lin ■CM !0) iCO Duveyrier, Anne Honoré Joseph Un tuteur de vingt ans UN TLTEUR DE VINGT ANS COUÉDIE-VAUDEVILLE EN DEUX ACTES. UN TUTEUR DE VINGT ANS, COMÉDIE-VAUDEVILLE EN DEUX ACTES, PAR MM. MÉLESVILLE ET PAUL VER3I0NT , Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Gymnase- Dramatique, le 24 Février 1845. A BRUXELLES. J.-A. LELOiNG, IMPIUM.-LIBR. -ÉDITEUR, 4G; RUE DES PIERRES. Au Bureau de Location des TLéâlrcs Royaux de Bruxolle». 1845 PERSONNAGES. ACTEURS. FÉLIX DERNEVILLE, M. Dkschamps. RAOUL BEAUV01SlN,avoc.'il (le prOTince. M. Nlma. CHABANAIS, banquier. M. Klrin. VA LENTIJSE J* LA^-MARNIÈRE, pu- .Mme |!E-MAREUIL,'tan<«deFélix, M'"» Lambodiw. //^ ARMIDE CHABANAIS Jeaime du b^«- I 1\>¥fj\ X"^^ ÙlC. !| Mlle Faboobil. \ Uw NoTAlBE. •■ i' V\ 00»K, CÎODVEINANTB. ^ \\ • ;• ~' ' . - ^ " ■ /■ DoifBMUÛpB». _ La scène est à Paris au premier acte; au second, à Passy, chez ^l"" do Mareuil. UN TUTEUR DE VINGT ANS, COMÉDIE-VAUDEVILLE EN DEUX ACTES. ACTE I. Lfl Ihéâlre représente un pelit salon. Appartement de garron. Meubles Louis XV. SCENE T. BE.\UVOiSIN, UN Domestique. Le Domestique range, sur une étagère, à gauche, plusieurs paquels enveloppés de papier. Beauvoisin entre en costu- me de bal d'une recherche exagérée; petites moustaches. BEAUVOISIN, au fond. Félix n'esl pas chez lui? LE DOMESTIQUE. Non, monsieur. BEAUVOISIN. Tiens! il m'avait promis de m'atlendre! Nous sou- pons toujours ici, n'est-ce pas?... (// s'assied à droite.) LE DOMESTIQUE. Monsieur a donné ses ordres pour deux heures du malin. BEAUVOISIN. Deux heures!... c'est presque un déjeuner... A Be- .sançon, nous soupons à neuf heures... Il est vrai qu'à Besançon, nous n'avons pas le bal de l'Opéra. SCENE II. BEAUVOISIN, CHAFÎANAIS. au fond. CHABANAis, 7Jor/«?i/ « iiti ctutrc Domestique. Ah! bah! Félixesl sorti? Jevenaisle prendre. {Voyant Beauvoisin.) Tiens, Beauvoisin! « UN TUTEUR DE VINGT ANS. BEAUVOISIN. Bonjour, Chabanais... ou plulôl, bonsoir! CHABANAIS. Salut, Dcmoslliènes \...{Liii serrant ia moin. )Qu'esl- ce que lu fais donc là? BliAUVOISIN. Tu le vois... Je me repose. CHABANAIS. Tu te reposes !... A minuit ! à l'heure où l'on com- mence à vivre!... Quel contre -sens! BEAUVOISIN. Pardon, mon clierl... c'est qu'à Besançon, nous nous couchons à dix heures. CHABANAIS, uvcc dédain. Oui!... vous donnez la nuit, en province! Pauvres dupes ! Air : Qu'il est flnlicur d'épouser celle. Un temps, cet ennemi dos hommes, Pourquoi donc avcz-vous pitié? Vous en êtes liop économes. Et vous ne vivez qu'à moitié! A Paris, on lui fait la guerre. Par le plaisir on le poursuit... On soupe lard, on ne dort guère... On vil deux fois... c'est tout profit î BliAOVOISIN. Parbleu! si vous laites de la nuit le jour... et... vice- ver sa. CHABANAIS. Non; il y a temps pour tout ! Et quand on est ban- quier, comme moi, il faut se partager entre les plai- sirs et les affaires!... Je m'amuse la nuit... mais je na dors pas le jour... De huit heures du malin à six heu- ACTE I, SCENE II. 1 tes du soir, les répons, la rente, le coupon! Sur ces arlicles-Ià je suis barbare!... Mais, à sis heures, je ferme mes bureaux... alors, en avant les joies et les voluptés de ce monde. Le malin, le devoir; le soir, le plaisir!... Le jour, la recette, la nuit, la dépense!... Voilà comme je liens mes livres... et ma vie... ea par- tie double ! BEAUVOISIN. Et quand dors-tu? CHABVNAIS. L'été... à la campagne !... BËAUV0131N, d'un Ion dédamateiir. Et ta femme?... car tu es marié, malheureux! Tu as contracté ces nœuds sacrés que la nature et la so- ciété... CHABANAIS. Beauvoisin, défais-toi donc de celte mauvaise habi- tude de parler toujours comme un réquisitoire... Tu es avocat... lu sollicites une place de substitut... Ré- serve tes moyens pour l'époque où tu exerceras le ministère public ! Ma femme... c'est comme les affai- res... elle a ses heures! Par exemple, ce soir, je l'ai menée au spectacle... nous sommes reulrés sagement... Armide s'est enfermée chez elle !... Je suis parti !.,. Armide repose... et Renaud va passer une délicieuse nuit de garçon ! BEAUVOISIN. souriant. Don Juan... du trois pour cent, va !... Tu mériterais bien que de son côté... ta chaste moitié... CUABANAIS. Elle 7 Fi donc !... une vertu farouche ! s UN TUTEUR DE VINGT ANS. BEAUVOISIN. Tu n'en es que plus coupable... car enfin, la femme esl belle! CHABANAIS. Comme un ange! BEAUVOISIN. Spirituelle ! CHABANAIS. Comme un démon ! mais, une lêle romanesque!... toujours dans les nuages, le senlimcnl , le septième ciel!... moi, qui suis fort terrestre de ma nature, j'aime mieux le bal masqué!... c'est là que je brille ! Tu verras comme je file une intrigue et j'enlève une conquête !... BEAUVOISIN. Mauvais sujet! Tu m'y mènes donc, à l'Opéra? CHABANAIS. Parbleu ! Tu es venu à Paris pour étudier les mœurs!... Tu es garçon... tu n'es pas encore magis- tral... lu as le droit de faire des folies ! BEAUVOISIN, se campaiil. Au fait, tu vois cette tournure ! hein? cela ne se sent pas trop l'avocat?... Et ces petites mouslaches nais- santes?... Air: Du Printemps. On nous les défend, sous la toque ; On craint, qu'à cet .Tspccl vainqueur La justice ne s'interloque Et que oa ne lui fasse peur ! Aussi, je les prends aux vacances... Je ne les porte que deuï mois... Et quand je rentre aux audiences... (Souriant et faisant le signe de se raser.) Crac... je reprends l'esprit des loi»! ACTE I, SCENE II. 9 CHABANAis, riant. Ah! ah! on se permet le calemboiirg à Besançon? BEAOVOISIN. Dans les vacances ! et celle année, je les prolonge une partie de l'hiver!... CHABANAIS. Tu iras très- bien ! BEAUVOISIN. Tu crois ? CHABANAIS. Si tu veux suivre mes leçons !... Vois, Félix , mon élève... car j'adore former les jeunes gens !.. . un gar- çon accompli !... à vingt ans... il séduit une femme et avale un verre de Champagne, avec une grâce... BEACvoisiN, émerveillé. Vraiment?... CHABANAIS. 11 a une soif... de conquêtes !... Dans ce moment, il est amoureux... une passion sérieuse... je ne sais pas qui... Il fait le discret avec moi, conlreson habitude !... mais ça ne l'empêche pas de courir à droite, à gauche... pour se distraire... des rigueurs de son inhumaine ! BEAUVOISIN. On lui résiste !... lui qui est si aimable!... qua- rante mille livres de rentes ! CHABANAIS. Oui , mon cher... il y a encore des femmes qui se défendenl!... peu... mais enfin , on en trouve... quand on a la main heureuse. BEADvoisiN, d'un air de conquérant. J'en trouverai !... Allons à l'Opéra... Il veut sortir. Félix parait au fond. 10 UN TUTEUR DE VINGT ANS. SCENE III. LES MÊMES, FELIX, un billet ouvert à la main. FÉLIX. Vous êlcs encore ici, vous autres? LES DEUX AUTRES. Félix! FÉLIX. Je vous aurais bien cherché jusqu'à demain au mi- lieu du foyer !... OHABANAIS. Tu eu viens? DKAUVOISIN. Est-ce déjà un peu chaud? FÉLIX. Brûlant, mon cher!... Des ilols de lumières. .. des torrens de femmes ! de petits dominos... à tailles de nymphes... BEAUVDisiN, frissonnant de plaisir. Hum ! FÉMX. Des mains!... des pieds!... BEAuvoisiN, de même. Oh! la, la! FÉLIX. Je ne serais pas revenu sans quelques ordres à don- ner pour notre souper... CHABANAis, montrant le billet r/ne Félix tient à la main cl que celui-ci cache aussitôt dans sa poche. Et sans un billet doux à recevoir... (^4 Beauvoisin.) Grand homme!... il mène tout de (roui!... comme ^{apoléon I ACTE I, SCEiNE lU. H FÉLIX, avec un peu d'embarras. Du loul... c'esl une lettre d'affaires. CHADANAis, d'un air (jorjuCHard. De Ion agenl-de-change? DEAuvoisiN, de mémo. Ou de ton avocat ? FÉLIX, souriant. Mauvais plaisant ! CHACANAIS. Laisse donc ! c'est de ta belle inconnue ! rien qu'asi parfum qui s'en exale !... Kli bien ! tu as tort de l'aire le mystérieux avec moi... Si je la découvre... pour te punir, je te l'enlève. BEAuvoisiN , se frottant les mains. Ce serait drôle ! FÉLIX, riant. Fi donc ! à un camarade ! CUABANAlS. Oh ! sur ce chapilre-là, je suis sans pitié, moi !... je soufflerais sa belle à mon meilleur ami... sans le moin- dre remords. EEAUvoisi.N , de même. I! esl Cosaque ! FÉLIX, à part. Je m'en souviendrai... {Haut, froidement) Comment se porte ta femme, Chabanais? CHABANA'.S. A merveille... Elle dort. FÉLIX. En es-tu bien sûr ? CHABANAIS. Pourquoi me dis-lu ça ? 12 UN TUTEUR DE VINGT ANS. FÉLIX, riant. Dans ion intérêt !... Si elle se doutait de la vie que lu menés... ' CHABANAis, Se fâùhnnt. Je vous préviens d'une chose... si on me parle encore de ma femme... je m'en vais !... Que dial.le ! nous nous reunissons pour nous amuser... et non pas pour... {Reprenant sa gaieté.) Tenez... une idée qui m'est venue lout-à-i-heure!... Après le bal . nous devons souper chez Félix... mais un souper entre hommes ' c est bien triste. „, BEAUVOISIN. il est monotone ! CIIADANAIS. CM nous invitions quelques dames? BEAUVOISIN , d'un air pudibond. Un .'