que le nombre des oiseaux à bec non échancré surpasse à peine le nombre des oiseaux à bec échancré. L'extrême fréquence de ce dernier caractère dans la série or- nithologique est pour nous un premier motif de chercher à apprécier sa valeur avec toute l'exactitude possible : nous en trouvons un second dans la haute importance qui lui a été at- tribuée par presque tous les zoologistes modernes , et spéciale- ment par M. Guvier. On sait en effet que dans la méthode or- nithologique que ce grand naturaliste a établie dans le Règne animal , et qui depuis a été si généralement adoptée , le groupe des passereaux , qui comprend à lui seul plus de la moitié des oiseaux connus , est divisé en cinq grandes sections Ou sous- ordres, dénommés et rangés ainsi qu'il suit: dentirostres , fis- sirostres , conirostres , ténuirostres et syndactyles. De ces cinq sous-ordres, le premier, qui est de beaucoup le plus étendu, a pré- cisément pour caractère général l'existence d'une échancrure de 364 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. chaque côté de la pointe du bec : caractère auquel se trouvent par conséquent subordonnées toutes les modifications que peu- vent présenter parmi les dentirostres les pieds , les ailes, les or- ganes des sens et le bec lui-même, considéré dans sa conforma- tion générale. Or , ce caractère a-t-il en effet la liavite importance qui lui a été attribuée ? Malgré l'autorité de l'illustre auteur du Règne animal, je ne puis m'èmpêcher d'émettre une opinion contraire, basée , comme on va le voir , sur un grand nombre de faits déjà établis dans la science et d'observations nouvelles ; observations qui m'ont conduit à ce résultat , qu'il est des familles où les ca- ractères des échancrures mandibulaires sont même absolument sans valeur. Pour traiter ici la question d'une manière complète , nous au- rions à examiner , i°si le caractère des échancrures mandibu- laires est en effet d'une importance supérieure à celle de tous les autres caractères : en d'autres termes, s'il doit être subordonné à ceux-ci , ou si ceux-ci doivent lui être subordonnés. 2° Si ce caractère ne réunit pas des êtres très éloignés par leurs rap- ports naturels. 3° Si, enfin, il n'éloigne pas les uns des autres des êtres liés intimement par l'ensemble de leur organisation. Mais, obligé de nous renfermer dans les limites d'un simple mémoire , nous nous bornerons à traiter avec quelque détail ce dernier point , parceque nous croyons pouvoir en donner une solution tellement complète, qu'elle embrassera véritablement celle de toutes les parties de la question. Ainsi, pour rappeler d'abord quelques faits déjà établis dans la science , nous trouvons plusieurs exemples d'oiseaux liés in- timement par l'ensemble de leur organisation, et qui cependant CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 365 se trouvent , selon la classification du Régne animal , séparés par d'immenses intervalles, parceque les uns ont le bec échan- cré , d'autres non écliancré. L'exemple le plus renaarquable que je puisse citer, est celui des chocards et des craves , entre les- quels se trouvent intercalés jusqu'à soixante-six genres, c'est- à-dire un cinquième de tous les genres composant la série ornithologique tout entière. Les craves et les chocards sont cependant des oiseaux tellement voisins, qu'ils offrent exacte- ment, sauf quelques différences dans la confoi^mation de leur bec, tous les mêmes caractères génériques (i), sont de même taille et de même couleur, et ont exactement les mêmes habi- tudes, au point que le crave et le chocard d'Europe vivent dans les mêmes lieux, et se voient fréquemment par troupes com- posées à-la-fois d'individus des deux espèces. Cet exemple, auquel je pourrois ajouter quelques autres faits analogues, mais, il est vrai, moins remarquables, rend, ce me semble, aussi évidente que possible cette proposition sans doute assez in>portante pour la classification ornithologique, que deizx genres, très voisins par l'ensemble de leurs rapports naturels, peuvent différer cependant par le bec échancré dans tun , non échancré dans Vautre. Mais il y a plus encore : des genres très naturels peuvent présenter des espèces à bec échancré., d'autres a bec non échancré , et qui par conséquent, si l'on vouloit suivre rigoureusement la lettre des classifications au lieu de se pénétrer de leur esprit, appartiendroient, quoique évidemment congénères, à deux sous- ordres différents. ■ (i) Plusieurs ornithologistes, M. Temminck entre autres , les ontmême réunis génériquement. 366 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. Je citerai en premier lieu comme exemple le genre Mainate , d'après M. Cuvier lui-même, qui, dans la seconde édition de son Règne animal (i), et avec la bonne foi d'un homme voulant avant tout la vérité, a signalé cette exception aux données géné- rales de sa classification. Il est vrai que cette exception, alors unique et présentée par un genre aussi singulier et aussi anomal à tous égards que celui des Mainates , devoit peu ébranler la conviction de notre illustre zoologiste sur l'excellence d'une classification d'ailleurs con- forme à tant d'égards à l'ordre naturel. Mais il n'en est plus de même aujourd'hui ; loin que le fait présenté par le genre Mai- nate soit une exception unique, il se trouve en parfaite harmo- nie avec les résultats de mes observations sur les genres les plus voisins , c'est-à-dire sur les Corviis et Paradisœa de Linné. J'ai retrouvé en effet des échancrures mandibulaires, assez peu mar- quées il est vrai, chez un grand nombre d'oiseaux de ces groupes où elles n'a voient point été signalées, tels que le paradis sifilet, plusieurs corbeaux proprement dits, un grand nombre de pies, principalement les geais. Dans ce dernier genre, qui me paroît sur-tout lier iutimement les Corvus de Linné aux Lanius (2) , les échancrures sont même presque constantes. Voici donc un groupe ornithologique tout entier dans lequel les échancrures (i) Tome I, p. 877. « Rien ne doit être plus désespérant pour les métho- « distes, ajouta M. Cuvier, que cette différence de bec dans des oiseaux si « semblables. » • (2) Je crois avoir démontré de la manière la plus positive, dans le premier fascicule de mes Études zoologiques, que le groupe des Lanius et celui des Coi^vus sont liés entre eux si intimement qu'on peut à peine les séparer avec quelque précision. CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 867 manclibulaires disparoissent d'une espèce , peut-être même d'un individu à l'autre , et peuvent tout au plus fournir des carac- tères de dernière valeur. J'ai retrouvé aussi un fait analogue dans un autre groupe placé par M. Guvier , comme celui des Corvus , dans le sous- ordre des conirostres ; je veux parler des mésanges, dont vme espèce m'a présenté , du moins dans un individu , une éclian- crure assez distincte. Cette espèce est la mésange de Nanquin. De tous ces faits, je crois pouvoir déduire ces résultats : que les caractères tirés de la présence ou de l'absence des éclian- crures raandibulaires n'ont pas, à beaucoup près, toute l'im- portance qui leur a été attribuée ; et que peut-être dans quel- ques genres ils n'ont pas même une valeur spécifique. Du reste, je suis loin de prétendre que dans d'autres groupes ces caractères ne puissent être employés avec le plus grand avantage pour la distinction et la détermination des genres, ainsi que l'a fait si souvent et si habilement l'illustre auteur du Règne animal. L'observation a en effet dès long-temps appris aux naturalistes que des caractères, constants et vraiment es- sentiels pour certaines familles, deviennent dans d'autres des modifications organiques dépourvues de toute inflvience, fugi- tives presque d'une espèce à l'autre , et ne pouvant plus sei'vir de base à aucune considération. J'ai à peine besoin de dire , en terminant ce paragraphe, que les observations nouvelles, dont je viens de présenter le résumé , ont pour conséquence la nécessité de soumettre à une révision la méthode ornithologique la plus généralement adoptée ; et de lui faire subir de graves modifications en ce qui concerne la classification des passereaux. Nous verrOïjs bientôt que d'autres 368 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. faits tendent également à démontrer la nécessité de ces modi- fications, mais non point du tout, comme l'ont pensé quelques auteurs guidés par des considérations d'un autre ordre, celle de la rejeter ou de la renouveler presque entièrement. Malgré les imperfections que je viens d'être obligé de signaler , malgré celles que Charles Bonaparte a notées de son côté(i), et que pourront aussi relever d'autres zoologistes, la méthode ornitho- logique du Règne animal n'en est pas moins celle qui exprime le mieux les rapports et l'enchaînement naturel des familles; et les progrès futurs de la science exigeront seulement que l'on cherche à faire pour Guvier ce que Guvier a lui-même fait pour Linné, c'est-à-dire à conserver, en perfectionnant, s'il se ijeut, les détails, l'ensemble d'un édifice fondé sur l'apprécia- tion la plus savante des affinités des êtres et la connoissance la plus approfondie de leur organisation. § II. Des caractères' fournis par les organes des sens et par les téguments. Je passerai rapidement sur tous ces caractères, n'ayant que peu de remarques nouvelles à présenter à leur égard. Organes du goût. J'ai eu occasion de signaler dans un autre travail (2) les rapports généraux qui existent entre la confor- mation de la langue et celle de l'appareil dentaire. Ces rapports se retrouvent chez les oiseaux eux-mêmes, malgré les condi- tions toutes spéciales des parties qui chez eux représentent les dents. Il n'est en effet aucune modification , réellement impor- (i) Voyez Tou^rage que ce savant ornithologiste a publié récemment sous le titre à'Osservazioni sulla seconda edizionc del regno animale. {2) Considérations générales sur les mammifères, p. 142 et i43. CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉKÉRIQUES DES OISEAUX. 869 tante, de la langue qui ne coïncide avec une modification re- marquable du bec , et qui par conséquent n'appartienne en propre à une famille ou à un genre particulier. Il me suffit de citer comme exemples les perroquets, les pics, les toucans, les mot-mots et les phénicoptères , tous également cai'actérisés et par les conditions de leur langue et par celles de leur bec. Organes de l'odorat. La forme des narines, leur situation, leur disposition, peuvent presque également fournir de bons ca- ractères. . Quant à la forme, les narines peuvent être rondes, ovales, ou linéaires. En comparant entre eux sous ce rapport un très grand nombre d'oiseaux, on voit que dans le même genre na- turel les narines peuvent être rondes ou ovales, ovales ou li- néaires : mais j'ai constamment trouvé que les genres composés à-la-fois d'espèces à narines rondes et d'autres à narines linéaires, c'est-à-dire présentant les formes diamétralement opposées, étoient établis artificiellement, et dévoient être subdiv-isés. On verra plus bas ces résultats justifiés par quelques exemples. Les différences de situation et de disposition des narines four- nissent, lorsqu'elles sont bien tranchées, de bons caractères, fort anciennement employés dans la science. Aussi me borne- rai-je à insister sur ceux par lesquels Linné et les anciens au- teurs avoient caractérisé d'une manière très heureuse le groupe des Corvus ; groupe très naturel que MM. de Blainville et Tem- minck ont cependant presque seuls conservé dans les nouvelles classifications. Organes de la vue. Le volume du globe oculaire est le seul ca- ractère dont on fasse un emploi utile dans l'état présent de la science , et je n'ai rien à ajouter à son égard : la disposition des Annales du Muséum, t. I", 3' série. 47 370 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. paupières et la forme de la pupille ne me'sont point encore con- nues dans un assez grand nombre d'oiseaux pour que je puisse donner à leur sujet aucun résultat général. Organes de l'oiiie. Ce n'est guère qu'à la classification des oi- seaux de proie noôturnes qu'il est possible d'appliquer quelques caractères déduits de la considération des organes de l'ouïe : mais au moins ces caractères ont-ils dans cette famille une très grande valeur, et j'aurois ici à insister sur eux, si je n'avois déjà dans un autre travail appelé l'attention des ornithologistes sur les modifications, très importantes, mais toujours négligées par eux, que présentent la conque auditive et le disque (i). Téguments. Je ne crois pas nécessaire de démontrer ici, tant ce principe me paroît évident, que des genres ne peuvent être seulement caractérisés par le seul développement soit de quel- ques parties du plumage, soit de quelques parties de la peau. Une multitude de divisions génériques ont cependant été pro- posées à diverses époques d'après de telles modifications des té- guments, et plusieurs ont été admises universellement. Sans insister sur le défaut d'importance de tous ces caractères déduits de l'existence de panaches , de huppes , de caroncules, ne suffit- il pas de remarquer que la caractéristique des genres établis sur de telles bases ne sauroit même dans la plupart des cas conve- nir à une espèce entière , les femelles étant très fréquemment dépourvues, aussi bien que les jeunes mâles, de tous ces orne- ments accessoires? Les caractères déduits , à l'égard des oiseaux de proie noc- turnes, de l'existence ou de l'absence des aigrettes , n'ont réel- (i) Voyez Remarques sur les caractères et la classification des oiseaux de proie nocturnes, dans les Annales des sciences naturelles, octobre i83o. CARACTÈRES^ ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 871 lement pas plus d'importance, quoiqu'on leui' ait véritablement subordonné toutes les modifications que présente dans cette famille remarquable l'ensemble de l'organisation. Les faits pro- noncent ici de la manière la plus positive : non seulement des espèces à aigrettes ont les rapports les plus intimes avec les espèces sans aigrettes ; mais chez la cbouette commune on voit même les aigrettes manquer chez la femelle et exister chez le mâle. Ce dernier se trouve ainsi , d'après les définitions des auteurs, appartenir, non pas au genre dont son espèce est le type, mais tout au contraire au genre Duc, dans lequel il a en effet été placé par la plupart des ornithologistes. La disposition plus ou moins emplumée des pattes , et l'ar- rangement des écailles qui les recouvrent dans la portion nue, sont beaucoup plus importants que toutes les modifications qui précèdent , mais sont loin d'avoir toute la valeur qui leur est attribuée, au moins à l'égard des oiseaux de proie. Chez les nocturnes mêmes, mais chez eux seulement, des oiseaux telle- ment voisins par l'ensemble de leur organisation qu'on pourroit presque les ranger dans la même espèce, ont présenté les plus grandes différences par l'état emplumé ou non emplumé de leurs doigts ou de leurs tarses. Ces oiseaux ont été, pour ce seul motif, séparés en des genres ou sous-genres distincts dont l'un, caractérisé par des nudités moins étendues, se trouve compren- dre les variétés venant du nord, et l'autre, distinct par le ca- ractère inverse, les variétés des pays chauds. Je cileiai comme exemples la chevêche Tengmaln , la chevêche commune et la chevêche brame , toutes trois semblables par l'ensemble de leur organisation, ayant la même taille, présentant les mêmes. cou- leurs, et n'étant évidemment que de légères modifications d'un 372 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. type commun, produites sous l'influence de climats différents. En effet la chevêche Tengmaln, qui vient du nord de l'Europe, est couverte , comme tous les animaux des pays froids , de plumes très molles et très abondantes, et est fourrée, si je puis m'exprimer ainsi , jusqu'aux ongles : la chevêche commune, qui habite l'Europe tempérée, a le plumage moins épais et les doigts couverts seulement de poils et de plumes rudimentaires très clair-semés ; enfin la chevêche brame , qui vient de l'Inde , a même les tarses en grande partie nus. De là, la répartition de ces trois espèces, et l'on pourroit vraiment dire de ces trois va- riétés , dans trois petits sous-genres auxquels on ne pourroit d'ailleurs assigner aucun autre caractère. § III. Des caractères fournis par les ailes. En laissant de côté deux ou trois genres sur lesquels les ano- malies multipliées de leur organisation ont appelé l'attention des zoologistes de tous les temps, les ailes ne présentent guère que deux genres de variations; savoir, des variations de longueur, et des variations de disposition . Tous les ornithologistes ont reconnu que l'importance _des premières est proportionnelle à leur étendue, et ils n'ont jamais manqué, dans la caractéristique des genres, de mentionner la longueur relative des ailes. Les caractères, que fournissent la disposition et la proportion des pennes, n'ont fixé l'attention que plus récemment : on peut dire cependant que leur impor- tance générique est aujourd'hui assez universellement reconnue, et les ornithologistes les plus distingués de notre époque ne man- quent jamais, lorsqu'ils donnent la définition d'un genre, d'y faire entrer l'indication de l'arrangement que présentent chez CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 87 3 lui les pennes alaires. Malheureusement cette indication n'a pas . toujours été donnée avec l'exactitude désirable-, ou plutôt, on peut le dire au moins des travaux d'un très grand nombre d'au- teurs, elle ne l'a véritablement été dans un grand nombre de fa- milles que comme une considération entièrement accessoire, et à laquelle on n'avoit le plus souvent même aucun égard. Aussi verrons-nous qu'un grand nombre des genres établis dans la science comprennent des espèces à ailes établies sur un type, non pas seulement très différent, naais même directement in- verse; d'où il suit que leur caractéristique est devenue extrê- mement inexacte. Les nombreuses erreurs de ce genre que je pourrois signaler dans presque toutes les familles tiennent à deux causes. L'une d'elles est que les ornithologistes, lorsqu'ils ont à classer des oi- seaux nouveaux, se décident trop souvent, d'après .quelques rapports généraux de conformation, quelquefois naême d'après \e faciès , tandis qu'une espèce ne devroit jamais être rapportée à un genre sans que l'on ait constaté, par une analyse rigou- reuse, qu'elle en présente en effet tous les caractères. D'un autre côté , les principales variations de l'aile des oiseaux n'ont peut- être jamais été embrassées, par les ornithologistes proprement dits, sous un point de vue général, et rapportées, comme il im- porte de le faire, à leurs types principaux. J'essaierai ici de rem- plir cette lacune. Lorsque l'on compare entre elles les ailes d'un grand nombre d'oiseaux, on voit qu'elles peuvent présenter une foule de mo- difications, la plus longue penne! pouvant être soit la première ou la seconde, soit la troisième ou la quatrième, soit même la cinquième. Mais, au milieu de toutes ces difféi'ences, il est fa- 374 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. cile de reconnoître deux formes principales , deux types remar- quables dont les conditions peuvent être exprimées par les noms ôiaile aiguë, et à' aile obtuse. Tantôt, en effet, les premières pennes sont les plus longues de toutes; d'où il suit que l'aile, lorsqu'elle est étendue, se termine par un angle très aigu. Chez un très grand nombre d'autres oiseaux, au contraire, les pennes antérieures, et sur-tout la première, étant très courtes, ce sont les pennes du milieu de l'aile qui sont les plus longues, et l'aile est alors comme tronquée : elle se termine par un angle obtus. Ainsi , dans le premier cas, il y a décroissement depuis les pre- mières pennes jusqu'à celles du milieu de l'aile: dans 1« second, il y a accroissement. Chez le plus grand nombre des oiseaux à ailes aiguës, la se- conde penne est la plus longue de toutes, et par conséquent surpasse la première et la troisième égales entre elles ou à-peu- près égales : c'est ce que l'on voit par exemple dans la plupart des oiseaux de proie nobles. Mais deux modifications peuvent se pré- senter : l'une, assez rare, consiste dans l'alongement de la pre- mière penne qui égale ou surpasse la seconde 5 d'où résulte une véritable exagération du caractère de l'aile aiguë ordinaire ; c'est ce qui a lieu par exemple chez les hirondelles, où l'aile peut être dite suraiguë. Il est beaucoup plus commun au contraire de voir la troisième penne s'alonger à l'égal de la seconde, comme chez les vautours , où l'aile par conséquent ne sera plus que sub- aiguë, i f>: uv L'aile obtuse présente également deux modifications sur les- quelles il importe de fixer notre attention. Dans le plus grand nombre des oiseaux qui présentent ce type , la quatrième penne est la plus longue de toutes; ce qui constitue pour nous CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 3^5 l'aile obtuse proprement dite. Mais il est aussi des espèces où la cinquième penne é{>ale ou surpasse la quatrième, ce qui rend l'aile plus obtuse encore que dans les précédents, ou sur-obtuse. Dans d'autres oiseaufx au contraire, et même chez un très g^^and nombre d'espèces, c'est la troisième qui devient égale ou supé- rieure à la quatrième; ce qui rend l'aile sub-obtuse. Les variations de l'aile peuvent donc être rapportées à deux groupes principaux subdivisibles de la manière suivante: exemples: 1. Aile suraiguë. '. . . . Les vrais langrayens, les vrais étourneaux, les colibris, les vraies hirondelles, les sternes, les frégates. 2. Aile aiguë . Les vrais faucons, les balbuzards. 3. Aile sub-aiguë Le gypaète, plusieurs autres oiseaux de proie, et un grand nombre de passereaux. 4. Aile sub-obtuse. . . . Les brèves, les vrais kakatoès. 5. Aile obtuse. ..... Les aigles, et la plupart des oiseaux de proie dits ignobles; un grand nombre de gallinacés. 6. Aile sur-obtuse. . . . Les geais, les coqs-de-roche, la lyre, les tou- racos, çt un grand nombre de gallinacés. t " "'■ Il est à peine besoin de remarquer que ces six formes sont , dans ce tableau synoptique, classées dans un ordre tel, que cha- cune d'elles diffère peu, soit de celle qui la précède, soit de celle qui la suit, et fait le passage de l'une à l'autre. Les for- mes extrêmes diffèrent au contraire considérablement, puis- qu'elles ne sont pas seulement diverses, mais inverses. Aussi jjourroit-on établir à -priori que la différence d'une forme à celle qui la suit immédiatement ne suffit paS pour produire une différence notable dans le vol, tandis qu'il en est tout au- trement, si Ton compare entre elles deux formes placées, dans Syô CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. nôtre tableau synoptique, à quelque distance l'une de l'autre. C'est en effet ce qui résulte de la manière la plus positive des belles observations d'Huber de Genève sur les oiseaux em- ployés en fauconnerie, et des distinctions établies, par cet il- lustre naturaliste, entre les rameurs ou espèces de haut vol, qui ont les ailes aiguës, et les voiliers ou espèces de bas vol, qui ont les ailes obtuses. Il est également facile de prévoir h priori que dans le même genre pourront se présenter de légères variations dans la confor- mation des ailes, mais jamais des différences assez importantes pour modifier le vol d'une manière bien sensible. C'est encore ce que l'observation confirme et démontre. La révision à laquelle j'ai soumis, pour éclairer ce point important de rornithologie, une multitude de genres de divers ordres, et notamment tous les oiseaux de proie, m'a fovirni précisément les résultats que j'en attendois, et m'a même permis d'en donner l'expression la plus précise par les propositions suivantes. Deux formes voisines peuvent se trouver réunies dans les mêmes genres; encore n'en est-il pas ainsi dans les genres qui, de l'aveu de tous les ornithologistes, sont éminemment naturels. Il n'est au contraire aucun genre basé sur une ressemblance évidente de l'ensemble de l'organisation, aucun genre vraiment naturel , où l'on observe à-la-fois des formes d'ailes assez diffé- rentes pour n'être pas placées immédiatement à la suite l'une de l'autre. Ainsi des espèces à ailes aiguës sont quelquefois congénères d'espèces à ailes soit suraigiiës, soit sub-aiguës, mais jamais despèces à ailes obtuses, et réciproquement. De même, des espèces à ailes sub-obluses sont congénères d'espèces à ailes CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 877 soitsub-aiguës, soit obtuses, mais jamais d'espèces à ailes soit sur-obtuses, soit aiguës ou suraiguës. Ce n'est pas que, dans plusieurs genres ornithologiques , tels qu'ils ont été établis par les auteurs, on ne trouve assez fréquem- ment réunies des espèces très différentes par leur système alaire, et quelquefois même, comme nous le vei-rons, des espèces à ailes suraiguës, et d'autres à ailes obtuses. Mais , dans tous les cas où il en est ainsi, la nécessité de subdiviser est facile à dé- montrer, même en laissant de côté les importants caractères que présente l'appareil du vol : car, avec ceux-ci, coïncident constamment de nombreuses modifications, soit du bec et des organes des sens, soit des pieds, soit même le plus souvent des uns et des autres à-la-fois. C'est ce que je rendrai de toute évi- dence dans la -dernière section de ce Mémoire, par l'établisse- ment de plusieurs de ces genres confondus jusqu'à présent dans des groupes dont ils n'avoient pas même quelquefois les carac- tères les plus essentiels. § IV. ■ Des caractères fournis par les pieds. Les modifications des pieds sont extrêmement nombreuses et variées dans la série ornithologique, mais presque toutes bien connues et utilisées de tout temps pour la classification. Aussi, n'insisterai-je que sur un seul point, la disposition des doigts, qui ne me paroît pas encore avoir été suffisamment étudiée sous un point de vue général. Disposition des doigts. Sur les quatre doigts des oiseaux, que je désignerai, selon l'usage, sous les noms di interne , de médian, ^externe et àe pouce, il en est deux, l'externe et le médian, dont l'existence est constante; deux, l'interne et le pouce, qui peu- Jnnales du Muséum, t. I", 3" série. 