... oh !... -^ CHABANAIS. Des dames... convenables ! ,, BEAUVOISIN. Honnêtes!... CHABANAIS. C est bien comme je l'entends... FtLix, à part. On dirait qu'il veut n.e servir... (//«„/, d'un air compassé.) Messieurs... messieurs... Ceci est grave ' {Souriant.) J'y avais déjà pensé... j'ai fait mettre six couverts. CHABANAIS. c est cela... nous en ramènerons du bal!... Chacun la sienne... BEAUVOISIN, étourdi. Comment !... moi aussi? ACTE I, SCENE 111. 15 FÉLIX. Certainement! BEAUVOISIN. Eh bien ! oui ! eh bien ! oui!... Ces farceurs-là me font sortir de mon caractère... je me sens tout émous- tiUé ! CHABANAis, gaiement. Les femmes, ça n'est pas rare, dans la saison où nous sommes... En carnaval, il en pleut! FÉLIX, de même. Surtout à l'heure du souper. CHABANAis , s'animant. J'en amènerai deux ! BEAUVOISIN, de même. J'en amènerai trois... peut-être plus... Félix , fais mettre une rallonge à la table. FÉLIX , riant. \\ se lance !... maître Raoul Beauvoisin ! BEAUVOISIN, s'excitant. Ma foi, oui... ma foi, oui, oui... tant pis !... (D'mi tonléger.) Considérant que... attendu que... par ces motifs... Domino, je te condamne à me suivre... avec contrainte par corps... CHABANAis, riaiit. Bien dit... Et celui qui n'amènera personne?... BEAUVOISIN. Paiera l'amende. FÉFIX, Un dîner au Rocher!... CHABANAIS. A trente francs par tète ! U UN TUTKUR DE VINGT ANS. BEAuvoisiN, S exaltant. A cinquante francs par lêle ! FÉLIX. Bravo ! Encore une nuit t!e folie... C'est la dernière du carnaval ! BEAUVOISIN. Demain, je reprends ma raison. CIIABANAIS. Moi, je reviens à M'"'= Cliabanais. FÉLIX. Et moi, j'entre dans mon emploi de tuteur... CHABANAIS, CtonilC. De tuteur... Toi ?... BEAUVOISIN. Eli ! oui... A propos!... cette jeune pupille qu'on l'expédie de la Guadeloupe!... {A Chabanais, enviant.) Une enfant, mon cher, dont il va faire l'éducation. CHABAMAIS. Elle sera en bonnes mains. FÉLIX. No m'en parle pas... Je suis furieux!... j'espérais que ma nomination n'aurait aucune suite!... pas du tout... Ma lanie, cette bonne M""' de Mareuil , qui est enchantée de me voir tuteur... (elle se flatte que cela me rendra raisonnable!) m'écrit ce matin, de sa maison de Pas.sy . qu'elle habite toute l'année... que celle en- fant, cette. petite Titine , comme l'appelait son père, est arrivée au Havre, avec sa nourrice... et que je dois me préparer à la recevoir , demain ou après-demain ! CHABANAIS, rîaill. Ah ! ah ! ah ! Il me tarde de le voir en exercice. . tu ACTE I, SCENE IV. 15 seras snperbe!... Mais partons... si nous voulons avoir du choix!... Heureusement que l'Opéra est à deux pas... FÉLIX Va toujours... nous te suivons... J'ai une petite con- sultation à demander à Beauvoisin. ENSEMBLE. Air : D'une telle insolence. (Chevalier deGrignon.) Le plaisir nous ap|)elle .' Je lui serai fidèle ! Oui, fêtons jusqu'au jour Le plaisir et l'amour ! SCENE IV. FÉLIX, BEAUVOISIN. BEAUVOISIN, voulant suivre Chabanais. Alleiids-moi donc, Chabanais. FÉLIX, l'arrêtant. Deux mots, mon cher ! BEAUVoisi.N , inquiet. .Mais, le bal ? FÉLIX. C'est au sujet de celle tutelle ! BEAUVOISIS. Oui, mais ces dames? FÉLIX, avec impatience. Eh ! morbleu ! nous avons eu toutes les peines du monde à le faire descendre de ta gravité, et maintenant qu'on veul retrouver le jurisconsulte.. . DEADvoisiN, tirant sa vionli'c. Le jurisconsulte est toujours couché à cette heure-ci. FÉLIX. Réveille-le pour cinq minutes!... «6 UN TUTEUR DE VINGT ANS. BEAUvoisiN , rcmcUant sa montre. Voyons, je l'écoute. FÉLIX. Tu sais qu'un de nos parens... .M. de la Marnière, alla s'établir à la Guadeloupe... il y a environ vingt- cinq ans... Je n'étais pas né. BEAUVOISIN. Puisque lu n'en a pas encore vingt-deux... Fiaix. Mais mon frère vivait alors... un frère aîné, qui au- rait aujourd'hui trente-cinq ans... BEAUVOISIN. Et souperait peut-être avec nous, ce soir, s'il n'é- tait pas mort à l'âge de douze ans ! FÉLIX. A près le départ de M. de la Marnière, toutes relations cessèrent entre lui et ma famille. Comme on ne s'écrivait pas, il a ignoré la mort de mon frère et ma naissance! Cependant, lorsqu'il a senti sa fin approcher, ayant une petite fille, et ne sachant à qui confier cette en- fan», il s'est souvenu que M. Dernevilio , mon père . avait laissé un fils; il a cru que c'était mon frère aîné... et calculant que ce devait être aujourd'hui un homme d'un âge mûr , il lui a confié , en mourant , la tutelle de sa fille. EEAUVOIS/N. C'est ce que nous appelons errorinpcrsonnà.Oa doit souvent commettre de ces méprises au bal masqué... on croit avoir alTaire à une jolie femme... et... Il fait la grimact. ACTE I, SCENE IV. 17 FÉLIX. Tu comprends que je ne suis pas ravi de mes fonc- tions de luieur ! BEAOVOISIN. Pourquoi donc, mon cher?... La tutelle est une grande mission... La tutelle chez les Romains... Tu me fera penser demain à te dire un peu ce qu'était la tutelle chez les Romains... Il veut sortir. FÉLIX, le retenant. Fort bien! mais je voulais savoir si je ne pourrais pas m'en débarrasser... Un tuteur de vingt-ans ! BEAIJVOISIN. Viengt-deux !. . FÉLIX. Mais enfin , en faisant valoir que M. de la Marnière s'est trompé. BEAUVOISIN. impossible , mon bon ! je connais l'article du testa- ment... il est clair et net : < Je nomme pour tuteur « de ma fille mineure, Marie-Llisabeth Valentine de € la iMarnière, M. Derneville, mon neveu à la mode de f Bretagne, fils de feu mon cousin Germain, le géné- « rai Derneville... • Ce neveu à la mode de... c'est toi... Le général n'a pas laissé d'autre fils... tu pos- sèdes toutes les qualités requises... tu étais majeur à la date du testament. . tu es du sexe masculin... tu jouis de tous tes droits civils... tu es apte, mon cher... aptisimus! (c'est un mot à nous) et lu ne saurais re- fuser ! Voilà ma consultation ! je n'en ai jamais donné si tard... {Regardant sn moutre.) Tu n'avais demandé i8 UiN TUTEUR DE VINGT ANS. que cinq minutes, il y en a dix; mainlenanl, le juris- consulte se rendort , et l'homme du monde s'élance au bal masqué. Viens-lii?... Non ?... Je pars en éclai- reur... et vais porter le ravage dans les rangs enne- mis !... les femmes !... SCENE V. FÉLIX, seul. Allons ! le sort en est jeté ! je serai tuteur... Après tout... un enfant, sa nourrice!... ça ne doit pas être bien gênant... elsi je n'avais pas d'autre inquiétude... {Après titie pause.) Mais cet amour (|ui remplit mou cœur et bouleverse mon esprit. ..Ah ! décidément, c'est une passion ! car je deviens slupide... j'ai des scrupu- les!... Celle lettre, pourtant, m'offre une si belle occa- sion! (Illa relit.) «Prouvez-moi que mon mari me trom- « pe... à ce prixseul, jecroirai à celle amitié sidévouée « dont vous me parlez sans cesse... je serai à minuit à « l'Opéra... dans la loge de M"'' de Civrac, n" 31... « j'aurai un domino bleu... avec des nœuds roses... « Armide. » {iiemettant ta lettre dans sa poche.) Le lui prouver! rien di; plus facile! je n'ai qu'à le guetter pendant le bal et le montrera sa femme . quand il sortira avec un joli petit domino sous le bras !... elle sera furieuse.... et le châtiment du perlide... devient ma récompense !... (S'ané/on/.) Mais ce serait affreux! Amde la Robe et les Bottes. Abuser de sa confiance ! Le livrer ainsi, sans pitié ! Non, non, cela crierait vengeance ! C'eit outrager let lois de l'amilié ! ACTE I, SCENE VI. 19 Oui, du monde évitons le blâme... On peut bien tromper un ami... Et faire la cour à sa femme... Mais, sans trahir les secrets du mari... C'est décidé... {Posant soti chapeau décote.) El pour êlre plus sûr de moi , je n'irai pas !... SCENE VI. FELIX , DEUX Valets en livrée. Ils apportent des flambeaux allumés qu'ils posent sur la che- minée. PREMIER VALET. Où soupera-l-on, monsieur?... FÉLIX, disirait. Ici... dans ce salon... (A lui-même.) C'est dommage pourtant!. ..cela se présentait si bien !...(.4ux Domes- tiques.)\ous passerez au café de Paris, pour qu'on soit exact. PREMIER VALET. Oui, monsieur. FÉLIX, sans V écouler. Elle n'aurait jamais pardonné !.-. Ces natures va- poreuses!... quand elles sy mellenl une fois... ce sont de petits volcans... {Aux Domestiques.) Vous avez (ait frapper le cLampagne?... PREMIER VALET. Dix bouteilles!... Ils allument les candélabres et sortent. FÉLIX, à lui-même. Après tout... cet infernal Chabanais ne disait-il pas loul-à l'heure qu'il tromperait un ami , sans le moin- dre remords!... Ne m'at-il pas soufflé vingt maîtres- ses à moi-même?... El puis, il n'aime pas sa femme... 20 UN TUTEUR DE VINGT ANS. tandis que moi... je l'adore depuis un siècle ! depuis trois mois'.... (Reprenant son cluipeau.) Ce n" 31... ce léger domino bleu... avec dt's nœuds roses... elle doit être charmante... Si j'y allais cinq minutes... (Reje- tant son chapeau.) Eh bien! non... voilà que je capi- tule... soyons galant homme jusqu'au bout... le ciel m'en tiendra compte, peut-être. S ci: IN E VII. FÉLIX, BE.