4^ 378 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. vent manquer, soit ensemble , ce qui n'a lieu que chez l'autruche, soit séparément. L'interne, lorsqu'il existe, et le médian sont constamment, l'externe le plus souvent, et le pouce très rarement, dirigés en avant. Toutefois les martinets ne sont pas les seuls, comme on l'a dit si souvent, qui présentent ce dernier caractère, le pouce étant chez la plupart des pelecanus de Linné, aussi bien que chez ces derniers, dirigé, sinon complètement en avant, au moins en dedans. Le pouce est constamment distinct des avitres doigts dans la presque totalité de sa longueur. Il en est de même du doigt in- terne, si l'on excepte les jacamars, mais non du médian et sur- tout de l'extei-ne, dont les conditions, très variables, et pouvant fournir de nombreux et excellents caractères, doivent être étu- diées avec soin. Ce dernier doigt peut présenter quatre dispositions, dontl'une, très remarquable en ce qu'elle fait le passage de la première aux deux dernières, a complètement échappé à la plupart des orni- thologistes, et n'a été indiquée que très légèrement par les au- tres. La plus commune, et l'on pourroit dire la plus régulière, est celle où le doigt externe bien distinct dans la presque totalité de sa longueur est dirigé en avant comme l'interne, et sensi- blement de même longueur que lui. Cette disposition, qui rend le pied très symétrique, se retrouve environ dans les neuf dixièmes de la série ornithologique (i). (i) Le pied est de même symétrique chez quelques oiseaux tridactyles, et chez plusieurs de ceux qui ont deux doigts en avant et deux en arrière. On peut donc dire que l'immense majorité des oiseaux a le pied symétrique et régulier, et que la forme asymétrique, irrégulière que présente le pied dans CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 879 Le cas le plus rare de tous est au contraire celui où le doigt externe, conservant la même disposition générale, devient beau- coup plus long que l'interne •, caractère que j'ai trouvé chez les picucules, et dans tous les genres qui se trouvent liés avec eux par des rapports vraiment intimes. Enfin on voit chez d'autres oiseaux le doigt externe, tout en conservant la même conformation générale et les mêmes pro- portions que chez les picucules, présenter deux dispositions très différentes l'une de l'autre, c'est-à-dire se diriger en arrière, comme chez les perroquets et les pics, ou bien se souder dans une grande partie de sa longueur avec le doigt médian. De ces deux dispositions, la première a valu aux oiseaux qui la présen- tent le nom de Zygodactyles , la seconde le nom de Syndactyles. quelques autres, est exceptionnelle, et constitue en quelque sorte une dé- viation du type essentiellement normal. Cette remarque peut être rendue beaucoup plus générale. Par exemple, eii passant en revue la série des mam- mifères, on trouvera que les huit dixièmes environ sont établis sur l'un des types suivants, types tous également réguliers et symétriques : 1° Cinq doigts dont le médian est le plus long, le second et le quatrième plus courts, les deux extrêmes plus courts encore. 2° Quatre doigts dont les deux médians plus longs, les deux extrêmes plus courts. 3° Trois doigts dont le médian plus long, les deux latéraux plus courts. 4" Deux doigts égaux. 5° Un seul doigt symétrique : d'où il suit que l'extrémité du membre peut presque tou- jours être divisée par un axe longitudinal en deux moitiés analogues entre elles. Ce fait général, qui n'a point encore été établi, est un des nombreux exemples par lesquels je crois pouvoir démontrer de la manière la plus com- plète ce que j'ai nommé ailleurs la loi de parité, et établir qu'une tendance très marquée à la symétrie se manifeste également dans toute la série zoolo- gique (même parmi les êtres regardés comme les plus asymétriques), soit à l'égard des animaux eux-mêmes, soit à l'égard de leurs organes. Voyez à ce sujet mon Histoire générale des anomalies, tomel, pag. 459 et 460. 38o CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. La modification qui caractérise les zygodactyles a-t-elle une impoi'tance de beaucoup supéiùeure à celle qui caractérise les syndactyles? En d'autres termes, les faits confirment-ils l'opi- nion d'un grand nombre d'auteurs, et de M. Guvier lui-même, qui établissent pour les zygodactyles un ordre à part, et qui ne font des syndactyles qu'une simple division de l'ordre des passereaux ; division qu'ils placent sur le même rang que le groupe des ténuirostres ou celui des fissirostres? Je ne puis ici démontrer, comme je crois avoir réussi à le faire dans le cours d'ornithologie du Muséum, en plaçant à-la-fois un grand nom- bre d'oiseaux sous les yeux de mes auditeurs, que le groupe des zygodactyles et celui des syndactyles forment deux séries paral- lèles, presque entièrement composées de genres réciproquement analogues (i ) 5 mais je crois du moins pouvoir établir que ces deux (i) Cette proposition n'est point du tout, comme elle peut le paroître au premier aspect, en contradiction avec ce que je dis plus bas de la nécessité de placer les zygodactyles à la tête des passereaux. Les diverses espèces d'un genre, les divers genres d'une famille, les diverses familles d'un ordre, et de même encore les divers ordres d'une classe (et il en seroit encore ainsi des groupes d'un rang plus élevé), forment presque constamment, d'après des recherches que j'ai déjà pu étendre à quatre classes (les trois premières des vertébrés et les crustacés), des séries manifestement parédlèles à celles qui ks précèdent et à celles qui les suivent, comprenant des êli-es fort ana- logues à ceux que renferment celles-ci, mais étant cependant dans leur ensemble inférieures aux premières , supérieures aux secondes. La série supérieure et l'inférieure ont en effet, si je puis employer cette expression de la langue des mathématiciens , beaucoup de termes communs. Mais les premiers termes de la série supérieure n'ont point d'équivalents dans l'in- férieure, et les derniers de l'inférieure sont également sans analogues dans la supérieure. Ainsi (et peut-être ces idées un peu abstraites paroîtroient-elles moins CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 38 1 groupes sont égaux entre eux en importance, et doivent tenir le même rang dans la classification, la valeur de l'un d'eux, les zygodactyles, ayant été exagérée, et celle de l'autre, lessyndac- tyles, appréciée au contraire beaucoup trop bas. Et d'abord , quant aux zygodactyles, le caractère qui les réunit a-t-il une grande importance? Change-t-il essentiellement en grimpeurs tous les oiseaux qui le présentent? Non, sans doute, puisque un très grand norabi^e de zygodactyles ne grimpent pas, mais sautent et se perchent à la manière des passereaux ordi- naires, et que, d'un autre côté, un grand nombre de passe- reaux ordinaires grimpent tout aussi bien que les perroquets et les pics. Ce caractère est-il au moins bien tranché? Les oiseaux qui le présentent diffèrent-ils beaucoup de ceux qui ne le présentent pas? C'est encore ce qui n'a pas lieu. J'ai déjà fait remarquer, obscures exprimées sous cette forme), si la première série est représentée par les lettres a, b, c , d, e (la lettre a indiquant les êtres les plus élevés en organisation, et e, celles qui sont placées le plus bas dans lecbelle ani- male), la seconde le sera par b, c, d, e, f, la troisième parc, d, e, f,g, et ainsi de suite. Il est évident que ce seront là autant de séries, se compo- sant en partie de termes communs et pouvant être dites parallèles, mais auxquelles on peut cependant assigner des rangs inégaux, puisque chacune d'elles s'élève moins haut et descend plus bas vers, celle qui la précède. Je me propose de revenir dans un Mémoire spécial sur ces idées, que je ne puis ici qu'indiquer d'une manière sommaire, presque incomplète et par cela même obscure, mais qui me paraissent pouvoir être élevées au plus haut degré de généralité et conduire dans un grand nombre de cas à l'ap- préciation la plus exacte et la plus nette des rapports naturels des espèces, des genres, des familles, des classes, et même des embranchements com- parés. 382 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. en effet, que les picucules, si voisins des pics par l'ensemble de leur organisation, leur ressemblent encore par la conformation générale de ce doigt externe lui-même qui fournit le caractère différentiel. Tout le monde sait d'ailleurs que dans plusieurs genres le doigt externe peut à la volonté de l'oiseau se porter en avant ou en arrière: et cela a lieu, non pas seulement chez les touracos et les musophages, dont les rapports naturels sont si incertains, mais aussi chez plusieurs oiseaux de proie nocturnes. Ajoutons enfin qu'il y a sans aucun doute, entre les perroquets et les zygodactyles ordinaires, beaucoup plus de différences essentielles qu'entre ceux-ci et le reste des passereaux, ainsi que l'ont établi déjà M. de Blainville, et plusieurs autres zoologistes distingués. Il est donc bien évident que la rétroversion du doigt externe est loin d'avoir toute l'importance qu'on lui a attribuée; qu elle n'indique, entre les êtres oii on l'observe, ni une conformité générale d'organisation, ni une analogie de mœurs et d'habi- tudes, et par conséquent ne peut en aucune façon caractériser un ordre. La valeur que l'on a attribuée au groupe des syndactyles n'est-elle pas au contraire trop foible ? Ne surpasse-t-elle en rien celle des autres divisions établies parmi les passereaux, c'est-à- dire les ténuirostres, les conirostres, les fissirostres, et les den- tirostres? Cette dernière question étant ainsi posée, je ne crois pas qu'il soit possible d'hésiter même un seul instant sur sa so- lution. Tout le monde sait que'les conirostres et les ténuirostres passent les uns aux autres, notamment par les merops, upupaet paradisœa, de Linné; et les uns et les autres, de même que les fissirostres, n'ont jamais été distingués d'une manière précise' CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 383 des dentii'ostres que par le défaut d'échancrures au bec. Or nous avons montré plus haut que l'absence des échancrtires n'est pas, comme on l'avoit pensé, un caractère général pour les coniros- tres, et nous avons par conséquent établi à l'avance l'impossi- bilité de circonscrire nettement le groupe des dentirostres, par rapport aux sous-ordres sviivants. J'ai à peine besoin d'ajouter que les syndactyles forment au contraire une division bien mieux tranchée, soit que l'on ait égard spécialement au carac- tère tiré de la disposition de leurs doigts, soit que l'on consi- dère l'ensemble de leur organisation et de leurs habitudes. Ces considérations, et beaucoup d'autres que j'invoquerois à leur appui, si je ne les croyois véritablement superflues, en mé montrant dans les syndactyles un groupe d'un rang très supé- rieur à celui qui leur avoit été attribué, me conduisent à pro- poser un autre changement dans la classification de M. Cuvier. La série ornithologique nous offre quelques exemples de genres remarquables en même temps par la soudure partielle de leurs doigts externe et médian et par leur bec échancré ; en d'autres termes, à-la-fois syndactyles et dentirostres. A quel groupe de tels oiseaux devront-ils être rapportés? Faudra-t-il les placer parmi les syndactyles ou les ranger parmi les dentirostres ? Sub- ordonnant implicitement le caractère de la soudure des doigts à celui de l'existence des échancrures raandibulaires, M. Cuvier, et presque tous les ornithologistes, même ceux qui ont généra- lement suivi d'autres principes de classification, ont adopté la première opinion. Les considérations que j'ai présentées plus haut, et qui me font voir dans la soudure de deux doigts un caractère supérieur en importance à l'existence de petites échancrures au bec, m'obli- 384 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. gent, au contraire, d'adoptei" la seconde que j'ai été assez heureux pour voir confirmer tout récemment de la manière la plus posi- tive par la découverte de l'Eurycère (i). Ce genre remarquable lie en effet dune manière intime, comme l'indique son nom, les bucerosde Linné, ou les calaos, avec les eurylaimes, l'un de ces groupes de syndactyles à bec échancré que l'on a placés parmi les dentirostres. Mais il y a plus encore. Les bords de la mandi- bule supérieure de l'Eurycère présentent une échancrure large et obtuse, qui, par sa disposition et son étendue, tient exac- tement le milieu entre ce qu'on observe, d'une part chez les pipra et les eurylaimus, et de l'autre, chez plusieurs espèces à'alcedo, formant aujourd'hui de petits sous-genres, entre autres chez le choucas et chez le dacelo macrorhinus de MM. Lesson et Garnot. Les premiers ont en effet des échancrures semblables à celles de la plupart des passereaux insectivores; encore celles des eurylaimes commencent-elles à être peu marquées et ob- tuses. Chez les seconds, au contraire, les bords des mandibules présentent de chaque côté une sinuosité profonde, un enfonce- ment que la connoissance que nous avons maintenant de l'Eu- rycère nous conduit à regarder, quelque différent qu'il en pa- roisse au premier aspect, comme une échancrure, à la vérité modifiée d'une manière remarquable, et devenue extrêmement obtuse. Les applications que Ion peut faire des remarques précé- dentes à la classification des oiseaux, et que j'ai déjà tentées en partie, sont très nombreuses. Dans l'impossibilité où je suis de (i) C'est à M. Lesson qu'est dû rétablissement de ce genre. Voyez sa Centurie zoolocjique. CÀKACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 385 les iudiquer toutes ici (ce qui me conduiroit à remanier dans son entier la classification ornithologique , et m'entraîneroit ainsi dans un travail pour l'exécution duquel je n'ai point encore réunidesmatériauxassez nombreux), je me bornerai à indiquer les principaux résultats que j'ai obtenus en ce qui concerne les passereaux ; résultats que je crois pouvoir présenter comme des corollaires rigoureusement déduits des faits et des remarques qui précèdent. 1° Le groupe des zygodactyles ou grimpeurs ne constitue pas un ordre distinct, et doit être réuni aux passereaux. 2° L'ordre des passereaux se partage naturellement en trois grandes sections ou sous-ordres , caractérisés de la manière suivante : Â. Doigt externe (i) dirigé en arrière Les Zygodactyles. B. Doigt externe dirigé en avant et soudé. ..... Les Syndactyles. C. Doigt externe dirigé en avant et libre Les Déodactyles (a). 3° Ces sous-ordres, comprenant tous un grand nombre de (i) Les auteurs définissent ordinairement les zygodactyles des oiseaux ayant deux doigts en avant et deux en arrière. Cette définition est à-peu-près équivalente pour la plupart des cas à celle que je donne ici; mais elle est très inexacte à l'égard de plusieurs genres tridactyles que l'ensemble de leurs rapports place parmi les zygodactyles. La caractéristique que je donne ici est au contraire constamment applicable. (2) Je suis obligé d'employer ici un nom nouveau, qui, au reste, exprime bien le caractère du groupe auquel je l'applique, et est en parfaite analogie avec les autres termes consacrés par l'usage. Le mot déodactyle, dœodactylus, est %n effet formé des mots AâxTu^oç, doigt, et Aatu, je divise (doigts divisés). Il correspond donc au mot Jissidactyle qu'un savant ornithologiste a récem- ment proposé, mais que le vice de son étymologie ne permet pas d'admettre. Annales du Muséum, t. I", 3' série. 49 386 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. {jjenres, pourront être et seront utilement subdivisés en grou- pes secondaires ; groupes qui malheureusement seront toujours peu distincts et mal limités. Ainsi les syndactyles pourront être partagés en dentirostres et non dentirostres ; les déodactyles en dentirostres, fissirostres, conirostres et ténuirostres, et ces dernières subdivisions, malgré l'impossibilité où l'on sera tou- jours de leur assigner des caractères bien précis, seront même extrêmement utiles, en raison du nombre immense de passe- reaux qui appartiennent au groupe des déodactyles. 4° L'ordre, suivant lequel je viens de ranger les trois divisions primaires des passereaux, me paroît prescrit par l'ensemble des rapports naturels. La première de ces trois subdivisions com- prend en effet les perroquets que la conformation générale de leur bec, la cire qui enveloppe la base de leur mandibule supé- rieure, les conditions générales de leur système nerveux, et la conformation de plusieurs parties importantes, lient avec les oiseaux de proie, parmi lesquels se trouvent d'ailleurs, ainsi que je l'ai fait remarquer plus haut, plusieurs espèces à doigt externe versatile. D'un autre côté, ceux des déodactyles qui sont le plus essentiellement granivores, tels que la plupart des conirostres de M. Guvier, terminent très heureusement, ce me semble, la grande série des passereaux, et la lient aux gallinacés, dont les alouettes prennent même, avec le régime diététique, les for- mes générales, le port, le système de coloration, et jusqu'aux habitudes. SEGPP.N IL DÉTERMINATION DE PLUSIEURS GENRES NOUVEAUX. Il me reste à faire l'application des remarques qui précèdent GENRE LOPHOTE. 387 à la détermination de quelques nouveaux genres, établis pour la plupart sur des espèces anciennement, mais imparfaitement connues. Je reviendrai aussi sur un genre dont plusieurs carac- tères importants, et principalement ceux que fournissent les organes du vol, avoient été omis jusqu'à présent. I. LOPHOTE, Lophotes. LeSSON. Caractères. Bec assez court et très crochu, enveloppé à sa base d'une cire étroite inférieurement, plus étendue sur la face dorsale du bec. Narines linéaires, étendues obliquement de haut en bas et d'avant en arrière. Point de nudité autour de l'oeil. Mandibule supérieure beaucoup plus longue que l'inférieure, très crochue, triangulaire, ayant l'arête supérieure très marquée, et présentant de chaque côté, sur son bord inférieur, deux petites dents triangulaires, aiguës, dont les pointes sont dirigées un peu en avant. Tarses courts, emplumés dans leur moitié supérieure, nus et réticulés inférieurement. . . Queue longue, carrée. Ailes longues, atteignant presque son extrémité, sub-obtuses , la première penne étant très courte, la seconde plus longue, la troisième et les deux suivantes beaucoup plus longues encore. Observations. Ce genre ne comprend qu'une seule espèce , découverte sur la côte de Coromandel par M. Leschenault, et généralement connue sous le nom de Falco Lophotes. M. Cuvier qui a donné le premier la détermination de cet oiseau, M. Tem- minck qui l'a décrit et figuré avec soin , et presque tous les autres ornithologistes l'ont en effet rapporté au genre Faucon, n'ayant pas porté leur attention sur les caractères si importants, mais presque toujours négligés, que fournissent les organes du vol. Le Falco Lophotes est d'ailleurs tellement distinct, que M. Lesson, quoique n'ayant pas non plus connoissance de la conformation particulière des ailes de cet oiseau, et omettant par conséquent 388 GENRE PHODILE. le caractère qui l'isole le mieux des faucons, l'a érigée récem- ment(i) en un sous-genre, en lui donnant spécifiquement le nom d' Indiens. . II existe au Brésil un autre oiseau bidenté, long-temps con- fondu avec les faucons sous les noms de Falco Bidentatus ou Falco Diodon. M. Lessbn a de même érigé, et avec beaucoup de raison, ce dernier en un sous-genre qu'il a nommé Diodon; sous-genre qui au surplus avoit déjà été établi sous le nom de Bidens par Spix, et sous celui d'Harpagus par M. Vigors. Cette séparation est aussi motivée que celle du Falco Lophotes; car le Falco Diodon est de même bidenté , et j'ai constaté qu'il a aussi les ailes sub-obtuses. C'est donc un fait général que tousles vrais faucons sont unidentés, et ont les ailes aiguës; tandis que les espèces bidentées que les auteurs avoient rapportées à tort, au genre Faucon, ont les ailes sub-obtuses. Les caractères qui d'ailleurs distinguent entre eux les deux genres de bidentés sont bien tranchés, le genre indien différant à-la-fois du genre américain par la forme très caractéristique de son bec et de ses dentelures mandibulaires (celles du Falco Diodon sont extrême- ment obtuses), par ses ailes plus longues, enfin par ses tarses courts, réticulés ( et non écussonnés), et beaucoup plus em- plumés. II. PHODILE , Phodilus. NOB. Je ne rappelle ici ce genre déjà établi ailleurs (2) que comme un exemple remarquable de l'importance des caractères, pres- (i) Voyez le Traité d'ornithologie. (2) annales des sciences naturelles, octobre i83o. GENRE ARTAMIE. 38g que toujours négligés, que fournissent les organes du vol. II a en effet pour type un oiseau de proie nocturne à bec en partie droit, le 'Galong, qui avoit été rapporté au genre Ef- fraie, quoique les ailes soient aiguës dans ce genre et obtuses chez le Galong. J'ai trouvé, comme je devois m'y attendre, que de grandes différences dans la conformation de tous les autres organes, et sur-tout de la tête et de l'appareil de l'ouïe, con- firment la séparation du genre Pliodile. J'ai depuis déterminé dans cette même famille deux genres d'oiseaux de proie dont j'ai exposé les caractères dans des leçons ornitliologiques, faites cette année même au Muséum; mais je suis obligé de les passer ici sous silence , l'histoire des Strix à bec courbé dès sa base étant dans un tel état de confusion qu'il est absolument impossible d'établir de nouvelles divisions dans ce groupe, sans le soumettre tout entier à une révision qui ne peut trouver place dans ce Mémoire. III. Art AMIE, Artamia (i). NOB. Voici encore un exemple du peu d'attention que l'on a donné à la considération des organes du vol. Ce nouveau genre est établi sur une espèce à ailes obtuses et assez courtes , que tous les ornithologistes rapportent au genre Ocypterus , dont le ca- ractère essentiel consiste, ainsi que l'indique son nom, dans des ailes aiguës et très longues. On va voir d'ailleurs que la sépara- tion du genre Artamia est confirmée par des différences remar- (i) J'emploie pour ce genre (démembrement des Langrayens), mais avec ime modification qui préviendra torute erreur, le mot artamus que M. Vieillot avoit proposé pour le genre Langrayen (déjà établi sous un autre nom), et qui n'a point été adopté par les ornithologistes. 3go GENEE PHILÈSTURWE. quables dans la forme du bec, qui est beaucoup plus long et moins conique que celui des vrais Ocypterus , et qui est pourvu d'une échancrure et d'un crochet terminal bien plus marqués. La queue de l'Artamie est également beaucoup plus longue, ses tarses plus courts, et son système de coloration, de même que sa taille, sont très différents. Caractères. Bec alongé, non renflé à sa base, triangulaire, à arête bien marquée. Mandibule supérieure un peu arquée, terminée par un crochet bien prononcé, et présentant une écbancrure très distincte. Mandibule in- férieure présentant aussi de chaque côté une petite échancrure. Narines percées à la base du bec, et comparables à des triangles de forme alongée, ayant leurs sommets en avant. Tarses courts, écussounés. Ongles comprimés, de longueur moyenne. Queue longue, carrée. Ailes moyennes, se terminant au niveau de la moitié de la queue , et obtuses. OrservatiONS. L'espèce type de ce genre est le Langrayen sanguinolent, Ocypterus sanguinolentus , Tem. pi. 499 5 '^^1 comme nous l'appellerons, l'Artamie sanguinolente, Artamia sanguinolenta. Cet oiseau, assez remarquable par la disposition de ses couleurs, est tout entier d'un noir brillant avec une tache d'un rouge ponceau au milieu de la poitrine et du ventre , et une autre de même couleur, mais plus petite, au bord des cou- vertures supérieures de l'aile. Sa taille est celle d'un merle. IV. PhILÈSTURNE, Philesturnus (i). NOB. Ce genre est établi sur une espèce que la plupart des auteurs modernes rapportent aux troupiales ou aux carouges, mais qui ~s (i) Ce nom indique les rapports que le Philèsturne présente tout-à- la-fois avec les Philédons et avec les Étourneaux. GENRE PHILÈSTUEISE. 