\U VOISIN. BRACVoisiN, ouvrant la porte. C'est moi ! Déjà de retour? Oui. Et seul? Cela l'élonne? Non. FELIX. BEAUVOISIN. FÉLIX. BEAUVOISIN. FÉLIX, riant. BEAUvoisiN, posant son chapeau. Une aventure inouie, mon cher! FÉLIX. Tu as échoué... Que veux-tu!... on nVst pas dés- honoré pour ça ! BEAUVOISIS. Comment, échoué... mais*, du tout .. je le dis une aventure 1... un véritable roman ! FÉLIX. C'est que tu as une si drôle de ligure ! ACTE I, SCENE VII. 2i BEAUVOISIN. Quoi ! ma figure?... esl-ce que lu vois quelque chose sur ma figure?... (Il passe la main sur scsjoues.y Non... c'esl i'émolion d'une première affaire!... .Ame- ner une femme!... c'élait mesquin... j'ai voulu en amener deux !... FÉLIX. El voilà ce qui t'a perdu !... Tu aurais dû te rap- peler le proverbe : Il ne faut pas courir deux... deux loreltes à-la-fois ! BEACVOISIN. Des lorelles !... Ah! bien! oui... si ce n'avait été que ça !... Figure-loi... j'entre au bal. .\ peine au mi- lieu du foyer... j'aperçois une femme surperbe... oh ! mais, grande... bien découplée... je l'accoste , je l'at- taque!... Elle accepte mon bras... je lui débile alors quelques-unes de ces phrases d'introduction dont nous avons le secret... // fait bien chaud! Le bal est charmant! FÉLIX. Et elle te répond ?... BEAUVOISIN. Elle ne me répond pas... d'abord... Elle ril... Et tu sais, quand une femme rit... FELIX. Elle est désarmée... BEAUVOISIN. Je continue à lui adresser quelques phrases... FÉLIX. D'introduction... BEAUVOISIN. Il fait excessivement chatid!... Le bal est délicieux! 23 UN TUTEUR DE VINGT ANS. Lt enfin , elle se décide à me répondre d'une voix tremblante : yes! oh! ycs... vénjgood! FÉLIX. C'élaii une loreiie... de Régeni Slreei ! BEAUVOISIN. C'était une Anglaise ! Après tout, je ne déteste pas l'Angleterre... an féminin ! au féminin !...el comme je voulais amener un autre domino... je garde celui-là!... je fais un second tour de foyer... et j'avise, dans une embrasure, une autre femme superbe... grande ! bien découplée... une Diane chasseresse!... J'ai un faible pour les femmes bien découplées... je l'accoste , je l'attaque... FÉLIX. C'est la même histoire. BEAUVOISIN. Attends, attends... je lui offre mon autre bras... Elle l'accepte... je lui débile quelques phrases... FÉLIX, l'imitant. Il fait excessivement chaud!.. . BEAUVOISIN. Elle est d'abord muette... je récidive , et elle me ré- pond d'une voix flûlée : ya, mein herr! was istdas?... FÉLIX. C'élaii une Allemande ! BEAUVOISIN. Juste !... Me vois-tu, d'ici, avec deux nations dif- férentes sur les bras... dont j'ignorais complélemenl l'idiome ! Air de Téniers. Uon embarras était extrême !•.. ACTE I, SCENE VI!. 13 Mais reculer... jamais ! dis-je ! Fi donc I Soyons plus grand que le danger lui-même! El quel honneur pour noire pavillon !... Si dans une seule campagne, J'allais, éternisanl mon nom, Donner des fers à la belle Allemagne, Et mettre en feu la perGde Albion ! FÉLIX. Ambitieux ! BEAUVOISIN. Heureusenienl que je possède l'éloquence du geste... J'aborde donc la pantomime, une pantomime expres- sive... trop expressive, peut-être !... car , dès les pre- miers mots , l'Angleterre et l'Allemagne me déta- chent... FÉLIX. Quoi? BEAUVoisiN , se reprenant. C'est-à-dire , se détachent de moi et s'esquivent... me laissant interdit et les deux bras... vacans ! FÉLIX. Et tu n'as pas cherché d'autres conquêtes? BEAUVOISIN. C'est ça, pour rencontrer une Polonaise ou... une Marocaine !... Merci !... FÉLIX , riant. Bah! va trouver Chabanais, il t'adressera à des masques que la pantomime n'effraie pas... {La porte du fond s'ouvre, Chabanais parait.) Justement! la voici !... BEAUVOISI.'^. Chabanais ! 24 UN TUTEUR DE VINGT AKS. SCENE VIII. LES MÊMES. CHABANAIS. CUABANMS , d'un air mystérieux. Chul! rÉLix. Comment, seul ? BEAUVOISIN, flatlé. Seul? CHABANAIS , à mt-VOtX. colonies... VALENTINE , souriant. Mais oui , monsieur... on y soupe aussi quelquefois ! CHABANAIS. Surtout quand on revient du bal masqué. AiiHiDE , regardant Félix. El qu'on .se dispose à y retourner... VALENTINE. Ah ! vous vous disposiez!... Mon Dieu, que je nevoui retienne pas... je serais au désespoir !... CHABANAIS. Mademoiselle a raison... ACTE I, SCENE X. 45 BEAUVOISIN. Notre présence doit la gêner. ARMIDE. Les premiers emb:»rras d'une arrivée... CHABAN.WS. Laissons Félix installer sa clière pupille... AP.MiDE, allant à elle. Plus lard , nous serons charmés de faire sa con- naissance... Les deui danifis se saluent fioidemenl. BEAUVOISIN , « part. Hum ! ça doit être un bon parti !... ces créoles ont des fortunes... très-formées aussi!... {Haut, et sa- luant.) Mademoiselle... je... ARMIDE , bas à Félix. Vous viendrez nous rejoindre... je vous attends... FÉLIX , bas. J'ai donc gagné ma cause .. ARMIDE , bas . et avec grâre. Je vous dirai cela toul-à-l'heure !... CHABANAis , venant entre eux. Au revoir, Félix ! ^ TOUS. Adieu î adieu , Félix. ENSEMBLE. Air: Ahl le beau bal. (Indiana.) ARUIDE, BEAUVOISIN et CHABANAIS. A l'Opéra Courons vite, voilà L'heure où le bal se ranimera î D'ici j'entends l'orchestre déjà Qui nous appelle... Nous voilà ! ii TJN TLTEUR DE VINGT ANS. FÉLIX. A l'Opéra Courez vite, voilà L'heure où le bal se i-aiifmera ! Sur leurs pas, que ne puis-je déjà M'écrier aussi : Me voilà! ( Chabaiiais, Arniide el Beauvoisin sortent, Félix accompagne Armide jusqu'au fond. Valcutine est restée sur le devant de U scène.) SCENE XI. FÉLIX, VALENTINE. naix, au fond, à part. Que je puisse lui dire deux mois, celte nuit... et elle est à moi !... {Revenant en scène.) Ah ! bien oui... mais qu'est-ce que je vais faire de ma pupille ? c'est assez embarrassant ! [Voyant que Valentincs asseoilàdroilc) Est-ce qu'elle va s'établir?... (Haut.) Vous paraissez fatiguée, ma cousine? VALENTINE. Je l'avoue... le voyage... FÉLIX , molliront la table. Et je n'ai pas songé à vous olfrir !... Je vous servirai moi même... VALENTLNE, remerciant du geste. Merci... je n'ai besoin de rien. FKLix , insistant. Je vous en prie... Songez que vous êtes chez vou.s. VALENTINE. Vous êtes bien bon ! FÉLIX, après une pause. Vous voulez dire bien étourdi !... Soyez franche , celte première entrevue ne vous a pas donné une bien ACTE I, SCENE Xf, 45 bonne opinion de moi!... ce souper... ce bruil , ce désordre... VALENTINE. Mon Dieu ! c'est moi qui n'ai aucune idée de vos mœurs, de vos liabiludes... [Souriant.) Je ne suis en- core qu'une petite sauvage... mais je m'y ferai !... Et, jusque-là , vous me pardonnerez bien un peu d'élon- nemenl pour certaines choses !... FÉLIX. C'est tout simple !... chaque pays... VALENTINE. Ce qui m'a surprise, ce n'est pas d'avoir trouvé ici vos amis, le banquier, le magistral ! mais celte dame... venir souper ainsi cliez un garçon... A la Guadeloupe, cela semblerait singulier. FÉLIX . élourdiment. A Paris aussi !... {Riant.) .Mais, c'est une aventure que je vais vous conter... Figurez-vous que... VALENTINE, vîvejncnt , se levant et passant à gauche. C'est inutile... vos devoirs de tuteur ne vous obli- gent pas à me mettre au courant... FÉLIX. Vousavez raiison... {A part ) J'allais dire unesollise... VALENTINE. El alors , moi... je l'ai prise pour votre femme... {Souriant.) Non que je vous trouve l'air d'un père de famille... quoique ces objets qui ne peuvent appartenir qu'à des enfans !... Elle montre la boîlc à ménage cl la poupée que Be.iuvoisin a placée sur la table. 46 UiN TUTEUR DE VINGT ANS. FÉLIX , plus embarrassé. Ces objets ? Ah ! oui... ce soin des... VALENTINE , SOUTiant. Ce sont des meubles qu'on ne trouve pas d'ordi- naire cliez un garçon !... du moins à la Guadeloupe. FÉLIX. Tenez, ma cousine... s'il faut vous l'avouer... celle boîte, cette poupée... c'élaii... VALENTINE. Eh bien ? FÉLIX. C'était pour vous ! VALENTINE. Pour moi !... FÉLIX , gaimenl. Oui, vraiment... une erreur, un malentendu ! Votre père, dans sa lettre , vous appelait sa petite Tiline... VALENTINE. Un nom d'enfance... que sa tendresse m'avait con- servé. FÉLIX. li parlait de votre nourrice... VALENTINE, riant. Et vous avez crû?... Mais voilà près de dix -sept ans que ma nourrice est devenue ma gouvernante. FÉLIX. Je ne pouvais pas deviner cela... je vous croyais dix ans de moins... VALENTINE. El moi , je vous croyais dix ans de plus. FÉLIX. Oui... à cause d'un fière que j'ai perdu !... {Soupi- ACTE I. SCENE XI, 47 raul) Ah ! pourquoi n'avez-vous pas dix ans de moins ! VALENTINE . souHant. Ce sérail pluiôlà vous d'avoir ies dix ans de plus!... Mais enfin . il faut bien en prendre son parti... et le mal n'est peut-èire pas si grand que nous le croyons. D'abord, vous n'aurez pas la peine de m'élever...mon éducation est faite... mes défauts... (et j'en ai beau- coup sans doute . ) m'appartiennent depuis si long- temps , que vous n'en aurez pas la responsabilisé... Privée trop tôt des soins d'une mère... el obligée, par suite de la mauvaise santé de mon père, de diriger sa maison .. le malheur , la nécessité m'ont donné, je crois, qui'lque force, quelque résolution, qui vous épargneront une bonne partie des ennuis... que vous redoutez. FEUX. Moi ? mais... du tout ! VALENTINE. Oh ! si fait ! Air : Muse des bois, etc. Oui, TOUS craignez, je le vois à merveille, Celle lulelle el ses devoirs pesans. Rassurez-vous... si je suis un peu vieille... Votre embarras durera moins longtemps ! Je voudrais bien vous en sauver une heure I ( Souriant. ) Je vais, du moins, tâcher d'anticiper... El me hâter de devenir majeure... Mon cher tuteur... pour vous émanciper! FÉLIX , à part. Elle ne manque pas d'esprit !... {Regardant sa mon- tre.) Quatre heures du malin !... et Armide qui m'at- tend... {Haut.) Certainement, ma chère pupille... 