3gi me paroît plus voisine des étourneaux, qu'elle lie véritablement avecles philédons : c'est le Sturnus carunculatus de Latham, et l'une des espèces de ce genre Creadion, où M. Vieillot avoit réuni plusieurs oiseaux, n'ayant de commun entre eux que l'existence de caroncules de diverses formes. Caractères. Bec plus long que la tête, comprimé sur-tout supérieure- ment, non échancré, presque droit; la mandibule supérieure étant si légè- rement arquée que la courbure est à peine sensible. Pointe du bec obtuse et arrondie. Mandibule supérieure entamant les plumes du front par un prolon- gement ayant la forme d'une lame étroite, plane, et qui occupe aussi toute la longueur de la mandibule. Plumes du front avançant assez loin sijr'les côtés de cette lame, et se portant jusqu'aux- narines qu'elles recouvrent en partie, et qui sont des trous de forme alongée, irrégulière. Langue bifurquée et ciliée (d'après des observations inédites de MM. Quoy et Gaimard ). Tarses alongés, nus, écussonnés. Queue assez longue, un peu arrondie. La tige de chacune de ses pennes se prolongeant , mais de très peu, au-delà des barbules évidemment usées à l'ex- trémité. Ailes courtes, dépassant peu l'origine de la queue, sur-obtuses; leurs pennes croissant par une progression assez rapide depuis la première jusqu'à la quatrième qui elle-même le cède un peu en longueur à la cinquième. Observations. Ce genre, très bien caractérisé par ses ailles courtes et obtuses, par son bec qui diffère à plusieurs égards de celui d'un étourneau ou d'un troupiale, par son /aaes et par sa langue ciliée, l'est en outre quelquefois par la présence de deux caroncules sub-maxillaires, qui, d'après les observations de MM. Quoy et Gaimard, paroissent n'exister que temporaire- ment. Quant aux caractères spécifiques du iSfuniMS, ou, comme je propose de le nommer, du Philesturnus Carunculatus , je ne puis mieux faire que de renvoyer à la Zoologie de la Coquille, et à 392 GENRE PICERTHIE. celle de l'astrolabe, les naturalistes des deux dernières grandes circumnavigations ayant également observé ce singulier oiseau à la Nouvelle-Zélande, et publié sur lui des détails pleins d'in- térêt. V. PiCERTHIE, Picerthia (i). NOB. Caractères. Bec grêle, comprimé, assez long, non échancré, sensiblement arqué dans sa seconde moitié : mandibule supérieure dépassant un peu l'in- férieure. Narines percées à la base du bec , et exactement linéaires. Tarses assez alongés , nus, écussonnés. Doigt médian aussi long que le tarse. Queue de longueur moyenne, arrondie à son extrémité. Tiges des pennes caudales grêle.'; et prolongées au-delà de la portion barbulée. Ailes courtes, dépassant de peu l'origine de la queue , obtuses. Observations. Le type de ce genre est une espèce déjà in- diquée par M. Lesson (2), sous le nom de Fournier Saint-Hilaire. C'est en effet près des Fourniers que devront être placées les Picertliies , très distinctes d'ailleurs de ces derniers par leui's ailes plus courtes, et établies sur un autre type, par la forme un peu différente de leur bec , par la disposition singulière de leur qvieue , et par leurs narines linéaires. Le système de coloration de la seule espèce connue est lui- même assez différent de celui des vrais Fourniers. La Picerthia Hilarii a en effet le dessus du corps d'un brun roussâtre, la queue noirâtre , et le dessous du corps d'un brun écaillé de (i) Ce nom est relatif à la conformation particulière de la queue qui donne à notre nouveau genre, subdivision des certhia de Linné, des rapports avec les pies et les picucules. (2) Voyez son Traité d'ornithologie, GENRE UPUCERTHIE. 89 3 blanc, sur-tout à la poitrine et à la gorge, où les plumes, en grande partie blanches , sont bordées et comme encadrées de brun. Enfin une tache blanche alongée, placée de chaque côté, au-dessus de l'œil, et comparable, par sa disposition, à un sour- cil, achève de caractériser spécifiquement la Picerthie Saint- Hilaire. Cette espèce remarquable habite le Brésil, où elle a été découverte par M. Delalande, et retrouvée depuis par M. Au- guste de Saint-Hilaire , dont elle porte le nom , par M. Ménestrier, et par plusieurs autres voyageurs. VI. UPUCERTHIE, Upucerthia. NOB. Ce genre, voisin comme le précédent, des Fourniers, offre aussi des rapports assez intimes avec les pomatorhins et avec quelques autres des genres que Lînné réunissait , sous le nom de Certhia. D'un autre côté son bec est peu différent de celui des huppes, en sorte que l'Upucerthie unit entre eux, par un lien de plus, le groupe des certhia, auquel il appartient essentiellement, avec celui des upupa. Ce sont ces rapports que j'ai cherché à rappeler par le nom que je propose pour ce genre. Caractères. Bec très long, assez comprimé, mais peu élevé, arqué, non échancré. Mandibule supérieure présentant supérieurement sur toute sa lon- gueur une surface convexe , à bords parallèles , étroite , entaillant un peu les plumes du front. Narines basales , latérales, de forme alongée et irrégulière, non recou- vertes par des écailles, mais bornées en arrière par les plumes du. front qui s'avancent un peu sur les côtés du bec. Tarses assez courts, nus, couverts de grands écussons. Doigts antérieurs assez courts et terminés par des ongles moyens : le médian avec son ongle est un peu moins long que le tarse. Pouce aussi court que le doigt interne , mais terminé par un cngle comprimé , aigu , arqué, égal en longueur à tout le reste du pouce. Annales du Muséum, t. I", 3' série. 5o 394 GENRE UPUCERTHIE. Queue un peu arrondie, les douze pennes étant garnies de barbules sur toute leur longueur : leurs tiges, qui ainsi ne sont pas prolongées comme dans les deux genres précédents, sont d'ailleurs assez épaisses et fortes. Ailes courtes, dépassante peine l'origine de la queue, sub-obtuses, la pre- mière penne étant très courte, et suivie de quatre pennes sensiblement égales enti'e elles, et les plus longues de toutes. Observations. Ce genre, qui appartient comme les Fourniers et les Picertliies , à l'Amérique méridionale , et qui semble y re- présenter les pomatorhins, se distingue très bien de ceux-ci, outre plusieurs autres caractères, par ses narines non recou- vertes de grandes écailles, et par le peu de hauteur de leur bec. D'un autre côté, la grande longueur du bec, à laquelle on peut ajouter la composition tout-à-fait spéciale de l'aile, et plusieurs autres différences , ne permettent de le confondre, ni avec les Fourniers, ni sur-tout avec nos Picertliies. Je ne connois encore dans ce genre qu'une seule espèce dé- couverte en Patagonie , par M. d'Orbigny , et à laquelle ce savant voyageur et moi donnons le nom spécifique de Dumetaria. Elle vit en effet constamment dans les lieux couverts de petits buis- sons, cherche les insectes, dont elle fait sa nourriture, au milieu des herbes et des branches des petits arbustes, perche peu, ne pénétre jamais dans les bois, mais vient fréquemment dans le voisinage des habitations, et pénètre même quelquefois dans les maisons (i). Les caractères spécifiques de l'Upucerthie des buissons peuvent être exprimés de la manière suivante : plumage géné- (i) Je trouve ces renseignements sur les mœurs de l'Upucerthie dans des notes que M. d'Orbigny a bien voulu m'adresser. C'est aussi d'après ce savant et courageux voyageur que j'indique la couleur des yeux et celle des tarses. GENRE ALCÉMÉROPE. 895 ralement brun ; pennes de la queue nolrâtTres en dessous , les trois premières de chaque côté ayant leur extrémité d'un fauve clair en dehors : une tache alongée , en forme de sourcil , et de couleur fauve, au-dessus et en arrière de chacun des yeux; toutes les pennes de l'aile, excepté les trois premières , rousses à leur origine , d'où résulte une grande tache visible seulement quand l'aile est étendue ; une tache étendue d'vm blanc sale au milieu du ventre. Gorge blanche écaillée de noir 5 poitrine cou- verte de plumes dont la base est fauve et tout le bord brun. Bec et pieds bruns, yeux d'un brun foncé. VII. ALCÉMÉROPE, Jlcemerops. NOB. Ce genre a pour type un des plus beaux oiseaux de Java , le Merops amictus, décrit et très bien figuré par M. Temminck, dans ses planches coloriées (pi. 3io), et que possèdent aujour- d'hui plusieurs des grands Musées de l'Europe. Cet oiseau, pré- sentant des dimensions de beaucoup supérieures à celles de tous les autres guêpiers, j'avois été conduit, par les résultats de mon travail général sur les lois des variations de la taille (i), à penser qu'il devoit présenter quelques différences génériques , et con- stituer au moins, parmi les guêpiers, un sous-genre et une sec- tion. J'ai eu la satisfaction de voir ces prévisions pleinement justifiées par le nouvel examen que j'ai" fait du Merops amictus (i) Ce travail, dont de nombreuses analyses ont été publiées dans les prin- cipaux recueils scientifiques et dans plusieurs journaux, et dont j'ai donné moi-même un extrait étendu dans mon Histoire générale des anomalies de l'organisation, tomel, va paroître en entier dans le troisième volume du recueil publié par l'Académie des sciences, sous le litre de Mémoires des savants étrangers. 3 96 GENRE PICULE. et qui m'a montré dans cet oiseau le type non seulement d'un sous-penre, mais même d'un genre bien distinct. Ses ailes sont établies en effet sur un type précisément inverse de celui qui distingue les guêpiers; ses narines sont disposées autrement, et son bec présente des caractères très curieux, qu'on ne retrouve paierai les syndactyles que chez les Alcedo. Ce genre, comme l'indique le nom que j'ai adopté pour lui, établit donc un lien de plus entre ces derniers et les vrais Merops. Caractères. Bec long, un peu arqué, assez gros à sa base , maiss'atténuant peu à peu: mandibule supérieure présentant à sa face dorsale et sur toute sa longueur un enfoncement dont les bords, parallèles entre eux, sont rele- vés ; ce qui rend cet enfoncement longitudinal comparable à un canal peu profond. Narines percées à la base du bec, mais cachées sous les plumes. Tarses très courts, emplumés à leur extrémité supérieure. Doigts longs, l'interne étant libre, l'externe soudé au médian sur une grande partie de sa longueur, comme chez les autres syndactyles. Queue longue , carrée. Ailes courtes , ne dépassant que de très peu l'origine de la queue, sub-obtuses, la première penne étant très courte, la seconde plus longue, mais elle-même beaucoup plus courte que les troisième, qua- trième et cinquième, qui sont égales entre elles. Observations. Le Merops amictus des auteurs, ou, comme je propose de le nommer, VAlcemerops amictus, est l'unique es- pèce de ce genre, dont les caractères sont, comme on le voit, extrêmement tranchés. VIII. PiCULE, Piculus. NOB. M. Temminck a établi récemment, sous le nom de Picumnus , un genre de zygodactyles, dans lequel il réunit une espèce tri- dactyle de Java, et trois espèces américaines, ayant quatre doigts comme les vrais pics. C'est de celles-ci que je propose de faire GENRE PICULE. 3(j'j un genre pai'ticulier, sous le nom de Picule , qui rappelle à-la- fois, et leur petite taille, et leurs rapports avec les pics, dont elles sont en quelque sorte le diminutif. On va voir que les espèces américaines, que je propose de séparer du picumne de Java, n'en diffèrent pas seulement par le nombre de leurs doigts, et formeront un groupe générique parfaitement distinct. Caractères. Bec droit, pointu, formant lin cône très alongé, la mandibule supérieure étant convexe transversalement, et non à arête marquée. Narines percées à la base du bec, et recouvertes par de petites plumes. Tarses moyens, écussonnés. Quatre doigts, deux en avant, dont l'ex- terne (correspondant au médian des autres oiseaux) est très long; deux en arrière, dont l'externe est de même très long : proportions qui rendent symé- triques la partie antérieure et la partie postérieure du pied. Queue irrégulièrement carrée, courte, composée de petites pennes, bien arrondies à leur extrémité, et garnies dans toute leur étendue de longues barbules. Ailes moyennes , obtuses. Observations. Le genre Picule a pour type Yyunx minutissima ou Picus niinutus des auteurs, ballotté successivement des pics aux torcols, etde ceux-ci aux picumnes : ce sera le Picuhis tninu- tus. Il faut y réunir deux autres oiseaux américains, indiqués d'abord par Azara et par Lichstenstein, et établis définitivement dans la science, par M. Temminck, qui les a représentés dans son magnifique ouvrage, pi. Syi , et leur a donné les noms spé- cifiques de Cirratus et à'Exilis. Ces trois espèces, très analogues entre elles , ne peuvent être réunies, ni au torcol, qui a les ailes sui'aiguës, ni aux pics , qui ont la queue roide et usée, et dont le bec est très différent , ni enfin au picumne, qui, outre ses pieds tridactyles, diffère un peu par la conformation de ses ailes et de son bec, et beaucoup par la disposition de ses narines. DESCRIPTION d'une NOUVELLE ESPÈCE DE CLAYIJA, ACCOMPAGNÉE DE QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LES CARACTÈRES ET LES AFFINITÉS DE CE GENRE ET DES GENRES VOISINS. PAR M. DESFONTAINES. Parmi des plantes vivantes envoyées, il y a quelques années, de Cayenne au Muséum d'histoire naturelle, s'en trouvoit une sous le nom de Potalia amara. Ce nom n'étoit justifié que par la saveur extrêmement amère des feuilles, ainsi que par leur forme ; mais leur situation alterne (et non opposée) indiquoit déjà qu'il se trouvoit mal appliqué. En effet, l'arbuste parvenu à deux pieds environ de hauteur produisit des fleurs, et leur in- spection fit reconnoître de suite qu'il appartenoit à un tout autre genre. Comme il y forme une espèce nouvelle et peut jeter quel- que lumière sur les caractères de ce genre, encore imparfaite- ment connu , j'ai cru que sa description et sa figure auroient quelque intérêt pour les botanistes. J'y joindrai quelques ré- flexions suggérées par la comparaison de cette plante avec celles dont «lie se rapproche, soit parmi celles que possèdent les serres du Muséum, soit parmi celles qui ne me sont connues que par les livres. DESCRIPTION d'une NOUVELLE ESPÈCE DE CLAVIJA. Sgg Voici la description de cet arbuste qui a continué à végéter, à flevirir tous les ans, et qui a maintenant atteint environ quatre pieds : CaulIS erectus. FOLIA sparsa, interruptè conferta, levia, co- riacea, glabra, integerrima , rarius denticulata, lato-lanceolata , basi sensim in petiolum angustata, apice acutè acuminata, 1-2-pe- dalia, uncias 1-2 lata, patentia aut demissa. Racemi florum simplices , erecti, l^-S-unciales. Flores singuli pedicellati, mitantes. CalYX 5-partitus lobis apice marginatis, rotundatis , basi coroUœ adpressis, margine invicem incumbentibus. GOROLLA campanulato-patens , 4 lineaslata, S-loba, lobis cras- siuseulis, extiis convexis , rotundatis ^ margine conniventibus , cir- cinatis, appendicibus 5 alternantibus adpressis subspathulatis intiis adfaucem instructa, crocea, Bromeliam redolens. StAMINA 5 monadelpha. TUBUS Jilaînentorum infernè cum tubo corollœ concretus, ejusdemfaucem vix superans, truncato-pyrami- datus. Antherœ parvœ , incapituluin depressum lo-radiatum con- niventes , corollœ lobis oppositœ , cunéiformes , biloculares, loculis connectivo antico longitudinaliter adnatis , cceteriim distinctis , pos- ticè dehiscentibus. OVARIUM tiibo staminum inclusum, ovoïdeum, apice in stylum brevem sensim attenuatum , glaberrimum, ï-loculare : séminal-?) placentœ centralis lateribus adnata. StiGMA bijidum. La plupart des caractères précédemment énumérés pouvoient s'appliquer à un genre de la Flore péruvienne de Ruiz et Pavon, le Clavija. Décrit d'une manière assez obscure par ces auteurs , ce genre avoit été rapproché du Theophrasta , et on soup- çonnoit même qu'il pouvoit se confondre avec lui. Plus tard ^OO DESCRIPTION d'uNE NOUVELLE ESPÈCE DE CLAVIJA. M. Lindley [Collectanea botan. 26) avoit bien établi leur dis- tinction, et l'examen de plusieurs espèces de Clavija, conservées dans l'herbier de M. Lanlbert, lui avoit permis d'en tracer les caractères d'une manière bien plus nette. Seulement notre ob- servation ne s'accorde pas avec la sienne en un point, et comme ce point a quelque importance, nous avons cru devoir revenir sur ce sujet. C'est la situation des étamines relativement aux lobes de la corolle. Dans le Clavija comme dans le Theophrasta, M. Lindley les décrit comme alternes, et il signale au contraire dans le second les appendices charnus situés à la gorge de la corolle comme opposés à ses divisions. Or, c'est ce qui n'avoit pas lieu dans notre nouvelle espèce où les appendices étoient au con- traire alternes et les étamines opposées. Nous eûmes recours aux figures données par les auteurs originaux, à celle de Plumier [PL amer. p. 119, tab. 126) pour le Theophrasta, pour le Clavija à celle de Ruiz et Pavon [Prodr. Flor. peruv. p. i3i, ic. XXX). Dans l'une comme dans l'autre l'opposition des étamines et des lobes de la corolle se trouve nettement figurée. Une plante voisine que Jacquin a fait connoître sous le nom de Theophrasta longifolia fleurit dans nos serres. Son examen nous a fait retrouver tous les caractères du Clavija , dans lequel elle rentrera comme espèce. Le Throphrasta Jussiœi, qui a donné lieu aux remarques de M. Lindley, se trouve dans nos herbiers. L'analyse de sa fleur nous a encore montré des étamines opposées aux lobes de la corolle, alternant avec ceux du gros disque qui en tapisse le tube. Ce fait de la situation des étamines étoit important à établir; DESCRIPTION d'une NOUVELLE ESPÈCE DE CLAVIJA. 4oi car il jette un grand jour sur les vraies affinités des deux genres qui m'occvipent. Déjà M. Bartling ( Ordin.Natur. p. 1 65 )lesavoit entrevues, lorsqu'il a placé ces genres dans une section à la suite des Ardisiacées , section qu'il caractérise par l'existence de filets stériles (ce sont les appendices) alternant avec les fertiles. Mais il ne parle pas de la situation de ceux-ci , relativement à la corolle, et c'est le point qu'il falloit constater. Il ne peut rester aucun doute, si à ce caractère on ajoute celui des graines portées sur un placenta central dans un fruit uniîoculaire, la structure de ces graines à gros perisperme coi^né renfermant un embryon cylindrique beaucoup plus court que lui, et situé obliquement hors de l'axe (ainsi que l'avoit déjà annoncé M. de Jussieu dans les Annales du Mus., et que M. Lindley l'a dit et figuré, loc. cit. ). L'ovaire est-il déjà toujours à une seule loge ? M. Lindley en admet deux dans le Theophrasta Jussiœi , où nous n'avons pu cepen- dant trouver laftrace de la cloison légère qu'il indique. Au reste, que cette cloison ait existé primitivement et ait été détruite plus tard, ou qu'elle ait toujours manqué, c'est un point d'assez peu d'intérêt , et qui ne peut infirmer les conclusions auxquelles nous sommes arrivés. Le caractère de la monodelpliie n'est pas nouveau dans les Ardisiacées. 11 existe dans YjEgiceras, et récemment M. Adrien de Jussieu [Mém. Mus. 19, p. i33, tom. II) a fait connoîtreun genre de cette famille (^Oncostemwn)., où non seulement les filets, mais les anthères mêmes sont soudées en un seul corps. Le Clavija avec le Theophrasta doivent donc s'éloigner des Strychnos, près desquels on les avoit placés, et où je les avois laissés moi-même dans mon Catalogue des plantes du Musétnn, et ils doivent se classer avec les Ardisiacées : leur port, leur inflo- yénnales du Muséum, t. I", 3° série. 5i 402 DESCRIPTION d'uNE NOUVELLE ESPÈCE DE CLAVIJA. rescence, la consistance de leurs feuilles et de leurs fleurs, tout confirme la vérité de ce rapprochement. Il ne me reste plus qu'à présenter les caractères du genre Clavija modifiés légèrement d'après les observations précédem- ment exposées et la phrase de l'espèce nouvelle qui m'a fourni le sujet de ces considérations. CLAVIJA. Ruiz. Pav. CalYX altè 5-Jîdus, laciniis rotundatis, imbricatis. GOROLLA calyce longior, carnosa, 5-loba, tubo brevi, fauce appendicibus 5 carnosis brevibus cum lobis alternantibus instructa. StaMINA 5 , lobis corollœ opposita, supra faucem vix exserta , filamentis\in tu- bum coalitis, antheris trigonis conniventibus in capitulum lo-ra- diatum, bilocularibus , posticè dehiscentibus. OVARIUM i-loculare, placenta centrait oligospermâ. StYLUS brevis. StIGMA parvum, bifidum. FrUCTUS (ex Ruiz et Pavon) bacca globosa, seminibus paucis receptaculo carnoso per pedicellos Jîbrosos insertis. FRUTICES, foliis alternis, oblongis, coriaceis sœpiiis spinoso-den- tatis , exstipulatis ; racemis axillaribus ^ strictis. Flores sexûs alterius incompletâ evolutione interdùm masculi tantiim vel fœminei. CLAVIJA LANCIFOLIA. Hort. Par. C. foliis gradatim interruptèque confertis^ lanceolatis , basi sensim attenuatis, apice acuminatis, integerrimis, coriaceis, levibus^ racemis axillaribus , erectis. Affinis Clavijœ longifoliœ. Hort. Par. {Theophrasta longifolia. Jacq.) a quâ differt foliis integerrimis, in acumen productis; ra- cemis erectis, non cernuis; floribus duplo majoribus. Je ne dois pas terminer cette notice sans ajouter quelques If.^{n/ia/t'j- du JlÛAréfiffi . I'/. 6. 5. DESCRIPTION d'une NOUVELLE ESPÈCE DE CLAVIJA. 4o3 mots d'explication sur le dernier des caractères que j'ai décrits dans le genre Clavija, sur les fleurs unisexuelles qu'y signalent ses auteurs. C'est un point qu'il est difficile de bien déterminer dans les serres où le développement des organes est si souvent arrêté, de sorte qu'on ne pourroit en conclure avec certitude ce qu'ils sont , placés dans les conditions que la nature a imposées à leur existence complète. Dans quelques fleurs j'ai trouvé les ovules atrophiés; dans la plupart, les anthères m'ont semblé dépourvues de pollen, et c'est ce que paroît avoir observé aussi M. Lindley. Mais, dans tous les cas, si les organes se trou- vent imparfaits à l'intérieur, ils sont à l'extérieur bien confor- més, et ce n'est qu'à des avortements que cette séparation des sexes peut être attribuée. Elle n'a donc pas l'importance d'un véritable diclinisme. EXPLICATION DE LA PLANCHE U. 1. La plante entière, réduite à un dixième dé sa grandeur naturelle. 2. Un fragment de rameau avec une feuille et une grappe axillaire , quart de la grandeur naturelle. 3. Calice séparé. 4. Fleur coupée verticalement, a. Calice, b. Corolle, c. Appendices, d. Eta- mines. e. Ovaire ouvert et laissant voir les ovules sur le placenta central f. 5. Appareil des étamines, séparé, a. Tube. b. Anthères.' 6. Fleur vue en dessus, a. Lobes delà corolle, b. Appendices, c. Anthères. 7. Pistil séparé, avec la base du calice coupé. NOTES DE CORRESPONDANCE. ANIMAUX ENVOYÉS AU ROI PAR L'EMPEREUR DE MAROC, ET REÇUS A LA MÉNAGERIE ROYALE DU MUSÉUM d'HISTOIRE NATURELLE A LA FIS DE JUILLET l832. Les animaux adressés de Maroc au roi consistoient en deux autruches, deux gazelles, un bubale, vulgairement nommé vache de Barbarie, une es- pèce de panthère, et une lionne; mais les autruches étant mortes dans la traversée de Tanger à Marseille, la Ménagerie n'a reçu que les autres ani- maux; et, grâce aux soins qui leur avoient été donnés, dans cette dernière ville, par les ordres de M. le préfet, tous seroient arrivés dans le meilleur état , sans les lourdes chaînes dont les deux derniers étoient bien inutilement chargés, et qu'ils portoient déjà en Afrique. Le poids de ces chaînes avoit fatigué les muscles de leur cou, et la lionne, qui étoitjeune, paroît être con- damnée, par suite des efforts qu'elle a dû faire, et peut-être de l'altération de ses vertèbres , à toujours porter sa tête de travers. A l'exception de la lionne, tous ces animaux ont été d'un intérêt réel pour le Muséum et pour la science. Les deux gazelles, l'une mâle et l'autre femelle, nous font connoître d'une manière complète une espèce, la corine, qu'on n'avoit jamais distin- guée bien nettement d'une autre espèce, le kével, avec laquelle la pre- mière a les plus grandes analogies, car elle n'en diffère que par un pelage moins fauve et une bande brune sur les flancs, au lieu d'une bande noire. La corine, par ses teintes ternes , fait en quelque sorte le passage du kével fauve au kével gris, troisième espèce qui a la physionomie générale, la taille, le.s cornes, etc. , des deux autres. Le bubale , cette singulière espèce d'antilope , n'avoit point été revu à la Ménagerie depuis plus de trente ans, et il importoit d'apprécier de nou- veau, d'après des individus vivants, les rapports de cette espèce avec les autres espèces de cette nombreuse famille d'antilopes, qui renferme des types d'organisation si différents et si peu connus. Or le bubale est un de ces types qui n'en rappelle, même de loin, aucun autre, et autour duquel une ou deux espèces seulement viennent se grouper. L'espèce de la panthère est, comme on sait, une de celles qui sont en- vironnées pour le naturaliste de plus d'obscurité. Bien connue des anciens, elle ne l'est plus avec certitude des modernes, et c'est incontestablement NOTES DE CORRESPONDANCE. ^oà d'Afrique et de Mauritanie que les Romains tiroient une grande partie de celles qu'ils faisoient combattre dans leurs cirques. C'étoit de plus une grande espèce de chats à pelage tacheté ; mais la Mauritanie produit plu- sieurs de ces espèces de grands chats dont le pelage est couvert de taches plus ou moins grandes; il importeroit donc, ce qui n'a pu encore être fait, de bien déterminer les caractères de chacune d'elles, et pour cela plusieurs individus des unes et des autres sont nécessaires. Or, l'animal de la famille chats que la ménagerie du Muséum a reçu avec le bubale et les gazelles , appartient précisément à l'une de ces espèces entre lesquelles on doit cher- cher à reconnoître la véritable panthère. C'est en recueillant ainsi pièce à pièce les faits qui sont propres aux êtres naturels, et que le hasard seul souvent procure , qu'on finit, à force d'atten- tion et de temps, par composer leur histoire. Fbédéric CDVIER. NOUVELLES COLLECTIONS 4 REÇUES AU MUSÉUM d'hiSTOIRE NATURELLE. C'est une chose digne de la considération du philosophe que l'émulation actuelle pour les études de l'Histoire naturelle, que le goût éclairé et la chaleur du zèle des Européens résidants en terre étrangère. On diroit que chacun, comprenant distinctement les hautes destinées de l'humanité de plus en plus engagée dans des voies de civilisation progressive, s'empresse à qui mieux mieux d'apporter à ce travail des siècles sa part contributoire. L'homme, en effet, l'un des matériaux dont se compose l'univers, l'homme en est venu à sortir de rang, dès qu'il se fut connu et qu'il eut soumis à son enregistrement, à une sorte d'inventaire, l'avoir, ou du moins une forte partie des innombrables richesses de la nature. C'est à cet enregistrement de ce qui est encore à connoître que vont être appliquées de nouvelles recherches, sur lesquelles nous nous proposons d'appeler l'attention bienveillante etreconnoissante du Gouvernement et des naturalistes. Car d'importantes collections d'Histoire naturelle viennentd'être mises à la disposition des Professeurs du Muséum. Nous eussions voulu dans cet article parler avec une étendue suffisante des collections faites à Madagascar par M. Sganzin, capitaine d'artillerie de la marine, des travaux très remarquables de M. J. Gay, durant un séjour de 4o6 NOTES DE CORRESPONDANCE. quelques années dans l'état du Chili, et enfin des précieux résultats d'un nouveau voyage autour du monde : mais l'exiguité de la place, à la fin de ce cahier, ne nous permet aujourd'hui que d'annoncer les succès de M. Eydoux. J'ai même à regretter de n'avoir à y consacrer qu'un précis aussi court, mais du moins exact, ce savant voyageur m'ayant généreusement commu- niqué ses notes. M. Eydoux est le chirurgien-major d'un bâtiment de l'état, la Favorite, lequel, sous les ordres de M. le commandant capitaine de frégate Laplace, vient de terminer un voyage autour du monde. Ce voyage n'eut pas, comme ceux de l'astrolabe et de la Coquille, la science précisément pour but. Cepen- dant , par une attention délicate du département de la marine, elle est toujours un sujet recommandé : ainsi l'on embarque de préférence et les officiers et les médecins les plus renommés par leurs connoissances dans les sciences astronomiques , géographiques et d'histoire naturelle. A ce titre, M. Eydoux, avoit été choisi, bien que sa destination et sa navigation ne nous aient été révélées que tout récemment, et quand nous prîmes con- noissance des précieux fruits de son voyage. La Favorite avoit pour mission de montrer le pavillon français dans des parages de l'Inde jusque-là peu fréquentés par nos bâtiments, de relever des côtes et quelques atterrages d'archipels sur la route, et d'ouvrir de nou- velles relations commerciales. Corvette armée de 24 canons, construite à cul rond sur un nouveau mo- dèle, et marchant bien, la Favorite quitta la i-ade de Toulon le 3o décembre 1829, où elle revint, après une navigation de deux ans et quelques mois, le 21 avril dernier. Elle a successivement mouillé à l'île de Corée ( i83o, 26 janvier), à Bourbon (—1" avril), à l'Ile-de-France peu après , pour y réparer des avaries à la suite d'un ouragan; aux Séchelles ( — 28 mai), à Pondichéri ( — 9 juin), à Madras (21 suivant); et elle est enfin arrivée( — 17 juillet) dans la rade de Coringhi, à la côte de Coromandel, l'une des premières stations recommandées. Depuis la Favorite a continué son voyage, visitant Malacca ( — 15 août), Syncapour(le 19), Manille (—i4 septembre), Macao ( — 21 no- vembre), pour de là aller séjourner à Tourane, capitale de la Cochinchine; d'abord du 21 décembre au 24 janvier i83i, et puis encore, après l'explorât tion du golfe du Tonquin, du 21 février au 5 mars. Une autre exploration, celle des archipels iVrtfwnas et Jnambas, eut lieu avant de se rendre à Java ( — 15 avril), où il fallut séjourner pour soigner de nombreux malades. NOTES DE CORRESPONDANCE. j ^O'] La Favorite commença son retour, en atterrant sur plusieurs points de l'Australie, du i" juillet au 21 septembre, traversant la Nouvelle-Zélande en octobre, se portant sur les côtes du Cbili dans les premiers jours de 1 832 , et doublant le cap Horn, de manière à être rendue le 23 janvier de cette même année i832, pour une station de repos et de ravitaillement, à Rio. D'après cette marche du bâtiment, l'on voit qu'il a tenu le plus souvent la mer. Aussi les collections de M. Eydoux sont-elles riches, principalement en objets qu'on a pu y pêcher; en mollusques et coquilles. Les principales sta- tions ont eu lieu à la Cochinchine {Tourane), a Hobart-Toiun , chef-lieu de l'île de Diémen, autrefois Van-Diémen, résidence d'une colonie anglaise, à Port-Jackson, dans le Chili à Valpareiso, et à Rio. Les collections de ces contrées sont d'un grand intérêt, et renferment pour la plupart des espèces nouvelles. Un sujet qui a fixé l'attention de M. Eydoux est la distinction des races humaines : il a rapporté des crânes de Canton, et delà côte de Coromandel, puis d'autres venant des naturels de Diémen, et, entre autres objets, une tête entière d'un de ces insulaires, très bien conservée dans l'alcool. Des croyances superstitieuses engagent les femmes enceintes de cette contrée, qui font cas de la valeur des guerriers, à cherchera inoculer au fruit de leurs entrailles l'esprit et le courage des chefs morts en combattant, et elles croient y parvenir, en portant le crâne de ceux-ci sur leurs ventres nus. Fixés par des lanières en peau dekangouroos, qu'on a cousues sur les arcades zigomatiques , dont on se sert comme d'anses de panier, ces crânes se polissent à la longue aux endroits saillants qui posent sur la peau : c'est la base du crâne; le sinciput est en haut, le visage regarde en bas. Le sus- pfinsoir est passé autour du cou. Ces crânes sont d'une conformation fort singulière; l'os frontal reste bombé, mais derrière et supérieurement, les pariétaux sont déprimés, tou- tefois sur le côté seulement; car à leur point de jonction, la ligne médiane est élevée, sur-tout en arrière; arrangement qui n'empêche point que les bosses pariétales ne soient très prononcées. La doctrine de Gall déduiroit de ces données beaucoup d'entêtement et de circonspection chez les insu- laires diémois. Elle se tait sur les régions que nous venons de dire déprimées : mais le docteur Spurzheim y a depuis pourvu, en traçant dans cet espace innominé par le maître l'indication de penchants, que la nature auroit refusés aux Diémois, savoir en arrière pour \a justice, et au-devant pour ï espérance. 4o8 NOTES DE CORBESPONDANCE. En animaux nouveaux, sont deux chauve-souris, l'une rhinolophe, la se- conde d'un autre genre à déterminer; un viverra de Tourane, pourvu des glandes odoriférantes de la civette, mais genette par la taille, les formes et le système décoloration; un ornithorinque de grande taille, considéré en An- gleterre comme une espèce particulière; un crocodile devant former un nou- veau sous-genre; mais sur-tout un toucan aracari (delà province das minas au Brésil) à bec régulièrement dentelé et offrant la curieuse singularité de larges plaques qui terminent les plumes de la tête et du cou. Dans la moisson faite aux Séchelles, se trouvent des crustacés, plusieurs étant nouveaux; fort peu d'insectes ont été rapportés , mais du moins la phyllie dans tous ses états, nymphe et œufs. Sont de plus dans l'alcool de fort beaux échantillons d'é- chidnès, d'ornithorinques, de kangouroos, de phalangers, etc. Les Monotrè- mes, classe nouvelle établie pour renfermer les deux premiers genres, sont toujours un anneau de la chaîne des êtres très problématique : ainsi on met toujours en question à Port- Jackson , s'ils sont vivipares ou ovipares. C'est en écoutant ces discussions, que M. Eydoux comprit de quel intéi'êt il seroit pour la science d'apporter de ces animaux entiers et soigneusement conservés dans la liqueur. J'ai soulevé quelques unes de ces questions dans ma Descrip- tion des appareils sexuels de l' ornithorinque [Mém. du Mus. XV, p. i); etil est à espérer que l'acquisition de la collection dont il s'agit avancera la solution de ces questions. Nous citerons encore comme objets très importants des dasyures, des pé- tauristes, des hydromis, un très singulier pétrel, un manchot de petite taille, et principalement un poisson de la rivière Derwent, le toad Jish, dont la chair délétère a été très funeste à une famille anglaise d'Hobart-Town. Dans l'herbier est la gousse d'une plante légumineuse de la famille des Cassiées, dont les graines sont de la grosseur de nos marrons : on les em- ploie, cuites sous la cendre, comme aliment à Port-Jackson. M. Fraser, botaniste de la colonie, a découvert le 4 juillet 1828 l'arbre de la châtaigne en gousse, elle Botanical MiscellanyVa déjà publié et figuré sous les noms de Castanospermum austi'ale : cette plante a été trouvée à l'ouest de Brisbane, Toiun, sur les bords d'une crique. On a semé de ces haricots-châtaignes à Toulon : six ont levé. On vient aussi d'en semer au Jardin du Roi. M. Eydoux est-il destiné à la gloire d'avoir augmenté les richesses agricoles de la France d'une autre sorte de pomme de terre ? GEOFFROY SAINT-HILAIRE. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC, SUIVIES d'observations sur les poils en général, et sur leurs CARACTÈRES ZOOLOGIQUES. Mémoire lu à l'Académie des sciences en 1827. PAR M. F. CUVIER. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. Après avoir fait connoître mes recherches sur l'organe pro- ducteur des plumes, et sur le mode de dëveloppement de ces produits organiques (i), il me restoit à exposer les faits que j'avois recueillis sur les poils, afin d'arriver au but que je m'étois pro- posé en étudiant ce genre de téguments : savoir, d'établir ses rapports naturels et le rang qu'il doit occuper comme caractère zoologique. Dans des recherches nouvelles de cette nature, j'ai du, commencer mes observations par les poils qui présentent la structure la plus apparente, et l'organe producteur le plus facile à analyser, comme j'a vois dû commencer par les plumes mes observations sur les téguments en général; et ce sont les épines du Porc-épic qui, sans contredit, réunissent au plus haut degré ce double avantage. Depuis l'époque où le grand Bacon envisageoit les poils comme une humeur excrémentitielle dont se débarrassoient (i) Mémoires du Muséum dhist. naturelle, tome XIII, page 827. Annales du Muséum, t. I", 3' série. 52 4lO RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT les pores plus ou moins déliés de la peau, jusqu'à nos jours, ces parties tégumentaires ont fait naître plus d'hypothèses qu'elles n'ont occasioné de recherches, et les unes comme les autres se réduisent à faire considérer aujourd'hui chaque poil comme le produit d'un organe spécial, d'un bulbe ou d'une capsule, formé i° d'une enveloppe extérieure percée à son sommet pour le passage du poil, et recevant ses vaisseaux nour- riciers et ses nerfs par son extrémité inférieure; 2° d'une gaîne qui enveloppe immédiatement le poil, mais qui se distingue difficilement de la face interne du bulbe , étant nourris par les mêmes vaisseaux ; 3° d'une partie centrale confondue organi- quement par sa base avec les deux autres, et dont la consis- tance est analogue à celle d'une sorte de pulpe; elle est remplie de vaisseaux et produit le poil par excrétion. Celui-ci est or- dinairement formé d'une matière cornée, homogène et dure; mais sa partie centrale est remplie quelquefois d'une matière spongieuse et blanche, et ce n'est jamais que la première qui est colorée. Pour former le poil , les molécides cornées se dé- posent à la surface conique de la pulpe centrale par couches successives, ce qui fait que les poils présentent quelquefois une cavité conique à leur base; enfin ces couches, d'abord très molles, se durcissent et se poussent de manière qu'après un temps quelconque, elles constituent un poil plus ou moins long et plus ou moins gros,' lequel, suivant les animaux, est plus ou moins fortement et profondément enraciné dans la peau (i). (i) Recherches sur l'organisation de la peau de l'homme, et sur les causes de sa coloration, par Gaultier, 1809. Recherches anatomiques sur le système cutané de l'homme , par Gaultier, 1811. Principes d'anatomie comparée, par M. de Blainville, tom. I, p.34, etc. DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 4' I C'est à Gaultier qui, au reste, n'avoit guère que confirmé les observations de Chirac (i), qu'on doit principalement les faits sur lesquels ces idées reposent; et si depuis elles ont reçu quel- ques modifications, ce n'a pas toujours été à l'avantage de la vérité; elles-mêmes étoient loin de la renfermer; le plus léger examen suffîsoit pour montrer que la structure et le déve- loppement des poils ne s'expliquoient point par les observations qu'on avoit recueillies. Ce que ces observations n'expliquent sur-tout pas , c'est l'avccroissement des poils. Il résulte de toutes les observations que la matière composante des poils, à leur origine, est dans un grand état de mollesse, et ne peut être comparée qu'à une bouillie; elle ne commence à prendre quel- que consistance qu'à une certaine distance du point où elles naissent ; jusque-là elles sont en état de rouler les unes sur les autres par l'effet de la moindre force, et de se prêter à toutes les formes. Or c'est cette matière presque fluide qui pousseroit hors de sa gaine la matière déjà solidifiée en forme de poil, qui la surmonte, laquelle est retenue très fortement par l'applica- tion immédiate des parois intérieures et l'élasticité de cette gaine, comme on en a la preuve toutes les fois qu'on veut arracher un poil pendant qu'il se développe. Il est trop évident que dans le phénomène de l'accroissement des poils, ainsi présenté, la cause n'est en aucune proportion avec son effet , et qu'il ne peut être expliqué par l'action méca- nique des molécules du poil, produites les dernières, sur celles qui l'ont été auparavant; en un mot que les unes ne peuvent point avoir été poussées par les autres. (i) Extrait d'une lettre écrite à M. Régis, sur la structure des cheveux, par M.Chirac, in-8°, Montpellier, i688. 4l2 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT Cette théorie n'explique pas non plus la formation des deux substances, dont la plupart des poils^ se composent, de la substance compacte extérieure et de la substance spon- gieuse intérieure ; car, en admettant que toutes deux fussent de nature cornée, leur différence est telle, qu'on ne pourroit les attribuer à un seul et même organe, et cependant le poil tout entier est supposé produit par cette partie centrale que Gaultier désigne par le nom, de corps conoïde ou de corps pulpeux; enfin elle n'aborde pas même la question de la diversité de structure des poils, et semble supposer que tous présentent les mêmes formes et la même composition. Au reste, les recherches de Gaultier contenoient implicite- ment une théorie des poils plus exacte que celle qu'il en a tirée; car dans sa description anatomique du système cutané du Porc-épic (i) [Histrix crjstata), on trouve des observations dont Gaultier lui-même n'a pas connu le prix. Préoccupé sans doute par l'objet principal de ses recherches, le système cu^tané, il n'a considéré les poils que secondairement; d'ailleurs les épines du Porc-épic ne s'offrent pas aux recherches de l'observateur dé- gagées de toute difficulté r l'organe producteurde ces poils, quoi- qu'il soit fort gros, ne se rencontre jamais que dans un état, plus ou moins grand, d'obUtération, et peut-être étoit-il nécessaire de connoître le mode de développement des plumes, pour apercevoir les traces de cet organe dans les rudiments qui s'en conservent après l'entière formation des épines. En effet, Gaukierne paroît pas avoir tiré de ses recherches sur le Porc-épic des idées très précises sur la nature des poils. (i) Journal de Physique, 1820. DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 4» 3 Il pense que les épines de cet animal sont entièrement produites par le corps pulpeux , que renferme leur cavité inférieure tant qu'elles croissent, lequel, suivant lui, ne laisse d'autres traces après leur formation qu'un point saillant et jaunâtre. Ce que Gaultier a le mieux vu et le mieux décrit, est l'appa- reil organique qui accompagne constamment les épines du Porc-épic; appareil fort singulier qui n'accompagne point les plumes, et qui ne peut être vu clairement, à cause de sa peti- tesse, sur les poils ordinaires, en supposant qu'il concourt aussi à leur développement. On n'auroit toutefois qu'une connoissance imparfaite dû système pileux du Porc-épic , si on n'exa,ininoit que la structure et la formation des épines. Outre ces puissantes défenses, cet animal a de véritables poils longs, minces, flexibles, et qui pa- roissent avoir une origine différente de celle des épines, et peut-être même un mode de développement différent; car on ne découvre point à leur base l'appareil compliqué qui se trouve où naissent les premières. Ces considérations nous conduisent à examiner i° la dispo- sition des poils et des épines du Porc-épic dans la peau ; 2° la nature des épines et celle des organes qui concourent à leur production, d'où nous chercherons à expliquer la formation des premières; 3° enfin, après avoir établi l'analogie des épines ou des poils, nous les envisagerons dans le point de vue zoolo- gique, et montrerons, par des applications , le rang qu'ils doi- vent occuper comme caractères distinctifs, en mammologie. DE LA DISPOSITION DES POILS ET DES ÉPINES DANS LA PEAU. Ces deux sortes de téguments ne paroissent avoir ni la même 4l4 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT origine, ni la même structure, et les conditions qui participent au développement des uns ne paroissent point participer au dé- veloppement des autres-, mais nous n'avons à examiner ici que le premier de ces points. Les épines sont toujours disposées régulièrement par série, et chaque série , composée de sept, neuf, onze épines, occupe aussi une j)lace symétrique par rapport à toutes les autres. Les épines de chaque série sont implantées sur un arc de cercle, et ce sont les plus grosses qui, le plus souvent, occupent le milieu de l'arc. Ces séries d'épines sont placées au-devant l'une de l'autre sur des lignes droites; mais celles de chaque ligne ne se correspondent pas toujours 5 ordinairement celles d'une ligne répondent aux intervalles que laissent entre elles celles des lignes contigu es, sans cependant qu'elles soient imbriquées ; et ce que nous venons dédire des épines, proprement dites , est applicable aux téguments tubuleux qui garnissent la queue, et qui ne sont véritablement que des épines creuses. Les poils ne paroissent pas disposés avec cette régularité ; on les voit naître plus ou moins abondamment autour des épines, et occuper la place que celles-ci laissent entre elles, sans aucun ordre apparent ; ils semblent épars, et les plus grands, relative- ment aux plus petits et aux plus minces, ne se présentent pas davantage suivant des rapports constants ; on diroit qu'ils nais- sent fortuitement, ou suivant que des circonstances plus ou moins cachées favorisent l'activité de leur germe. DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 4l5 DES ÉPINES ET DES ORGANES QUI CONCOURENT A LEUR PRODUCTION. Des épines considérées en elles-mêmes. Les épines du Porc- épie varient beaucorip de longueur et d'épaisseur, et elles diffèrent aussi par leurs couleurs, par leur forme extérieure et par leur structure ; elles n'ont de constant que la disposition par série que nous venons de décrire. En effet, les unes ont quelquefois un et deux pieds de longueur, tandis que d'autres ont à peine quatre à cinq pouces j et si celles-ci ont jusqu'à trois et quatre lignes de diamètre, cell^-là n'en ont quel- quefois qu'une et moins encore. Ce sont ordinairement les plus longues qui sont les plus minces , et les plus courtes qui sont les plus grosses ; aussi ce sont celles-ci seules qu'on peut à juste titre nommer épines. Les premières sont cylindriques dans la plus grande partie de leur longueur, et ont une flexibilité qui les rapproche tout-à-fait des poils proprement dit. Les secondes sont fusiformes et d'une grande rigidité. Les unes et les autres sont arrondies dans la plus grande partie de leur longueur, et leur extrémité, terminée en pointe, est garnie de chaque côté, dans l'étendue de quelques lignes, de deux arêtes tranchantes, tandis que leur racine se caractérise par un renflement léger de deux ou trois lignes, qui se termine en une pointe obtuse. Elles sont la plupart couvertes d'anneaux très larges, blancs et noirs 5 leur extrémité est tantôt blanche et tantôt noire; on en trouve même d'entièrement blanches et d'entièrement noires, ou qui sont à-peu-près également partagées entre ces deux couleurs. Elles sont lisses à leur face extérieure, qui est composée d'une 4l6 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT enveloppe cornée, de l'intérieur de laquelle partent des rayons de même nature, lesquels se dirigent au centre de l'épine, et tout l'intervalle que cette enveloppe et ces rayons laissent entre eux est rempli de la matière spongieuse et blanche dont nous avons déjà parlé, si ce n'est à la racine, qui est toute cornée. Ces rayons, se voyant au travers de l'enveloppe cornée et trans- parente des épines, font paroître celles-ci striées longitudinale- ment; mais ce n'est qu'une illusion que détruit aussitôt un exa- men attentif. Cependant il est quelques épines qui paroissent faire excep- tion à la description que nous venons de donner ; elles sont situées à la queue et se présentent ordinairement sous la forme d'un tube, ouvert à son sommet, long d'un ou deux pouces, et porté sur un pédicule solide de même étendue, à-peu-près à l'ex- trémité duquel est la racine. Ces tubes paroissent à peine striés, mais la racine présente le renflement des autres épines. Le tube est de matière cornée ainsi que son pédicule, et on n'y aperçoit aucune trace de matière spongieuse : on diroit des épines pri- vées de leur pointe et de leur partie centrale. C'est qu'en effet ce sont de telles épines. Elles ne naissent jamais sous forme de tubes ouverts, mais sous forme d'épines : elles ont une pointe, plus ou moins longue, solide, striée et remplie de matière spon- gieuse, et ne présentent des tubes ouverts que quand cette pointe s'est rompue. C'est que ces épines ne sont tubuleuses qu'à leur partie moyenne j et dans leur état d'intégrité, cette partie est fermée à ses deux extrémités par la pointe et parle pédicule ; mais la matière cornée qui forme le tube est mince, elle se dessèche, et les mouvements de la queue, les chocs qu'ils font éprouver à ces épines, l'ont bientôt rompue au point où elle offre le moins DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. /^ln de résistance, c'est-à-dire où le tube, beaucoup plus large que la pointe, commence à se former. Ces téguments tubuleux ne sont donc point essentiellement différents des épines propre- ment dites; ils n'en sont qu'une modification, que nous expli- querons en nous occupant du développement des épines en général. Des organes qui concourent a la production des épines. L'appareil organique qui concourt plus ou moins immédiate- ment à la formation des épines, est un appareil très compliqué, que l'on peut diviser naturellement en deux parties, l'une étant l'oi'gane excréteur de Fépine, et l'autre ne prenant part qu'ac- cessoirement à cette excrétion. Nous allons les décrire suc- cessivement tous deu'x, et nous montrerons ensuite leurs rap- ports. De l'appareil excréteur de fépine. Cet appareil se compose : i" d'une gaine externe, dont la complication varie suivant le degré d'accroissement de l'épine, et qui enveloppe la partie de celle-ci , implantée dans la peau ; 2° d'une bulbe placée dans l'intérieur et à la base de l'épine aussi long-temps qu'elle se développe. Lorsqu'une épine n'est encore qu'incomplètement formée, si l'on ouvre la peau suivant l'axe de cette épine et de* manière à pénétrer dans sa gaîne, on trouve que cette gaine se com- pose, à sa partie inférieure sur-tout, de deux membranes; l'une interne, qui embrasse immédiatement l'épine, se termine, se confond même avec elle à sa partie inférieure, et s'unit inti- mement au derme à sa partie supérieure. Cette membrane a Annales du Muséum, t. I", 3' série. 