48 UN TUTEUR DE VINGT ANS. {Changeant de ton.) Je pense à une chose... vous de- vez avoir besoin de repos ?... VALENTISK. Oui , un peu. FÉLIX , avec empressement, et allant au fond pour appeler. Permeliez que je vous fasse conduire dans votre cliambre ! VALENTINE. Dans ma chambre? Où donc? FÉLIX, montrant la droite. Mais... de ce côlé... VALENTINE. Chez vous ? FÉLIX. Sans doute... puisque... VALENTISE. Mais VOUS n'y pensez pas? Le même apparlcment... une pupille de mon âge... et un tuteur de... FÉLIX , vivement. Oui... ça n'est pas convenable ! J'y réfléchirai... et denr.ain... VALENTINE. Comment, demain !... mais c'est à l'instant même ! Attendez... n'avons-nous pas une parente, dont nous parlions tout-à-l'heure... iM""" de Mareuil ? FÉLIX. Ah ! ma tante !... c'est vrai! je n'y songeais pas... Vous demeurerez chez elle... et moi, j'exercerai la tu- telle... VALENTINE. De loin. ACTE I, SCENE XI. 49 FÉLIX, vivemeyit. Oui, de loin... c'est cela... en veillant sur votre fortune!... VALENTINE. Ainsi , mon cher tuteur , je nie rendrai donc ches M""^ de Mareiiil. FÉLIX. Dès demain, ma clière pupille. VALENTINE. Mais non... Vous dites toujours demain !... Sur-le- champ! FÉLIX. Impossible ! VALENTINK. Pourquoi donc? FÉLIX. M"" de Mareuil n'est pas à Paris. VALENTINE, effrayée. Ah ! mon Dieu ! FÉLIX. Elle habite Passy... à un grand quart dheure de la barrière I VALENTINE. Un quart d'heure! Oh! je respire... Vous m'aviez fait une peur ! Vous allez me conduire à Passy!... FÉLIX, étourdi. A présent? Moi ?... VALENTINE , allant prendre son chapeau à droite. El qui donc? N'èles-vous pas mon tuteur? Ne de- vez-vous pas veiller sur moi ? FÉLIX, à part. Miséricorde ! Et mon rendez-vous?... je ne serai ja- 50 UN TUTEUR DE VINGT ANS. mais revenu !.,. {Haut.) C'esl que... C'est comme uq fait exprès... hier au bois... ma voiture... brisée... et au milieu de la nuit, il sera difiicile de trouver... VALENTINE, SOllUanl. Une voilure?... A Paris, on dit qu'il y en a toujours... FÉLIX , à part. Eh bien ! qu'est-ce qu'elle l'ait? VALENTINE, ttu Domcstiquc qui paraît. Faites venir une voilure de place pour voire maî- tre, je vous prie... LE DOMICSTIQUE. Il y en a une à la porte , que j'avais retenue par or- dre de monsieur. FÉLIX, à part. Celle qui devait me conduire à l'Opéra ! VALENTINE , à FcUx. Vous aviez donc prévu ?... FÉLIX. Oui... j'avais oublié... VALENTINE. C'est charmant ! FÉLIX, à part. Pas moyen de l'échapper... [Haut.) Mais voyager... tous deux... VALENTINE, somic iiTic scconclfois. — A Félix. Oh ! non !... {Au Domestique qui reparaît.) Préve- nez ma gouvernante que nous repartons sur-le-champ, qu'elle prépare tout , je l'altends... Allons... dépê- chez-vous... Le Domestique sort en courant. FÉLIX, à part. C'est ça... Elle est habituée à faire marcher des ne- ACTE I, SCENE XI. 51 gres!... {Haut, avec humeur.) C'est fort heureux, au moins , que M"'= de Mareuil ne soit pas à sa lerre du Poilon... Comment aurions-nous fait? VALENTINE, tranquillement. Nous aurions envoyé chercher des chevaux de poste. FÉLIX, étonne. Ah!... [A part.) Rien ne l'embarrasse! VALENTINE, aVCC doUCCW. Cela vous contrarie de m'accompagner ?... FÉLIX, d'un air aimable. Comment donc!... Trop heureux !... {A part ) Ar- mide sera partie ! Elle ne me le pardonnera jamais!... Nous voilà brouillés à mort!... .Maudite tutelle !... La Gouvernante parait chargée de paquets. VALENTINE, revenant à Félix. Voulez-vous m'aider à mettre mon schall ? FÉLIX, enrageant. Volontiers... VALENTINE, prenant deux cartons que la Gouvernante lient à la main. Vous serez assez bon pour vous charger de ceci , n'est-ce pas? FÉLIX. Avec plaisir!... (A part.) Morbleu !... VALENTINE, lul donnant le second. Tout cela aussi !... FÉLIX, dépité. Comment donc .. (A part.) Ah !... Il prend les deux carions et vient sur le devant de la scène avec une mine pileuse. Yalentine s'approche d'une glace et met Sun chapeau. S2 UN TUTEUR DE VINGT ANS. VALENTiNE, toujours dcvant la glace. Mainienanl... à vos ordres, mon cher tuteur ! FÉLIX, à pnrl. A mes ordres ! Il me semble que c'est moi qui suis aux siens !... ENSEMBLE. Ain : C'est la piccc qui commence. (Carlo et Carlin.) P.irlons vilcl du courage! Oui, sans tarder davaiif.Tgc, Parlons vile! ce voyage Doit nous plaire à lous les deux. VALENTISE. Espérance, Confiance !... Car, d'avance, ■Sa présence Me présage Le voyage Le plus doux, le plus heureux i FÉLIX, (i pnrl. Au diable un pareil voyage ! De bon cœur, ici, j'enrage ! Au diable un pareil voyage '. Tout esl perdu je le gage [... Oui, j'enragel Ce voyage Va renverser tous mes vœux ! (Félix a les deux carions, l'un sous un bras, l'autre a la main. 11 offre le second bras à Valenline. Le Domeslique suit son maître en lui tendant son paletot dont il a passé une man- che et en portant son chapeau; la Gouvernanio les suit. — La toile tombe.) FIN DU l'KFMlER ACTE. ACTE II, SCEiNE I. 55 ACTE H. Le théâtre représente un jarJin. Pavillon à droite du sjxc- laleiir, avec porte faisant face au public, secrétaire au fond el fenêtre non apparente donnant sur l'extérieur. Chaises el banc rustique dans le jardin. A gauche, une balançoire suspendue à deux gros arbres. SCEIMi I. FÉLIX. M™« DE M.\REU1L. M'"* de Mareuil est assise près du pavillon el fait de la ta- pisserie, Félix se promène, tout en causant. M™* DE MAREUIL. Un mauvais caraclère !... Valenliae ? FÉLIX. Oui, uia tante !.., m"* de mareuil. La jeune personne la plus douce!,.. FÉLIX, haussaiil les épaules Une sermonneuse! un esprit caustique, moqueur!,.. M*"^ DE MAREUIL. Depuis un an qu'elle est près de moi , je n'ai eu qu'à m'en louer... FÉLIX. El moi , son tuteur , depuis un an , je n'ai eu qu'à m'en plaindre!... A peine installée, ne s'est-elle pas avisée de vouloir diriger ma conduite... de mettre de l'ordre dans mes affaires ?... m"* de MAREUIL. Voyez le grand mal ! FÉLIX. J'avais des dettes... je n'en ai plus ! je crois mémo 54 UN TUTEUR DE VINGT ANS. que j'ai des économies!... C'est irès-drôle... celle pclile entend les affaires cooimeun procureur!... Elle a débrouillé mes comptes... payé mes créanciers... Je n'en serais jamais sorti ! m"* de mareuil. C'est là ce qui te fâche?... FÉLIX, vivement. Certainement. 11 y a des occasion où l'on aime mieux être dupe, et avoir l'air de se conduire soi- même... {i4vec humeur.) Enfin , c'est moi qui suis en tutelle!... c'est le monde renversé. Air : Pour le chercher, j'arrive en A llemagno, A vingt-trois ans, voyez où nous en sommes... Etre mené par un enfant... Bon Dieu ! m"" de mareoil, souriant. Élre mené !... mais c'est le lot des Iiommes... Pourquoi l'en plaindre, cher neveu? De la raison, suivons le doux empire, Femme ou mari, pupille ou bien tuteur... Qu'importe, au Pond, qui se laisse conduire Pourvu qu'on arrive au bonheur.'... Heureux celui qui se laisse conduire Quand il est sûr d'arriver au bonheur. FÉLIX, se frottant les mains. Oh ! tout cela va finir! ... je marie ma pupille au- jourd'hui même !.. nous signons le contrai dans une heure !... M™" DE MAREUIL. El voilà ce que je n'approuve pas... FÉLIX. Pourquoi donc? M"° de la Marnière est une perfec- tion qu'un époux seul peut dignement apprécier! ACTE II. SCENE I. 5S m"" de mareuil. Mais celui que lu lui as choisi?... FÉLII. Est aussi une perfeclion dans son genre... mon ami Beauvoisin !... M™^ DE MAREUIL. Es-tu sûr qu'il lui convienne?,.. Moi... il ne me plalt que médiocrement. FÉLIX. Elle l'a accepté de son plein gré ! M*"" DE MARECIL. C'est vrai ! mais elle l'avait d'abord refusé net., et M. Beauvoisin avait même perdu tout espoir!... lors- que tout-à-coup, je sais ce qui s'est passé... elle a dé- claré qu'elle y consentait. FÉLIX. Elle a bien fait! Beauvoisin est un très-bon parti... trente ans... une position honorable ! U™^ DE UAREUIL. D'accord !... FÉLIX. Toujours à la veille d'être nommé substitut. M™^ DE MARECfL. Mais il ne l'est jamais FÉLIX. Le meilleur naturel ! m""^ de mareuil. C'est possible... FÉLIX. Et quant à son esprit... U*"^ DE UAREUIL. Ab! son esprit!... 