53 4 1 8 RECHEKCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT une couleur nacrée, brillante, et plus ou moins de minceur et de transparence : quand l'épine est jeune, elle est moins épaisse et moins opaque que quand le développement de l'épine est plus près de sa fin ; son union avec la peau s'étend aussi avec l'âge ; mais tant que l'épine croît, et ceci est notable, son bord inférieur a la couleur de la portion de cette épine, qui se dépose, qui se forme, et s'unit intimement avec elle, comme nous ve- nons de le dire. La seconde membrane, qui est externe, par rapport à la première, est d'une contexture moins serrée , a plus de transparence : elle ne présente point le brillant nacré de celle-ci; elle s'unit intimement au derme, à quelque distance au-dessous de la membrane interne qu elle enveloppe en partie, se prolonge sur les vaisseaux qui se rendent au bulbe, et se perd avec eux vers le point d'où ils paroissent naître, quand on n'em- ploie pour les suivre d'autres secours que les yeux. Lorsqu'une épine commence à se développer, ces deux mem- branes paroissent être plus indépendantes du derme qu'au poipt où nous venons de les décrire. Ce qui est certain, c'est que quand une épine est entièrement formée, elles ne se séparent plus l'une de l'autre ni du derme; la gaine qu'elles forment se trouve fermée à son extrémité inférieure, et les vaisseaux, comme la poi^tion de membrane qui les enveloppe, ont dis- paru. Alors le bulbe a disparu également. La structure de cette se- conde partie de l'organe producteur des épines avoit été tout-à- fait méconnue, et cependant elle est facile à observer sur les grosses épines qui ne sont encore parvenues qu'à la moitié de leur croissance, par exemple; car le bulbe remplit toute la ca- vité qui, alors, se trouve à la partie inférieure des épines; et sa DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 4l(j grandeur, comme sa complication, ne permettent de mécon- noître ni son objet ni son importance. Dans la description que nous avons donnée des épines, nous avons vu que, de la face interne de leur enveloppe cornée, nais- sent des rayons de même matière qui tendent tous au centre de l'épine , et dont les intervalles se remplissent de matière blanche d'apparence spongieuse. Or la cavité dont nous venons de par- ler vient d'une part de ce que ces matières ne sont point encore produites, et de l'autre de la présence de l'organe qui doit les produire et qui la remplit. En effet, lorsqu'on ouvre l'extrémité inférieure d'une grosse épine, à demi développée, et qui a été arrachée de sa gaine de manière à la détacher de son bulbe, on observe qu au fond de la cavité les rayons cornés ont acquis toute leur grandeur, qu'à mesure qu'on se rapproche de son ouverture leur largeur diminue, et qu'on n'en aperçoit plus de traces au bord inférieur de l'épine, et la matière spongieuse se dépose dans les mêmes proportions. C'est le bulbe qui remplit cette cavité et qui doit achever la formation des portions de l'épine qui ne se montrent encore qu'à demi ou qui ne devront se former que plus tard ; et nous trouvons dans sa structure la raison de la structure des épines, comme nous avons trouvé dans la structure compliquée de la capsule des plumes la raison de la complication extrême de ces singuliers produits organiques : c'est ce que sa description doit démontrer. Si l'on a détaché soigneusement une grosse épine de la peau avec sa gaine et les membranes dont elle se compose, et qu'on les ouvre longitudinalement, ainsi que l'épine, le bulbe est à découvert, mais dans la partie ouverte seulement; car on ne peut l'enlever à la cavité de l'épine sans le détruire en partie- 430 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT Pour l'étudier et reconnoître sa structure, on est obligé de le considérer successivement dans plusieurs points de son contour, en ouvrant l'épine sur plusieurs points du sien. Alors on voit que toute la surface de ce bulbe, dont la forme générale est conique, est couverte de stries dans lesquelles la matière cornée se dépose. Il est rougeâtre, mou, élastique, et paroît rempli d'une grande quantité de vaisseaux. Tant que le bulbe est au point où nous l'examinons , c'est-à-dire actif et plein de vie, sa coupe seroit très fidèlement représentée par celle d'une épine, en faisant abstraction de la matière cornée et en ne considérant que la matière spongieuse. Mais quand on suit les stries au-delà du point où le bulbe est vivant, en enlevant délicatement la matière spongieuse qui vient d'être sécrétée, on ne trouve plus que des membranes extrêmement minces, qui suivent et em- brassent les rayons cornés, et ne sont plus que les rudiments de ce bulbe ; aussi leur couleur n'est-elle plus celle de ce der- nier: tous les vaisseaux en ont disparu, et au lieu d'une teinte rosée elles ont une blancheur très mate. De l'appareil organique accessoire a la formation des épines. Nous emploierons dans la description de cet appareil les déno- minations de Gaultier qui nous paroît l'avoir connu avec exac- titude à peu d'exceptions près. Il se compose de trois parties : d'une cellule adipeuse, d'une cavité adipeuse et d'une cavité folliculaire; mais avant de traiter de la structure intime de cha- cune d'elles, nous devons faire voir comment elles se montrent extérieurement dans leur état d'intégrité. Lorsqu'on dépouille un Porc-épic de sa peau, on s'aperçoit bientôt que, pour conserver les épines et tout l'appareil orga- DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 421 nique qui y tient, il ne suffit pas de détacher le derme des muscles les plus superficiels du corps, qu'il faut descendre fort au-dessous du derme, auquel alors restent attachées en grande quantité des parties musculaires. La peau et tout ce qvii en dépend , ainsi enlevés , on découvre des séries de lignes symé- triques, formées de tubercules disposés en arc de cercle, qui indiquent la série des épines et leur correspondent. Si ensuite on sépare de toutes les autres, pour mieux l'étudier, une de ces séries de tubercules, et que, du côté opposé au derme, on dé- barrasse les tubercules du tissu cellulaire qui les enveloppe et les déguise, on reconnoît que ces tubercules qui ne se mon- troient que comme de légères saillies, forment l'extrémité infé- rieure de corps ovales, de trois à quatre lignes de longueur, sur une ou deux de large, qui correspondent exactement aux épines. Ges corps constituent les cellules adipeuses. Au-dessus de cha- cun d'eux immédiatement s'en trouve un second de même lar- geur, mais plus court, plus arrondi, qui est par conséquent rapproché du point où l'épine sort du derme. Ceux-ci renfer- ment une cavité adipeuse et une cavité folliculaire. On reconnoît d'abord ces organes et leurs rapports en ouvrant ces deux sortes de tubercules parallèlement à la longueur de l'épine. On trouve à la partie inférieure la cellule adipeuse, cavité ovoïde remplie d'une graisse blanche et ferme, et revêtue intérieurement d'une membrane blanche, lisse et brillante dans laquelle pénètre la racine de l'épine avec sa gaine. Lorsque l'épine est entièrement formée elle y pénètre moins que quand elle se développe encore; et, dans ce dernier cas, on suit la membrane externe de la gaine et les vaisseaux qu'elle enveloppe , fort avant dans cette substance sébacée. Immédiatement au-dessus de cette cellule, se trouve 422 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT un tissu membraneux, très serré, qui la sépare de la cavité adi- peuse, remplie de graisse tout-à-fait semblable à celle de la cellule, mais dont les parois internes, revêtues d'une membrane blanche, sont inégales et divisées par des lamelles plus ou moins nombreuses entre lesquelles pénètre la graisse. C'est au-dessus de cette cavité , et contiguë avec elle, qu'est la cavité folliculaire ou glanduleuse; elle avoisine, par-là, plus qu'aucune autre, le point d'où l'épine sort de sa gaîne et de la peau. Dans cet état de choses , si , après avoir enlevé avec précaution l'épine, l'on cherche les rapports qu'ont entre elles ces diverses cavités , on reconnoît bientôt que la cellule adipeuse ne commu- nique qu'avec le bulbe de l'épine et sa gaîne, par l'intermédiaire des vaisseaux qui les nourrissent, et qu'elle n'a aucune commu- nication ni avec la capsule adipeuse, ni avec la capsule follicu- laire javie la capsule adipeuse a une communication immédiate avec la capsule folliculaire, mais n'en a point avec la gaîne, et enfin que la capsule folliculaire communique avec la gaîne au moyen d'un petit canal qui a son orifice vers la partie supérieure de celle-ci ; mais ce canal n'est pas toujours ouvert : dans le Porc- épic qui a servi à mes recherches , j'ai constamment trouvé son orifice fermé par la membrane interne de la gaîne, qui, à la vérité, étoit très mince en ce point, et le canal étoit lui-même rempli d'une matière jaune et épaisse qui l'obstruoit. Etoit-ce l'effet d'un état maladif? j'ai tout lieu de le penser. De la formation des épines. Les observations que nous venons de rapporter sur les épines et sur les organes qui concourent à leur formation nous pa- roissent donner un moyen simple d'expliquer ces produits orga- DES ÉPINES DÛ PORC-ÉPIC. 423 niques, de montrer la source des différentes matières dont ils se composent et la raison de leur structure tant extérieure qu'inté- rieure. Ainsi il nous paroît hors de doute que toute la matière cornée est produite par la partie inférieure de la membrane interne de ïa gaine : elle est en rapport constant et en intime union avec la portion de cette matière qui vient d'être déposée à la base des épines encore incomplètes , et c'est d'elle seule que celles-ci tirent leurs couleurs; car, comme nous l'avons vu, sa couleur est toujours celle de la matière cornée qui est produite, et jamais on n'en remarque de traces sur aucune partie du bulbe; cette matière pénètre dans les stries dont celui-ci est sillonné, et forme ainsi les rayons de l'intérieur de l'épine, qui sont toujours de la couleur de son enveloppe cornée. - Le bulbe dépose la matière spongieuse, que Gaultier ne re- gardoit que comme les débris de ce bulbe, et que plusieurs auteurs ont considérée dans les poils comme jouissant d'un cer- tain degré de vitalité (i). Cette matière est incolore, elle ne se dépose qu'après la matière cornée et ne se trouve en communica- tion qu'avec le bulbe. C'est donc à lui seul que son origine peut être attribuée, ce qui est confirmé par ce que j'ai observé sur les plumes, c'est-à-dire le dépôt de leur matière spongieuse par leur bulbe. Quant à l'opinion de Gaultier, elle est évidemment erronée, puisque les débris du bulbe se distinguent toujours très nettement de cette matière; d'ailleurs leur volume est à peine appréciable, comparé au sien : l'on ne doit pas moins rejeter l'idée de vie dans la matière spongieuse; il n'y a certainement (i) Ludwig. Autenrieth. Jourdao. Dict. des sciences médicales, art. Plique. 424 [recherches sur la structure et le développement entre elle et les organes vivants que des rapports mécaniques ; elle est en contact avec le bulbe tant qu'elle est produite, mais bientôt elle en est tout-à-fait isolée, et il est alors impossible de découvrir aucune trace de communication vitale entre elle et les organes voisins. La gaine reste active plus long-temps que le bulbe j c'est pour- quoi sans doute la racine n'est plus formée que de matière cornée; et c'est sûrement aussi par cette raison que les épines de la queue prennent la forme tubuleuse peu de temps après ievir appâtai tion. Dans ces épines le bulbe cesse bientôt de pro- duire la matière spongieuse, tandis que la membrane interne de la gaine continue à sécréter la matière cornée; mais je suppose que le bulbe tout improductif qu'il est n'a point disparu, qu'il s'est même agrandi ; car je ne puis attribuer qu'à sa présence le diamètre que conserve ou qu'acquiert la gaine pour former le tube des épines tel qu'il est dans la plupart d'entre elles , c'est- à-dire beaucoup plus grand que la partie de ces épines qui n'est pas tubuleuse; mais ce bulbe doit commencer à s'oblitérer et à disparoître long-temps avant la formation de la racine, ce qui, amenant le rétrécissement de la gaîne, produit le long pédicule entièrement corné, qui est un des caractères des espèces d'épines dont nous expliquons la formation. C'est aussi par une légère modification de la membrane pro- ductrice de la matière cornée que se forme le renflement de la racine de toutes les épines; et la terminaison de celles-ci en pointe mousse s'explique assez par la cessation graduelle de l'activité de cette membrane. La capsule adipeuse prend seule part à la formation des épines ; sa constance , ses rapports avec le faisceau vasculaire qui nourrit DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 425 le bulbe et contribue sans doute aussi à la nutrition des mem- branes de la gaîne; la protection que celle-ci semble chercher au milieu d'elle, ne permettent guère de douter à cet égard. Les cavités adipeuses et folliculaires ne sont point dans ce cas; elles ne paroissent être en communication avec la gaine que pour y verser la matière octueuse ou sébacée que cette dernière sé- crète , et qui sans doute ne sert qu'à enduire les téguments : leur influence sur le développement des épines ne peut donc être qu'indirecte , ce qui nous conduit à ne les envisager que comme des organes secondaires, et par conséquent étrangers à l'objet princijial de nos recherches. Jusqu'à présent nous trouvons l'analogie la plus entière entre la production des matières qvii composent les plumes et les épines; il reste le mode d'accroissement. Un des résultats aux- quels l'étude des plumes nous a conduit, c'est que leur organe producteur croît aussi long-temps qu'elles croissent elles-mêmes, qu'elles ne doivent leur développement qu'au sien, et que cha- cune de leur partie provient exclusivement d'une partie de l'or- gane qui est né pour elle, et qui cesse d'être active, qui meurt, s'oblitère dès qu'elle est produite. L'analogie conduisoit à penser qu'il en étoit de même de l'organe producteur des épines. En effet, l'étude de cet organe est venue confirmer cette vérité par des faits qui ajoutent encore à l'autorité de ceux qui nous ont servi à l'établir. Non seulement on trouve les restes du bulbe en le suivant le long des rayons cornés de l'intérieur des épines, où ces restes se montrent sous foi'me de pellicules minces et blan- ches, lesquelles ne sont que les parois des stries où ces l'ayons se sont en quelque sorte moulés; mais on le retrouve tout entier, enfermé à l'extrémité inférieure des épines, lorsque cette extré- Annales du Muséum, t. I", 3' série. 5^ 420 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT mité se forme et ne laisse plus d'ouYerture que pour le passage des restes du faisceau vasculaire ; alors cet organe est réduit aux plus petites dimensions, son activité ayant à-peu-près entière- ment cessé. Ainsi il ne reste pas même hors de l'épine , le léger tubercule que nous avons trouvé à la peau après l'entière forma- tion des plumes. Nous pouvons donc conclure, non plus hypotliétiquement, mais d'après des observations précises, et des faits exacts, qu'il existe entre les plumes et les épines l'analogie la plus parfaite; que les unes comme les autres naissent d'organes identiques et sont souuîises au même mode d'accroissement; que chez celles-ci la matière cornée est produite par la membrane d'une gaîne, et la matière spongieuse par la surface d'un bidbe, comme chez celles-là; que l'accroissement des secondes, comme celui des premières, ne se fait que par l'accroissement même de ces or- ganes sécréteurs des matières cornées et spongieuses ; que , si l'on ne trouve ni membranes striées ni cloisons dans l'organe pro- ducteur des épines, c'est que celles-ci n'ont pas de barbes, que c'est par la même raison sans doute que les épines tubuleuses ne renferment point les cônes membraneux qui se trouvent dans la partie tubuleuse des plumes; enfin, que c'est exclusivement de la forme de ces oi^ganes que résultent les formes des épines qui, comme les plumes, se produisent dans un véritable moule. Des poils. Me voici arrivé au point où tendoient en grande partie mes recherches sur les téguments; je puis, aidé de l'analogie et de l'induction, étendre ces recherches sur les poils, et suppléer, par les observations que j'ai pu faire , celles qu'il ne m'a pas même été DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 4^7 permis de tenter, à cause de la petitesse des corps qui en auroient fait l'objet, et des difficultés de leur analyse, que les moyens actuels de l'anatomie n'ont point encore surmontées. Mes observations sont cependant très restreintes en comparai- son du champ qu'elles auroient -eu à embrasser pour me faire apprécier les caractères des poils dans la classe entière (Jps mam- mifères, et établir leur rapport avec les autres caractères de ces animaux. C'est que cette dernière tâche, comme on peut le conce- voir par son étendue, ne peut être que le résultat d'une longue succession de recherches. J'ai dû me borner à montrer la nature et l'importance de ces rapports, et c'est ce que je crois avoir fait au moyen des exemples assez notables sur lesquels toutes mes déductions reposent. Le vêtement du plus grand nombre des mammifères se corai- pose de deux sortes de poils : de poils laineux et de poils soyeux. Les premiers constituent la partie la plus fine du vêtement ; celle qui semble sur-tout destinée à préserver les animaux du froid et qui se développe, sans comparaison, plus abondamment sous l'influence des régions polaires, que sous l'influence des régions équatoriales. Ces poils, chez les animaux sauvages, sont ordinairement frisés , cachés sous les poils soyeux et peu colorés. Je les regarde comme les analogues des poils proprement dits du Porc-épic. Les seconds, les poils soyeux, forment principale- ment la robe extérieure des animaux; c'est à eux que cette robe doit sa couleur, et dans l'état de santé, ils ont un lustre, un éclat que n'ont point les autres. Ce sont ces derniers poils seuls qui doivent m'occuper ici. L'analogie des épines (Jes Porcs-épics et des poils soyeux est si évidente qu'elle n'a jamais été mise en question. La composition 428 RECHERCHES SDR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT des uns et des autres est identique, à peu d'exceptions près, qui d'ailleurs s'expli(:[uent; leurs seules différences tiennent aux formes, et ces différences se retrouvent entre les poils eux- mêmes. Enfin on trouve des poils soyeux de toutes les grosseurs; on les voit passer graduellement du diamètre le plus fin , et de la flexibilit^la plus grande à l'épaisseur et à la rigidité d'une véri- table épine. Le plus grand nombre se compose extérieurement d'une enveloppe compacte, dure, souvent colorée, qui a tous les caractères de la corne, et intérieurement d'une substance po- reuse, molle, ordinairement blanche, d'une nature peut-être particulière; ils naissent d'organes spéciaux, et se montrent au- dehors après avoir traversé le derme en tout ou en partie. Or, de tant de ressemblance entre les produits, on peut à juste titre conclure celle des organes qui produisent sans sortir des limites d'une légitime induction. Mous sommes donc autorisé à admettre que les poils sont aussi produits par une membrane externe, avec gaîne, qui sé- crète la matière cornée, et par un bulbe interne qui sécrète la matière spongieuse, et que c'est à la gaîne que les poils doivent leurs formes extérieures, et au bulbe leurs formes intérieures, d'où il suit que la nature et la forme, qui sont visibles dans les poils, représentent et révèlent la nature et la forme de leur organe producteur qui sont peu apparentes; mais cette supposi- tion n'est pas même entièrement nécessaire : on reconnoît, sans trop de difficultés, même dans des poils assez fins et sur-tout dans les moustaches (i), la gaîne et le bulbe, qu'on ne peut voir sans des secours qui n'ont point été à ma portée ; ce sont les (i) Gaultier. DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 4^9 détails de structure de ces orcjanes, qui rendroient raison direc- tement des détails de structure des poils; mais à l'aide d'un microscope convenable on les apercevroit, sans aucun doute, comme ils nous sont indirectement donnés par les poils. Ces détails sont très variés, et les différences qu'à cet égard les poils nous présentent sont fort nombreuses, sur-tout lorsqu'on les considère dans les trois parties dont chaque poil se compose, dans sa racine, sa pointe et son corps, c'est-à-dire la partie qui se trouve entre la pointe et la i-acine. En effet la racine peut être aiguë, obtuse, renflée ou tubuleuse; la pointe effilée, aiguë, mousse, tranchante; le corps long ou court, mou ou flexible,, rigide ou épineux, filiforme ou fusiforme, rond, ovale, plat, eu chapelet, en gouttière, lisse ou strié à sa surface, plein , uni , rayonné ou tubuleux à son intérieur, etc. Or, d'après l'exemple que nous ont donné les épines, rien de si simple que de conclure de ces modifications celles des organes auxquels elles sont dues. Pour ne m'arrêter qu'aux modifications de forme qui sont les plus remarquables, on conçoit qu'en effet l'organe producteur d'un poil arrondi d'un côté et creusé en gouttière de l'autre, comme sont ceux des échimys, soit formé d'une gaine et d'un bulbe dont la coupe présenteroit, l'un les contours, l'autre la figure entière d'un croissant; que celui d'un poil rayonné inté- rieurement et lisse à l'extérieur, comme sont ceux des dicotyles, soit formé d'une gaîne lisse et d'un bulbe strié; que celui d'un poil fusiforme commence par être très petit, s'agrandisse pro- gressivement, et se rapetisse de même en approchant de sa ter- minaison; que celui d'un poil très long ait un principe d'activité d'une durée plus grande que celui d'un poil court, etc. Les modifications de l'organe producteur des poils ne se bor- 43o RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT nent pas seulement aux formes, celles des poils ne s'y bornant pas elles-mêmes; elles s'étendent jusqu'à leur nature intime: ainsi la gaîne peut être active sans que le bulbe le soit, et réci- proquement, et l'activité de l'une peut l'emporter de beaucoup sûr l'activité de l'a vitre, comme nous l'avons vu sur les épines tubuleuses qui garnissent la queue du Porc-épic, ce qui explique de la manière la plus naturelle les caractères anomaux de cer- tains poils et celui que présentent toutes les racines peut-être, lequel consiste, comme on sait, en ce qu'elles ne sont jamais formées que de matière cornée. Dans ce dernier cas le bulbe devient improductif, tandis que l'activité de la gaîne se con- serve ; et comme le diamètre de celle-ci n'est plus déterminé par la présence du bulbe, ses parois se rapprochent, d'où résulte que toutes les racines ont un bien moindre diamètre que le corps des poils. C'est le cas contraire que nous présentent les poils de l'aï et de l'unau : après avoir déposé de la matière cor- née sur la pointe de ces poils, la gaîne de leur organe producteur perd toute activité, et le bulbe seul conserve la sienne; aussi le corps de ces singuliers poils n'est absolument formé que de matière spongieuse; et c'est par une modification inverse que le tamandua a pour poils des tubes de matière cornée; la gaîne seule de ces poils est prodvictive, et si le bulbe existe, il n'a d'autre effet que d'empêcher les parois intérieures du poil de se rapprocher. C'est un phénomène analogue qui nous est offert par les longs crins noirs qui garnissent le bout de la queue de la girafe, seu- lement ils n'ont point de canal central; c'est que le bulbe ne concourt peut-être d'aucune manière à leur formation. Les poils de cerfs communs, et de quelques autres ruminants, DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 43 1 présentent encore une anomalie qui les a toujours fait remar- quer; ils sont secs et cassants, au point d'avoir été comparés à de la paille*, c'est que leur enveloppe cornée est d'une minceur ex- trême, et leur substance spongieuse remplie d'une cellulosité très lâche; aussi leur racine, proportionnée au peu de matière cornée sécrétée par la gaine, est si mince elle-même, si fine, qu'ils tiennent à peine à la peau, et que le plus léger effort les en détache. Par contre, les crins des chcA^aux, si forts, si élas- tiques, ne sont presque composés que de matière cornée; leur partie spongiewse se présente à leur centre comme un point imperceptible; aussi leur racine se distingue à peine, par son diamètre, du corps du poil. Sans doute le bulbe de ces poils est extrêmement petit , et leur gaine a une très grande faculté pro- ductrice. Ces différences dans les organes producteurs des poils per- mettoient d'en supposer d'analogues dans ces organes accessoires, si remarquables chez le Porc-épic par leur étendue et leuï" com- plication, ainsi que dans les rapports des poils entre eux et avec la peau. En effet, le développement de ces organes sébacés et glanduleux qui accompagnent les épines n'est pas à beaucoup près le même pour tous les poils; il paroît fort restreint pour ceux de petite dimension ; et quoique la présence d'une matière grasse paroisse nécessaire à l'activité de l'organe producteur des poils, nous sommes encore réduit à n'admettre que par induc- tion l'existence des organes spéciaux, qui la sécrètent et la con- tiennent. Cependant, d'après les caractères de certains poils, qui, loin d'être gros, lustrés et flexibles, sont secs, ternes, et facilement pénétrés par l'eau au lieu de résister à son action, on peut croire qu les cavités sébacées et folliculaires n'existent 432 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT pas au nombre des organes qui concourent secondairement à leur formation. C'est sans doute à l'exiguité de ces organes accessoires et des poils eux-mêmes, qu'il faut attribuer les différences qui existent entre les points où ceux-ci prennent naissance ; car tous les poUs soyeux ne se développent pas sous le derme. S'il en est qui nais- sent au-delà de ce tégument, comme ceux des Porcs-épics, il en est aussi qvii naissent dans son épaisseur et à des profondeurs différentes, tellement que ceux du hérisson descendent jus- qu'aux couches les plus profondes, tandis que «eux de la plu- part des cerfs ne tiennent qu'aux plus superficielles. Malgré ces variations et ces anomalies dans les rapports des poils avec la peau, le système pileux n'en doit pas moins être considéré comme indépendant de tout autre, et non point comme faisant essentiellement partie de celui du derme, ainsi qu'on l'a fait jusqu'à ce jour. L'exemple du Porc-épic, par ce qu'il a de positif et de précis, suffiroit seul pour établir cette vérité, à moins qu'on ne voulût nier l'analogie des poils et des épines. Mais elle trouve une nouvelle autorité dans cette variété même de points, d'où les poils se développent suivant les espèces; car si l'on nioit que les épines fussent des poils, à cause qu'elles ne naissent pas où naissent les poils du hérisson par exemple, il faudroit nier que les poils de ce dernier sont analogues à ceux du cerf, parceque les poils de celui-ci naissent plus superficiel- lement que ceux de celui-là. Au reste, elle se trouve encore con- firmée par des faits importants : par l'origine de plusieurs parties cornées, et sur-tout des pennes qui, sous ce rapport, sont tout-à- fait indépendantes de la peau, sur-tout aux ailes des oiseaux de haut vol. DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 4^3 Les poils nous présentent un quatrième genre de variations dans les rapports quils ont entre eux. Nous avons vjp qvie chez le Porc-épic les épines sont disposées par séries, composées de sept, neuf, ou onze épines. Ces rapports ne sont pas les mêmes chez tous les autres mammifères. Un grand nombre d'entre eux paroît avoir les poils uniformément disséminés dans la peau ; mais un grand nombre d'autres les a disposés aussi par séries, et ces séries peuvent être différentes pour le nombre des poils, suivant les espèces. Ainsi le bouc, le mouton, ne présentent point de séries distinctes, tandis que chez le paca elles sont for- mées de trois poils. Il me resteroit à considérer une dernière modification des poils, celle de leurs couleurs; mais, outre que la véritable ori- gine de ces couleurs n'est pas connue, quoiqu'on sache qu'elles sont déposées par la gaine, c'est un sujet si étendu et qui néces- site des expériences d'une nature si particulière pour a])précier les causes, soit constantes, soit successives, des variations que les poils éprouvent dans leur coloration, que je n'en puis traiter ici. D'ailleurs les couleurs des poils n'appartiennent pas à un ordre de phénomènes aussi élevé que la structure, la formation, ou les rapports de ces produits organiques. H est bien connu que des causes, même assez légères, peuvent faire changer la couleur des poils; mais je n'en connois aucune qui soit capable de les modifier sans les détruire, ni dans leurs formes essen- tielles, ni dans leurs relations entre eux ou avec te derme. Si actuellement nous passons du point de vue organique qui nous a conduit à établir les faits précédents au point dé vue zoolo- gique qui doit être en définitive notre principal objet, la pre- mière et la plus importante des considérations qui se présente, ( 'est Anncdes du Muséum, t. I", 3° série. 55 434 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT que, jusqu'à ce jour, les poils n'ont point occupé dans nos moyens de classifnptions le rang qui leur est dû, qu'ils doivent pré- senter des caractères d'un ordre plus élevé qu'on ne l'a commu- nément pensé, et indiquer des rapports d'une nature supérieure à ceux qui constituent les espèces. Cette considération repose principalement sur ce fait, que les poils ne font point essen- tiellement partie du derme, qu'ils ont un principe spécial d'exis- tence, et appartiennent à un système d'organe non moins re- marquable par sa complication que par son étendue, lequel peut s'associer au derme et se développer dans différents points de son épaisseur-, mais qui, même alors, ne se confond point avec lui , et conserve sa nature particulière. L'importance des poils trouve de nouvelles preuves dans le phénomène de la mue : personne n'ignore que cette chute pé- riodique des poils a besoin de jeunesse et de vigueur pour se faire facilement, que l'âge et la foiblesse sont presque toujours des causes de désordre pour elle, et que son irrégularité ou son imperfection sont toujours des symptômes fâcheux, et quelque- fois précurseurs de la mort : or un système d'organe qui ne tiendroit pas profondément àl'existence d'un animal , n'exigeroi t point de semblables conditions pour satisfaire au voeu de la na- ture, et le trouble de ses fonctions ne présenteroit point de tels effets. Parmi les altérations importantes que présentent les poils, il en est une sur-tout qui doit m'arrêter un moment, parceque jusqu'à ce jour elle est restée fort obscure, et que la formation des poils, comme je viens de l'établir, en donne une explication très naturelle; il s'agit de la plique, c'est-à-dire des maladies singulières qu'on a désignées sous ce seul nom, et qvii ne sont pas moins niées par les uns qu'elles sont affirmées par les autres. DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 435 lesquelles consisteiit ou dans un développement excessif des poils ou dans la matière sanguinolente qu'ils répandent lorsqu'on les divise, lorsqu'on les coupe, et même, dit-on, dans leur sensi- bilité. En effet, il ne faut dans l'organe producteur des poils qu'une activité plus grande que celle qui lui ©st ordinaire, pour que ceux-ci acquièrent une longueur qui surpasse de beaucoup leur longueur commune; et un état maladif du bulbe suffit pour rendre raison de la seconde espèce d'altération. C'est, nous n'en doutons pas, un exemple de ce genre qui nous a été offert par le bulbe d'une plume dont nous avons donné la description et la figure dans notre Mémoire sur la structure des plumes et leur développement (fig. y, 8 et 9). Cependant ces preuves de l'importance des poils, suffisantes sans doute, en général, ne le seroient pas dans le point de vue zoologique \ il faut que le principe que nous avons établi reçoive son application dans cette science même, et que l'expérience montre qu'en effet des poils de structure différente ne s'asso- cient pas naturellement dans le même genre; or ces preuves sont déjà nombreuses. C'est principalement par les formes des têtes que nous avons été conduit à diviser les animaux qu'on réunissoit sous le nom commun de Porc-épic ; nous aurions pu y être conduit par la structure des poils, car tous les Porcs- épics d'Amérique ont leurs épines sans rayons intérieurs, tandis que tous les Porcs- épies de l'ancien monde, au contraire, ont leurs épines rayonnées intérieur^ement. Les dycotiles offrent les mêmes différences comparées avec le cochon, auquel ils ont été si long-temps réunis : les premiers ont des poils rayonnes à l'intérieur, tandis que les seconds les ont sans rayons; et c'est encore une observation de cette espèce que nous présentent les 436 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT phoques, que nous avons partagés en plusieurs genres. Uéchi- mys dactylin qui est couvert de poils soyeux filiformes, tandis que les autres échimys sont revêtus de poils épineux, creusés en gouttière d'vin côté et arrondis de l'autre, ne se trouve avoir ni le système de«dentition , ni la forme de tête, ni même les organes des mouvements de ces derniers; il constitue le type d'un genre nouveau, voisin de celui des échimys peut-être, mais essentiellemeîit différent; et j'en dirai autant du Porc-épic à queue en pinceau, si remarquable par les épines en forme de chapelets dont sa queue est revêtue, et qui avoit été placé tantôt avec les Porcs-épics , tantôt avec les rats; car il ne diffère pas moins des uns et des autres par ses dents et sa tête que par ces singuliers poils. Au reste, nous présenterons dans un second Mémoire le tableau des caractères des poils chez tous les animaux où j'ai pu le rechercher, lequel confirmera abondamment ce qu'éta- blissent sans i-estriction les faits précédents. La simple obser- vation conduisoit donc tout aussi bien que le raisonnement à placer les poils, envisagés comme caractères zoologiques, dans un rang bien moins subordonné que celui qu'ils ont oc- cupé jusqu'à présent dans nos méthodes. Je considère le sys- tème organique dont ils dépendent et qui les produit, comme analogue à celui des sens, et même comme en faisant partie, car les poiis sont povir un grand nombre d'animaux un organe très délicat et très fin du toucher; et ce ne sont pas seule- ment les moustaches qui nous en donnent la preuve, on peut l'obtenir des poils de toute la surface du corps. Le plus léger at- touchement, celui que produit un cheveu, suffit pour qu'à l'instant même certains animaux, les chats, par exemple, contractent et DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 43? fassent frémir leur peau, comme ils font toujours pour se dé- barrasser des corps légers qui s'y attachent, et dont le toucher leur fait connoître la présence. Ainsi les groupes secondaires que l'on fonderoit dans les genres naturels sur la structure ou les rapports des poils, me paroîtroient être absolument du même ordre que ceux qui ont été fondés sur la structure des sens, sur la forme de la pupille, la présence ou l'absence d'un mufle, l'existence ou la non existence d'une oreille externe, les papilles aiguës et cornées, ou les papilles douces de la langue, etc., etc. Je n'étendrai pas plus loin mes considérations sur les poils et sur les faits qui leur servent de fondement. Je n'ai voulu éta- blir qu'un principe, et non point en tirer toutes les consé- quences. L'examen détaillé des poils promet encore d'impor- tantes observations, soit qu'on les examine dans le phénomène de la mue ou dans les effets des différents agents qui sont propres à les modifier, et même anatomiquement. Mais il est sur-tout un point dont je n'ai pu encore rat'occuper d'une ma- nière spéciale, et que je dois signaler. Il s'agit des poils laineux que je n'ai fait que caractériser, et dont il seroit d'autant plus important de rechercher l'origine et la nature, qu'outre la part qu'ils prennent à l'existence des mammifères, ce sont eux qui constituent nos plus belles fourrures qui sont principalement employées à la fabrication de nos étoffes les plus utiles et les plus précieuses. Or ces poils laineux qui forment la toison de nos races de moutons d Europe, le duvet de chèvres de cachemire, et peut-être le vêtement des vigognes, des alpacas, etc.,' paroissent susceptibles d'être produits, d'être favorisés dans leur dévelop- pement, par des moyens qui sont en notre puissance; car nous voyons, entre quelques phénomènes naturels et leur produc- 438 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT, ETC. tion ou leur disposition, une concomitance, une liaison, qui semblent tout-à-fait indiquer les rapports de la cause à ses effets. L'on peut donc présumer avec fondement que de la con- noissance de ces moyens ou de ces causes, et de leur application à diverses espèces de mammifères, naîtroient pour l'industrie et le bien-être des hommes des ressources nouvelles aussi nom- breuses que variées. il'. ^Jnna/es du Muséum. . M. Werner del yl/K7fo/>u'e de l'Èpcne da l'orc-ep/c d'Iùi/(e . EXPLICATION DES FIGURES DE L'ANATOMIE DES ÉPINES DU PORG-ÉPIC D'ITALIE. Fig. I. Deux séries d'épines, vues en dessous, et dont les racines sont enve- loppées en (a) et (b) parles organes accessoires à la production des épines. Ces organes sont en partie cachés dans le tissu cellulaire. Ceux qui se présentent sous forme cylindrique sont des cellules adipeuses; ceux qui sont au-dessus, et de forme sphérique , sont les cavités adipeuses et folliculaires. Fig. 2. Coupe transversale d'une épine sur laquelle on voit le cercle noir de matière cornée, et les rayons de même couleur. La matière spon- gieuse et blanche remplit le reste de l'épine. Fig. 3. Lpine. (a) Sa pointe, (b) Sa racine. (c)Son corps. Fig. 4- Épine tubuleuse de la queue dans son état d'intégrité, c'est-à-dire avant la rupture de sa pointe. Fig. 5. Épine à la partie inférieure de laquelle se trouvent attachées les deux membranes de la gaîne (a) , membrane interne , (b) membrane externe, (c) portion du derme. Fig. 6. Gaîne avec ses deux membranes, (a) membrane interne, (b) mem- brane externe, (c) derme, (d) bulbe. • Fig. 7. Épine ouverte à sa base. On voit en (a) le bulbe dans un état rudi- mentaire, et en (b) les lames membraneuses, résidu des stries qui les recouvroient dans son état d'activité complète. Fig. 8. Coupe longitudinale et dans leur situation naturelle, des organes accessoires à la formation des épines, (a) Cellule adipeuse, (b) Ca- vité adipeuse, (c) Cavité folliculaire, (d) Orifice de cette dernière cavité, (e) Gaîne d'où l'épine a été arrachée. Fig. 9. Épine dont la racine n'est point encore formée, ouverte par sa base, et présentant en (a) son bulbe en pleine activité et couvert de ses stries. La gaîne est ouverte et renversée sur les côtés. En (b) est la membrane interne. En (c) la membrane externe. En (d) la cellule adipeuse. En (e) le derme. La lettre (z) indique, dans toutes les figures, le prolongement des vais- seaux et des nerfs qui se rendent au bube, et qui sont encore enveloppés par la membrane externe. DESCRIPTION DES CARACTÈRES PROPRES AUX GENRES GRAPHIURE ET CERCOMYS DE L'ORDRE DES RONGEURS. PAR M. F. GUVIER. J'ai publié, dans la soixantième livraison de mon Histoire na- turelle des Mammifères , la description de deux rongeurs que j'ai donnés comme les types de deux genres, l'un sous le nom de Graphiure du Brésil, l'autre sous celui de Gercomys du Cap; mais la nature de cet ouvrage ne me permettant pas d'entrer dans des détails assez étendus pour faire connoître ces animaux comme types de divisions génériques , je vais suppléer ici à ce qui manque sous ce rapport à ma première description, en accompagnant de figures celles des parties organiques qui me paroissent caractériser ces deux genres et les distinguer de ceux avec lesquels ils ont des affinités. L'ordre des rongeurs est chez les mammifères celui qui, relati- vement à la classification, présente le plus de difficultés au zoologiste, et cette observation est sur-tout applicable à certaines familles de cet ordre. La nature semble s'être plu chez ces ani- maux à multiplier les modifications organiques secondaires, sans modifier les fonctions, de sorte que, jusqu'à présent, il est très peu de ces modifications dont l'influence sur la vie ait été appréciée, et dont on ait déterminé l'importance dans la vue des rapports que ces animaux ont entre eux. Pour cet effet, de nom- Annales du Muséum , 1. 1", 3' série. 56 442 DESCRIPTION DES GRAPHIURE ET CERCOMYS breuses observations sur la vie elles systèmes organiques des ron- geurs seroient encore nécessaires; aussi est-ce pour concourir à ce travail que j'ai donné les animaux dont je viens de parler comme des types de genres nouveaux plutôt que comme les types d'espèces nouvelles. J'ai cru devoir en agir ainsi par un principe qui me paroît plus propre à favoriser les progrès de la science que le principe contraire, par la raison que la formation d'un genre nécessite des descriptions beaucoup plus étendues que l'établis- sement d'une espèce rapportée à un genre connu ; car, dans le premier cas, on est conduit à étudier les organes afin d'en ap- précier les formes diverses et de déterminer l'importance de celles-ci, ce qui n'a pas lieu dans l'autre, où tous les caractères génériques étant éliminés et supposés connus, il ne reste plus à considérer que les parties organiques les plus superficielles. D'ailleurs l'introduction d'une espèce anomale dans un genre naturel en détruit l'unité, ou, si le genre est artificiel, ne fait qu'ajouter à son imperfection. Ce principe suppose , à la vérité, qu'une limité a été tracée entre les caractères génériques et les caractères spécifiques, ce qui n'est point encore à beaucoup près pour les rongeurs, comme je l'ai dit plus haut; mais , ovitre que ce cas ne feroit qu'ajouter de la force aux raisons que je viens d'exposer, le naturaliste alors a pour guide les analogies que lui présentent les branches de la science plus avancées j et heu- l'eusement dans plusieurs ordres de mammifères cette limite a été nettement tracée. Chez eux l'importance relative des divers systèmes d'organes et de leurs modifications a été appréciée, et, aux caractères qui appartiennent à un animal dans ces ordres, on peut toujoursdéterminer la place qu'il doit occuper dans la série à laquelle il appartient. A.u surplus il seroit possible que les DE l'ordre DES RONGEURS. 44;3 rongeurs fussent dans le même cas que les oiseaux de certains) ordres , que leurs gemmes ne différassent point par des caractères tranchés , mais se rapprochassent les uns des autres, de manière à se fondre. Alors le but de la méthode ne seroit plus de don- ner un type absolu à chaque genre, mais d'établir, par les modifications graduelles des espèces, les rapports des genres entre eux et les points mêmes où ils viennent se confoEidre.; S'il en étoit ainsi, ce seroit une raison de plus à ajouter à celles que j'ai déjà données pour justifier la détermination que j'ai prise de publier comme types de deux genres les deux espèces nouvelles que j'a vois à décrire ; et j'ai eu peu d'égard à la crainte d'ajouter deux noms nouveaux à la zoologie en parlant d'objets nouveaux-, les noms génériques font la richesse des sciences-: quand ils sont fondés sur de bonnes raisons; et c'est moins leur multiplication que leur confusion qui est à redouter; or cette confusion résulte sur-tout de noms divers donnés aux mêmes êtres. Du genre Graphiure. i L'espèce de laquelle j'ai tiré les caractères' de ce genre a été considérée par •^l. Desmarest comme un loir, et en effet en n'examinant cet animal qu'extérieurement (et M. Desmarest n'a pas été à portée de le faire autrement), c'est aux loirs qu'on devoît le réunir; ses formes et ses proportions rappellent les leurs, il en est de même des organes du mouvement et du pelage, et sa queue couverte de longs poils se termine en pinceau comme celle du lérot; cette espèce a même sur les côtés de la tête la tache noire qui caractérise en partie ce dernier animal; mais lorsqu'on descend plus profondément dans l'organisation du Graphiure, DESCRIPTION DES GRAPHIURE ET CERCOMYS on trouve entre lui et tous les loirs connus des différences assez grandes et plus considérables que celles qui distinguent ceux-ci les uns des autres, quoiqu'ils ne forment pas un genre aussi natu- rel à beaucoup près que les rats par exemple, ou que les lièvres. C'est ce que nous allons exposer en détail; mais en nous ren-^ fermant dans les systèmes organiques de l'alimentation et des sens , les seuls que nous ayons été à portée d'étudier. Les naturalistes connoissent quatre espèces de loirs (Myoxus) : le loir proprement dit, M. Giglis } le lérot, ikf. Nitela ; ]e mus- cardin, M. Avellanarius ; et le loir du Sénégal, M. Coupeii. Les autres espèces qui ont été rapportées à ce genre sont douteuses. Chez tous ces animaux la grandeur des quatre mâchelières qui se trouvent de chaque côté des deux mâchoires, est, comparati- vement à celle de tous les autres rongeurs, dans les projjortions de la grandeur de leur corps, et la série de ces dents commence au moins à la basé de l'apophyse zygomatique du maxillaire. Dans le Graphiure, qui par sa taille surpasse celle du lérot, ces dents ont à peine le tiers de la grandeur de celles de ce loir: elles sont même à peine de moitié aussi grandes que celles du muscardin qui est de moitié plus petit que le Graphiure , et leur série ne commence que fort en arrière de l'apophyse du maxil- laire. A la vérité chez le Graphiure comme chez les loirs, les mâchelières ne paroissent formées que d'une seule substance compacte et blanche; de sorte que quoique sillonnée on n'y aperçoit pas les rubans d'émail qui caractérisent les mâchelières composées, lesquelles, outre la substance émailleuse , contien- nent encore de la substance osseuse. Chez le loir, le lérot, et sur-tout le muscardin, la face anté- rieure de l'apophyse zygomatique du maxillaire présente une DE l'ordre DES RONGEURS. 445 large surface à l'attache du muscle mandibulo-maxillien , tandis que chez le Graphiure ce muscle n'a pour attache dans cette apophyse que le bord inférieur de celle-ci, et cette apophyse, au lieu d'être relevée et de former un angle droit avec la partie antérieure du maxillaire, ne forme qu'un angle très ouvert par son renversement en arrière, ce qui en outre restreint de beau- coup la cavité zygomatique, et par conséquent l'épaisseur du crotaphite. L'arcade zygomatique elle-même présente dans les trois espèces de loirs des différences notables, comparées à celle du Graphiure: chez eux elle est relevée fort au-dessus de la partie dentale du maxillaire, au contraire chez le dernier elle est à-peu-près au niveau de cette partie. 11 résulte de ces diverses circonstances, les seules qui me paroissent dignes de remarque, que le Graphiure a une puissance de manducation très foible, comparativement à celle des loirs. Si actuellement nous cherchons à reconnoître les rapports de cette première partie du système de l'alimentation avec le canal alimentaire, c'est-à-dire avec l'estomac et le canal intestinal, nous arrivons à des résultats non moins remarquables. D'abord le Graphiure, comme les loirs, est tout-à-fait privé de cœcum, ensuite le canal intestinal chez les uns comme chez les autres est d'un diamètre et d'une structure à-peu-près uniformes dans toute sa longueur, de sorte qu'à cet égard les petits et les gros intestins ne se distinguent pas. La première différence qui se fait remarquer est dans le diamètre de ce c^nal; on le trouve sous ce rapport proportionnel à la taille des animaux, chez le loir, le lérot, et le muscardin, tandis que chez le Graphiure il est deux ou trois fois plus large même que celui du loir. Sa longueur, chez le Graphiure, est d'un pied quatre pouces, c'est-à- 446 DESCRIPTION DES GRAPHIURE ET CERCOMYS dire semblable à celui du muscardin, et par conséquent de plus de moitié plus court que celui du lérot, qui a trente-trois pou- ces, et que celui du loir, qui en a quarante. L'estomac, d'une forme à-peu-près hémisphérique lorsqu'il. est rempli, chez le lérot et le muscardin, est partagé chez le pre- mier en parties égales par le cardia, et le pylore se trouve à l'ex- trémité de la partie droite. Chez le muscardin, le pylore et le cardia sont beaucoup plus rapprochés. Chez le loir, l'estomac replié sur lui-même j présente deux parties montantes, la gauche ou la partie cardiaque, qui est la plus grande, et la droite, qui est la partie pylorique. Chez le Graphiure, l'estomac approche beaucoup de celui du lérot pour la forme et les rapports du py- lore et du cardia, mais il est près de deux fois plus grand. Ainsi, excepté par l'absence du coecum, le canal alimentaire du Gra- phiure diffère complètement de ceux des loirs; il ne leur est proportionnel ni pour le diamètre, ni pour la longueur, et ce que dans le premier cas il semble gagner pour la faculté diges- tive , il paroît le perdre dans le second ; de sorte qu'au total il reste inférieur, quant à cette faculté induite des formes et des proportions propres aux trois principales espèces de loirs; car ni le foie, ni le pancréas, ni la rate de ces animaux, ne nous ont présenté de modifications propres à infirmer ce résultat. Nous, n'ignorons pas combien d'autres recherches seroient nécessaires pour porter, sur la question qui vient de nous occuper, un ju- gement absolu ; aussi n'envisageons-nous comme fondée la solu- tion que nous en donnons que relativement aux parties que nous avons été à portée d'examiner. Des recherches ultérieures pourront compléter ce simple et foible essai d'anatomie zoolo- gique; mais nous croyons important, sur-tout pour les ron- DE l'ordre des rongeurs. 44? geurs, d'apprécier les rapports des dents avec le canal alimen- taire. Passons actuellement au système organique, des sens. Exté- rieurement, les organes des sens du Grapliiure, comjjarés à ceux des loirs, ne présentent aucune modification de laquelle on puisse conclure un changement dans les fonctions. Les sens sont la branche de la science où l'obscurité la plus profonde régne encore; et si cette assertion est vraie, à peu d'exceptions près, pour tous les genres de mammifères, elle l'est sur-tout pour la plupart des l'ongeurs, qui, quoique différant extrêmement par les organes de l'alimentation et par ceux du mouvement, ne paroissent point différer par ceux des sens. Nous n'avons donc d'inductions à tirer sur ce point, que de l'examen des parties osseuses de la tête qui entrent dans la composition de ces der- niers organes, où quelques modifications deviennent sen- sibles, .sans que pour cela toutefois on puisse en mesurer exactement l'influence. Nous sommes donc encore dans cet ordre de faits à-peu-près exclusivement sous le joug de l'empi- risme, et les notions qui seroient nécessaires pour faire appré- cier les fonctions des sens, sont de telle nature qu'il est à craindre que de long-temps encore nous ne puissions nous soustraire à ce Quoi qu'il en soit, les observations que nous présentent les parties osseuses de la tête du Graphiure sont suffisantes pour qu'il nous paroisse nécessaire de faire connoître les principales. Chez cet animal, les os du nez s'avancent jusqu'au-dessus de l'os cri- bleux; les frontaux, à-peu-près aussi larges que longs, se ter- minent en arrière par une ligne -droite ; les pariétaux forment -tin parallélogramme presque régulier, et les temporaux, dont la 448 DESCRIPTION DES GRAPHIURE ET CERCOMYS largeur est à la longueur comme un à quatre, sont circonscrits postérieurement par une ligne verticale, et antérieurement par ^une ligne oblique dont la partie inférieure est la plus avancée; la caisse ne se prolonge pas au-delà de l'apophyse zygomatique du temporal, et ne descend pas jusqu'à l'apophyse épineuse de la mâchoire inférieure; enfin la largeur de la capacité cérébrale est à sa longueur dans le rapport de sept à neuf, et la longueur du crâne est à celle du museau comme neuf sont à six et demi. Chez le loir, le lérot, et le muscardin, les os du nez se prolon- gent sensiblement moins en arrière; les frontaux se terminent en un angle fort aigu chez le loir, en un angle plus ouvert clifez le lérot, et en un demi-cercle chez le muscardin; les pariétaux plus larges postérieurement qu'antérieurement chez le loir, et très alongés, se terminent à leurs deux extrémités par des lignes obliques qui convergent sur la ligne moyenne; chez le lérot, avec des proportions moins alongées que chez le loir, ils se ré- trécissent subitement en avant, et finissent en arrière par une ligne droite terminée à ses deux extrémités par un petit prolon- gement; et, excepté par cette dernière particularité, ceux du muscardin ne diffèrent pas notablement de ceux du lérot. Les temporaux, très longs aussi en comparaison de leur largeur chez le loir, présentent postérieurement un angle droit, et anté- rieurement une ligne oblique dont la partie la plus avancée est la supérieure. Très irréguliers dans le lérot et le muscardin , ils sont remarquables par leur moitié antérieure, qui est très large, comparativement à la postérieure, et par l'échancrure que celle- ci présente à sa terminaison chez le lérot. La caisse, chez le loir et le lérot, s'avance au-delà de l'apophyse zygomatique du tem- poral, et descend au-dessous de l'apophyse épineuse de la ma- DE l'ordre des rongeurs. 