9C UN TUTEUR DE VINGT ANS. FÉLIX. Eli bien ! c'est un soi... que voulez-vous de mieux? Souple comme un ganl, sa femme fera ce qu'elle vou- dra... {Apercevant Beauvoisin qui entre.) IN'eol-cepas, Beau voisin? SCENE II. LES MÊMES, BEAUVOISIN. BEAUVOISIN , grande tenue , yanls blancs , bouquet à la 7)10171. Oui , oui , clier ami , tu as raison... je ne sais pas ce que tu dis , mais c'est égal... {Saluant.) M™* la baron- ne... {A Félix.) Tu dois avoir raison!... un tuteur qui m'accorde sa pupille... FÉLIX. Voyez, comme il est galant !... des fleurs superbes ! qu'il apporte à la campagne!... BEAUVOISIN. Mieux que cela ! Je viens de Paris, où j'ai acheté la corbeille ! FÉLIX. Je suis slir que tu as fait des folies? m""= de mareuil, avec bonté. Vous avez tort... Valenline a des goûts si simples... BEAUVOISIN, avec modestie. C'est par la simplicité aussi que je brille... mais la passion ne calcule pas... et il n'y a rien de trop beau pour ma femme ! FÉLIX. Je crois bien ! la femue d'un substitut I... ACTE II. SCENE II. 57 BEAUVOISIN. El peut-être encore mieux !... (A Félix) Que dirais- tu si la pupille élail l'épouse d'un député ? FÉLIX. Tu songes à la dépuiaiion ? BEAUVOJSIN. Je suis porté !.. FÉLIX. Ah !... Et qui esl-ce qui le porte? BEAUVOISIN. C'est moi !... j'ai de l'influence dans mon arrondis- sement... à ce que diseul mes amis politiques ! FÉLIX, Voyez, ma lame, comme il est amoureux! car s'il a de l'ambition, c'est pour sa femme. BEAUVOISIN, vivemeyit. Pour elle seule !... Je voudrais lui offrir un trône!... M™*^ DE MAREUIL, UVCC boilté. Je vois avec plaisir, monsieur, que vous appréciez les qualités de ma Valenline... BEAUVOISIN, avec enlhousiasme. Ah !... une jeune personne si accomplie !... M™* DE MAREUIL, regardant Félix avec intention. Douce... aimable !... BEAUVOISIN. Une belle dot!... (Se reprenant.) Ce n'est pas pour moi, au moins!... si je désire la fortune, c'est toujours pour elle... {J Félix.) C'est cent mille écus, que lu m'as dit, n'est-ce pas?... FÉLIX. Oui... 58 UN TUTEUR DE VINGT ANS. BEAUVoisiN, à lui-même. Cent mille écus ! (À Félix.) Cent mille écus, juste? C'est que quelquefois on dit cent mille écus... quand c'est trois cent trente , trois cent quarante mille francs?... FÉLIX. Trois cent mille francs tout juste... tout ronds ! On a liquidé la succession, et l'argent est arrivé de la Guadeloupe. Comme Valentine est majeure dans trois mois, le conseil de famille m'a autorisé à déposer la somme, jusque là, chez un notaire ou un banquier, pour lui laisser le soin, à elle ou à son mari, de choisir un placement... c'est ce que j'ai fait. BEAuvoisiN, vivement. Justement, j'ai un placement superbe!... Le château de Mauperlhuis, auprès de IJesançon... un manoir féo- dal magnifique !... iMes amis politiques me conseillent de l'acheler... parce qu'un défenseur du peuple qui a un château... ça fait bien !... FÉLIX, gaimcnt. Eh bien ! messire de Mauperihuis, vous pourrezache- ter votre château aussitôt après le contrat! Nous signe- rons dans ce pavillon que j'habite en ce moment. M™^ DE MAREUIL. Car la maison est toute sans dessus dessous pour le bal de ce soir... Mais, comme nous n'aurons que la famille et les témoins. ..(// Beauvoisin.) Un des vôtres est M. Chabanais, je crois ? BEAUVOISIN. Chabanais? Oui , mais il n'est pas bien sûr de ve- nir... c'est aujourd'hui jour de liquidation. ACTE II, SCENE 11. 59 FÉLIX, regardant le pavillon et passant à droite. C'est donc cela qu'il n'y a pas paru depuis deux jours, à Passy!... Car il est notre voisin... là... en face de ces fenêtres... Mais il a tant d'affaires! BEACvoisiN, bas à la Baronne. Je crains même qu'il n'en fasse trop!... Il court cer- tains bruits... H™' DE MAREUIL, baS. Comment? BEAUvoisiM, bas. Sur ses mines de houille du Brabant... qui dégrin- golent d'un train... 11 dit que c'est bon signe. ,, Je ne vois pas trop!... Je ne serais pas surpris, que d'un moment à l'autre... Faisant le signe de se sauver. m"* de MAREUIL, buS. Ah! bon Dieu ! EEAnvoisiN, bas. N'en dites rien à Félix ! Un ami!... {Haut.) Ah ! nous n'aurons pas, non plus, M™^ Chabanais. M™^ de MAREUIL. Elle est absente? BEAUVOISIN. Oui... Elle est à Fontainebleau, chez sa tante. FÉLIX, à part. Elle n'y est plus, j'espère... et, dans quelques heu- res... BEAUVOISIN. C'est drôle, qu'ayant loué, à Passy, une charmante maison... il ait envoyé sa femme... {Bas à .V™^ de Ma- rcuil.) Ça me conûrmeraitl... 60 UN TUTEUR DE VINGT ANS. tt™^ DE MAREUIL. C'était un voisinage fort agréable pour nous... FÉLIX , à pari. Et c'était si commode pour les signaux!... CEAUVOisiN , l'iulerrompant. Du reste, s'il n'est pas arrivé... nous prendrons un autre témoin... Ça n'est pas rare !... FÉLIX. C'est cela!... m"^ de maheuil. Je vais recevoir nos invités , et prévenir Valenline de l'arrivée de son tuteur... qu'elle n'a pas vu depuis trois jours... (^ Bcauvoisin.) \ hieulàl , monsieur... (Beauvoisin s incline. Bas à Félix.) Consulte un peu la pauvre enfant... Tu lui dois tes conseils... FÉLIX, étourdimcnt. Oui, oui... le petit discours d'usage ; soyez tran- quille. ENSEMBLE. Air du Domino noir, vf.m, à pari. n'^^ de mareuil, à part. Point de faiblesse ! Ah ! ma tendresse Sur ma promesse, Craindra sans cesse Non, je ne saurais revenir. Cet hymen qui va les unir . Celle alliance, Celle alliance Va. je le pense, Ne peul, je pense, Leur offrir Leur offrir Un doux avenir ! Un doux avenir. BEAUVOISIN. Jour d'allégresse. Jour de tendresse. Enfin, l'hymen va nous unir. Douce es|)crance ! Cette assurance ACTE IF, SCENE Ilf. Gl De plaisir Me fait Iressaillir. 'Bpaiivoisin salue M™e de Mareuil, à qui il donne la main, et qui sort.) SCEIVE III. FI^LIX, BEAUVOISIN. FÉLIX , gaîment. Au fait, c'est à moi He l'éclairer sur ses nouveaux devoirs... Que diable vais-je lui dire, à ma pupille ? BEAUVOISIN. Rien de plus haie... {Se posant.) Ma chère pupille... j'ai voulu assurer votre bonheur, et, pour cela, je vous ai choisi un mari . jeune , aimable , modeste... doué d'un physique heureux , et de toutes les qualités sociales !... Oh ! jeune fiancée , aimez-le , cet époux !.., et donnez-lui toute la félicité domestique dont les liens du mariage sont susceptibles... ici bas! FÉLIX. Fort bien !... mais je dois te haranguer aussi , toi... et je te dirai : Beauvoisin , je te confie le sort d'une jeune personne charmante... et j'espère que , désor- mais, la raison , la sagesse... BEAUVOISIN. Oh ! pour cela , je n'ai jamais bronché... c'est-à-dire, si... une fois... une seule fois... FÉLIX , riant. Ah bah !... BEADVOISIN. Un instant d'erreur... mais ma charmante future me l'a pardonné. FÉLIX. Comment ? tu as été lui conter?... 62 UN TUTEUR DE VINGT ANS. BEAUVOISIN. Au moraenl d'un mariage , la délicatesse m'en faisait un devoir... FÉLIX , à part. Est-il bête !... BEAUVOISIN, croyant entendre. Hein?.., {Reprenant.) D ailleurs , la pupille l'a exigé... ce n'est qu'à celle condition qu'elle m'a en- gagé sa foi... {D'un air de complaisance.) Tu sais... les femmes ne délesleni pas les mauvais sujets !... Je lui ai fait une confession générale !... FÉLIX. Ali ! mon Dieu ! BEAUVOISIN. Ça élé irès-coiirl!... car mon unique aventure n'a pas eu de dénoueiuenl. Hélas ! non, j'ai laissé le roman au second cliapilre... Après avoir reçu... FÉLIX , faisant le geste d'un sou f(lct. Ah! oui... je .sais... au bal... BEAUVOISIN. Non ! après avoir reçu une lellre passionnée... Ali ! quelle lelire, mon ami !... une poésie... Et un (eu !... Le Vésuve SOUS des fleurs !... Celait à rendre fou !... J'ai réfléchi... il y allait de mon avenir... J'ai dit : ma foi , non !... et je me suis contenté de répondre à l'épiire brûlante, parce que nous appelons un de'dt«afoîre.' .. FÉLIX. Je ne suis pas si fort que loi, moi... Je cède à la passion qui m'enlrahie. BEAUVOISIN. Je sais... lu cèdes souvent ! ACTE 11, SCENE 111. 63 FÉLIX. Oh ! celte fois , c'est pour la vie ! BEAUVOISIN. Toujours la passion anonyme... de l'année passée ? FÉLIX. Oui, mon cher ,une femme idéale !... Celle-là aussi écrit des leure> poétiques et brûlantes 1... de ces lettres auxquelles on ne résiste pas !... BEAUVOISIN. J'entends... Tu as eu un dénouement, toi, fripon! FÉLIX , baissant la voix. Je l'aurai ..aujourd'hui même. J'ai tout disposé dans le plus grand secret... une chaise de poste m'attend à quelques lieues d'ici, dans un petit bois , près des fon- taines de Juvisy. BEAUVOISI.N. Un enlèvement? FÉLIX. Chut! Elle sera dans la voiture... El aussitôt votre contrat signé... un excellent cheval... tout prêt... (Montrant la gauche.) Je piijue des deux... j'arrive..-, je m'élance à côlé d'elle... Et fouette , postillon !... BEAUVOISIN. ClK!rmanl!...un voyage senlimeiital...Quandje pense que moi aussi, je pouvais... Chut!... la pupille! FÉLIX. Pas un mol !... BEAUVOISI.N. Parbleu ! Je lui avoue mes folies., mais les tiennes... ça serait trop long !.,. «4 UN TUTEUR DE VINGT ANS. SCENE IV. LES MÊMES, VALENTINE. VACENTINE, ftccoumnt. M""* de Mareuil viciu de m'apprendre votre arrivée, mon clier Inleur... el... (S'orrclanl en voyant Beau- voisin.) Ah !... pardon, monsieur... BEAUVoisiN, présentant son bouquet. Permeltez-moi, mademoiselle, de vous offrir ces fleurs, image... FÉLIX, avec emphase. De la fraîcheur de vos allraiis... BEAUvoisiN, à Félix. Ne me coiipedonc pas... m me feras tromper... VALENTINE. prenant Je bouquet. Grand merci de votre souvenir, monsieur... CEAUvoisiN. avec clan. Ah ! mademoiselle , comment ne serais-je pas ému, lorsque pour moi, l'horizon du bonheur se dessine à... FÉLIX. A l'horizon ! nrAUvoisiN, machinalement. A l'horizon... Non... Tu vois bien ! Tu me coupes toujours... Mademoi.selle. .. [Passant à droite pour s'é- loigner de Félix.) Mademoiselle, c'est aujourd'hui que nous signons l'acie bienheureux... VALENTINE. Oui, monsieur... et c'est à ce sujet, sans doute, que mon tuteur désire m'enlrelenir? HEAUVOISIN. .le le suppose. ACTE lî, SCENE IV. 65 VALENTiNE,;./wi faisant siync de s'en aller. Menlreleiiir... seule... BEAUVOISIN. Ah!... {Comprenant.) Ali ! oui... fort bien... j'en- lendsl ...