449 clioire inférieure. Chez le muscardin, la caisse se rapproche des proportions de celle du Graphiure; enfin la largeur de la capacité cérébrale est à sa longueur dans les rapports suivants : chez le loir, comme sept sont à dix et demi; chez le lérot, comme six et demi sont à huit trois quarts: chez le muscardin, comme cinq sont à sept, et la longueur du crâne est à celle du museau chez le premier, comme dix et demi à sept un tiers; chez le second, comme huit trois quarts à six, et chez le troisième, comme quatre à sept. Du genre Cercomys. Le Cercomys du Brésil est, à l'égard des échimys, dans les mêmes rapports que le Graphiure à l'égard des loirs. Plusieurs ressemblances l'en rapprochent, et plusieurs difféi'ences l'en éloignent; il s'agiroit donc de détex^miner lesquelles sont les plus importantes; mais à cette difficulté s'en joint une autre non moins embarrassante, que nous avons aussi rencontrée dans la comparaison du Graphiure avec les loirs : c'est que les espèces du genre échimys, n'ayant point entre elles le degré de ressemblance qui existe entre les espèces des genres très naturels, ce qui, par rapport au Cercomys, est ressemblance pour les unes, est diffé- rence pour les autres, et réciproqiiement. Comme je l'ai dit plus haut, nos connoissances sur les rongeurs ne sont point assez avancées pour résoudre ces difficultés; et dans ce cas, l'exposé et la comparaison des faits sont la seule méthode qui reste à suivre, en attendant que les observations soient assez multipliées pour conduire à une solution quelconque de la question que ces diffi- cultés font naître. Je vais donc considérer le Cercomys comme Annales du Muséunij t. 1", 3' série. 67 45o DESCRIPTION DES GRAPHIURE ET CERCOMYS j'ai considéré le Graphiure, seulement je ne pourrai le faire que relativement aux différentes parties de la tête. ' Les espèces que les naturalistes rangent aujourd'hui dans le genre écliimys, formé par M. Geoffroy Saint-Hilaire , sont déjà au nombre de huit à dix. Un des principaux caractères auquel on s'est arrêté pour la formation de ce genre consiste dans les épines dont les parties supérieures du corps sont revêtues; et quoique ce caractère soit d'un ordre assez élevé, il appartient à des genres différents; aussi ne me semble-t-il pas avoir con- duit à former une réunion naturelle d'espèces ; c'est pour ne pas ajouter à ce que ce genre a d'hétérogène que nous en distinguons le Cercomys du Brésil, quoiqu'il ait, comme nous venons de le dire, plusieurs points de ressemblance avec plusieurs des espèces qui constituent ce genre. Au reste, nous sommes loin de con- noître toutes les espèces d'échimys avec assez de détail pour pou- voir comparer leurs caractères à ceux du Cercomys. Celles que nous avons pu étudier sont l'E. dactylin, E. dactylinus , l'E. à queue dorée, E. cristatus, et l'E. didelphoïde, E. didelphoides. Une des premières différences que nous observons entre ces animaux et le Cercomys se trouve dans les dents. C'est ce qui paroîtra évident par nos figures , et nous dispensera d'une des- cription que des formes aussi irrégulières que celles de ces dents rendent impossible; mais on verra en outre que ces échimys, par ce caractère , diffèrent autant les uns des autres , qu'ils diffèrent du Cercomys; car, quelque degré d'usure qu'on sup- pose à ces dents, il est impossible de ramener les formes des unes à celles des autres. Jamais les deux triangles échancrés à leur face externe , dont se composent les mâchelières supé- rieures de l'échimys dactylin, ne prendront la forme circulaire DE l'ordre DES RONGEURS. 4^1 des dents analogues du Gercomys, ni celles-ci les proportions des mâchelières supérieures de l'échioiys didelphoïde, qui sont du double plus longues que larges, etc. Ces différences égalent au moins celles qui distinguent les porcs-épics des coendous , les capromys des agoutis, les castors des myopotames, et surpassent de beaucoup celles qui séparent les écureuils des marmottes, les marmottes des spermophiles , les gerbilles des hamsters, etc. Aucune différence importante ne s'aperçoit entre la forme des parties de l'arcade zygomatique et leurs rapports entre elles et les parties voisines lorsqu'on compare la tête du Gercomys avec celles des échimys dactylins et à queue dorée : ainsi , sous le rapport de la manducation, les caractères distinctifs de cette nouvelle espèce consistent exclusivement dans les dents. Les premières observations particulières que présente la tête du Gercomys , sont relatives aux sens , et consistent dans l'élargisse- ment de la partie antérieure et le prolongement en avant des os incisifs, le prolongement de ceux-ci en arrière des os du nez; la brièveté des pariétaux et leur forme bombée, et la grandeur de l'occipital. Du reste, la capacité cérébrale semble être la même que chez les échimys. Ges différences particulières en amènent de sensibles dans les formes générales de la tête, et concourent, avec celles qui résultent des dents , à séparer avec assez de pré- cision cet animal des espèces du genre dont il se rapproche le plus. N'ayant pu étudier que le squelette et la peau du Gercomys, je n'exposerai pas les rapports des organes du système de mandu- cation avec ceux de la digestion, comme je l'ai fait pour le genre Graphiure, et il en sera de même des organes extérieurs des sens, excepté ceux du toucher. Les poils sont de deux sortes, les uns longs, droits, fermes et assez rares, dont la contexture est 452 DESCRIPTION DES GRAPHIURE ET CERCOMYS,ETC. uniforme; les autres courts, fins, doux, et plus épais que les premiers, lesquels paroissent formés d'anneaux alternativement sombres et clairs. Aucune épine ne s'aperçoit parmi ces poils, et l'on sait qu'elles font un des caractères essentiels des échimys. Les premières notions qu'on obtient sur la nature d'un animal qu'on ne suit pas dans toutes les périodes de sa vie ; les inductions qu'on en tire quand ces notions ne sont établies que sur d'impar- faites dépouilles; les rapports qu'on juge exister entre cet animal et les animaux qui paroissent avoir une organisation semblable à la sienne, sur-tout quand on ne connoît encore qu'ixnparfaite- ment les rapports de ceux-ci, sont des raisons plus que suffi- santes sans doute pour faire sentir qu'un tel animal a besoin d'être étudié de nouveau. C'est donc le cas du Graphiure du Gap et du Gercomys du Brésil. Aussi notre objet, en indiquant l'exis- tence de ces animaux, en décrivant les parties que nous avons pu observer, en essayant de montrer par quels points ils res- semblent, et par quels points ils diffèrent des animaux dont ils se rapprochent le plus, a principalement été de les montrer comme sujets importants de recherches nouvelles, autant par la connoissance plus étendue que nous obtiendrions de leur na- ture , que par les lumières nouvelles que répandroient ces re- cherches sur les deux genres encore imparfaits avec lesquels ils ont le plus d'analogie. j'/.jfi l'içj- (^^ap/uâ/-ey eô Zoi^s. /Y.- Fi^.i Fi^.i Fig.î. Fiy.4- /7<7,J Fy.6- (^m/i/i/are et Z grossies. PL. 17. Fig. I et 2. Tête du Loir, vue de profil et en dessus. Fig. 3 et 4- Tête du Graphiure, vue de même. Fig. 5 et 6. Tête du Muscardin, vue encore de même. Pl. 18. Fig. I. Dents mâchelières supérieures du Cercomys. Fig. 2. Dents mâchelières supérieures et inférieures de l'Échimys didel- phoïde. Fig. 3. Dents mâchelières supérieures et inférieures de l'Echimys dac- tylin. Pl. .9. Fig. 1 et 2. Tête du Cercomys, vue de profil et en dessus. Fig. 3 et 4. Tête de l'Échimys de Gaimar, vue de même. Fig. 5 et 6. Tête de l'Échimys dactylin, vue encore de même. DESCRIPTION d'une GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, VOISIN DES LEICHES. PAR M. A. VALENGIENNES, PROFESSECB AD MUSEUM. L'histoire naturelle des grandes espèces de Squales est restée jusqu'à présent peu avancée, parceque ces animaux se tiennent habituellement dans les vastes bassins des mers, sur-tout vers les pôles, et que ces contrées ne sont explorées que par un petit nombre de naturalistes habiles. Leur volume contribue encore à rendre les observations plus difficiles. Ceux qui sont pris par les baleiniers sont prompte- ment dépecés, et leur foie et leur peau sont seuls conservés pour les profits de l'armateur du navire. Il arrive de temps en temps que de grands courants, ou l'ardeur de ces gros animaux à poursuivre les bandes de poissons voyageurs , entraînent ces êtres voraces loin des mers du Nord. Une fois entrés dans les anses ou les grandes baies de nos rivières, ils viennent assez souvent échouer sur nos côtes. C'est ce qui arrive également aux grands cétacés engagés dans la Manche, par les courants de l'océan du Nord. Ces énormes mammifères marins sont le plus ordinairement la baleine à ventre plissé, dont il existe au moins deux espèces confondues sous ce nom , et des dauphins DESCRIPTION d'une GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, ETC. 455 de fortes dimensions, tels que l'épaulard ou de petits troupeaux de delpliinus globiceps. Il est malheureusement fort rare que des naturalistes soient prévenus assez tôt du moment où ces monstres marins se perdent sur la CQte pour pouvoir se trans- porter sur les lieux, et les examiner avec assez de soin pour les faire suffisamment connoître. Aussi leur histoire naturelle et leur anatomie sont-elles encore bien loin d'être complètement connues. Dès que les pêcheurs riverains connoissent la perte d'un de ces animaux^ ils les mettent en pièces pour satisfaire à leurs besoins, malgré les ordonnances royales les plus anciennes et les lois même assez sévères qui existent contre ces sortes de déprédations. La mer a bientôt dispersé le reste du cadavre, et les naturalistes ne parviennent que rarement à en posséder le squelette. Les grands Squales, habitants du Nord comme les cétacés, suivent les mêmes routes, s'exposent aux mêmes dangers, et subissent souvent le même sort. Leur poids considérable empêche presque toujours qu'on ne les transporte, et les pêcheurs qui savent n'en tirer que peu de profit, les abandonnent ordinairement après en avoir retiré seulement le foie, toujours très volumineux, et qui leur fournit une assez grande quantité d'huile pour leur propre consom- mation. Quelquefois des hommes curieux en tracent un trait, plus ou moins exact, et le transmettent à des naturalistes éloi- gnés, qui le font entrer dans leur ouvrage. Mais ceux-ci sont loin de rendre service à l'ichtyologie, en y introduisant sur des données fort incertaines des espèces nominatives qui pren- nent rang dans les catalogues méthodiques. Les descriptions ou les figures de grands Squales , auxquels Pennant, Shaw ont 456 DESCRIPTION d'une GRANDE ESPÈCE DE SQUALE , appliqué le nom de Squalus Maximus, donné par Linné, d'après Ottou Fabricius, à Un autre grand Squale, en sont des exem- ples. Ces espèces n'ont pas été mentionnées, d'après l'observa- tion immédiate de la nature, et il est probable que l'inexactitude et l'inexpérience du dessinateur ont été assez grandes pour lui faire oublier des parties importantes, destinées à servir de ca- ractères essentiels , telles que la nageoire anale, ou celle qui suit la grande nageoire du dos, et dont la surface est exces'si- vement petite relativement au volume considérable de l'animal. De là sont nées les incertitudes que les naturalistes éprouvent encore à l'égard de ces poissons. Le Squalus Maximus de Gunner a été observé sur nature , mais il est évident que l'association faite par Gmelin avec le Squale très grand d'Otton Fabricius n'est pas exacte, et que ces deux espèces étant mieux connues, seront séparées, ou que si on les réunit il faudra faire de nombreuses corrections à leur diagnose et à leur description générale. La dissertation que M. de Blain ville a publiée en 1810, sur ces grandes espèces de chondroptéri- giens, dans le cahier du Journal de physique de septembre de cette même année, a commencé à débrouiller cette matière, et a démontré qu'il existe au moins quatre espèces de Squales con- fondues .sous le nom de Squalus Maximus. Depuis le travail de M. de Blainville, M. Lesueur a fait connoître un très grand Squale des côtes de l'Amérique septentrionale, sous le nom de Squalus Elephas. Il est très voisin du pèlerin de M. de Blainville. Nous n'en avons vu que quelques dents envoyées de Phila- delphie par M. Lesueur. Elles ressemblent beaucoup à celles du Squale de nos mers. M. Cuvier, qui semble avoir été toujours servi avec complai- VOISIN DES LEICHES. 457 sance par le hasard, pour toutes ses recherches , soit en anatomie, soit en zoologie, fut encore une fois plus heureux que tous ses devanciers pour voir à Paris un de ces grands Squales, frais et bien conservé. Dans la nuit du 21 novembre 18 10, un individu fut pris à Dieppe dans des filets de pêcheurs de harengs, qui le remorquèrent dans le port, au moyen d'un câble noué autour de la queue : l'animal chargé encore vivant sur une voiture fut amené à Paris en fort bon état. Ce poisson, à la prière de M. Cuvier, a été décrit et disséqué cette fois par un zoologiste habile, préparé sur la matière par les travaux antérieurs que j'ai cités de lui. Une bonne description zoologique et anatomique, jointe à une figure fort exacte, a été publiée dans le tomeXVlII des Jtnnales du Muséum. Ce Mémoire, rédigé par M. de Blainville , ne laisse rien à délirer pour la con- noissance de ce sélacien; les zoologistes ont possédé, de ce mo- ment, une base fixe, une donnée certaine sur une des espèces de grands Squales à fentes branchiales si élevées qu'elles remontent jusque sur le haut du cou de l'animal, et y forment des plis comparables à ceux d'un grand manteau. C'est le type de l'es- pèce nommée le Squale Pèlerin. Quoique j'aie rencontré une circonstance un peu moins heu- reuse pour obsei'ver la grande espèce que je vais décrire dans ce Mémoire, j'ai dû profiter néanmoins avec empressement du hasard qvii amena à Paris cet animal, conservé dans une li- queur, préservant delà corruption pendant quatre mois, et par les fortes chaleurs du mois de juin, cette masse énorme de chair. En effet, ce Squale vint échouer à Eure dans la grande baie de l'embodchure delà Seine dans la nuit du 3o mars au i" aviil. L'animal, long de treize pieds, du poids de trois à quatre cents Annalei du Muséum, 1. 1", 3' série. 58 458 DESCRIPTION d'uNB GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, livres, fut trouvé encore vivant sur le sable, et acheté au Havre, afin de le montrer au public. L'acquéreur s'entendit avec M. Lànglois demeurant au Havre , et qui fait commerce de conservei" les viandes pour la nourriture des navigateurs de loiïg cours. .Le poisson fut mis, dans une boîte de bois et ar- rosé par une liqueur noirâtre ayant une odeur très forte d'acide pyroligneux : il y resta avec tous ses intestins dans un état de conservation loin d'être parfaite, car l'animal étoitdéja bien ramolli, mais remarquable, eu égard à la longueur du temps, à la chaleur de la saison , et au volume des masses char- nues. Nous avons pu prendre les proportions relatives de ses dif- féi^entes parties, et le faire préparer: il est exposé maintenant dans nos galeries de zoologie. Ce qui frappe le plus à la première vue de ce poisson , c'est la petiesse extrême de ses nageoires. Il manque d'anale j la caudale et les pectorales ordinairement si longues et souvent si larges , dans la plupart des espèces de cette famille, sont ici, en quel- que sorte, rudimentaires. Elles doivent donner de très foibles moyens de translation à ce sélacien. Cette conformation prouve assez les affinités que je lui ti^ouve avec les leiches. Aussi je place cette espèce dans ce genre en lui donnant pour nom spécifique une épithète qui rappelle la petitesse de ses nageoires. LA LEICHE AUX PETITES NAGEOIRES. Scyninus micropterus. Nob. Ce grand Squale est encore remarquable par sa forme com- primée et raccourcie, elle l'est moins que celle du humantin (Squalus centrina); mais celui-ci est le seul qui puisse lui être VOISIN DES LEICHES. 45g comparé ; tous les autres Squales on t en effet le corps plus arrondi, alongé et aminci vers la queue. Notre Squale, moins raccovirci que le huraantin, en diffère cependant parla compression du corps de droite à gauche. ïl ;a le museau saillant au-devant de la bouche, comme c'est l'ordinaire dans les poissons de la famille des chondroptérigiens , voisins des Squales; mais au contraire de tovis, ce museau est très comprimé comme le corps, tellement que l'épaisseur n'est que la moitié de la hauteur. L'extrémité est obtuse, terminée par une arête mousse, très ronde. A partir du museau la ligne du profil monte jusque vers l'aplomb de la pectorale, où la courbe du dos a atteint son plus haut point d'élévation ; au-dessus de l'évent la ligne décrit une courbe légèrement concave. Quand elle a atteint le point le plus haut, la ligne s'abaisse sous la dorsale et descend par une pente insensible jusqu'à la nageoire de la queue. Entre les deux dorsales la ligne creuse un peu , ëomme elle l'a fait en arrière de l'occiput. Le profil inférieur descend à partir du bout du museau, de manière à former une première saillie sous l'ouverture de la narine et à sincliner assez brusquement vers la bouche, de sorte que la hauteur du corps, prise à l'angle de cette ouverture, a acquis déjà une hauteur au moins triple. Depuis la bouche, la ligne descend insensiblement, mais en se courbant toujours, de manière qu'il y a peu de différence entre la hauteur prise en avant de la pectorale par le travers des ouïes, et celle mesurée sous l'aplomb de la dorsale, nageoire qui est reculée au-delà de la moitié de la longueur du corps. Arrivée à ce point, la courbe du ventre remonte promptement vers la ligne du dos , et la hau- teur du corps prise à l'anus n'a plus que la moitié de celle md-' 46o DESCRIPTION D UNE GRANDE ESPÈCE DE SQUALE , surée à l'endroit le plus haut. Sous la seconde dorsale, placée sur le milieu du troisième cinquième de la longueur totale, la hauteur n'est plus que du quart de celle prise aux pectorales. C'est là que se mesure la plus grande élévation, qui est contenue cinq fois et demie dans la longueur totale. La plus forte épais- seur, prise à cet endroit, surpasse un peu la moitié de la hau- teur, elle en fait les sept douzièmes. L'épaisseur de la queue n'est pas moitié de la hauteur de cette même partie, qui est du quart de celle du tronc. Cette queue comprimée, mesurée de- puis l'anus jusqu'à l'extrémité de la caudale, n'est que du tiers de la longueur totale. L'oeil est placé très bas sur la joue, un peu au-dessus de la lèvre supérieure. Il est ovale, son plus grand diamètre est pres- que double du vertical. La narine occupe la fin du premier tiers de l'espace compris entre le bout du museau et l'angle antérieur de l'orbite. Elle est assez grande, recouverte par une aile mem- braneuse, dont le milieu est prolongé en un petit lobule p(Sntu, à la manière de celui de la roussette (Squalus catulus). Assez loin en arrière de l'œil et un peu au-dessus, existe l'orifice ovalaire de l'évent. 11 communique avec l'appareil branchial par un conduit cylindrique prolongé, à cause de la position relevée de son ouverture et de l'abaissement des branchies. La bouche, sans être très grande, est fendue beaucoup au-delà de l'oeil. Les maxillaires sont très petits, et presque perdus dans les té- guments. La mâchoire inférieure dépasse un peu la supérieure quand elle est abaissée. 11 y a des dents nombreuses et de formes différentes à chaque mâchoire, ainsi que cela a coutume d'exister dans la plupart des Squales, mais à-peu-près sem- blables sur tout le pourtour du cartilage qui les supporte , ce qui n'est pas aussi général. VOISIN DES LEICHES. 46 1 Celles de la mâchoire supérieure offrent deux rangées, dont les pointes sont saillantes le long du bord de la bouche, et six rangées de dents de mêmes formes sont cachées sur la lame in- terne du cartilage, et recouvertes en partie par l'épaisseur de la gencive. J'en trouve quarante-deux sur chaque rangée, vingt et une de chaque côté, ce qui fait trois cent trente-six dents à la mâchoire supérieure. Chacune est blanche, comprimée en trian- gle isocèle, droit, très pointu, à bord ti^anchant, lisse et sans aucune dentelure; une légère arête forme une saillie sur la base radicale de la dent, dont le bord inférieur est légèrement échancré, et dont les deux angles latéraux sont relevés en un petit tubercule arrondi. • Celles de la mâchoire inférieure sont plus nombreuses encore , car j'en compte deux rangées relevées et visibles derrière la lèvre, et huit situées sous la gencive : celles de droite sont faciles à distinguer de celles de gauche à cause de la direction de la jxtinte \ il y en a vingt-six sur chaque branche de la mâchoire , par conséquent cinquante-deux sur tout ce bord, et cinq cent vingt en totalité. Ces dents inférieures ont la base un peu élargie, et arrondie près des angles latéraux, et de laquelle s'élève sur son milieu un triangle oblique, étroit, très pointu, dont le sommet est dirigé vers l'angle de la mâchoire. Le bord antérieur du triangle atteint à l'extrémité antérieure du talon de la base 5 il a une longueur double de -celle du bord posté- rieur, qui se termine au milieu de la base de la dent. Ces bords n'ont aucune dentelure. Ce Squale a donc une gueule armée de huit cent cinquante-six dents \ mais elles sont fort pe- tites. Les inférieures ont trois lignes de large et deux lignes de haut; les supérieures sont un peu plus petites. Une mâchoire 462 DESCRIPTION d'une GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, provenant d'un individu beaucoup plus grand et conservée dans le Cabinet d'anatomie, en porte d'un peu plus grandes : elles ont quatre lignes de base, et trois lignes de haut. Vers le dernier tiers do l'espace compris entre le bout du museau et la pectorale, setrOiive la premièi^e fente branchiale , suivie de quatre autres, pratiquées toutes cinq en avant de la pectorale, dans une direction oblique de haut en bas, de ma- nière que l'angle inférieur du premier trou répond à une ligne horizontale tracée par le sommet de l'aisselle de la nageoire de la poitrine, et que le haut dil dernier touche cette même ligne. La première branchie est ouverte à-peu-près sous le second tiers de la hauteur du corps; les fentes sont petites, et ne font guère que le huitième de la hauteur du corps prise à leur - aplomb. Elles ne sont pas éloignées entre elles d'une longueur égale à leur hauteur, et cependant, à cause de leur petitesse relativement au volume de la poitrine, elles paroissent plus dis- tantes que celles de la plupart des autres Squales. La pectorale est très petite, insérée près du quart antérieur delà longueur totale, et au-dessous des deux tiers de la hau- teur du corps. Sa longueur n'a que le quatorzième de la lon- gueur totale : sa base n'est pas très épaisse. On peut compter sous la peau seize rayons cartilagineux aplatis bien distincts à leur insertion, et élargis à leur extrémité en un large éventail, dont les filets contigus forment le bord libre et arrondi de la nageoire. Vers le tiers de la longueur du corps de ce poisson, on voit s'élever sur le dos une petite crête qui ne paroît que comme un repli de la peau , et qui se continue par une élévation insensible jusqu'à la dorsale antérieure, nageoire encore plus petite que VOISIN DES LEICHES. 463 la pectorale; elle est placée au-delà de la première moitié anté- rieure du corps. Sa forme est quadrilatère, l'angle supérieur et postérieur se prolonge en une languette mince et pointue. La hauteur de cette naggipire n'est pas moitié de sa longueur, qui ne fait que la vingt- troisième partie de la longueur totale. En arrière de cette nageoire , et vers le milieu de la distance qui la sépare du bord postérieur delà caudale, s'élève une se- conde dorsale plus petite que l'antérieure, commençant comme elle par une crête formée par un repli de la peau , et donnant de son angle supérieur et postérieur, une languette plus longue et plus pointue que celle de la première dorsale. Ce poisson n'a pas de nageoire anale. La caudale est petite si on la compare à la grosseur du poisson ; mais elle est la plus grande des nageoires; ses lobes sont larges, courts et trapus. Le supérieur a le bord externe un peu arqué, son angle terminal obtus et arrondi, le bord postéiieur échan- cré par le prolongement du lobe. Le lobe inférieur qui est plus petit, plus arrondi, est dirigé en bas presque verticalement. Les rayons de ces nageoires sont conformés comme ceux des pectorales, mais je n'ai pu les comptera cause de l'épaisseur de la peau qui recouvre leur base. Les ventrales sont très petites , situées à la fin du second tiers de la longueur totale. Elles ressemblent aux pectorales et sont arrondies et un peu pi^olongées de leur bord interne. La base est épaisse, et laisse cependant compter les quinze rayons dont elles se composent. Le museau de ce poisson est criblé d'un grand nombre de pores muqueux très visibles, et dont plusieurs sont disposés d'une manière notable sur trois ou quatre lignes, convergentes, 464 DESCRIPTION d'une GBANDE ESPÈCE DE SQUALE, et se réunissant sur le haut du museau un peu plus loin que l'œil , mais moins que l'évent. Une première ligne part de la narine, une seconde est dirigée vers l'angle antérieur de lèvent. La troisième suit une ligne courbe, ainsi que les deux précédentes, et se prolonge en arrière sur les côtés de la tête et du cou, de manière à être encore très distincte jusqu'à la hauteur de la pec- torale, où elle commence à se confondre avec la ligne latérale. On voit au-dessus de cette troisième série d'autres pores remon- ter sur la nuque. Ces pores sont un peu saillants sur la peau, et leur orifice a près d'une ligne de diamètre. La ligne latérale suit une direction droite par le quart supérieur de la hauteur du tronc; et, s'inclinant peu à peu en suivant l'abaissement du profil supérieur, elle se rend à la caudale en passant par le milieu de la queue. Toute la peau est couverte d'un chagrin fort rude, formé par des granulations osseuses qui portent sur le milieu de la base, une petite épine courbe non striée, dont la pointe est dirigée en arrière. La couleur est brune ou noirâtre sur le dos , grisâtre sous le ventre. L'individu décrit est un mâle, dont les appendices sexuels sont petits, très courts et ne dépassent pas l'angle interne delà ventrale. ■ Je n'ai pas pu décrire avec détails les viscères de cet animal. Le foie volumineux, et composé de deux lobes alongés, trian- gulaires , pointus, remplissoit à lui seul plus du tiers de l'énorme cavité abdominale de ce sélacien, car la conformation de ce poisson rend l'abdomen très gros. L'estomac étoit également très grand ; il .pouvoit contenir plus de deux seaux d'eau 5 il étoit rempli de débris de poissons assez gros, sur-tout de morues. VOISIN DES LEICHES. 