{liiant, faisant signe de s'en aller )U fanl que... Je vais coinuiencer 1 apprenii.';snge de mon rôle de vnir'i. ..[Hcvetiant an «!t/ieM.)Permetlez-Hioiseulemenl de redcQiander à Félix lo contrai que je dois rendreau notaire. FÉLIX. Le coiUral?... C'est moi qui l'ai ?. .. ItEACVOlSIN. Parbleu ! Est ce que tu ne l'as pas lu ? FÉLIX. Si , si , comment donc... je l'ai médité... {A part.) Je ne l'ai pas regardé .. {liant ) Où diable l'ai je four- ré ? Ah ! Dans le pavillon, je crois... Il y entre. Pendant qu'il cberclie successivement dans les ti- roirs du iecrelaiie, toujours en vue du ])ui)lic, Vaientine arrête Beauvoisin, qui va pour le suivre. VALiiNTiNE, bus. Jl . Beauvoisiu ! BEAUVOISIN, bas. Mon aimable (ulure? vAi.ENTiKE, 6as Ecotilez moi... Vous m'aimiv, ? BEAiivoisLN. irès-haut. Si je vous... Oh ! Dieu !... C'esl-à-dire, que... \ALENTiNE . Itii imjjosaul silence. Plus bas!.. Vous voulez m épouser ? BEAOvoisiN. très-bas. Si je veux !... Oli! ciel ! c'esl-àdiie, que... VALtsTiNE, bas. (,\'s\ b:en !... Vous m'épouserez,. Je suis liée envers 66 UN TUTEUR DE YhNGT ANS. vous! Mais, en échange de l'ent^ageinenl que j'ai pris, il existe une lellre que vous m'avez promise. BEAUvoisis, bas. Vous l'aurez. FÉLIX, clicnliatil dans les tiroirs. Je croyais 1 avoir mis... VALENTINE. Allez me la chercher, BEAliVOISl.l. Oui , mais .. VAI.tNTINE. Sur-le-champ !... j'ai mes raisons. BEAUVOISIN. Diable!... de Passy au fauhourg du Fioulc , où je loge... VALENTINE. (l'esl à deux pas!... el en allanl au galop !.. UEAUVOISIN. Sur quoi !... au galop ? VALENTINE. Un cheval tout sellé vous alleiid à la petite porte du parc... FÉLIX , clicrchant soiis les mcubli's. A moins qu'il n'ait glissé... BEAUVOISIN , bas. Un cheval... mais , permettez... je n'y suis monté qu'une seule fois... à Monimorency... Kt encore, était- ce bien un cheval ?... (Après re/kxiun.) Non, celait... VALENTINE. N'importe.. .il n'y a pas un instanlà perdre... sinon... pÉLix , trouvant le contrat dans le panier aux vieux papiers. Ah ! le voilà... ACTE î. SCENE Vil. 67 VALENTiNE, bas et pressante, tli bit'n? BEAUvoisiN , bas et vivement. J'obéis... vALESTiJiE , bas à Beauvoisin Silence... el que per- sonne... BEAUvoisiN . bas et allant à Félix. N'ayez pas peur ! FÉLIX, lui donnant le contrat. Tiens , mon clier... il me paraît fort bien ! BEAUVOISIN , le prenant et regardant yalenline. .\insi donc, mon .Tilorable fuiure, je xais ciiercher la corbeille... {Bas.) C'esl adroil !... VALENTiSE, d vn air d'intelligence. Oui , oui... j'ai liâ'.c de l'admirer ! Air de la famille de l'Apothicaire. BEAUVOI.SIS. Vous verrez si je m'y connais ! J'ai voulu tout clioisir moi-même... Les bagues el les bracelets. Des thaïes J une finesse exiioine !.. L'éventail gothique el l)rill;int, Puis, une chaîne... une merveille !.. VALENTiNE, souriant. Une chaîne !.. c'est bien souvent Ce qui reste d'une corbeille I Oui, la cliaine, c'est Irop souvent Ce qui reste de la corbeille ! BEAUVOISIN, a Félix. Cliarmanl ! Tu as compris? une chaîne !,.. (Basa Valrnline ) allons, il fanl me remellre à l'éqiiUation... il feint de sortir par la droite el s'esquive par la gauche. S <:!::>!•: v. VALENTINE. FÉLIX. pÉi.i\, à part, après un silence et regardant ValoiHne. Tâ<;lions d'élre à la liauleur de l'emploi... [Se pré- parent à parler.) Brrounn. 08 LN TITF.UR DK VrNGT ANS. VALiCNTHE, souri ml, à jiurt. Le voilà hu'ii ciuljurrassé!... FÉI.IX. Ma clière pupille. VAl.Ii.NTlîSE. Mon cher l ii/ur. KÉi.ix , O'-vc imporliiiirc. Le niariage vu voms alfraiiciiir .. (l'une liilclle qui... VALCNTINB , cloïK.eVinil. Qui vous pesail bien plus (|u"a moi !... FKLIX. Je ne dis pas cela ! .. VALENTINE. Oli I soyez franc... ei convenez (|ue si vous nie ma- riez avaul ma m;ijoriié, ce n'est pas pour moi. Fiii.i.x. El ponr qui iloiic, s" il vous plali ? VAI.KNTINE. Mais pour von:,., pour être plus libre... moins gène. FÉLIX. (1 jxtrl. Lllfc a un insliiicJ '. . {tlnul.) Vous me calomniez, je vous jure .. VALESTINE. Mon Dieu ! ce n'est pas un re|)roclie!... jr Fai.- que les pupilles sont comiiie les priitces>es... ou les marie sans consulter leur goût... pnirvu que li convenance politique s'y Iroive !. .. Du ie>le, \:. Beanvo sin est lin liomme... à-peu-près comme tout le momie... il e.-t possible qu'il me rende lieureu.se... et ce n'est p:is de moi que je veux vous parler, c'est de vous. FÉLIX , plus étonne. De moi ?... A<:TE II, SCENE V. C9 VALENTrNE. An momenl ofi nous allons nous séparer, je vous (lois l'explication de ma condiiile. FÉLIX, à part. Bien ! c'est elle f|iii v;i me sermonner 3 présent! VALtNTINK. Depuis nn 'in . mon cher tnieiir, vous trouvez, sans «loule , que j'ai hlànié trop ouveriemcnl vos élourde- ries... j'y ai yagné votre liaine ! FÉLIX. Ne croyez pas. . VAi.FNTiNE. nrcc douceur. Si lait ! et c'e^t bien mai !... car, moi , j'ai toujours eu de l'amitié pour voui; !... une aniilié de sœur... parce qu'an fond, vous avez de très-bonnes qualités!... el mes remontrances m'étaient dictées par cet intérêt bienveillant... {Félix sourit d'un air flatté.) qu'ins- pire... pardonnez-moi le mot... un enlanl qui n'a pas la force de se conduire. FÉLIX, fronçant le sourcil. Ah !... mademoiselle. . VALENTINE. J'ai peut-être eu tort. . mais si c'était à recommen- cer... je n'agirais pas autrement. FÉLIX . frappant du pied. Elle est incorrigible !... VALENTINE, d'un air grave. Tant que vous n'avez recherché que des plaisirs Iri- voles, j'ai fermé les yeux. FÉLIX, avec ironie. Vraiment?... VALENTINE. Mais , aujourd'hui , c'est plus sérieux ! el avant de 70 UN TUTEUR DE VINGT ANS. vous qiiiuer, je veux vous épargner une dernière folie. FÉLIX , dlonné. Que voulez-vons dire?... VALENTiNE, scripuscmctit. Écoutez-moi, Félix... {Ildsilanl.) Je vais vous par- ler un lang.ige étrange pour une jeune fille... niais il faut faire la part de mon éducation !... N'ayant eu que mon père pour guide, j'ai appris de bonne heure à voir le monde tel qu'il est,., avec ses faiblesses... ses scandales... c'est ce qui m'a pern)is de surveiller votre conduite, et de comprendre le danger qui vous menaçait. FÉLIX. Je ne vous entends pas... VALENTiNE, lentement ct le regardant. Je m'explique. Vous avez., ou plutôt vous croyez avoir ce que l'on est convenu d'appeler une grande passion ! FÉLIX, à part. Comment diable a-l-elle su?... (Haut.) Quelle plaisanterie ! VALENTISE. Vous voulez partir, vous expatrier... avec l'bëro'ine de ce beau roman !... FÉLIX , plus troublé. J'ignore absolument... VALENTINE. Oh ! ne meniez pas... c'est si vilain de mentir ! J'ai des preuves. FÉLIX. Des preuves !... VALENTISE. Des preuves écrites .. {Sourùmt.) Vous n'avez pas ACTE 11, SCLNE V. 71 beaucoup d'ordre, mon cher tuteur... vous mêlez tous vos papiers... les mémoires, les lettres de change... et... d'autres lettres encore... FÉLIX, inquiet. D'autres lettres?... VALENTINE. Cela m'expose à lire des choses... fort peu édilian- tes pour une jeuns personne ! FÉLIX. Comment? VALENTINE, tirant un papier de sa poche. Hier... dans les papiers de la succession , que vous m'avez remis, j'ai trouvé... une pièce qui s'était glis- sée dans le dossier .. et que vous auriez envoyée à l'enregistrement... ce qui aurait fort étonné le rece- veur , à en juger par ces premiers mots... {Elle déplie la lettre et lit.) ^ (".'en est fait... je cède à la passion c que vous exprimez si bien ..Je crois en vous, Féli.v! » FÉLIX, dans le plus grand trouble, à part. La lettre d'Armide ! Et moi qui pensais l'avoir... II se fouille. valestin::. continuant avec emphase. t Fuyons un monde qui exile les cœiirs sympailii- « ques... allons chercher au bord du lac de Genève, « une chaumière obscure et mysiérieuse... » FÉLIX, avec colère. Valenline !... Il lui arrache la letllre, et passe à gauche. — Silence. VALENTINE. Et c'est sur une pareille lettre que vous alliez jouer votre avenir !... abaudonn^îr cette bonne tante qui vous aime comme son fils... q li n'a que vous au monde!... 72 UiN TUTEUK DV. VINGT ANS. FÉLIX, avec impatience. lié ! mademoiselle ! VALENTINE Maisj'y mellrai bon ordre... Et si vous ne renoncez de vous-niênie à voire projet, je saurai vous empêcher de partir. FÉLIX, pique et se révoltant. Vous in'enipêclierezï... VALENTINE, vivement. Oui. FÉLIX. Vons ? VALENTINE. Moi!... FÉLIX, s' emportant. Ah ! c'est trop fopi !.. {Exaspéré.) On n'a jamais vu un tuteur tyrannisé à ce point-là... VALE.NTINE. C'est comme cela !... FÉLIX , se cnhnrtnt et la narijnant. Heureusement que mes mesures sont bien prises , et qu'il vous est impossible de deviner... VALE.NTINE. C'est difficile ! .. mais avec de l'intelligence ?... D'a- bord , je suppose... on vous attendrait, en chaise de poste... FÉLIX. riein? VALENTINE. Aux fontaines de Juvi.sy, par exemple?... FÉLIX, coiifofidu. Heiii ! (ju'e.sl ce (pi'elle dit donc?... VALENTINE. El au.ssii(ll mon contrat signé, un bon cheval qui ACTI£ II, SCcINii V. 75 serait loul prêt , lîi... î» In petite porte du parc, vous conduirait... FÉLIX, hors de lui. C'est à confondre!... (l'est un démon!... {A Va- lenline.) Vous croyez triompher !... mais ce ne sera pas après le contrat... c'est sur-lo-champ que je pars! Ah!... Il remonte. VA1.EST1NE , tranquillement. C'est inutile... il n'y a plus personne. FÉLIX. .Mlons donc !.. VAf.ENTINE. J'ai fait dire de votre part .. que vous saviez tout. FÉLIX. Tout ! quoi ? VAI.ENTINE. Vous le saurez tout-à-l'heure. FÉLIX. Ah ! c'est une indignité !... c'est impossible ! jepnis encore la détromper.. Elavec le cheval qui m'attend... Il fait un mouvement pour sortir. VALE.XTINE. Ah ! bah !... il n'y a plus de ciieval. FÉLIX, snrrêtanl. Hein ?plus de cheval !... VALE.MINE. C'est-à-dire .. il y a un cavalier qui court dessus. FÉLIX. Ah ! lanl d'audace !... Vous amit'/. osé!... Mais je ne puis croire... et je veux m'assurer !... Il sort par la gauche. Beauvoisin parait presque aussitôt, du même cô'é, et sur le devant de la scène. 74 UN TUTEUR DE VINGT ANS. SOENE VI. BEAUVOISIN . VâLENTINE. vALKNTiNE , suivant Félix des yeux. Pauvre luleiir! Il me remerciera plus lard !... Beauvoisin enlre avec précaution. Il est dans le plus grand désordre; son liabil et son pantalon couverts de poussière. BEAUVoisi.N , à voix bassc . Si ! si! Me voici!... VALENTINE. Ah!... Enfin!... BEAUVOISIN. Je suis lomijé de cheval !... '■. •. BEAUVOISIN. Ah! mon Dieu En revcnanl !. .. VALENTINE. Ail ! Irès-bieii !.. BEAUVOI.>IN. Très-bien ! non... mais pas trop mal... Dès qu'il a senli l'écurie... ce diable de cheval s'est mis à danser une espèce de gigue anglaise forcenée !... Au moment où je disais : Bien sûr , je vais tomber... j'élais par terre !... VALENTIKE, Vous n'êtes pas blessé ? BEAUVOISIN, indécis. Hum !... Non ! VALENTINE. El la lellre ? BEAUVOISIN. La voici !... Il la lui remet. ACTE 11, SCEiNE Vil. 75 VALENTINE. Vous êtes un homme charmant. BEAUVOISIN. Vous êtes bien bonne. ..Mais il faut que j'aille chan- ger de loilelle !... VALENTINE. Dépêchez- vous... voici quelqu'un ! BEAUVOISIN , s'esfjuicant du même côlé. Oh!... II disparaît. SCENE VII. VALENTINE. FÉLIX. FÉLIX , revenant furieux. C'était vrai !... plus de cheval ! VALENTINE , jouant avec la balançoire. Je VOUS l'avais bien dit ! FÉLIX , furieux. Ah ! c'est alFreuxl... surprendre mes secrets... m'en- lacer comme un serpent!... Tenez, Valenline... je vousdétestais... mais, à présent... VALENTINE, SOUriaut. Il me semble que vous ne pouvez guère (aire mieux pour moi... FÉLIX , voulant sortir de l'autre côlé. Je n'ai pas un moment à perdre... j'ai donné des ordres... un autre cheval... je cours la rejoindre !... VALENTINE , Varrètunt d'un geste. Un instant... vous avez fait dire que vous saviez tout... Il faut bien que vous sachiez quoi '....{Lui don- nant la lettre de Beauvoisin) Lisez... FÉLIX, l'ouvrant. Son écriture!-., l'écriture d'Armide... {Purcou- 76 UN TUTKUU DK VINGT ANS. ranl.) -Vh! mon Dieu '... des protpsiaiions ^l'aino'ir... coTime à ifioi !.. (icssernens crmie lidélilé éieriuvlle... comme 5 moi !... un projet de fiiitiv.. sur les bord.s du I:ic de Gfiiôve... (!omme fiveo moi!... {// hii-méme.) Mais qui donc?.. {I.is'inl) j Mon cher l{aoiil !... » {Il rcfotirncln Ictlrc et Ht l'adresse ) o \ M. l5('au"oisin... » Beaiivoisiii !... Ah ! je comprends'... celle lettre dont il me parlait tont-à-1 iieure !... Kl la date ? Il y a troi.s mois ! VAi.ENTiNf:. avec bonté. Vous soiilîroz , Félix ? je vols qn;; j'ai eu lorl ! FÉLIX , agilii. Non... non .. vous avez fort hicn fait ! je suis en- chanté I... A un Deauvoisin !... Mais pourquoi tant de perfidie ! tant de coquetterie ?... VALENTINE . finement. Ah! pourquoi ! pourquoi ! itcoulpz-done !... il faut ménager tout le monde . quand on veut trouver un mari... FÉMX, stupéfait. Un mari... madame ?... VVLENTINK. Oui... madame !... madame!... M. Raoul a été plus (in que vous... car il a découveit (pie voire ami nous avait trompés eu nous présentant safeuiiue .. comme sa femme. FÉLIX. ciel ! VALE.^JTINK. Il lui avait pièlé son nom... voilà tout. FÉLIX , avec déftit. Ah \ ôlre jo-ié à ce point ! ACTE II. SC!-:NE Y!I. 77 Il preiiil une chaise à droite et s'assied co lournani le dos à Valcnline. VALF.NTiNE , sérii'tiscinciit . AîniiilcMianl , voire cheval doil être revenu... si vous voiiltz courir après elle... vous en êles le mallre... Elle va à lu balançoire et s'y place nonolialarnrmînt . FÉLIX , (igitd cl sans la regarder. La revoir! jamais! je la méprise!... mais je n'en snis pas moins linmilié... par celle pelilo !... VAiENTiNR , se balnvçnnl doucement. On esl Irès-bien la dessus..! FÉLSX. Ilein?.. - VALENTLNE. Très-bien . Irès-bieii !... FÉLIX , se rclounuint ai la voyant se balancer. Ali! .\prè5 cela. . le moyen de la gronder... {Lu re- gardant se balancer.) Un enfanl !... voyez !... El mai- gre ma colère... je ne puis nier qu'elle ne m ail sauvé de la plus grande folie !... Lui avoir une pareille olsli- galion... c'esl insiipporlable!... vALF.NTiN'i: . de loin cl le regardant en souriant. Vous n'èles plus pressé de galoper ? FÉL!S , fli'''c humeur. Ah ! vous êtes cr.ucllf.'? VALF.NTISE. Kl voiL<; , mon cher luLeur , vous n'êie.^ guère co:u- plaisanl ! .. vous voyez que j'ai envie de me balancer... el vous ne me donneriez pas un pelil coup de main ?... FÉi-ix , se levant avec colère. Moi! par exemple !... venir me proposer!.., VAI.KNTINE. l'arce (jue vous m (U vi^-ulez?., El; bit;u ! tins !<'.-< 78 UN TUTEUR DE VINGT ANS. jours on en veut à une femme el ça n'empêche pas d'être aimable avec elle. FÉLIX , s'approchanl de la balançoire. Ah ! Valentitip ! vALENTiNE , froidement. Eh bien !... quoi ? FÉLIX. Poiiviz-vous conserver celle insouciance , quand vous me voyez au désespoir ! VALENTISE. Cela vous rlislraira... Allons.,, voyons... Elle lui prend l.i main, l'amène doucement, il fait aller la bal.Tnçoire machinalement. FÉLIX. .\ll I... VALKNTINE , hllUinCCt;. La!... [.4près un silinice.) Dites-donc. .mon tuteur? FÉLIX. Quoi ?... VALF.NTINE. Le lac de Genève a du niallicur... personne ne s'y noiera ! FÉLIX , soiiriiinl malijrà lai iNon. VALENTiNE , riant. k la bonne lnuic 1 voilà que vous sour ez ! Vous êtes bien mieux ainsi... Ah! mais, plus doiicemenl donc !... [Son rhapcnn tombe.) .\h ! mon Dieu ! mon cliapi-au... VA\ bien !... où esl-il donc?... FÉi.ix , à pc(rt , et s'éhifjnaiit un peu. Tiens! cet abandon... celairde bonheur... donnent à sa physionomie... une expression !... VALbNTiNE , s'arrclaiU un instant, et posant te pied par terre Croyez-moi... ce qu'il vous faut, c'est un l.ioidieur paisible !... ACTE ir, SCENE VU. 7î) FÉLIX, à pari. Quel sourire doux et lin !... VALENTINE. Une bonne peliie femme... qui vous aimera pour vous... pour vous seul ! FÉLIX , à part. C'est qu'elle est charmante ! lit moi qui n'avais ja- mais songé à la regarder 1 VALE.NTINE. Je vousclierclierai cela, quand je serai mariée... parce que je veux que vous disiez : tl» bien ! celle pauvre petite Valentine que je maudissais tant... elle était vraiment gentille... et c'est à elle que je dois mon bonheur... FÉLIX , revenant à elle. Que vous êtes bonne ! VALENTINE. Ah! vous en convenez donc que je .suis bonne !... Vous ne disiez pas cela toul-à-l'henre... FÉLIX lui prend la 7nain. ("oinbien j'élais injnsie ! VALENTINE. .\ la bonne heure !... {Le regardant après un silen- ce.) Kh bien ! vous ne me balancez plus?... FÉLIX . vivement. Si, si... {A part.) C'est singulier... je ne sais ce que j'éprouve... Il la lialaiire. DUETTO. Frnymcnl Je TA in : Mon cœur bat vivement, il palpite. (Gulislan.) ËNSE.}IDLli. 80 UN TUTLLR DE VINGT ANS. Oui, d'espoir nioii âme est inlerditc Quand son regard se lourne vers moi ! VAI.ENTINK. Uiiel plaisir ! c'est cliarmanl d'aller vile ! Le cœur iiat, il s'émeut, il s'agile... C'est du bonheur el c'est de l'effroi ! FLLIX. Oui de mes sens, sa douce image efface Le foi objet de tous mes \œux J Mou cœur bat, il s'émeut, il s'agile, etc. A ALENTINB. Sous ce feuill.ige on passe el l'on repasse, On croil viaimenl munler aux cieux. Quel pl.Tisirl cVsl cliarmanl d'aller vile, elc. (A la (in du duo, la ba'anroire fait un mouvement brus.'juc. Valcnlinc ])Ous.se un cri en sautant en avant.; VAI.ENTINË. Ah!... Fi^Lix, sdisissunt ydlctitinc dans si'S hrns. Qii'ebl-ce (jonc? VALiiNTiNE, émue. HienI un éliloiiisseiinMU !... j'ai cru qtie je loiiibais! j'ai en hiiMi [hiii. FÉLIX, lirscmii. l'A moi aussi !... VALENTINE. (^iie VOUS êtes bon !... (nvoincnt.) .