465 Je ne puis rien dire du squelette, car la liqueur préserva- trice ayant pénétré l'intérieur du poisson, avoit tellement ra- molli les cartilages qu'on ne pouvoit guère plus les distinguer que par leur couleur grisâtre. Il a été impossible de les con- server. La description qu'on vient de lire permet donc de caracté- riser ainsi cette grande espèce de Squale, SCYMNUS MICRO PTERUS corpore magno , abbreviato , compressa, fiisco, dite aspera. 1° Dentibus minutis numerosis confertis , superis triangulafibus simpUcibus redis, infernis uncinatis ad apicem retrocurvis com- pressis parumper majoribus. 2° Insplraculis magnis. 3° Aperturis branchialibus quinis , minutis. 4° Pînnis ininimis , dorsalibus duabiis ad angulum. postremum. porrectis, analinulla, cauda bilobata, absque carina laterali, et sine fovea semilunari supra et infra. Habitat in Oceano boreali. Nous sommes assurés que ce Squale vit dans les mers du Nord, car une grande mâchoire de cette espèce et une portion de sa colonne vertébrale sont déposées dans le Cabinet d'ana- tomie comparée; elles ont été données au Muséum par M. Le François, qui les a rapportées du Cap-Nord de Norwège. Après avoir consulté ce que Gunner dit de son Squalus cax- charias, et avoir examiné attentivement la figure qui accompagne sa description insérée dans le second volume des mémoires.de Drontheim, page 33o, tables X et XI, j'ai lieu de croire que Annal.es du Bluséum, t. I", 3" série Sg 466 DESCRIPTION d'une GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, Fespêce que je viens de décrire est semblable à celle que Gunner -avoit sous les yeux. Les dents sont représentées de manière à confirmer cette conjecture. Il faut avouer cependant que la figure pèche beaucoup dans la forme générale et dans les pro- portions relatives des parties. On trouve dans Otton Fabricius Faiin. Groenland , page i2y, la description d'un autre grand Squale des mers polaires qu'il rapporte au Sqviale de Gunner. M. Cuvier a cru aussi à cette synonymie dans la note mise sous le genre des Leiches, Reg. an. II, pag. SgS. Je ne pense pas que le rapprochement soit juste, car Fabricius dit positivement: Pinnce pectorales maximœ; ce qui ne peut convenir à notre poisson, ni à celui de Gunner, qui trouve les moyens de translation si petits. Je serois plus tenté de regarder le prétendu Squalus carcha- rias de Fabricius comme identique au Squale figuré sous le même nom par Bloch, pi. 119. Mais encore il faudra de nou- velles observations sur cette espèce de leiche pour en compléter la diagnose et résoudre ces doutes; et si elles prouvent que les deux poissons ne diffèrent pas, il n'en est pas moins démontré aujovirdhui qvie le Squale représenté par Bloch, comme étant le requin, appartient à une espèce différente et du requin, et de la leiche de Gunner. Ces différentes synonymies, entassées sous le Squalus carcha- rias de Gmelin pour désigner le requin si connu des navigateurs et si redouté des matelots que les accidents exposent à ses dents tranchantes, constituent sous cette dénomination un être ima- ginaire qui se compose de plusieurs espèces totalement diffé- rentes les unes des autres, et qui vivent à des distances fort éloignées. VOISIN DES LEICHES. ^$1 On a pris sur les côtes de l'Amérique septentrionale, baignées par l'Atlantique, non loin de Marbleliead, dans l'état de Massa- chusetts, un Squale qui doit être fort voisin de celui qui fait le sujet de ce Mémoire. Novis ne le connoissons que par le dessin publié par M. Lesueur dansle Journal de l'Académie desscienees de Philadelphie , tom. I, pag. 222, pi. VIII. Ce dessin a été fait sur l'animal empaillé, et malheureusement la description bien courte qu'y a jointe le savant. voyageur que^nou s citons ne sup- plée pas à ce que le dessin laisse d'incertain. M. Lesueur a eu l'idée de comparer ce Squale au Squalus acanthias, à cause du manque de l'anale. Frappé de cette concordance de caractère, qui n'est pas cependant uniquement commune à ces deux espè- ces, M.Lesueur a insisté sur l'absence des épines des nageoires dor- sales, et il a négligé de décrire d'autres parties qui eussent fourni des caractères bien meilleurs. Ainsi il ne dit pas un mot des dents, peut-être qu'elles manquoient à l'individu qu'il a observé. Malgré cela on ne peut douter de l'affinité du poisson d'Amé- rique avec celui que je viens de décrire. Mais il me paroît d'es- pèce différente; en effet la leiche d'Amérique auroit le corps plus alongé, le museau plus pointu, la queue plus grêle, la caudale plus étroite et le lobe supérieur plus pointu et privé du lobule terminal-, les nageoires sont très petites; la ligne laté- rale est très marquée, et offre près de la tête des ondulations qui ressemblent aux diA^erses directions des séries de pores. La peau est couverte d'âpretés triangulaires, courbes et pointues. La couleur du corps est un gris sale rembruni sur le dos. L'individu est long de six pieds cinq pouces. Les pêcheurs le regardèrent comme un poisson rare, et l'ap: ortèrent sous le nom de Nurse ou Sleeper, sans doute à cause de la lenteur de ses 468 DESCRIPTION d'une GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, ETC. mouvements, résultat inévitable de la petitesse des nageoires, seuls instruments de translation d'un être très volumineux. M. Lesueur, considérant ce poisson comme le type d'un nouveau genre, fit de l'épitliète des pêcheurs américains le nom de SOMNIOSUS, et appela l'espèce Somniosus brevipinna. EXPLICATION DE LA PLANCHE 20. a. a, b, a, c. Dents de la mâchoire supérieure. b. Dents de la mâchoire inférieure. c. Apretés de la peau, grandeur naturelle. c , a. Apretés de la peau grossies. d. Coupe verticale du poisson. ^a I.eœ/le JlùVOOÙre Sci/rruius Microp/cna-^'ai . ■Pi.i :j* a.b a.c RAPPORT SUR LES COLLECTIONS DE M. SGANZIN. PAR M. A. VALENCIENNES. Lu dans la séance du 20 novembre i832. L'assemblée des professeurs du Muséum nous a chargés, MM. Geoffroy Saint-Hilaire, Duméril, Latreille et moi, défaire un rapport sur les collections d'histoire naturelle faites à Mada- gascar et dans le sud de l'Afrique, par M. Sganzin, lieutenant d'artillerie de la rnarine royale. Cet officier distingué fit partie des deux expéditions dirigées par le gouverneur de l'île Bourbon, d'après les ordres de M. le ministre de la marine et des colonies, contre un chef Malgache, afin d'exiger la réparation d'exactions commises par ce chef con- tre notre commerce. On sait avec quelle habileté cette petite guerre fut conduite et promptement terminée. M. Sganzin, commandant l'artillerie, eut l'occasion assez rare de s'avancer dans l'intérieur de Mada- gascar, et le bonheur de résister aux fièvres dangereuses qui désolent les bords de cette grande île. Pour dire quels furent les dangers qu'il courut, il suffit de rappeler que de quatre- vingts hommes dont se composoit une de ces expéditions, qua- tre seulement revinrent à l'île Bourbon. Atteint lui-même des fièvres, il n'obtint qu'au prix de sa santé la permission de revoir la mère-patrie. S'étant déjà livré à l'étude de l'histoire naturelle, M. Sganzin 470 BAPPORT SUR LES COLLECTIONS DE M. SGAJNZIN. pouvoit par ses études préparatoires profiter de la position avanta- geuse dans laquelle il se trouvoit: il prit à son service un excellent chasseur Malgache, auquel il enseigna à conserver les animaux: d'autres Malgaches furent chargés de ramasser des insectes et des coquilles. Ces collections ont él^ recueillies avec l'intelli- gence qu'un homme éclairé pouvoit mettre à les faire. Des notes fort intéressantes sur les mœurs des Animaux, sur leur cou- leur pendant la vie, forment un journal de voyage qui sera fort utilement consulté par les naturalistes. J'ai cru devoir, messieurs, vous rappeler ces circonstances afin, de faire remarquer combien nous devons louer le zèle et le courage de cet officier, plein d'un véritable amour des sciences qui l'a soutenu pendant qu'il rassembloit ces collections offer- <,es ensuite à son retour avec générosité, et, dont nous avons à vous faire connoître le mérite. L'assemblée en a déjà connoissance par une lettre écutede Rennes par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, l'un des aides naturalistes de l'établissement. Les catalogues qu'il a dressés des collections des Mammifères et des Oiseaux 5 ceux des Reptiles et des Poissons, faits par M. Ri- bron, et de Rotanique par M. Adolphe Rrongniart, nous reur dent facile la tâche que vous nous avez demandée. M. Latreille a. bien voulu donner lui-même des notes sur la valeur scienti- fique des collections Entomologiques, etj'en ai moi-même fourni sur les collections de Mollusques et de Zoophytes. Je crois devoir vous nommer parnïi les Mammifère* le genre Microcèbe, quadrumane propre à Madagascar et encore peu i-epandu dans les collections; la grande Rovissette à masque, Cinauve-souris que le Muséum n'avoit pas en si bon état; une RAPPORT SUR LES COLLECTIONS DE M. SGANZIN. 47 I e8|i>éGe nouvelle de Hérisson très remarquable jiar la finesse de ses piquants, et enfin le Tenrec soyeux (Gentenes setosus) de l'île Bourbon. Les Oiseaux sont fort nombreux; nous y trouvons quarante- cinq espèces qui feront partie de notre ricbe collection, soit parcequ'elles nous font connoître la patrie de quelques unes, soit parcequ'elles sont entièrement nouvelles. Nous en remar- quons dans tous les ordres; ainsi nous y voyons une espèce de Hibou non décrite, un Echenilleur dont la tête seule est noire, l'Eurycèi-e sous les difféi'ents plumages qu'il prend avec l'âge, une grande espèce de Coucou, voisine du Guculus pyrrhoce- pbalus, une Caille à gorge noire mâle et femelle, une Bécassine, un Pluvier, un grand Héron cendré, et une fort jolie Hirondelle de mer. La collection de Reptiles est moins nombreuse, car elle ne se compose que de dix espèces, mais elle nous foui-nit une belle et nouvelle Émyde à plastron mobile, dont les congénères sont réunies sous le nom Pyxis par Merrem. Dans l'ordre des sauriens, je citerai un fort joli Scinque que l'on peut nom- mer Scincus moniliger, à cause de ses taches blanches et perlées disposées comme des chapelets sur un fond jaune. Je dois en- core parler de deux belles couleuvres verdâtres et d'une nouvelle espèce à museau prolongé plus que dans aucune autre connue; elle est du genre Druynus. La collection de poissons renferme aussi plusieurs objets pré- cieux, parcequ'elle a été faite à Madagascar sur la côte visitée par Commerson en 1770. Ces poissons nous serviront à recon- noître dans les descriptions de cet habile naturaliste les espèces que nous ne pouvions pas encore déterminer avec le degré de 4^2 RAPPORT SUR LES COLLECTIONS DE M. SGANZIN. certitude que nous apportons aujourd'hui à ce genre de travail. Ainsi le Psettus rhombus de Commerson va être mieux connu ; nous établirons les différences qui existent entre le grand Diodon tacheté, décrit et dessiné par Commerson, et qui a été gravé dans l'ouvrage de M. de Lacepède, pour représenter l'espèce des An- tilles, avec laquelle ce célèbre naturaliste le confondoit. Nous trouvons aussi des espèces nouvelles parmi 1-es Sargues, les Amphacanthes, et les Nasons. Les recherches de M. Sganzin en conchyliologie n'ont pas été moins heureuses, car elles nous ont procuré plusieurs individus d'espèces rares et recherchées. Nous en trouvons parmi les Hélices, lesMélanies, les Pyrénes, les Nérites, les Cônes, etc. Sa collection se compose de dix-neuf espèces et de soixante-quatre individus. Les animaux articulés réunissent onze sortes de Crustacés, un Arachnide, le Scorpio afer , et trente Lépidoptères, tous fort beaux, et parmi lesquels on doit citer d'abord l'Urania ryphaeus, l'un des j)lus rares et des plus beaux papillons, connus, et plu- sieurs espèces des genres Acraea, Hesperia, Piéris et Glaucopis. L'herbier renferme environ trois cent cinquante plantes, dont quarante-deux manquent aux collections déjà si nombreuses du Muséum. L'exposé de ces résultats prouve l'ardeur que M. Sganzin, em- ployé à d'autres travaux souvent périlleux, a mise à s'occuper de l'histoire naturelle. Il mérite donc l'approbation et la reconnois- sance des naturalistes par ce service rendu aux sciences, et sur- tout à cause de la générosité avec laquelle il a donné au Mu- séum une partie de ses collections. CORRESPONDANCE. EXTRAIT D'UNE LETTRE DE M. JACQUEMONT, ADRESSÉE A M. A. DE JUSSIEU, Et datée de Sabathou, dans l'Himalaya anglais, entre la Jumnah et le Sutledge, le i" décembre i83i. Mes observations barométriques portent à i,63o mètres environ (si j'ai bonne mémoire) le niveau de Cacbemyr au-dessus de la mer. Cette dé- termination est susceptible d'une approximation plus précise, et je la recti- fierai, comme de raison, lorsque je posséderai les moyennes barométriques mensuelles de midi, à Calcutta et à Bombay, pour l'année présente. Le climat de la vallée a une étonnante ressemblance avec celui de la Lombardie. C'est la même coupe des saisons , la même répartition du froid et du chaud , du sec et de l'humide , dans les divers mois de l'année. Il va sans dire que cette similitude singulière du climat entraîne celle des productions végétales. Cela est vrai des plantes aquatiques surtout, à l'exception d'un petit nombre d'es- pèces indiennes qui sont montées là je ne sais comment; tout le reste est européen. La Flore alpine de l'Himalaya est fort pauvre. Cette pauvreté tient sans doute au peu de variété des sites alpins dans ces montagnes. A l'exception de Cacbemyr, je n'y ai pas vu une seule vallée qu'on n'appelât dans les Alpes une gorge étroite. Elles manquent également de plateaux. Les sols ont aussi peu de diversité que les sites. Ils sont maigres en général. Dans les régions les plus élevées, les graminées disparoissent presque entièrement, au lieu de s'y modifier, comme dans les Hautes-Alpes , sous une multitude de types particuliers à ces hautes stations. Plusieurs chênes très difficiles à distinguer les uns des autres sont épars dans la région moyenne, depuis la hauteur de i,5oo mètres jusqu'à 2,5oo L'un d'eux, le seul qui soit facile à distin- guer, et qui ressemble à une des espèces d'Amérique à feuilles de châtaignier (mais persistantes), forme de basses forêts peu touffues, associé, au sud du 474 CORRESPONDANCE. Sutledge, à un très grand Andromeda et à un superbe Rhododendron, l'un et l'autre aussi grands que lui. Les autres croissent plus haut, et sont mêlés sou- vent au cèdre, tout-à-fait semblable pour le port, à celui du Liban, à deux sapins qui représentent merveilleusement, s'ils ne sont même notre Abies excelsa et abies pectinata, un pin assez semblable pour le port au Pinus stro- bus, l'if, deux érables de port européen, et un œsculus non décrit dans le Prodromus, identique pour le port et la stature au marronnier d'Inde, dont il diffère par ses capsules lisses, la forme de ses fleurs, ses jeunes pousses glabres , etc. , etc. J'omets le noyer et quelques autres. Ces: forêts expirent à 3,ooo ou 3,5oo métrés. Il n'y a au-dessus que des bois de bouleaux, que dépasse seul un Rhododendron, le plus beau de tous (Rh. Campanulatum), puis des pâturages. Mais ce n'est pas le tapis de velours jeté sur les Alpes, entre leurs forêts et leurs neiges éternelles, de même que dans les étroites vallées de l'Himalaya , vous chercheriez vaine- ment les prairies fleuries de uos montagnes d'Europe. Consolez-vous donc, mon cher ami , de ne voir qu'au coin du feu, entre les feuilles de mon herbier, les foréte et les herbages de l'Himalaya. Vous me parlez dans votre lettre d'un mélange de formes tropicales et de formes alpines qui pourroient se trouver associées dans la région inférieure de ces montagnes. Mais à l'exception du Pinus longifolia (qui ressemble beaucoup au Pinus Pinea) , aucun type alpin ne descend dans les basses vallées. Les forêts de Shorea robusta, de Bombax, et de cette quantité d'arbres nouveaux décrits par Roxburgh, habitent exclusivement les vallées appelées Dhoûnes, célèbres par leur chaleur et leur humidité perpétuelles, par leur épouvan- table insalubrité, qu'une foible rangée de collines très basses sépare seule des plaines adjacentes dont elles excédent à peine le niveau. J'ai vu un décès Dhoûnes l'an passé, au nord de Saharunpore. C'est le plus septentrional detous, et de tous , par conséquent, celui dont la végétation est le moins luxuriante D'ailleurs je le traversois au mois d'avril, avant la saison dés pluies, et c'est dans cette saison' qu'il faut y herboriser. Wallich, malgré son zèle, l'a fait peu lui-même. C'est un amusement trop dangereux. Il y a sept ou huit contre un à parier qu'un Européen y prendra la fièvre des Jungles , dans la plus for- midable de ses variétés. Les Indiens eux-mêmes la contractent fréquem- ment, et comme nous souvent y succombent. Cela est si bien connu du gouvernement, que, pour se défaire des malfaiteurs condamnés aux travaux CORRESPONDANCE. 4^5 forcés, on les occupe à percer des routes dans ces Dhoûnes, travail presque toujours mortel à ceux qu'on y contraint. Ces forêts épaisses ; si humides, si insalubres, sont la retraite des éléphants, des rhinocéros et des buffles sauvages. Au nord de Benaresse, en Oude, au nord de Patna, sous le Népal, et plus loin au sud-est, vers Silhet, ces ani- maux sont extrêmement communs. Dans les Dhoûnes de Saharunpore , et même ceux de Nahan, qui est sur la rive droite de la Jumnah, il y a encore quelques éléphants. Je le sais pertinemment pour avoir vu en herborisant les traces les moins équivoques de leur passage très récent. J'étois à pied, ce qiui ne me rendit pas ma découverte plus agréable; car la rencontre de ces ani- maux est très dangereuse. Ce qu'on dit d'ailleurs de leur vitesse est un conte. A cheval, je me soucierois fort peu d'en avoir une vingtaine à mes trousses. Peut-être est-ce l'éléphant d'Afrique qui a fait au genre cette réputation de vitesse. J'ignore s'il la mérite davantage que celui de l'Inde qui n'y a aucun titre. L'éléphant le plus agile, qui fuit à la chasse devant un tigre, ne fait pas plus de trois lieues à l'heure , et il ne sauroit garder cette allure une kerare entière. Il faut le forcer pour lui faire faire soulprnent deux lieues à l'heure : il se déhanche et se fatigue déjà beaucoup à ce train. Son pas uaturel est celui d'un homme qui marche bien , une lieue et demie à l'heure, ou quelque peu davantage. Jusqu'ici, depuis mon arrivée dans l'Inde, je n'y ai encore vu aucune forêt qui réalisât ce qu'un botaniste rêve du tropique, ce que j'avois admiré avec passion à Saint-Domingue, à Bourbon, et aux environs de Rio-Janeiro. Le mot indien àe jungle, que les Anglais ont adopté, sonnoit d'abord bien haut à mon oreille. Ils faisoient de leurs jungles de si terribles descriptions, que je m'attendois à voir des forêts d'arbres gigantesques enlacés d'une manière inextricable par des lianes épineuses retombant de leurs cimes en cascades mouvantes de fleurs éclatantes et parfumées. Les palmiers ne manquoient pas dans cette création de mon imagination , et ils épanouissoient leurs gerbes élégantes ou majestueuses au-dessus de la zone dense des forêts. Derrière chaque tronc, j'avois embusqué un tigre , ou caché un serpent monstrueux , et peuplé ma forêt des hôtes les plus pittoresques. On dit que vers Silhet , sur le Barrampooter , la nature m'eût montré la réalisation de ma peinture imaginaire ; mais ce qu'il y a de certain , c'est que je n'ai encore reconnu nulle part un seul de ses traits. 476 CORRESPONDANCE. Pour achever de vous surprendre , je vous avouerai encore que . malgré mon vif désir d'observer cette maladie, je n'ai pas jusqu'ici réussi à voir un seul cas de choléra-morbus , dont quelques uns, de mes amis peut- être m'ont déjà cru mort plusieurs fois , si quelques unes de mes lettres se sont perdues et les ont laissés long-temps sans nouvelles de moi. On n'en voit presque jamais de cas isolés, et (dois-je m'en plaindre?...) il ne régnoit endé- miquement dans aucun des lieux que j'ai traversés successivement. Cet été, il faisoit de grands ravages à Calcutta , à Benaresse, à Agrah, et dans quelques autres villes riveraines du Gange ou de la Jumnah. Depuis treize ans on l'a vu aussi deux fois à Cachemyr. Il y en a trois, il a prodigieusement éclairci le régiment de Gourkhas qui y garnisonne. Tout mon bagage embarqué à Dehli, je prendrai la route de Bombay, où je tâcherai de me remiser dans la saison des pluies qui n'est pas tenable (et que personne n'a fait l'expérience de tenir) sous une tente. J'irai ensuite fouillant les forets des Gates vers le cap Comorin, où j'espère voir ce qui m'a fait faute jusqu'ici. Il y a au reste une raison fort satisfaisante pour que les traits d'une nature tropicale aie»' manqué aux tableaux que j'ai vus jusqu'ici dans l'Inde; c'est qu'en sortant il y a deux ans de la grande rizière du Ben- gale , je suis sorti aussi du tropique , et depuis m'en suis éloigné constam- ment. La grande étendue de la chaîne de l'Himalaya que j'ai parcourue, est comprise très obliquement entre le 3o et le 35' degré de latitude. En arrivant ce matin ici , j'ai salué en botaniste deux grands Borassus flabelliformis qui y semblent fort dépaysés. Cet arbre est très commun à Pondichéry et au Bengale; mais autour de Delhi, d' Agrah, il n'y en a déjà plus aucun. A Be- naresse même ils sont fort rares dans la campagne TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES. Apogon. Descriptions de plusieurs es- pèces nouvelles de poissons de ce genre, par M. Valenciennes , p. 5i. Âranéides. Vues ge'nérales sur ces ani- maux, suivies d'une notice sur quel- ques espèces de Mygales inédites, et de l'habitation de celles qu'on nomme Ntdulans, par M. Latreille, 6i. Animaux envoyés au Boî par l'empereur de Maroc et reçus à la ménagerie du Muséum , par M. F. Cuvier, 4o4- Bouillon de la Compagnie hollandaise. Rapport fait à l'Académie des scien- ces, par M. Chevreul, 283. Clavija. Description d'une nouvelle es- pèce, accompagnée de quelques con- sidérations sur les caractères et les ciffinités de ce genre et des genres voisins, par M. Desfontaines, SgS. Collections nouvelles reçues au Muséum , par M. Geoffroy Saint-Hilaire, 4o5. Denticrures , famille des Brachélytres. Considérations sur les insectes co- léoptères de cette tribu, par M. La- treille, 77. Essai pour servir à la détermination de quelques animaux sculptés dans l'ancienne Grèce, et introduits dans un monument historique enfoui durant les désastres du 3' siècle, par M. Geoffroy Saint-Hilaire, page 23. Fraxinelle. Sur rinfl£unmation de cette plante, par M. Biot, 273. Fischer, directeur du Jardin impérial de-Saint-Pétersbourg, extrait de sa lettre à M. de Mirbel ,819. Graphiure et Cercomysde l'oiclre des ron- geurs. Description des caractères propres à ces genres, par M. F. Cu- vier, 44 1 ■ Herbiers de la Compagnie anglaise des Indes orientales, page 3ig. Hyoïde. Observations sur la concor- dance des parties de cet os dans les quatre classes des animaux verté- brés accompagnant, à titre de com- mentaire, le tableau synoptique où cette concordance est exprimée figu- rativement, par Af. Geoffroy Saint- Hilaire, 321. Jacquemont, voyageur naturaliste du Muséum en mission aux Indes orien- tales; ses lettres, i35et473. 478 Machœra. Description du poisson de ce nom, par M. G. Cuvier, page 43. Marchanda polymorpha. Recherches ana- tomiques et physiologiques pour servir à l'histoire du tissu cellulaire de l'épiderme et des stomates , par M. de Mirbd, gS. Ornithologie. Considérations sur les ca- ractères employés pour la distinc- tion des genres, des familles et des ordres , et détermination de plu- sieurs genres nouveaux, par M. Isi- dore Geoffroy Saint-Hilaire , SSy. Pourpre, Ricînule, Licorne et Concholé- pas de Lamarck. Disposition mé- thodique des espèces récentes et fossiles de ces genres, et dpsori^don des espèce* nouvelles ou peu con- nues, faisant partie de la collection du Muséum d'histoire naturelle de Paris, par M. de Blainville, 189. Plantes. Quelques observations et expé- TABLE ALPHABETIQUE DES ARTICLES. riences sur leur fécondation, par M. Desfontaines, 205. Porc-Epic. Recherches sur la structure et le développement de ses épines , suivies d'observations sur les poils en général , et leurs caractères zoo- logiques , par M. F. Cuvier, 409. Sable fertilisant. Examen chimique , par M. Chevreul, 1 3 1 . Seiche. Ses oeufs, par M. G. Cuvier, i53. Squale. Description d'une grande es- pèce, par M, Valenciennes, 454- Sga7izin. Rapport sur les collections rap- portées par lui , par M. Valencien- nes, 469- Thysanoares. De l'organisation exté- rieure et comparée des insectes de cet ordre, par M. Lalreille, 16 1. Fespertilions. Essai de classification na- turelle et description de plusieurs espèces de ce genre, par M. jF. Cuvier, page I". FIN DE LA TABLE ALPHABETIQUE.