\iaisça ne m'em- pêchera pas de reconimencer .. [licgavdanl de côté.) Ah ! voici loule la sociclé!... FÉiix , avLC humeur. Quel domiiKii^e !... VALt.NTlSE N'l•^l-c<• pas? c'était si îtiunsanl 1... Quel oiiiiin d'èlrt' iléi.uifjôc !... mtim' (>o.ir .M_.^n'iti lonlral '... (/'..'(/( n-moiiU; ) 1 F.i IX, (/ f.nvl . Irauh'c. l-c CunliJl !.. j(,' 1 a\;iis (tiblic !.. ( Sr fniitjxiiil le ACTE !I, SCENE VllI. 81 front , à part ) Ali ! mon Dieu ! elle se marie !... El c'est moi !... scENi: VIII, LES MÊnts, BEAU VOISIN. «»<= DE VI VREUIL, CHA- BA.NAIS, CN NoTAïKE, Invités. CHO'^CUR. Air : Allons, de la (inilé. (Fioriiia.) CHABANAIS et M°^"^ DE MAREUIL. Venez, jeunes époux.., Que l'IiyQien vous couronne ! Et que l'amour vous donne Lies jours lieureux et doux ! ur-ACvoi.-is. .\u transport le plus doux Mon âme s'abandonne. (Montrant Valenline.) L'hyoïen qui uie la donne Fera liien des jaloux. VALENFiNE, à part. Voilà donc cet époux Que le hasard me donne ! Soyons soumise et bonne. Allons, réiignons-nous ! rÉLix, ù part. Quel est donc ce courroux Qui m'enflamme et m'étonne? (Montrant Beauvoisin.) Son aspect seul me do.Tne Mille transports jaloux ! BEVtJvoisis, montrant Chnbanais. J'ai mon témoin 1 je l'ai afrèté au passage ! {.4 part.) Ma toi ! je n'y complais plus .. je le croyais déjà... CHABANAIS, pressé, très aijilc . Oui... je venais chercliêf quelques papiers... nuis, je n'ai qu'une luiiuUe '. le Lunenl des affaires., {.ipnri.) 6 82 UN TUTEUR DE VINGT ANS. La nouvelle doit eue déjà répandue... el ma chaise de posie qui in'altend î... FÉLIX, à part. Mais ça ne se peut pas!... je ne le veux pas !... Mais commenl relarder... coinnieui empêolier? BEAUvoisiN, bas à Valcntine, montrant Chabanais. Siifloul, prenez bien garde que celle lelire ne tombe enlie les mains de liliabanais... (.-/ part) Un gaillard qui mouche une huugie ù cinqiianle pas !... M™" DK MAREUIL, à FélïX. Félix, en la qualité de luieur, donne la main à la pupille... Allons, M. le notaire... FKLix. à part, prenant sn résolution. Ma foi !... je n'ai que ce moyen !... BEAUVOISiN. Je louclie donc au monienl forluné !.. FÉLIX, résolument, au Notaire qui ouvre le contrat. C'psl iniJliîe. M. le notaire, il n'y a rien à lire... ce mariage ne se lera pas... (3[ouvcmcnf ) TOUS. rominenl ? Que dit-il? Félix! VAI.liNTlNE. a"* DE MAKEUll.. CHABANAIS. voulant partir. Alors .. si on ne signe pas, je m'en va^s! BKAUvoisiN, le retenant. Un moment! (.e celte offensp Me ... Il veut raison. ,,„ doit raison. »,„„ „„„ Vous Non, non. Non, non, Poinl d'éclat, d'inipriidiince ! Pour une telle offense, Que le silence Point d'indulgence Soil son [lardou ! Point de pardon ! 84 UN TUTEUR DE VINGT ANS. FÉLIX, avec colère. Chabanais, à Deauvoisin. Non, non, non. Cet affront Qu'il craigne ma vengeance; Enflamme ta vengeance, Cai- sa présence De celte offense. Est lin affront ! Tu veux raison ? Kon, non, Non, non. Qu'il sorte, ou ma vengeance La meillviire vengeance, De celle offense C'est le silence Aura raison ! Et le pardon. beaUVOisin, allaitl à Félix. Mais enfin ?... FÉLIX, maj'cliani à grands pas. Uien (le plus ! VALtNTINE, O FcUx. Quoi ! nos nœuds ?.. FÉLIX. Sont rompus ! Il"^* DE MAREUIL, Ù Félix. S<>iige donc !.., FÉLIX. C'est en vain ! BEAUvoisiN, de l'autre côté. Un seul mol ? FÉLIX, avec force. Plus d'hvmen. DEAUVOISIN, exaspéré. Air... î (licprisc de V ensemble.) (A la fin de lensenible, tout le monde sort en désordre. M™* de Mart'uil cherche à calmer lîeauvoisin, que Chabanais entraine. Valenline suit d'abord sa tante, puis s'arrdle au fond . ; 8 c li ]m: I X. FÉLIX, YALliNïlNE. FÉLIX, se croyant seul. Kh bien ! soil ! me voilà mallre du champ de ba- taille !... (/i part, en voyant V'esl assez vrai ! Flil.lX. Ce que je veux, Yalenline, c'est voire boulieur... et lieauvoisin ne peut l'assurer.,. ACTE II, SCENE IX. 87 VALENTINE, à pcifl. Je le crains... FÉLIX. Cet homme ne reclierclie (ine votre forlune... VALENTlSE , à pirt. J'en ai peur !... FÉLiS. Nous ne pouvez l'aimer... vALENTixE, à fart. 0!i '■ cela, j'en suis sûre... FÉLIX, avrrâmc. Tandis que moi, qui vous adore pour vous seule, il esl impossible que vous ne m'aimiez pas... VALENTiNE. sc récriant. Comment, monsieur?... FÉLIX, avec amour Oui , vous m'aimez , j en suis sûr !... Je n'en veux pour preuve que celle sollicitude de tous les inslans, que celle lulle continuelle de voire K;igesse contre mes propes folies Tout cela, c'était de l'amour ! à votre insu, sans vous en rendre compte... mais c'était de l'amour !... et, d'aulanl plus précieux , qu'il ne se irahis.'^ail que par des bienfaits VALENTiNE, à part cl IrcmbUint. Al» ! mon Dieu ! s'il disait vrai !.. Le cœur me bat d'une force !.. FÉLIX. Jugez donc comme nous serions heureux. ! près de noire bonne tante! Quel bon ménage nous ferions... VALENTI.VE, SOUrioUt. Vous croyez ?... FÉLIX, avec piilrnincment. D'abord, une lois mariés, ma femme serait seule laitresse absolue... 88 IJiN TUTtUU l)K VINGT ANS. VALENTiNE, de même. Oui ?.lii.sqiip-l!^. c'est assez raisonnable... FÉLIX. Mon unique occnpalio» sérail de l'aimer, de l'eti- lourer de soins el de plai.sirs. . VALENTirsé... FÉLIX, .10 coiilnnfj/ntit. l.U bien! donc... M. de nciiuvoisiii. BKAUvoisiN, furciDcnl. Motisieur .. je n';ii pas encore Je de... (jiiaïul je serai .. j)!tis lard, je verrai... Fiaix. i)npnli('ittt>. Ali ' inoililt'u ! finissons .. Quelle est cette letlie deValenline ! je veux savoir... BiiAuvoisiN, h liravririt. Vous vouler, ? [Se radouds- saiit.) Qu'il cela ne tienne je serai lier de la nionirer à tonte la terre , coinine un gapt^ de son amour... vALENTiM.;. limidrniciit. AI. IJcauvoisin !... FKLix. De son amour?... BEAuvoisiN. à part II e.st vexé! [Haut.) Vous aller. en juger. {Usant )i Mon (lier M. J5eauvoisin... » (S'imlcr- rompnul ) .Moucher!... [A part.) .l'appuie expiés pour InienroMcer le poignard... (Rcprcnanl.) i Mon cher... » FKi-ix, brusquement, .l'ai entendu... Après? CEAUvflisiN, lisant. a Je vous ai d'abord refusé... j'ai eu tort de niécon- naîlre tant de (|uaiilés estimaliies... {Appuyant.) Esli- mab'cs !... ^{A ;/«>/.)J'appiiieioiijonrs pour enfoncer... FÉi.ix lié ! vas donc! BEAUVOISIN, offcilKC. (lomineiit. vas donc!., vous ne pouvez pas dire : niiez donc {Lisant.) « Aiiioiird'hui, qu'en échange du € sacrilice (jiie j'exige de vous, vous me demandez un • engagement formel qui vous assure ma main... fe « déclare (|u'eiie vous ap|)ai lient! .le vous engage ici i nif//*oi... et c'est là un serment auquel je ne manquerai f jamais... dusfé-je. pour le tenir, attendre le moment « où je serai maîtresse de disposer de moi !» FÉLIX , « part. Cie\ ! ACTi:: II, se t. M:: X. 91 BE.AUVolii.N, uchcvcint. « Jusque !à... je ne nie cioirais (It'gajjëe — yue si vous-niêine. vous nie rendiw, nia parole'... (Lui rnun- traul lu siyïtulure ) \alenlniii de la .>larnière... » F'.l la daie... il y a liiiii jours !... FÉLIX, il serait |iu.>,sible !... VALENTINE, à purl. (^oninse il paraîi iii.illiemeux '. Oii ! si j'avais su !... BL.\u\oisi.>i , à part, il est, lioi nbleuieiit vexe ; ça me venge !... FEUX, d pari. J aurais un jjlaisir a le boui'ileltfr !... {Uuut.) \a-l'en... l'ion 1... le.ic:... BKAUvoisiN. C'esl inilëceiii! vous me luloyi-z loii- jourslliesle! va-l'en!. .. j'ai lair de voire doinesliqael... je lerai cetiu'il me jdaiia. .le m'en vais!... FÉLIX, avec colère. (>etl.e lettre n'a aucune valeur , monsieur!... BEAUvoisiN , rcvciutnl. LWa en aura dans trois mois, monsieur, puisipie mademoiselle sera majeure... et je l'épouserai malgré vous ! FÉi.ix. Je l'en empêcherai bien ! BEAUvoi.i. frnppd. Ab! mon Dieu!... son trou- ble !... est-ce (jiie j'aurais fait un coup de partie san. , ciiABANAis, devinant. .\\\ ! l)ah !... BEAUvoisiN, se frappatit le front, .l'eu ai eu l'idée !.. m"" de MAniiuiL. Irambliinle de joie. Coiuaienl... ( Félix.) Toi, qui la délesle .. FÉLIX , avec tendresse. Jiisiemt.'iil ! je veux la rendi.: bien malheureuse !... m""' I)K niAïu.L'ii, , à Falentine. Toi , qui élais si :'i- rieuse contre Itii ?... vALENiiNK, tendant la main à Félix. Vous voyez!,... m"^'' 1)12 MAHiiUiL. El lu l'épouserais?. . vALENTiNt; , souriant. Oui , ma laiile... pour taur toujours en tutelle, CH.MJANAis , bus à Beauvoisîn. Deaiain malin .. jo vous altendrai. BEAUvoisiN, avec aplomb. Cj'osl L'en, monsieur!... {A pari ) Il m'attendra !.. voilà tout ! CHOliUll FINAL. Air : Au bruit du Champagne. Qu'une heureuse ivresse Aiiiaio tous les yeux... El qu'en ces lieux llègne enfin raliégressc ! Non, non, plus de lrisle.>se, Puisque les plus doux nœuds ,, 11. nos , (.oniblenl , vœux ! leurs r/jv. PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY ^ PQ Duveyrier, Anne Honoré 2235 Joseph D96T8 Un tuteur de vingt ansl